M. AXWORTHY - ALLOCUTION DEVANT L'INSTITUTO TECNOLÓGICO AUTÓNOMO DE MÉXICO (ITAM) « LE PROGRAMME DU CANADA EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ HUMAINE À L'ÉCHELLE DE L'HÉMISPHÈRE » - MEXICO (MEXIQUE)
99/3 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE LLOYD AXWORTHY,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
DEVANT
L'INSTITUTO TECNOLÓGICO AUTÓNOMO DE MÉXICO (ITAM)
« LE PROGRAMME DU CANADA EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ HUMAINE À L'ÉCHELLE DE L'HÉMISPHÈRE »
MEXICO, Mexique
Le 11 janvier 1999
(18 h HNE)
Ce document se trouve également au site Internet du Ministère : http://www.dfait-maeci.gc.ca
Ces dernières années, le Canada et le Mexique ont appris à mieux se connaître. À mesure que nos relations se développent, nos partenariats et
notre coopération augmentent considérablement, aux niveaux international, régional et bilatéral. Un aspect important de ce phénomène est
l'expansion, en nombre et en variété, des contacts directs -- économiques, politiques, sociaux, culturels et universitaires -- entre Canadiens et
Mexicains. À cet égard, je suis heureux de me joindre à vous pour partager quelques réflexions sur la politique étrangère du Canada.
À titre d'observateurs et de praticiens de la politique internationale, vous n'êtes pas sans savoir que la sécurité -- tant de sa réalisation que de
son maintien -- est depuis longtemps un leitmotiv de la politique planétaire. En fait, le Mexique est un chef de file lorsqu'il s'agit de rallier l'accord
international en faveur de la sécurité mondiale, notamment dans le domaine du désarmement et du contrôle des armements. Ce leadership
mexicain s'est manifesté avec brio dans la préparation du Traité de Tlatelolco, lequel, avec d'autres réalisations, a valu à M. Garcia Robles, alors
ministre des Affaires étrangères, le prix Nobel de la paix en 1982.
Aujourd'hui, je voudrais aborder les nouvelles menaces à la sécurité planétaire dans un monde en mutation, passer en revue les réponses du
Canada, discuter de la dimension hémisphérique et m'attarder sur un dossier en particulier, celui de la lutte contre les drogues illicites.
Le défi de la sécurité humaine
Les événements de la dernière décennie ont détourné la communauté mondiale des sentiers battus de la guerre froide pour l'entraîner sur de
nouvelles voies inexplorées, qui la feront entrer dans un siècle nouveau. Par conséquent, il faut mettre à jour nos vieilles balises en matière de
sécurité planétaire. Quelques certitudes émergent du nouveau désordre mondial et nous aident à nous orienter.
De plus en plus, les principales victimes et les principales cibles de conflits violents sont des civils, particulièrement les plus vulnérables. Cela
est dû en partie à la nouvelle physionomie de la guerre. La majorité des conflits se livrent maintenant à l'intérieur des États et non entre eux.
Quoi qu'il en soit, le monde est le théâtre de tragédies humaines aux proportions dévastatrices -- mouvements massifs de réfugiés et violations
les plus graves du droit humanitaire, y compris des actes de génocide.
La nature des menaces à la sécurité mondiale évolue. Ces menaces sont multiformes et ont une dimension transnationale. Les problèmes que
posent les drogues illicites, le terrorisme, la dégradation de l'environnement, les violations des droits humains et la prolifération des armements
ne respectent aucune frontière et recoupent de nombreuses disciplines. Il n'est pas possible de les résoudre unilatéralement. Ils ont cependant
un effet direct sur nous, la sécurité de nos rues, l'air que nous respirons, la qualité de nos vies.
Personne n'est invulnérable; nous sommes tous affectés. La réalité inéluctable de nos vies, aujourd'hui, c'est que nous sommes plus que jamais
reliés entre nous. Nous vivons à l'ère du World Wide Web : les problèmes lointains, isolés de notre vie quotidienne, sont une chose du passé. Et
alors que la mondialisation ouvre des possibilités, elle peut aussi nous exposer tous, particulièrement les plus vulnérables, à l'insécurité
économique et sociale.
