M. AXWORTHY - ALLOCUTION SUR LE CONFLIT AU KOSOVO - OTTAWA (ONTARIO)
99/23 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE LLOYD AXWORTHY,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
SUR LE CONFLIT AU KOSOVO
OTTAWA (Ontario)
Le 24 mars 1999
(16 h 10 HNE)
La communauté internationale fait face aujourd'hui à une situation, au coeur de l'Europe, où un gouvernement prive
sa population des droits les plus fondamentaux, emploie une force disproportionnée pour réprimer la dissidence,
envoie des chars et des canons pour détruire des villages, ôte la vie à des civils innocents et force des centaines
de milliers de personnes à quitter leur foyer pour affronter le froid de l'hiver.
Depuis 10 ans, le monde assiste à une tragédie dans les Balkans. Ce fut le cas d'abord en Slovénie, puis en
Croatie, puis en Bosnie. Au cours des 12 derniers mois, le même scénario de violence disproportionnée contre
des civils appartenant à un groupe ethnique cible est apparu au Kosovo.
Les efforts internationaux : ONU, OSCE, Rambouillet
La communauté internationale n'a ménagé aucun effort pour encourager la République fédérale de Yougoslavie
[RFY] à trouver un arrangement pacifique avec sa population kosovar albanaise. Des dizaines de missions
diplomatiques ont été envoyées à Belgrade et le Conseil de sécurité de l'ONU [CSNU], invoquant le chapitre VII de
la Charte des Nations Unies, a pris des résolutions cruciales présentant le conflit comme une menace à la paix et
à la sécurité dans la région.
Les résolutions 1199 et 1203, ainsi que les accords d'octobre entre la RFY et l'Organisation pour la sécurité et la
coopération en Europe [OSCE] et l'OTAN [Organisation du Traité de l'Atlantique Nord], imposent à la RFY
l'obligation légale claire de respecter un cessez-le-feu, de protéger la population civile et de limiter le déploiement
de ses forces de sécurité au Kosovo.
En octobre, une mission de vérification a été créée sous l'égide de l'OSCE. Elle n'avait pas seulement pour but
d'observer l'application du cessez-le-feu, mais aussi de renforcer la confiance.
Enfin, les parties ont été convoquées à une conférence internationale de paix à Rambouillet, où elles ont été
invitées à renoncer à leurs positions maximalistes et à accepter un compromis de paix honorable. Les Kosovars
ont fait preuve de courage et de vision en signant un accord. Seul le président yougoslave est resté sur ses
positions et a refusé de se départir de son intransigeance.
L'action du Canada
Le Canada a sans cesse réclamé l'engagement le plus fort possible du CSNU dans le dossier du Kosovo. Au
cours de l'été et du printemps, j'ai ordonné aux diplomates canadiens d'engager le CSNU à agir au Kosovo,
conformément au mandat et au devoir du Conseil. À titre de président du Conseil, en février, notre ambassadeur a
présidé de nombreuses séances consacrées à la situation au Kosovo. Nous avons appuyé les négociations de
paix de Rambouillet. Nous avons participé activement aux efforts accomplis par l'OSCE pour observer
l'application d'un cessez-le-feu, engager les parties au dialogue et renforcer la confiance.
En mars et juin 1998, j'ai annoncé des mesures destinées à inciter la RFY à résoudre la question du Kosovo :
suspension des crédits de la SEE [Société pour l'expansion des exportations] à la RFY; suspension des
discussions sur les droits d'atterrissage de JAT [Lignes aériennes yougoslaves]; suspension d'autres accords
bilatéraux; interdiction des investissements en Serbie et blocage des actifs des gouvernements serbe et
yougoslave au Canada. Certaines de ces mesures ont été prises en vertu de la Loi sur les mesures économiques
spéciales, suite à une décision du G-8.
