M. EGGLETON - ALLOCUTION À L'OCCASIONDE L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ANNUELLEDE L'ASSOCIATION DES UNIVERSITÉS ET COLLÈGES DU CANADA,HART HOUSE, UNIVERSITÉ DE TORONTO - TORONTO (ONTARIO)
96/38 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE ART EGGLETON,
MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL,
À L'OCCASION
DE L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ANNUELLE
DE L'ASSOCIATION DES UNIVERSITÉS ET COLLÈGES DU CANADA,
HART HOUSE, UNIVERSITÉ DE TORONTO
TORONTO (Ontario)
Le 2 octobre 1996
Non loin d'ici, gravée au fronton du beau vieux Collège Victoria, une devise sans âge nous rappelle que « La vérité, c'est la liberté ». La recherche de la vérité
constitue assurément l'essence et le but mêmes d'un programme d'études universitaires ou collégiales.
Pourtant, comme on l'a déjà fait observer, le plus grand ennemi de la vérité n'est pas le mensonge - délibéré, retors et malhonnête -, mais bien le mythe -- tenace,
persuasif et vraisemblable.
Je vous entretiendrai aujourd'hui du pouvoir envoûtant de deux mythes qui nous empêchent d'avancer.
Le premier de ces mythes, c'est qu'il n'y a pas d'emplois pour nos jeunes. Que nos enfants n'auront pas les mêmes possibilités que nous. Qu'ils sont voués à une
existence étriquée dans un pays moins bien nanti.
Tout cela est faux!
Pour citer quelques exemples dans un seul domaine, le Conseil des ressources humaines de logiciel estime qu'il y aura 20 000 postes à pourvoir dans l'industrie du
logiciel en 1997. De son côté, la société Star Data Inc., de Markham, qui fabrique des terminaux informatiques permettant aux courtiers en placements de déterminer les
cotes en Bourse, compte embaucher 80 personnes cette année. À Ottawa, enfin, selon son directeur du personnel et du développement, la société de logiciels Cognos
cherche à recruter de 45 à 50 employés.
Permettez-moi de vous dire ce que je vois de mon poste d'observation en tant que ministre du Commerce international.
Au cours de mes voyages à l'étranger, je vois un monde débordant de nouvelles possibilités, de nouveaux défis, de nouvelles promesses.
Je vois les barrières qui retenaient les générations précédentes céder sous la double poussée de la démocratie et de la libéralisation du commerce. Je vois s'ouvrir
des marchés dont l'accès restait du domaine du rêve voilà quelques années à peine.
Je vois aussi que les diplômés et les établissements d'enseignement du Canada sont tenus en haute estime dans plusieurs régions du monde. Tous les ans, les Microsoft
et autres entreprises de pointe viennent recruter chez nous en grand nombre les meilleurs et les plus doués -- la crème de la crème -- non seulement parmi les Canadiens
mais à l'échelle du globe.
Je vois les chiffres de notre commerce monter en flèche pour enregistrer des excédents record à mesure que les Canadiens se lancent à la conquête du monde, et gagnent.
Et je constate les effets de leurs succès dans le domaine des emplois et de la croissance ici même, au pays.
Au Canada, un emploi sur trois dépend maintenant de nos échanges commerciaux. Le commerce extérieur est devenu le moteur de notre économie, et il représente déjà
37 p. 100 de notre PIB [produit intérieur brut]. Année après année, nos succès se multiplient.
Nous nous sommes taillé une place à titre de puissance commerciale dans le monde et, comme de nouveaux marchés s'ouvrent chaque jour, les possibilités qui s'offrent à
nous sont vraiment à vous couper le souffle.
Et pourtant, quand je rentre de l'étranger, un tableau quelque peu différent m'attend au Canada. Au lieu de considérer que le monde leur appartient, beaucoup de nos
jeunes envisagent l'avenir avec crainte et désenchantement.
Au lieu de saisir les avantages qu'apporte la libéralisation des échanges, ils redoutent la mondialisation, la tenant pour un voleur d'emplois et un agent
perturbateur.
Il est frustrant que ces jeunes perdent courage parce qu'ils ne voient pas les mêmes choses que moi. Partageant votre foi dans la jeunesse, je me pose certaines
questions, par exemple : Que puis-je faire, moi, en tant que ministre, pour modifier leur vision du monde? Que peuvent faire les gouvernements? Ou encore les milieux
universitaires et les entreprises?
Nous devons nous attaquer de front au malentendu voulant qu'il n'y ait pas d'emplois au Canada. Il s'agit d'un mythe non seulement débilitant mais dangereux, car une
génération sans espoir est une génération sans but.
Pendant que nos jeunes sont en proie à ces angoisses, beaucoup de nos gens d'affaires s'arrachent les cheveux à la recherche de diplômés ayant les qualités voulues
pour occuper des postes stimulants et hautement rémunérés, tant au Canada qu'à l'étranger.
