MINISTRE MARCHI - ALLOCUTION DANS LE CADRE DE LA CONFÉRENCE DE MONTRÉAL - MONTRÉAL (QUÉBEC)
99/38 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE
ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE SERGIO MARCHI,
MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL,
DANS LE CADRE DE LA CONFÉRENCE DE MONTRÉAL
MONTRÉAL (Québec)
Le 31 mai 1999
(9 h 30 HAE)
C'est un grand plaisir d'être ici, aujourd'hui, et de souhaiter la bienvenue à tant de distingués visiteurs dans notre pays.
Y quiero darles, en esta occasion, una bienvenida calurosa a nuestros amigos de america latina y del caribe.
À maints égards, cette conférence marque le début d'une période pendant laquelle les Amériques seront, plus que jamais, le centre
d'intérêt du public canadien.
Dans à peine quelques semaines, nous accueillerons les athlètes de l'hémisphère aux Jeux panaméricains, à Winnipeg. En
novembre, le Canada sera l'hôte du Forum des gens d'affaires des Amériques, à Toronto, et tout de suite après se tiendra la
réunion des ministres du Commerce de la ZLEA [Zone de libre-échange des Amériques].
Au printemps, nous accueillerons l'Assemblée générale annuelle de l'Organisation des États américains et, bien sûr, le Canada est
également le lieu du prochain Sommet des Amériques, en 2001, qui aura lieu à Québec, l'une des cités les plus ravissantes du
Canada pour son cachet historique et pour sa beauté.
Au seuil d'un nouveau millénaire, le renforcement de notre relation avec les Amériques est une prochaine étape naturelle dans
l'évolution économique du Canada.
En effet, comment et avec qui nous commerçons se jauge, en partie, à l'aulne de notre intégration à la communauté planétaire.
Notre profil des échanges est un reflet de ce que nous sommes.
Les échanges commerciaux ont apporté au Canada la prospérité et si l'on considère que plus de 40 p. 100 de notre économie et
un emploi sur trois sont liés aux exportations, il est clair que nous sommes sur la bonne voie. Il est aussi clair que lorsque les
marchands du Canada oeuvrent de concert, le Canada fonctionne réellement!
Comme les traiteurs de fourrure d'hier, qui apportaient dans leurs foyers emploi, investissement et croissance, les missions de
l'Équipe Canada en font autant aujourd'hui pour tout le pays. Les partenariats et les alliances que nous nouons dans le cadre de nos
missions commerciales dureront pour des générations et nous donneront des outils pour suivre et maîtriser l'évolution constante du
monde d'aujourd'hui.
Nous réalisons maintenant de plus en plus que notre prospérité de demain est intrinsèquement liée à l'état de notre hémisphère. Le
fait est qu'à l'heure actuelle nous exportons plus vers l'Amérique latine que vers la France et l'Allemagne prises ensemble. On ne se
surprendra donc pas que la mission de l'Équipe Canada en Amérique latine ait été la délégation commerciale la plus importante de
notre histoire : plus de 500 entreprises y ont participé, représentant toutes les dix provinces du Canada.
Cette mission a mené à la conclusion de plus de 300 ententes d'une valeur de près de 2 milliards de dollars. Ce
genre de succès démontre l'efficacité de la collaboration entre le gouvernement fédéral et les gouvernements
provinciaux. Les missions de l'Équipe Canada témoignent du fait que le Canada est à son meilleur quand tout le
monde travaille ensemble.
Le Canada entrevoit un grand avenir pour cet hémisphère un avenir uni par le commerce international, renforcé
par le commerce intérieur et énergisé par ses habitants.
Conscient de l'importance croissante de l'Amérique latine, nous avons signé un accord de libre-échange avec le
Chili, et nous avons conclu des arrangements en matière de commerce et d'investissement avec le Mercosur et
l'Amérique centrale. Des pourparlers sont en cours pour arriver à un arrangement semblable avec la Communauté
andine.
Aussi, à la question posée par cette assemblée à savoir sommes-nous prêts pour le libre-échange à l'échelle de
l'hémisphère? je réponds sans hésitation : oui.
Comme vous le savez, le Canada assume la présidence du processus de la ZLEA jusqu'au mois de novembre de
cette année, et je suis heureux de vous annoncer à cet égard que les négociations suivent la bonne voie.