Nous avons aussi soutenu les efforts des organismes humanitaires internationaux. L'ACDI [Agence canadienne de
développement international] a dépensé jusqu'à maintenant 3,18 millions de dollars pour des fournitures de base
comme les vivres, l'eau, le logement et les fournitures médicales, à savoir :
UNICEF, préparation au Kosovo (430 000 $);
Haut Commissariat aux réfugiés (1 200 000 $);
Programme alimentaire mondial (300 000 $);
Croix-Rouge (900 000 $);
CARE Canada (350 000 $).
Échec des efforts, désastre humanitaire
Les efforts diplomatiques de la communauté internationale ont malheureusement échoué. Le désastre humanitaire
imminent causé par le refus du président Milosevic d'accepter tout compromis pacifique nous laisse très peu
d'options. La situation se détériore chaque jour, et c'est la population civile qui en souffre. Selon le Haut
Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, plus de 450 000 personnes ont été déplacées par le conflit au
Kosovo, dont 260 000 à l'intérieur même du Kosovo. On estime que plus de 25 000 personnes ont été déplacées
depuis le 20 mars.
Aussi longtemps qu'il persiste, le conflit au Kosovo menace de précipiter un désastre humanitaire et déstabilise
l'ensemble de la région.
Action de l'OTAN, objectifs, protection des Canadiens
Nous avons toujours préféré une solution diplomatique, et toutes les chances de réussite ont été données à la voie
diplomatique. L'oppression que continuent d'exercer au Kosovo le gouvernement, les forces armées et la police de
la RFY, le refus persistant du gouvernement Milosevic d'appliquer les accords conclus avec l'OSCE et l'OTAN, et
son refus obstiné de se plier aux exigences des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies -- actions
qui ont contribué à faire monter la tension et qui créent une grande crise humanitaire -- ne laissent à l'OTAN
d'autre choix que de prendre les mesures qui s'imposent.
L'OTAN est prête à agir, et le Canada est prêt à participer. Les Forces canadiennes ont, dans la région, six avions
CF-18 qui peuvent appuyer les opérations de l'OTAN.
L'OTAN a d'abord pour objectifs d'éviter une crise humanitaire en obligeant la RFY à honorer ses obligations, y
compris le respect d'un cessez-le-feu, de mettre fin à la violence contre la population civile, de faire respecter
pleinement les limites imposées aux forces de sécurité de la RFY selon l'entente du 25 octobre 1998, et de
presser la RFY de signer un Accord de paix sur le Kosovo.
Pendant que l'OTAN se préparait pour l'action, nous nous sommes assurés que les Canadiens vivant en RFY
étaient bien au fait de la situation. Tous les membres de la MVK [Mission de vérification au Kosovo] ont maintenant
quitté la RFY. Même chose pour les employés canadiens de notre ambassade à Belgrade, qui a temporairement
suspendu ses opérations. Avant son départ, l'ambassadeur du Canada a été constamment en contact avec les
Canadiens enregistrés auprès de l'ambassade. Nous avons conseillé aux Canadiens de retarder tout voyage en
RFY. À ceux qui se trouvent déjà en Yougoslavie, nous avons recommandé de quitter immédiatement le pays par
le moyen le plus sûr possible.
Le Kosovo et la politique étrangère canadienne : l'importance du Kosovo pour le Canada
Les considérations humanitaires sont le principal motif de notre action. Nous ne pouvons rester inactifs pendant
que toute une population est déplacée, que des gens sont tués, que des villages sont brûlés et pillés, et qu'une
population se voit refuser ses droits fondamentaux parce qu'elle n'appartient pas au « bon » groupe ethnique.
Nous restons très préoccupés par les atrocités potentielles. Les responsables de ces actions contre les civils
devraient savoir qu'ils en seront tenus responsables.
Le Kosovo enchâsse plusieurs aspects de la vue que le Canada a du monde. Nous voulons un monde où les droits
sont respectés, un monde où des solutions pacifiques aux conflits régionaux sont négociées, un monde où les
criminels de guerre n'agissent pas avec impunité, un monde libéré des mines terrestres. Nous voulons consolider
le système multilatéral qui a été créé pour rendre le monde meilleur par le biais d'institutions comme l'ONU,
l'OSCE et l'OTAN.
Merci.