De toute évidence, quelque chose ne vas pas.
Le président d'une grande société torontoise de l'aérospatiale m'a fait part, au cours d'une conversation, de deux préoccupations : son entreprise a du mal à trouver
des gens ayant les compétences voulues, et ceux qui possèdent ces compétences spécialisées n'ont pas la polyvalence et la faculté d'adaptation recherchées.
Jour après jour, j'entends ces mêmes préoccupations de la part d'entreprises, grandes et petites, qui cherchent désespérément des personnes qualifiées et ce,
uniquement pour répondre à la demande existante. Que de fois me suis-je fait dire qu'une société avait du mal à prendre de l'expansion parce qu'elle n'arrivait pas à
trouver les personnes voulues.
Et il n'est pas question d'opposer les arts libéraux et les études appliquées, mais bien de produire des étudiants formés à l'une et l'autre de ces disciplines.
Par conséquent, nous avons plus que jamais besoin d'étudiants formés à la pensée critique et à l'analyse, et capables de s'exprimer clairement -- toutes qualités qui
sont la marque même de l'enseignement des arts libéraux.
Et, dans un monde chaque jour plus interdépendant, la capacité de parler d'autres langues, de comprendre d'autres cultures ou d'apprécier l'histoire d'autres peuples,
constitueront des atouts précieux -- comme c'est déjà le cas dans le domaine du commerce international, où les marchés d'Asie et d'Amérique latine, par exemple,
émergent comme les principaux débouchés commerciaux dans le monde.
Loin de constituer un luxe que nous ne pouvons nous offrir, la formation de citoyens aux talents multiples, à la fois adaptables et innovateurs, est un atout dont nous
ne pouvons plus nous passer.
Ces mêmes impressions sont confirmées par une étude récente de l'Université York, qui semble notamment indiquer que les universités consacrent trop peu de temps à
l'enseignement de compétences de cette nature. De plus, certains étudiants, par ailleurs extrêmement qualifiés, seraient incapables de rédiger un rapport même si leur
vie en dépendait.
Et si nous avions besoin d'autres preuves de l'existence d'un problème, celles-ci nous sont fournies par le Conference Board du Canada, dont le « Profil des
compétences relatives à l'employabilité », établi par les employeurs, fait la liste des principaux éléments requis pour réussir sur le marché du travail.
Et qu'y a-t-il en tête de liste? La capacité de communiquer, de raisonner et d'apprendre à apprendre. Il semble bien que Marshall McLuhan avait raison lorsqu'il
affirmait qu'il nous faudrait un jour non seulement gagner notre vie mais aussi « apprendre à vivre ».
Il me semble donc que, pour détruire le mythe de la pénurie d'emplois, il nous faut doter les étudiants des compétences qui leur permettront d'occuper les emplois qui
existent déjà, et les orienter vers les emplois de l'avenir.
Dans cette optique, le gouvernement a, à mon avis, pour rôle d'aider à cerner les secteurs de notre économie qui recèlent les plus grandes perspectives de croissance
et d'embauche. Au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, grâce à nos missions à l'étranger qui possèdent des sources de renseignements partout
dans le monde, nous disposons de données sur les secteurs les plus prometteurs et sur les secteurs de croissance qui engendreront le plus d'emplois.
Nous avons repéré un certain nombre de secteurs qui connaissent déjà une croissance explosive et d'autres qui les suivront bientôt. Certains nous viennent
immédiatement à l'esprit, telles les industries des télécommunications et de l'environnement, alors que nous ne penserions peut-être pas à d'autres comme
l'aérospatiale et l'agroalimentaire.
Le problème revient à trouver le moyen de transmettre cette information à ceux qui en feront le plus grand usage, j'entends par là, les entreprises, les universités,
les écoles secondaires, les conseillers en orientation et les étudiants.
Nous disposons de divers outils. Nous pouvons sûrement faire un meilleur usage des moyens dont nous disposons pour faire savoir que ce sont là les marchés et les
secteurs où il faudra se trouver à l'avenir. Ceux et celles qui s'orienteront vers ces domaines, qui feront des affaires avec ces pays, pourront obtenir ce qu'ils ou
elles désirent.
C'est la façon de détruire le mythe voulant qu'il n'y ait pas d'emplois ou de débouchés.
Le second mythe, qui est étroitement lié au premier, tient dans l'idée que l'éducation ne sert plus à rien. Pourquoi s'éreinter à des études collégiales ou
universitaires, alors qu'aucun débouché ne se présentera à nous en bout de ligne?
Vous et moi avons l'obligation de lutter contre ce mythe avec des faits.
Nous devons répéter maintes et maintes fois ce message simple : il existe une forte corrélation entre éducation et emploi.
