Le 6 juin 2005
FORT LAUDERDALE (Floride)
2005/24
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE PIERRE PETTIGREW,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
À L’OCCASION DE LA SÉANCE PLÉNIÈRE
DE LA 35e SESSION ORDINAIRE DE L'ASSEMBLÉE
GÉNÉRALE DE L'ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS
« RENDRE RÉELS LES BIENFAITS DE LA DÉMOCRATIE »
Le Canada est fier d'avoir accédé au statut de membre à part entière de l'Organisation
des États américains [OEA], il y a 15 ans. Par cette adhésion, nous souhaitions
marquer notre appartenance et notre attachement à cet hémisphère, uni par une
détermination commune à promouvoir les valeurs démocratiques. C'est aussi cette
volonté de renforcer la culture démocratique qui nous motive à créer et à améliorer
différents instruments susceptibles de guider notre action. Par exemple, nous avons
donné vie à un document unique en son genre, la Charte démocratique
interaméricaine, qui définit clairement notre conception de la démocratie dans les
Amériques, et dont les principes stricts orientent nos efforts lorsque nous traversons
des périodes difficiles. Nous nous sommes dotés de la première convention contre la
corruption, ainsi que d'une convention contre le terrorisme respectueuse des droits de
la personne. Nous avons réaffirmé, dans la Déclaration sur la sécurité dans les
Amériques, que la démocratie était un préalable essentiel à la stabilité, à la paix et au
développement des pays de l'hémisphère. Dans le même élan, nous nous sommes
engagés à ce que la coopération visant à contrer les menaces traditionnelles et
nouvelles pour la sécurité respecte les valeurs démocratiques, les droits de la personne
et les libertés fondamentales.
Malgré les progrès considérables réalisés à ce jour, tous nos citoyens ne bénéficient
pas du même accès aux avantages de la démocratie. Trop souvent, dans la région, la
possibilité de choisir un dirigeant démocratiquement élu ne se traduit pas par l'accès à
une meilleure éducation, à des possibilités d'emploi ou à la sécurité alimentaire. Ainsi,
en dépit de nos avancées, les taux de pauvreté sont encore alarmants, et les inégalités
sociales demeurent parfois considérables; cette pauvreté et ces inégalités sont trop
souvent liées au sexe et à l’origine ethnique. La lenteur des progrès dans la lutte contre
la pauvreté, comme la distribution de plus en plus inégale de la richesse nationale,
conjuguées à l'inefficacité des systèmes judiciaires, et aux insuffisances des services
sociaux, entraînent une érosion de la démocratie, un affaiblissement des infrastructures
institutionnelles, et une montée de l'instabilité.
Il est certes important de prendre la mesure des progrès accomplis jusqu'ici, mais nous
devons aussi agir dès maintenant, pour que le mécontentement envers les
gouvernements élus ne se traduise pas par un désenchantement à l'égard de la
démocratie même. Aussi bien dans cette enceinte qu'à l'occasion du Sommet des
Amériques, nous avons pris l’engagement de renforcer la démocratie et de veiller au
mieux-être de nos citoyens. Pour les populations des Amériques, il est essentiel que la
démocratie procure des avantages dont tous puissent profiter. Mais comment faire en
sorte que ces engagements et les promesses de la démocratie se concrétisent?
Comme je l'ai mentionné précédemment, notre hémisphère a la chance de posséder
des institutions et des mécanismes uniques en leur genre. Nous devons maintenant
voir comment il est possible de les renforcer, pour que nos populations obtiennent les
services et les résultats dont elles ont besoin. Lors du Sommet extraordinaire des
Amériques de Monterrey [au Mexique], en 2004, nous avons souligné la nécessité de
nous attaquer immédiatement « aux questions politiques, économiques et sociales pour
renforcer la crédibilité des institutions démocratiques et la confiance du public à leur
égard ». Il ne suffit pas, pour nos citoyens, d'avoir la possibilité de voter à intervalles
réguliers. La gouvernance démocratique comporte de multiples dimensions. À cet
égard, nous avons un rôle à jouer dans les efforts visant à garantir la transparence,
l'accessibilité et la probité de nos institutions, l'efficacité et l'intégrité des systèmes
judiciaires, la crédibilité des systèmes politiques ainsi que la séparation effective des
différents pouvoirs dévolus à l'État. À cela s'ajoute la nécessité de promouvoir
l'instauration d'un environnement sûr et stable, de nature à permettre le plein respect
des droits de la personne et des libertés civiles.