Le dénominateur commun de ces nouvelles réalités est leur dimension humaine. Notre monde en mutation place de plus en plus l'individu, ou
plus précisément la sécurité de l'individu, au centre des affaires mondiales. En conséquence, la sûreté et le bien-être de l'individu -- la sécurité
humaine -- sont devenus la nouvelle mesure de la sécurité planétaire.
La promotion d'objectifs humains -- protection contre les exactions, réduction des risques physiques, amélioration de la qualité de vie, et
création des outils nécessaires à l'atteinte de ces objectifs -- imprime comme il se doit un nouvel élan pour une action mondiale concertée.
La communauté internationale se mobilise pour aborder des sujets qui touchent la vie quotidienne. Ces nouvelles menaces exigent que nous
considérions la sécurité du point de vue des besoins humains plutôt que des besoins des États. Non pas que les préoccupations traditionnelles
concernant la sécurité des États soient désuètes. Sécurité humaine et sécurité nationale ne sont pas mutuellement exclusives. Au contraire,
elles sont les deux faces d'une même médaille, la sécurité planétaire.
La réponse du Canada
C'est dans ce contexte que le Canada révise et réoriente les priorités de sa politique étrangère. Nous nous occupons de plus en plus de
questions qui concernent directement l'individu. Cette approche centrée sur la sécurité humaine est fondée sur plusieurs éléments :
L'engagement, et non l'isolationnisme : Il y a longtemps que les Canadiens se sont ouverts au monde. Cette ouverture est source à la fois de
prospérité et de vulnérabilité. Tôt ou tard, directement ou indirectement, l'insécurité des autres devient notre problème et, dans certains cas,
notre propre insécurité. La nature transfrontalière de nombreux défis auxquels nous faisons face rend la coopération à différents niveaux,
mondial, régional et local, d'autant plus essentielle.
La promotion des normes fondamentales de l'humanité : Les nouveaux instruments internationaux, dans le domaine humanitaire et au chapitre
des droits humains, aideront à garantir la protection des individus. Ils élargissent l'application et la portée des normes humanitaires. Ils
définissent une norme plus rigoureuse de comportement mondial, à laquelle nous sommes tous tenus. C'est l'objectif qui a motivé notre appui
énergique à la création de la Cour criminelle internationale.
La promotion de la consolidation de la paix : La sécurité humaine peut être renforcée lorsqu'une société devient plus apte à régler ses différends
sans violence. C'est pourquoi nous avons institué l'Initiative canadienne de consolidation de la paix il y a deux ans. En collaboration avec la
société civile, l'Initiative finance des projets pratiques visant à développer les institutions démocratiques, à renforcer les capacités locales -- par
exemple par la formation de législateurs, de juristes et de fonctionnaires, ou par la création de médias indépendants -- tout cela afin d'instaurer
une paix durable.
La réforme des organisations internationales et régionales existantes : Des institutions créées à une autre époque, comme le Conseil de sécurité
des Nations Unies et l'OEA [Organisation des États américains], doivent mieux refléter l'évolution des menaces à la paix et à la sécurité,
particulièrement leur dimension humaine. Nous y gagnerons la capacité collective, non seulement de réagir aux crises, mais d'être proactifs au
service de la sécurité humaine. Le Canada assumera sa place au Conseil de sécurité ce mois-ci. Nous nous emploierons à mieux intégrer les
préoccupations humanitaires à l'ordre du jour du Conseil.
La recherche de partenariats et coalitions nouveaux et inédits : Le Canada travaille de concert avec d'autres pays de même opinion pour faire
avancer l'action planétaire dans les dossiers de sécurité humaine. Or, il est évident que la politique étrangère n'est plus la chasse gardée des
États-nations et des diplomates. De nouveaux acteurs sur la scène internationale, y compris des organisations non gouvernementales, des
associations de gens d'affaires, des syndicats de travailleurs et des organisations régionales, exercent une influence croissante. Ils peuvent
jouer un rôle positif et productif, comme dans le cas de l'interdiction des mines antipersonnel, où la société civile a contribué à l'atteinte de nos
objectifs.
