M. MARCHI - ALLOCUTION À LA CONFÉRENCE D'ORIENTATION DE 1999 DE L'ASSOCIATION CANADIENNE DE SCIENCE ÉCONOMIQUE DES AFFAIRES - OTTAWA (ONTARIO)
99\24 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE SERGIO MARCHI,
MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL,
À LA CONFÉRENCE D'ORIENTATION DE 1999
DE L'ASSOCIATION CANADIENNE DE SCIENCE
ÉCONOMIQUE DES AFFAIRES
OTTAWA (Ontario)
Le 25 mars 1999
(14 h HNE)
Chaque fois que j'ai l'occasion de rencontrer des économistes, une citation d'Henry Kissinger surgit
inévitablement à mon esprit. « On avait l'habitude de dire, écrivait-il, que mes connaissances en économie étaient
un argument contre le suffrage universel. Et j'avais tendance à le croire jusqu'à ce que je commence à avoir affaire
aux économistes. »
À certains égards, cette « science funeste » souffre seulement de mauvaises relations publiques. John Maynard
Keynes avait raison quand il déclarait que « si les économistes pouvaient s'arranger pour être considérés comme
des gens humbles et compétents, comme sont les dentistes, ce serait formidable. »
Naturellement, il en est de même pour les hommes politiques! Également d'un professionnel, à l'humilité et à la
compétence d'un dentiste, à un autre, je voudrais vous dire combien je suis heureux d'être parmi vous ce soir!
Le thème de votre conférence de cette année ne pouvait pas être mieux choisi. « Le Canada dans l'économie
mondiale » est non seulement un titre accrocheur, c'est aussi un fait indéniable. Nous sommes effectivement dans
une économie mondiale, nous sommes reliés aux marchés étrangers comme nous ne l'avons jamais été
auparavant et nous devons participer aux institutions internationales qui s'efforcent d'établir des règles et de faire
régner l'ordre dans le commerce extérieur.
L'accès à des marchés vitaux constitue l'une des exigences clés pour connaître le succès dans l'économie
mondiale. Je suis heureux de diffuser ce soir Ouverture sur le monde : Priorités du Canada en matière d'accès
aux marchés internationaux --1999. Ce rapport met l'accent sur les grandes initiatives en matière d'accès aux
marchés que nous poursuivons depuis l'an dernier, tout en exposant nos priorités et nos défis pour l'année
prochaine.
Ce soir, je voudrais parler d'un autre aspect de la participation du Canada à l'économie mondiale; il s'agit de la
prochaine série de négociations à l'Organisation mondiale du commerce [OMC]. J'aimerais aborder le sujet sous
quatre angles différents.
Premièrement, il est important de reconnaître d'où vient la communauté internationale.
Comme vous le savez, la série de négociations de l'Uruguay Round, terminée en décembre 1993, a renforcé
considérablement le système d'échanges internationaux en élargissant les règles et en établissant des
mécanismes efficaces pour résoudre les différends.
Le Canada a bénéficié de ces résultats, premièrement, parce qu'il est très dépendant du commerce et,
deuxièmement, parce qu'il est avantageux de fonctionner au sein d'un système fondé sur les règles où la
puissance n'est pas synonyme de bon droit.
On ne saurait trop insister sur l'importance du commerce pour notre économie. Plus de 40 p. 100 du produit
intérieur brut du Canada provient du commerce et un emploi sur trois dans notre pays est lié à notre capacité de
vendre nos produits et nos services à l'étranger.
Ce sont des faits qu'il faut souligner, car le commerce n'est pas une abstraction. Ce n'est pas quelque chose qui
se produit « là-bas, quelque part ». Il produit de vrais emplois pour des personnes réelles, et cela se passe
localement, dans nos collectivités et dans notre voisinage.
Même si l'Uruguay Round a été utile et s'il a apporté de nombreux avantages concrets au Canada, bien des
questions ne sont pas réglées et celles-ci figureront à l'ordre du jour de la prochaine série de négociations.
Deuxièmement, il est important de se rappeler que, quand nous exportons nos produits et nos services, nous
devons continuer d'exporter nos valeurs.
Le Canada a toujours eu pour position que l'économie globale doit être une entité humaine où le bon
gouvernement, la démocratie et la primauté du droit font en sorte que les avantages apportés par la libéralisation
du commerce soient répartis entre tous les niveaux de la société.