Les neuf groupes de négociation et les trois organes chargés de l'examen de certaines des questions
transversales de portée plus vaste ont été dotés de programmes de travail; les négociations sont bien avancées.
Le Comité des négociations commerciales s'est réuni à Miami, la semaine dernière, dans le dessein de faire
avancer notre travail sur la facilitation des échanges; la prochaine réunion se tiendra en Bolivie, en juillet. Ce travail
préparatoire permettra aux ministres de faire le point sur les négociations et d'esquisser les prochaines étapes
pour la réunion de Toronto.
Toutefois, s'il est vrai que le libre-échange dans l'hémisphère peut paraître une idée à la mode, il ne faut pas pour
autant présumer de son succès.
C'est la raison pour laquelle j'aimerais, ce matin, parler de plusieurs défis auxquels la ZLEA se trouve confrontée.
Permettez-moi d'en citer cinq qui sont tous, l'un autant que l'autre, de première importance pour le Canada.
La dynamique politique
Le premier défi est de donner une dynamique politique à la ZLEA. Cela comporte plusieurs dimensions :
Pour les nouveaux-venus, il y l'absence d'une autorité de négociation selon la procédure accélérée aux États-Unis.
Il faut le regretter, mais sans s'en offusquer pour le moment. Toutefois, cet état de fait ne manquera pas de se
répercuter sur le degré d'engagement d'autres pays, qui ne voudront pas négocier deux fois. À l'évidence,
personne ne voudrait que des résultats acquis au prix des mois d'efforts soient laissés à la seule discrétion du
Congrès des États-Unis.
Aussi, soyons clairs là-dessus : l'hémisphère a besoin de voir en les États-Unis un pays ouvert vers l'extérieur et à
la libéralisation du commerce or, la procédure accélérée serait précisément une importante mesure permettant
de garantir tout cela.
Elle permettrait aussi de voir à ce que personne d'autre ne puisse profiter de l'absence d'une telle autorité afin
d'entraver le progrès pour d'autres raisons.
Une autre variable ayant des répercussions pour la sphère politique est la crise financière mondiale. Les
événements des deux dernières années ont amené d'aucuns à questionner les avantages d'un commerce
libéralisé et à prôner un resserrement de la protection. Et pourtant, à notre avis ces événements vont plutôt dans le
sens d'un renforcement de la nécessité d'aller de l'avant avec la libéralisation des échanges.
L'expérience démontre que la fermeture des marchés, contrairement à ce qu'on espère, aggrave les récessions
et rend plus difficile la reprise de l'économie. Par conséquent, toute tentative de retour à des politiques
protectionnistes du passé reviendrait à trahir l'engagement pris à l'égard de nos concitoyens : créer des emplois,
faciliter la croissance économique et améliorer le niveau de vie de tous et chacun.
Outre cela, le délai d'exécution que nous nous sommes donné est aussi, en soi, un défi sur le plan politique. D'ici à
l'an 2005, bien des eaux vont couler sous les ponts; au cours des six prochaines années, toutes les principales
parties prenantes seront soumises à l'épreuve des élections. Ne soyons donc pas surpris de voir, dans les
premières années, les questions de procédure prendre le pas sur les décisions plus difficiles, qui interviendront
dans les dernières étapes des pourparlers.
En somme, maintenir la volonté politique sera difficile, mais non moins essentiel si nous voulons consentir l'effort
soutenu nécessaire pour arriver à un accord.
Les écarts de taille et de développement économique au sein de la ZLEA
Le deuxième défi tient à la taille et au développement économique des 34 entités participantes à la ZLEA.
Négocier un accord de libre-échange entre des pays si différents est une tâche sans précédent; il faudra, de toute
évidence, faire preuve de créativité et bénéficier du soutien institutionnel si nous voulons que les petites
économies puissent se préparer effectivement aux négociations, les mener à bien, et en assurer le suivi.
Voilà pourquoi les ministres du Commerce ont convenu, l'an dernier, de mettre sur pied un Groupe consultatif sur
les petites économies, qui joue maintenant un rôle important pour ce qui est de déterminer les préoccupations et
les intérêts des économies de petite taille au niveau de tous les groupes de négociation.