L'application créative des principes de la puissance douce : Négociation plutôt que coercition, puissance des idées plutôt que des armes,
diplomatie publique plutôt que marchandages en coulisse, voilà les moyens efficaces de promouvoir de nombreux éléments de la sécurité
humaine. À l'ère de l'information, de nouveaux outils de communication en particulier doivent être, peuvent être, et sont utilisés efficacement au
service de nos objectifs.
La dimension hémisphérique
En termes pratiques, tous ces éléments ont inspiré une politique étrangère canadienne plus concentrée sur certains problèmes clés de sécurité
humaine et plus activiste dans ce domaine. Nous avons appliqué cette perspective à notre engagement dans l'hémisphère. De plus d'une façon,
les problèmes de sécurité humaine -- et les réponses collectives de l'hémisphère à ces problèmes -- sont déjà inscrits à l'ordre du jour régional.
À cet égard, le Sommet de Santiago a été un événement marquant. Les quatre thèmes du Sommet -- amélioration de l'accès à l'éducation,
éradication de la pauvreté et de la discrimination, renforcement et préservation de la démocratie, de la justice et des droits humains, et
assurance de la prospérité économique -- reflètent une approche nettement centrée sur l'humain dans les affaires de l'hémisphère. Nos
dirigeants ont fait de ces thèmes une priorité collective. Cela montre que nous sommes déjà en voie de mettre la sécurité humaine en tête des
préoccupations relatives à l'hémisphère. Le Canada accueillera le prochain sommet. Nous collaborons activement avec nos partenaires de
l'hémisphère afin de traduire en progrès concrets les engagements pris au Sommet.
Les préoccupations concernant la sécurité de l'hémisphère ont, de plus en plus, une dimension humaine. Le ferme appui régional aux efforts
visant à interdire les mines antipersonnel illustre de façon éloquente l'application de l'ordre du jour relatif à la sécurité humaine. Trente-trois États
membres de l'OEA ont signé la Convention, et 14 l'ont ratifiée. Des efforts concrets sont en cours pour faire des objectifs de la Convention une
réalité dans notre propre région. Les pays d'Amérique centrale ont pris l'engagement ferme d'éradiquer les mines antipersonnel au plus tard en
l'an 2000.
Le Canada et le Mexique collaborent dans ce domaine. Cette semaine, nous avons organisé une conférence régionale sur les mines
antipersonnel pour faire le point et redoubler nos efforts régionaux. Nous avons été très heureux d'obtenir la participation active de la société
civile. Le partenariat qui a mené à la Convention d'Ottawa est indispensable pour en réaliser les objectifs.
La prolifération des armes légères, comme les mines antipersonnel, est un problème de sécurité planétaire qui prend incontestablement une
dimension régionale. La prolifération d'armes légères et peu coûteuses -- instruments de prédilection des terroristes, des barons de la drogue et
autres criminels -- a un effet dévastateur sur nos sociétés. Et ce sont les membres les plus vulnérables de nos sociétés qui en souffrent le plus.
Sur ce plan également, nous faisons des progrès. L'année dernière, les États membres de l'OEA ont signé la Convention contre la production et
le trafic illicites des armes à feu, des munitions, des explosifs et autres substances connexes, à l'initiative du Mexique. Première convention du
genre dans le monde, elle s'attaque au commerce illégal des armes à feu par un contrôle plus efficace du commerce légal. Voilà la preuve de
notre volonté et de notre capacité d'agir collectivement contre le crime et la violence dans les Amériques, menace très réelle pour les gens
ordinaires.
Il faut aller plus loin pour régler d'autres aspects au moyen d'approches pratiques assorties aux vrais problèmes sur le terrain : désarmer et
réintégrer les enfants-soldats, sortir les armes de la circulation dans les sociétés qui en sont saturées, et recycler et rééquiper les gens dans ces
sociétés afin qu'ils puissent mener une vie paisible et productive.
Les sociétés stables et ouvertes fournissent un fondement solide pour le renforcement de la sécurité humaine. Les dirigeants de l'hémisphère
l'ont affirmé à Santiago en mettant l'accent sur la démocratie, la justice et les droits de la personne. Les trois priorités sont la consolidation de la
paix, l'intégration de tous les secteurs à la vie politique, économique et sociale de nos sociétés, et le renforcement des institutions
démocratiques.