Si nous cherchons seulement à nous implanter sur des marchés sans nous soucier des citoyens qui s'y trouvent,
alors non seulement nous sommes condamnés à l'échec, mais nous le méritons.
Si nous ne modérons pas les efforts que nous déployons pour progresser sans tenir compte pleinement de
l'environnement, nous serons comme la personne qui construit une nouvelle fondation pour sa maison en subtilisant
des matériaux au toit : nous aurons seulement atteint les objectifs d'aujourd'hui au détriment des possibilités de
demain.
Troisièmement, nous avons besoin de reconnaître que le commerce n'est pas seulement une abstraction
internationale.
L'ancien président de la Chambre des représentants, M. Tip O'Neil, avait l'habitude de dire que toutes les
politiques sont locales, c'est-à-dire que toutes les questions devaient être jugées sur la base de leur influence sur
la vie quotidienne de ses électeurs.
Eh bien, on peut maintenant dire la même chose du commerce. Tout le commerce est local, il fournit des emplois
et des possibilités, non seulement aux peuples du monde entier mais aussi à nos voisins et à nos amis dans les
collectivités et les parcs industriels d'un bout à l'autre du Canada.
De même, les questions abordées dans les négociations commerciales sont d'une nature de plus en plus locale.
Comme vous le savez, les négociations commerciales ne portent plus principalement sur des dossiers comme les
tarifs douaniers et autres « questions frontalières », comme elles sont communément appelées, qui empêchent les
produits d'un pays d'entrer dans un autre.
Aujourd'hui, comme bien des questions de tarif sont réglées, on se penche sur d'autres obstacles au commerce,
comme les normes, les procédures d'attribution de licence et d'approbation, les certifications professionnelles et
de produits et, plus généralement, le cadre de réglementation.
Tous ces sujets relevaient de la compétence de chaque État. Maintenant, ils font de plus en plus partie du domaine
du commerce, et sont discutés à des forums tels que l'OMC.
Le fait est que notre participation à l'économie mondiale, par l'intermédiaire de notre programme commercial, fait
maintenant partie intégrante de notre ordre du jour de politique nationale dans les secteurs des emplois, de la
croissance, de la sécurité et des questions sociales.
Notre politique nationale est donc liée à nos politiques étrangère et commerciale. Pour un nombre croissant de
questions, elles sont identiques.
Par conséquent, il est plus important que jamais que les personnes concernées soient consultées.
L'époque des négociations secrètes est révolue et nous avons besoin d'exposer au grand jour tout le processus
des négociations commerciales.
Si nous voulons obtenir l'appui du public pour poursuivre la libéralisation du commerce, j'estime que nous avons
besoin de rendre tout le processus plus transparent. Les Canadiens veulent que leurs gouvernements et les
institutions internationales soient plus ouverts et responsables.
C'est pourquoi notre gouvernement a entamé récemment une série de consultations nationales auprès des
Canadiens sur l'ensemble de notre programme commercial. J'espère que vous serez nombreux à participer à ce
processus.
Quatrièmement enfin, il y a nécessité d'entamer une nouvelle série de négociations.
Je sais bien qu'après tout le chemin que nous avons parcouru, nous pourrions avoir envie de faire relâche, de
consolider nos acquis, de prendre un peu de repos. La tentation est grande, mais cela serait une grave erreur.
Non seulement la série de négociations de l'Uruguay Round a-t-elle laissé de nombreuses questions en suspens,
mais encore devons-nous veiller à ce que les règles commerciales évoluent au rythme des changements que
connaissent les pratiques commerciales, le secteur de la technologie et les systèmes sociaux. Nous ne pouvons
entrer dans le prochain millénaire avec des règles non adaptées aux nouvelles réalités.
Il nous faut aussi trouver des moyens d'amener les pays moins développés à participer davantage à l'économie
mondiale.
De plus, comme la dernière crise internationale l'a montré, aucun pays ne peut réamorcer sa croissance à partir
de son marché intérieur seulement. Le commerce a le pouvoir de régler ce type de problème et c'est pourquoi
nous devons élargir sa portée.
Nous devons en outre faire avancer les négociations si nous voulons rendre le système commercial vraiment
universel, en intégrant pour cela à l'OMC les grandes économies que sont la Russie, la Chine, le Taïpei chinois,
l'Ukraine et l'Arabie saoudite.