La lutte contre la corruption revêt également une importance cruciale. Son lien avec le
développement social et la démocratie constituait d'ailleurs le thème de la
34e Assemblée générale de l’OEA, tenue à Quito [Équateur], en juin 2004. Le Canada
se réjouit de la décision de déclarer 2006 « Année interaméricaine de la lutte contre la
corruption », car cela nous permettra de continuer à lutter contre ce problème et tout ce
qui s'y rattache, comme le blanchiment d'argent et la criminalité, et de réaffirmer notre
soutien à la Convention interaméricaine contre la corruption et à son mécanisme de
suivi.
J'ai souligné le caractère unique de la Charte démocratique interaméricaine qui a déjà
fait la preuve de son utilité face à certaines situations préjudiciables à la démocratie
dans la région. Toutefois, nous n'avons pas utilisé tout son potentiel. C'est à nous, les
États membres, qu'il incombe de faire appliquer et de renforcer cet instrument. Nous
devons également nous rappeler que celle-ci consacre l'interdépendance de la
démocratie et du développement social et économique, ainsi que leur capacité à se
renforcer mutuellement. Nous devons veiller à ce que la démocratie se traduise par des
avantages, de façon à la renforcer et à lui redonner sa crédibilité.
Pour que nos citoyens prennent à cœur la démocratie, nous devons également,
conformément à la responsabilité qui nous incombe, veiller à accroître leur
participation. À cet égard, il convient d'accorder une attention toute particulière aux
groupes vulnérables, y compris les femmes, les jeunes, les minorités et les groupes
autochtones, souvent exclus des processus politique, économique et social. Par
ailleurs, pour que les avantages de la démocratie profitent à ceux qui en ont le plus
besoin, ces derniers doivent pouvoir faire entendre leur voix et exprimer leurs
préoccupations dans les institutions vouées à la recherche de solutions à leurs
problèmes.
Le Sommet extraordinaire de Monterrey a joué un rôle important en ce qu'il a permis de
mettre en relief les enjeux liés au développement social dans l'hémisphère.
L'élaboration d'une charte sociale interaméricaine s'avérera également importante dans
la mise en place de principes directeurs pour le développement social et la lutte contre
la pauvreté dans notre région. Bien entendu, il incombe, d'abord et avant tout, à chaque
État membre de prendre les dispositions nécessaires pour veiller au mieux-être de sa
population et lui permettre de réaliser tout son potentiel. Toutefois, ensemble, les États
membres peuvent mettre en commun leurs réussites et leurs expériences, et compter
sur les compétences et le soutien des différentes institutions de l'hémisphère.
L'OEA joue un rôle essentiel dans la promotion de la démocratie, des droits de la
personne, du développement social et de la prospérité économique. Au cours de la
dernière année, elle a surmonté différents obstacles à la démocratie dans la région, y
compris en Haïti, où elle joue un rôle actif. Les difficultés auxquelles la région doit faire
face font clairement ressortir la nécessité d'une OEA forte, saine et énergique. Il
appartient aux États membres de veiller à ce que l'Organisation reçoive le soutien
nécessaire, y compris les ressources financières voulues pour l'exécution de son
importante mission.
Dans l'hémisphère, nous avons également la chance de pouvoir compter sur une
société civile active, engagée et bien informée, qui nous aide, en tant que partenaire, à
réaliser ces objectifs. Peu de régions peuvent faire appel à un nombre aussi grand
d'organisations de la société civile désireuses de partager leur expertise et leurs idées.
Ces ressources représentent un énorme potentiel, que nous devons nous attacher à
mieux mettre en valeur.
La nécessité de concrétiser les promesses de la démocratie n'est que l'un des
nombreux enjeux auxquels est confronté l'hémisphère. Pour continuer à jouer son rôle
essentiel dans la région, l'OEA devra elle-même moderniser son fonctionnement. Nous
sommes heureux de saluer l'arrivée du secrétaire général [José Miguel] Insulza, qui en
tiendra désormais les rênes. Nous sommes convaincus que, sous sa direction, nous
mènerons à bien le travail important qui nous attend. Le secrétaire général Insulza tout
comme les autres États membres peuvent compter sur la collaboration pleine et entière
du Canada, pour que l'OEA demeure une instance dynamique, pertinente et unique en
son genre, vouée au mieux-être des populations des Amériques.
Je vous remercie.