Les sociétés qui émergent d'un conflit requièrent une attention particulière. Par son initiative de consolidation de la paix, le Canada soutient un
certain nombre de projets en Amérique centrale pour renforcer la capacité locale de gérer les différends sans violence et de créer les conditions
d'une paix durable. Aujourd'hui, la secrétaire aux Affaires étrangères Green et moi avons annoncé un programme conjoint Canada-Mexique de
coopération avec l'Organisation panaméricaine de la santé pour l'aide aux victimes de mines antipersonnel en Amérique centrale.
Un grand défi collectif qui se pose est celui qui consiste à promouvoir une plus grande équité sociale tout en poursuivant les réformes
économiques et la croissance durable. Tous nos citoyens, y compris les femmes, les enfants, les handicapés et nos populations autochtones,
doivent pouvoir vivre dans des sociétés qui reflètent leurs intérêts, satisfassent leurs aspirations légitimes et leur garantissent une participation
et un accès réels à la vie politique, économique et sociale de nos pays.
Le renforcement des cadres nationaux des droits humains et le système interaméricain des droits de la personne sont les deux instruments qui
permettront de faire avancer ce dossier. Je trouve particulièrement encourageant le fait que les questions autochtones commencent à apparaître
de façon plus nette sur l'écran radar de l'hémisphère. En fait, le Mexique et le Canada coopèrent pour nouer des liens entre nos communautés
autochtones en mettant l'accent sur le développement de partenariats d'affaires.
Les progrès réalisés dans ces secteurs doivent s'accompagner d'un engagement à renforcer les institutions démocratiques, particulièrement les
législatures et les appareils judiciaires. Le Canada a joué un rôle significatif pour élaborer les engagements concrets pris à Santiago sur
plusieurs plans : promotion de l'accès à la justice, indépendance de la magistrature dans les systèmes de justice pénale, crime organisé et crime
transnational, enfants et jeunes, et contacts plus réguliers entre les ministres de la Justice de l'hémisphère.
Les législatures sont elles aussi essentielles au fonctionnement efficace des démocraties représentatives. Au premier Sommet des Amériques, à
Miami, nos dirigeants ont chargé l'OEA d'encourager les échanges d'expériences entre nos législatures. L'OEA s'est exécutée en organisant la
première réunion d'un réseau de dirigeants parlementaires des Amériques à Saint-Domingue en novembre. Ce réseau est une étape importante
pour développer les échanges parlementaires dans le cadre de l'OEA, processus que les ministres des Affaires étrangères ont entériné à
l'Assemblée générale de l'OEA à Caracas en juin dernier.
Pour faire avancer la sécurité humaine, il faut considérer, non seulement les dossiers que nous abordons, mais la manière dont nous les
abordons. À cette fin, le temps est venu de redéfinir l'interaction entre les gouvernements et les acteurs non étatiques par le dialogue, la
consultation et la participation face aux nouveaux défis et menaces. Le renforcement de la société civile n'est pas seulement un élément clé de
la consolidation de la démocratie. Il favorise la reddition de comptes et contribue à la formulation de meilleures politiques en tenant compte des
préoccupations et de l'expertise des citoyens.
Au niveau régional, les dirigeants du Sommet ont souscrit à l'intensification du dialogue entre les gouvernements et la société civile. À l'OEA,
nous travaillons ensemble à moderniser les relations de l'Organisation avec la société civile.
Nous devons continuer à réformer nos institutions régionales pour qu'elles répondent mieux aux défis de la sécurité humaine. Sous la direction
du secrétaire général Gaviria, l'OEA a élaboré une « nouvelle vision » de son rôle comme principale tribune politique et sociale de l'hémisphère.
La création du Service pour l'encouragement de la démocratie et l'ajout des questions de sécurité humaine aux attributions du Comité de la
sécurité dans l'hémisphère attestent la capacité de l'Organisation d'adapter son rôle aux défis du prochain siècle. Le mandat donné à
l'Organisation par les dirigeants du Sommet ajoutera une impulsion et une définition supplémentaires au processus de modernisation de l'OEA.