Par exemple, si Trinité-et-Tobago, qui a une population d'un million d'habitants, regarde vers le Brésil qui, lui, a une
population de 160 millions, elle ne peut qu'avoir des inquiétudes légitimes. Le Canada est sensible à ce gendre de
préoccupations. Après tout, nous avons fait un accord de libre-échange avec les États-Unis, une économie dix fois
plus grande que la nôtre.
Mais nous sommes également conscients pour en avoir fait l'expérience d'énormes avantages découlant de la
libéralisation des échanges. Notre prospérité est en bonne partie due au fait que nous nous sommes dotés d'un
cadre fondé sur des règles, qui comprend en particulier un mécanisme indépendant permettant de régler les
différends commerciaux en fonction de la validité de l'argumentaire et non du poids respectif des parties
prenantes.
Voilà donc le message que nous vous convoyons et dont nous nous ferons le champion au nom des petites
économies de l'hémisphère, parce que, en bout de ligne, la ZLEA ne peut pas se permettre de laisser des
membres traîner de l'arrière si elle veut réussir.
La société civile
Le troisième défi est de faire participer la société civile au processus.
Nous ne pouvons pas espérer instituer un accord commercial général entre 34 pays sans y impliquer
sérieusement nos populations.
Ce n'est pas simplement une préférence philosophique, c'est une nécessité pratique. Car si nous voulons gagner
des appuis politiques à la libéralisation des échanges, il faut que nos citoyens sentent que leurs intérêts sont
représentés, que leur voix est entendue et que leurs avis sont appréciés.
Je me réjouis que les ministres du Commerce aient souscrit à la proposition canadienne visant à constituer un
Comité de la société civile. Aussi encourageante que soit cette initiative, cependant, je crois qu'il faut faire plus.
Ce comité doit devenir permanent, bénéficier d'un soutien adéquat, et être doté d'un mandat plus large qui lui
permette de contacter directement les organisations non gouvernementales.
Certes, je reconnais que les avis sont partagés sur la question de la société civile. Mais nous vivons tous en
démocratie. Et la réalité veut que les dimensions sociales de la politique commerciale attirent de plus en plus
l'attention dans tous nos pays.
Et tandis que les dossiers nationaux et internationaux se confondent de plus en plus, certains expriment des
préoccupations sur des sujets qui touchent directement la vie des gens : des sujets comme l'environnement et les
normes du travail.
Ces préoccupations ne se dissiperont pas d'elles-mêmes. Elles méritent d'être écoutées.
Bien entendu, la meilleure façon de faire valoir la participation de la société civile au niveau hémisphérique est de
donner l'exemple chez nous.
Et c'est justement ce que fait le Canada. En fait, nous venons de tenir des consultations très productives avec
diverses organisations et divers acteurs de l'industrie.
Depuis février, le Comité des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes
tient des audiences dans toutes les régions du Canada, sur les négociations de l'OMC [Organisation mondiale du
commerce] et de la ZLEA.
Et nous consultons en permanence les provinces, afin que les positions que nous prenons reflètent intégralement
leurs avis.
Le gouvernement fédéral prend au sérieux son engagement à écouter tous les acteurs canadiens et les
gouvernements provinciaux, afin de pouvoir parler d'une voix forte et unie durant les négociations commerciales et
aux institutions internationales.
Le fait de poursuivre un but unique sur la scène mondiale a permis au Canada de devenir une force concurrentielle
à l'échelle mondiale.
L'inclusion de la société civile est une épreuve importante pour notre hémisphère. Notre but devrait être d'engager
nos citoyens dans ce dialogue historique et de veiller à ce que leur voix soit entendue, partagée et finalement
prise en compte, afin que nous puissions créer un vrai sens communautaire dans les Amériques.
La facilitation des affaires
Notre quatrième défi est de faire en sorte qu'il soit plus facile de faire des affaires dans tout l'hémisphère et
d'introduire cette réforme dans les premières étapes du processus. Notre but devrait être d'arriver à ce qu'il soit
aussi facile pour une entreprise du Québec de faire des affaires en Argentine qu'aux États-Unis.
C'est un travail qui n'est pas toujours spectaculaire. En fait, il est souvent très technique. Mais il est crucial pour
élargir les courants d'échanges et d'investissement entre nos économies, et essentiel à la réalité quotidienne des
affaires dans les Amériques.