Pour ce qui est de la forme que devraient prendre les discussions, le Canada estime que le mot d'ordre devrait
être « souplesse ». Comme vous le savez, certains voudraient une ronde de négociations globales de sept ans,
tandis que d'autres préféreraient s'attaquer aux questions secteur par secteur.
À notre avis, ces deux formules comportent chacune leurs difficultés.
La formule des négociations globales -- les négociations porteraient sur une multitude de questions et d'intérêts
divergents -- risque d'être trop compliquée et exténuante. Sa logique du « tout ou rien » fait peu de place aux
divergences qui ont tout lieu d'être tenues loin de la table des négociations.
La formule des négociations par secteur, quant à elle, laisse aux pays le loisir de ne sélectionner que les secteurs
faisant leur affaire. Ce comportement tout à fait individualiste dénote du peu de confiance accordée à l'OMC ou du
peu de croyance dans sa capacité de dégager un large consensus.
C'est pourquoi nous avons suggéré de procéder par groupes de secteurs. C'est une formule plus facile à gérer,
plus digeste et plus rapide, dans laquelle chacun trouve son compte.
À mesure que les négociations avanceront dans un groupe de secteurs donné, on pourra appliquer des accords
dans ces secteurs. Les groupes étant détachés les uns des autres, il sera possible d'avancer même si les progrès
sont plus lents ou les résultats plus difficiles à obtenir dans certains secteurs.
La formule donnerait une « moisson précoce » d'accords et imprimerait l'impulsion nécessaire au moment crucial.
Je dois ajouter, à mon grand plaisir, que cette formule semble recueillir un consensus de plus en plus large.
Maintenant, pour ce qui est du contenu, nous estimons que les négociations devraient avoir une vaste assise,
aussi bien pour obtenir de l'appui que pour satisfaire des intérêts très variés.
Cela signifie qu'idéalement, les négociations devraient s'étendre au-delà de l'agriculture et des services,
domaines autorisés pour cette année. Les gouvernements pourraient envisager d'examiner plusieurs autres
points :
-
réduire encore les tarifs sur les produits industriels et les tarifs dits « vexateurs » -- ceux inférieurs à
2 p. 100;
-
s'attaquer aux obstacles non tarifaires, qui comprennent les questions de normes, de valeurs en douanes et
de règles d'origine;
-
mettre un frein au recours abusif aux mesures antidumping, aux mesures de compensation et aux mesures
de sauvegarde, y compris la façon dont ces mesures pourraient s'appliquer aux services;
-
soumettre davantage aux règles le secteur des services et celui du commerce des produits agricoles, y
compris éliminer toutes les subventions à l'exportation et promouvoir la libéralisation de ces secteurs --
celui des services commerciaux en particulier;
-
se pencher sur les questions nouvelles que sont, par exemple, la propriété intellectuelle, le commerce
électronique, la transparence des marchés publics, la politique d'investissement et de concurrence, ainsi
que la culture, l'environnement et la main-d'oeuvre;
-
enfin, veiller à ce que les gouvernements conservent le pouvoir de réglementer lorsque la santé publique, la
protection du consommateur, la politique sociale ou tout autre intérêt public légitime sont en jeu.
J'ai cité, pour commencer, le grand économiste John Maynard Keynes. Je voudrais, pour terminer, en citer un
autre : John Kenneth Galbraith. Galbraith a dit un jour que l'économie n'est pas une vérité durable mais qu'elle a
sans cesse besoin d'être revue et adaptée, et que presque tout ce qui est erroné en elle vient de ceux qui ne
peuvent changer.
Bien sûr, le besoin impérieux de changer ne vaut pas seulement pour l'économie ou les économistes. Chacun
d'entre nous doit s'adapter aux réalités nouvelles qui sont devant nous.
C'est exactement ce que fait le Canada. Nous saisissons les possibilités offertes par la libéralisation du
commerce et nous nous positionnons de manière à l'emporter dans cette ère nouvelle de la concurrence.
Nous devons continuer dans cette voie et faire en sorte que tous les Canadiens profitent des avantages découlant
de la libéralisation du commerce.
Je compte donc sur vous pour me faire part de vos observations et de vos idées à ce sujet, et vous souhaite une
conférence des plus fructueuses.
Merci.