À propos de la réforme de l'OEA, la secrétaire Green, la secrétaire d'État Albright des États-Unis et moi avons discuté des moyens de compléter
ces efforts par une plus grande coopération entre les trois pays d'Amérique du Nord face aux nouveaux défis humains et sociaux. Nous avons
convenu d'un programme de coopération trilatérale qui met en valeur notre identité nord-américaine commune. Il en découle des défis et des
possibilités uniques pour le resserrement de la coopération continentale sur un large éventail de questions de sécurité humaine.
Par exemple, comme Nord-Américains, nous devrions coopérer davantage sur les problèmes environnementaux communs, les opérations de
secours en cas de catastrophe continentale, la multiplication des échanges personnels entre étudiants, universitaires, Autochtones,
fonctionnaires, membres du secteur privé, etc. La secrétaire Green, la secrétaire Albright et moi relevons ce défi parce notre coopération peut
améliorer la vie quotidienne de nos citoyens et qu'elle prend appui sur ce que nous avons en commun. Nous allons nous réunir à nouveau dans
quelques mois pour faire le point.
Les drogues illicites
Les questions de sécurité humaine occupent certainement une place croissante à l'ordre du jour de l'hémisphère. Leurs dimensions ont un
impact sur nos façons de faire et nous encouragent à examiner de nouveaux partenariats et de nouvelles approches.
Une menace en particulier -- les drogues illicites -- pose un grand problème de sécurité humaine aux gouvernements et aux peuples de
l'hémisphère. C'est un problème qui nous atteint tous, que ce soit les enfants des rues qui détruisent leur vie en reniflant de la colle jour après
jour, les citoyens qui doivent payer des impôts pour la police des circuits des trafiquants, ou les États dont les relations délicates sont encore
compliquées par la politique internationale concernant les drogues illicites.
De multiples façons, il s'agit d'un défi de sécurité humaine par excellence : multiforme, transnational, attrayant en surface, d'une grande
ingéniosité d'adaptation, mais brutalement destructeur. À ce titre, il réclame une réponse de sécurité humaine créative, multidimensionnelle,
coopérative et pourtant décisive.
Il se fait déjà beaucoup à cet égard. De nombreux gouvernements ont une stratégie nationale antidrogue qui inclut des mesures visant à réduire
la demande par des programmes d'éducation et de santé, à réduire l'offre par l'éradication ou par le développement alternatif, et à contrôler le
trafic par l'interdiction, l'application de la loi, ou la lutte contre le blanchiment d'argent.
Les organisations non gouvernementales jouent aussi un rôle majeur, par exemple en effectuant des recherches spécialisées pour guider les
interventions de santé publique et en réalisant des projets de développement communautaire. La Commission interaméricaine de lutte contre
l'abus des drogues [CICAD] encourage la coopération entre les États des Amériques. La CICAD travaille actuellement à l'implantation d'un
mécanisme d'évaluation multilatéral. Diverses tribunes des Nations Unies favorisent aussi l'élaboration d'approches multilatérales de ce
problème.
Comme dans d'autres contextes, le Canada et le Mexique collaborent abondamment dans le cadre de ces organisations antidrogue. Nous
croyons cependant qu'il faut faire plus pour obvier à cette menace et pour tenir compte intégralement de son impact sur la sécurité humaine.
L'absence de progrès dans notre lutte commune contre les drogues illicites mettra en péril d'autres objectifs comme l'intégration à l'échelle de
l'hémisphère et la consolidation de la démocratie.
C'est pourquoi le Canada a offert, au Sommet de Santiago l'an dernier, de convoquer un Dialogue des ministres des Affaires étrangères sur les
drogues dans les Amériques. L'idée a été bien accueillie par d'autres intéressés, notamment le gouvernement du Mexique. Nous avons
grandement apprécié le rôle de chef de file que le Mexique a assumé en proposant la Session extraordinaire de l'Assemblée générale de l'ONU
l'été dernier et nous attendons avec intérêt la contribution du Mexique à cette initiative.
Nous discutons des options pour la tenue d'une première réunion en marge de l'Assemblée générale de l'OEA au Guatemala. À cette fin, je
distribue à mes collègues un document de réflexion suggérant cinq sujets de discussion :
1. Gestion publique : Les institutions démocratiques fragiles et l'absence de pleines garanties des droits humains risquent de compromettre les
efforts de lutte contre les stupéfiants. Les ministres des Affaires étrangères pourraient explorer des options quant aux moyens de renforcer la
capacité des appareils policiers et judiciaires d'appliquer les lois tout en garantissant la justice et les droits humains. Ils pourraient aussi discuter
des moyens d'accentuer les efforts visant à minimiser la corruption et à réduire l'influence politique des organisations criminelles liées à la
drogue.