Les statistiques sont éloquentes : chez ceux et celles qui détiennent un diplôme collégial ou universitaire, le taux de chômage est toujours plus faible que chez ceux
et celles qui ont tout au plus terminé l'école secondaire. Par ailleurs, depuis 1992, le taux de chômage chez les titulaires de diplômes d'études postsecondaires a en
fait diminué.
Par conséquent, on peut affirmer que l'éducation mène à des emplois et que la formation dans un domaine recherché offre des possibilités et des débouchés qui dépassent
largement notre imagination.
Voilà donc les mythes que nous devons vaincre. Mais, s'il est facile de les identifier, la marche à suivre n'est pas évidente. Permettez-moi de vous suggérer quelques
pistes de réflexion.
Manifestement, l'amélioration de l'information et de l'échange de cette information fait partie des moyens de dissiper les mythes.
L'un des outils très prometteurs consiste à associer de façon plus méthodique les entreprises et les établissements d'enseignement. Dans cette optique, ces dernières
années ont vu naître des partenariats exaltants entre des établissements d'enseignement postsecondaire et le secteur privé. Les centres d'excellence, les projets de
recherches conjointes, les bourses d'études financées par l'entreprise, les périodes de travail spéciales et d'autres partenariats encore représentent de grands pas
dans la bonne direction.
Ces partenariats tiennent compte de la nécessité d'adapter les programmes que vous offrez aux besoins des entreprises. Cependant, aujourd'hui, nous devons nous
demander comment transposer ces efforts au prochain échelon.
Comment nous assurer que l'offre de compétences satisfait à la demande? Et comment parvenir à doter nos étudiants des compétences qui serviront dans les domaines que
nous avons désignés tout à l'heure, les secteurs qui croissent plus vite et qui offrent plus de débouchés?
De plus, comment harmoniser ces divers programmes pour qu'ils contribuent à une stratégie cohérente et efficace?
Je me demande si nous ne pourrions pas créer un nouveau partenariat qui engagerait l'entreprise, les maisons d'enseignement et les pouvoirs publics afin de parvenir à
une approche coordonnée, fondée sur la même perception des débouchés. Par exemple, une alliance possible pourrait naître du jumelage d'associations comme la vôtre avec
l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada et des fonctionnaires du Ministère pour relever les défis auxquels nous faisons face.
Nous, au gouvernement, pensons que si nous partageons les renseignements que nous possédons sur les secteurs en pleine croissance de notre économie, les entreprises ne
seront pas les seules à en profiter. Vos étudiants aussi y gagneront, car ils sauront où canaliser leurs efforts.
Cette démarche coopérative a donné de bons résultats dans les missions commerciales de « l'Équipe Canada » à l'étranger, où les gouvernements fédéral et provinciaux
ont uni leurs efforts à ceux du monde des affaires et ont négocié pour les sociétés canadiennes des contrats estimés à plus de 20 milliards de dollars. Et l'on estime
que, pour chaque milliard de dollars d'exportations, 11 000 emplois au Canada sont créés ou maintenus.
Pourquoi ne pas recourir à la même approche en éducation? Pourquoi ne pas joindre nos forces pour que, de la sorte, nos entreprises disposent d'un personnel qualifié
et que nos diplômés trouvent des emplois?
Il y a un moment, j'ai souligné le problème de l'exode de nos diplômés les plus brillants et les meilleurs vers les entreprises internationales, américaines
habituellement, qui leur font des offres que les sociétés canadiennes ne peuvent espérer concurrencer.
Comment garder nos enfants au Canada? Nous faut-il un autre programme comme celui qui a été instauré à la fin de la Seconde guerre mondiale, qui offrirait des
possibilités de formation et de recyclage?
Je suis ouvert aux suggestions; en ma qualité de ministre je me suis engagé à doubler le nombre d'exportateurs actifs d'ici à l'an 2000, et c'est d'emplois qu'il est
question. Je sollicite vos idées. Vous pouvez m'écrire ou m'envoyer un message sur Internet, à l'adresse suivante : eggleton.tph.ca.
Les mythes jumeaux, à savoir qu'il n'y a pas d'emplois et que l'éducation ne sert à rien, ont assez vécu. En conjuguant nos efforts, en combinant nos ressources et en
canalisant nos énergies, nous pouvons montrer la voie à nos jeunes.
Je suis convaincu qu'en concertant nos actions nous pourrons jeter un pont sur l'abîme entre le monde tel que je le perçois et celui que craignent beaucoup de nos
jeunes.
En unissant nos efforts, nous serons comme le marin envoyé au sommet du plus grand mât d'un navire et qui, de cette position avantageuse, aperçoit la terre, alors que
tous les autres ne voient encore que l'océan. Notre rôle est de faire connaître les débouchés qui se présenteront de sorte que d'autres puissent naviguer dans la bonne
direction.
Merci.