En d'autres termes, il s'agit d'améliorer les choses pour vous, les praticiens du commerce international et intérieur
dans l'hémisphère. Ce n'est donc pas coïncidence si l'objectif du travail en cours - l'amélioration des procédures
douanières et de la transparence des réglementations gouvernementales - a été défini sur la recommandation de
nos milieux d'affaires.
Et je suis heureux de pouvoir dire que nos négociateurs en chef font de solides progrès sur ces deux plans, et que
nous sommes en bonne voie d'avoir un groupe de mesures douanières et de dispositions sur la transparence à
adopter à la conférence ministérielle de novembre.
Notre succès sur le front de la facilitation des affaires est important pour la réalisation des progrès concrets que
nos dirigeants et ministres demandent pour l'an 2000. En réduisant les formalités dans des domaines prioritaires
comme les procédures douanières, nous aurons des résultats rapides et pratiques à faire valoir en faveur de la
ZLEA et en même temps nous aiderons à générer la dynamique qui sera cruciale lors des prochaines étapes.
La ZLEA et le cycle de l'OMC
Cinquièmement et en dernier lieu, à l'approche de la conférence de Seattle des ministres de l'OMC, et
probablement du lancement d'un nouveau cycle, le grand point d'interrogation est l'impact qu'auront les
négociations de l'OMC sur la ZLEA.
Étant donné les cinq années de travaux préparatoires intensifs que nous avons accomplies dans le processus de
la ZLEA, et l'importance de celle-ci pour l'hémisphère, il est peu probable que les membres décident de la mettre
en veilleuse en attendant les résultats des négociations de Genève. Nous n'avons pas oublié combien de temps a
duré le cycle d'Uruguay!
D'un autre côté, nous reconnaissons que le fait de tenir deux grandes séries de négociations simultanément risque
de grever nos ressources, particulièrement dans le cas des petites économies qui participent au processus de la
ZLEA.
Je m'attends qu'au fil des négociations de Genève, nous, des Amériques, puissions nous concentrer à la table de
la ZLEA sur les domaines où nous pourrons faire preuve de leadership face au reste du monde, comme certains
de nos acquis de l'ALENA [Accord de libre-échange nord-américain] qui ont été repris au niveau multilatéral dans
les résultats du cycle d'Uruguay.
Nous devrions aussi pouvoir profiter du processus de la ZLEA pour transposer nos intérêts communs dans les
Amériques au niveau du programme international. J'ose espérer, par exemple, que l'hémisphère se prononcera,
tant à Toronto qu'à Seattle, en faveur de l'élimination rapide des subventions aux exportations agricoles.
De notre point de vue, les efforts régionaux et multilatéraux de libéralisation des échanges sont les deux faces de
la même médaille.
Les initiatives régionales peuvent aider à préparer les industries nationales, et générer l'impulsion politique en
faveur du programme commercial multilatéral. Le défi que nous avons à relever consiste à mobiliser les synergies
créatrices des processus de la ZLEA et de l'OMC de manière qu'ils se renforcent mutuellement au bénéfice de
tous nos citoyens.
Conclusion
En terminant, permettez-moi de dire que l'initiative de libéralisation des échanges dans notre hémisphère est à la
fois ambitieuse et historique. Elle suscite l'intérêt et la passion. Mais nous n'avons pas d'illusions sur les défis qui
nous attendent. Il nous faut être réalistes, et confiants dans les occasions qui se présenteront.
La ZLEA exige un engagement de la part de nous tous. Et cet engagement ne doit pas fléchir. Il ne faut pas non
plus attendre « le moment idéal », car il ne viendra jamais. Il faut profiter du moment actuel, saisir l'occasion
présente.
Le vieux rêve de Bolivar et de bien d'autres qui ont voulu faire des Amériques une des plus grandes régions du
monde est plus proche de la réalité qu'il ne l'a jamais été. Avons-nous la volonté nécessaire pour terminer le travail
que nous avons entrepris?
Je crois que oui : nous pouvons construire un hémisphère plus riche, plus libre et plus prospère pour tous nos
citoyens.
Merci.
Gracias muchos exitos a todos.