2. Armes légères et armes à feu : La prolifération illicite des armes légères et des armes à feu grossit l'arsenal des trafiquants de stupéfiants, fait
échec à l'application de la loi et compromet la sécurité publique. Les ministres pourraient collaborer pour promouvoir la ratification d'une
convention interaméricaine sur les armes à feu, la mise au point d'instruments mondiaux complémentaires et le renforcement des institutions
nationales chargées de faire respecter ces normes.
3. Développement et commerce : La difficulté de poursuivre des occupations légales en remplacement de la culture des plantes narcotiques, et
la difficulté de trouver des marchés pour les produits de ces occupations légales, compliquent les efforts de réduction de l'offre. Le groupe de
dialogue pourrait explorer les moyens de coopérer pour rallier de plus grands appuis en faveur du développement alternatif et pour améliorer
l'accès aux marchés des produits des cultures légales de remplacement.
4. Éducation et santé : De nombreux programmes prometteurs sont en cours pour éduquer les jeunes et les autres groupes à risque au sujet de
l'abus des drogues en leur faisant connaître les solutions de rechange et pour traiter ceux qui abusent effectivement de ces substances. Les
ministres des Affaires étrangères pourraient discuter des moyens d'accentuer la coopération internationale dans ce domaine et promouvoir la
recherche sur l'efficacité des programmes de réduction de la demande dans différents contextes nationaux.
5. Participation du public : De récents accords internationaux, dont le Plan d'action de Santiago et plusieurs documents adoptés à la Session
extraordinaire de l'Assemblée générale de l'ONU sur le problème mondial des drogues, prévoient une plus grande collaboration avec les
organismes de la société civile qui sont actifs dans le domaine des drogues ou s'occupent d'autres questions plus larges de sécurité humaine.
Nous croyons que les ministres des Affaires étrangères pourraient faire plus pour encourager des initiatives du public et pour faire participer des
segments du public à un dialogue sur les options politiques dans ce domaine.
Ce ne sont pas les seules questions relatives aux drogues qui font problème dans l'hémisphère. Mais ce sont des domaines où nous croyons
que les ministres des Affaires étrangères pourraient apporter une contribution notable. Ils devraient donc aider à assurer la cohérence des
efforts existants, renforcer les initiatives prometteuses qui méritent d'être appuyées plus vigoureusement et, particulièrement, encourager
l'innovation en faisant participer nos citoyens à la recherche de solutions.
Chacune de ces questions est complexe. Leur examen exige une préparation soignée et la consultation de divers intéressés. Dans cet esprit,
nous avons demandé à un consortium de centres de recherche indépendants d'organiser une conférence au début du printemps afin de
recueillir des idées en vue du Dialogue de juin des ministres des Affaires étrangères. Nous comptons sur la participation des experts mexicains à
cette conférence. Et nous sommes persuadés que le Canada et le Mexique peuvent collaborer pour que le Dialogue apporte une contribution
productive à la construction de la sécurité humaine dans l'hémisphère.
Conclusion
Notre monde en mutation a redéfini les notions traditionnelles en matière de sécurité. De plus en plus, les problèmes de sécurité auxquels nous
faisons face et notre action au niveau mondial, régional ou local prennent racine dans la sécurité de l'individu. J'ai exposé comment le Canada
répond à ces problèmes et j'ai fait ressortir la dimension hémisphérique de nos efforts, en particulier face aux défis posés par les drogues
illicites.
Au cours des années qui viennent, le Canada accueillera une série de conférences hémisphériques qui déboucheront sur le prochain sommet
de l'hémisphère. Nous sommes résolus à renforcer nos liens avec l'hémisphère et, ce faisant, à faire avancer la sécurité humaine dans la région.
Le Canada et le Mexique ont établi un solide partenariat qui nous permettra de jouer ensemble un rôle de premier plan par rapport à cet objectif.
Merci.