NOTES POUR UNE ALLOCUTIONDEL'HONORABLE LLOYD AXWORTHY,MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,À LA CONFÉRENCE POSTMINISTÉRIELLE DE 1999DIALOGUE « DIX PLUS UN » ENTRE L'ASEAN ET LE CANADA
99/45 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE LLOYD AXWORTHY,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
À LA CONFÉRENCE POSTMINISTÉRIELLE DE 1999
DIALOGUE « DIX PLUS UN » ENTRE L'ASEAN ET LE CANADA
SINGAPOUR
Le 27 juillet 1999
(12 h 30 HAE)
C'est un plaisir pour moi d'être ici aujourd'hui, pour franchir un autre pas dans la longue, historique et chaleureuse
relation qui existe entre le Canada et l'ASEAN [Association des nations de l'Asie du Sud-Est], une relation de
dialogue de vingt-deux ans maintenant. Si je n'avais qu'un seul message à vous livrer, je dirais que notre pays
éprouve toujours un très vif intérêt et très grand sentiment d'engagement à l'égard de la région et de l'ASEAN, y
compris pour contrer les effets de la crise économique. L'an dernier, le Canada a versé près de cent millions $
canadiens en aide au développement à la région, mais nos relations avec l'ASEAN vont bien au-delà de la simple
assistance.
Le temps a passé et pendant les vingt-deux dernières années, les relations entre le Canada et l'ASEAN ont
évolué. C'est tout à fait normal. L'ASEAN évolue elle aussi. Le nombre de ses membres augmente, tout comme
ses partenaires du dialogue, et il y a eu l'avènement des tribunes que sont le Forum régional de l'ASEAN et
l'APEC [Organisation de coopération économique Asie-Pacifique], où l'on traite de questions importantes aussi
bien pour le Canada que pour les pays de l'ASEAN. Une constatation tirée de l'élargissement de l'ASEAN
survenu ces dernières années est que tous ses membres n'ont pas atteint le même niveau de développement ou
ne s'en approchent pas. Certains observateurs ont même parlé d'ASEAN à deux ou trois niveaux. Quoi qu'il en
soit, nous avons conclu, au Canada, que la revitalisation de nos relations avec l'ASEAN -- que nous souhaitons du
fond du coeur -- doit prendre en compte ces différents états et rythmes de développement économique.
Le fait de reconnaître la tournure plus riche qu'ont prise nos relations au fil des ans contribuera lui aussi à donner
un nouvel élan à notre dialogue. Il y a vingt-deux ans, nos intérêts communs se situaient principalement dans l'aide
au développement. Aujourd'hui, ils englobent tous les aspects touchant à l'économie, à la politique et à la sécurité.
En cette fin de siècle où nous sommes portés par la vague de la mondialisation, acteurs petits et grands ont
amplement la possibilité de contribuer à la conduite des affaires internationales. La mondialisation fait en sorte
que nous sommes tous interdépendants, avec les avantages et les obligations que cela comporte.
Pendant le Forum régional de l'ASEAN, certains ont employé l'expression « sécurité générale » en réponse à ces
tendances. J'ai avancé pour ma part l'expression « sécurité humaine ». Elle traduit une façon de voir les questions
de sécurité autrement, sous un angle plus large, en tenant compte des nouvelles réalités. Bien sûr, la paix et la
sécurité entre les États demeurent absolument essentielles -- les gouvernements en place dans cette région de
l'Asie le savent bien --, mais il est devenu évident que la sécurité nationale ne peut, à elle seule, garantir la
sécurité de nos peuples. La question fondamentale qui se pose, dans les discussions aussi bien entre les
membres de l'ASEAN qu'avec tous les partenaires du dialogue, et dans le dialogue entre l'ASEAN et le Canada
en particulier, est donc : à l'ère de la mondialisation, comment pouvons-nous améliorer la sécurité de nos
peuples?
Les conflits violents sont encore à l'origine des plus grandes menaces à la sécurité humaine. Certains ont acclamé
la fin de la guerre froide comme le signe annonciateur de la paix dans le monde. Dans une certaine mesure, ils ont
eu raison. L'atténuation des tensions entre les super-puissances a créé de grands espoirs de stabilité et de paix
dans le monde. Pourtant, nous avons assisté parallèlement à la multiplication des conflits à l'intérieur des États, et
c'est une tendance particulièrement dangereuse.
Pour surmonter ces défis, il est tout à fait évident qu'il faut revitaliser et remanier nos institutions multilatérales, tant
mondiales que régionales, qui se sont butées à l'obstacle du temps et aux difficultés. Le problème ne se limite pas
toutefois aux institutions. Si elles sont faibles et inefficaces, c'est en partie parce qu'il y a absence de volonté
politique de la part des États membres.
Le maintien de la paix et de la sécurité reprend en sous-oeuvre les progrès sociaux et économiques. Il est au
coeur des activités de notre principale organisation multilatérale : les Nations Unies. Pendant les décennies qui ont
suivi leur création, la nature des conflits armés a changé. Pendant la Première Guerre mondiale, les civils ont
formé environ 10 p. 100 des victimes. De nos jours, ils en forment 90 p. 100. Les Nations Unies, surtout le Conseil
de sécurité de l'ONU, doivent tenir compte de cette réalité et s'y adapter. Le problème ne tient pas tant à sa taille
et à sa composition qu'à son mandat et à son efficacité à assurer la sécurité humaine.
Il y a nécessité également d'avoir des organisations régionales plus efficaces. À coup sûr, les Nations Unies ont
besoin de partenaires régionaux qui apportent savoir-faire, perspective et engagement, ainsi que d'un Forum
régional et d'une Conférence postministérielle de l'ASEAN efficaces et dynamiques. La voix unie des membres
l'ASEAN doit se faire entendre dans les tribunes internationales au moment où nous nous penchons sur des
questions vitales pour nous tous, notamment la non-prolifération et le désarmement. Je pense que nous en voyons
la véritable importance dans les propositions de grande portée faites pendant la séance du Forum régional qui
vient de prendre fin, comme la proposition d'un code de conduite pour la mer de Chine méridionale. Le Canada
est très heureux d'avoir contribué au travail accompli dans ce dossier, en appuyant les ateliers de la Deuxième
Voie portant sur la prévention d'un conflit dans la mer de Chine méridionale. Ces ateliers ont d'ailleurs été
habilement dirigés par l'Indonésie. Il nous tarde de voir les fruits de la fécondation réciproque des travaux menés
dans le cadre des première et deuxième voies.
Les conflits, qu'ils soient actuels ou potentiels, ne sont pas les seuls dangers pressants pour la sécurité de nos
peuples. Leur sécurité est touchée par un nombre croissant de menaces transnationales. Dans notre monde de
plus en plus interdépendant, nous sommes tous devenus plus vulnérables. Les marchés libres, l'intensification du
commerce international et la révolution des communications ont de grands avantages, mais ils ont également
rendu les frontières plus perméables à un éventail de menaces. La prolifération des armes légères, le mouvement
de population de masse, la corruption et le crime internationaux, le trafic de stupéfiants et même de personnes ne
sont que quelques-unes des tendances qui ont des conséquences extrêmement négatives pour nous tous. Plus de
la moitié de l'approvisionnement total d'héroïne raffinée au monde -- et la plus grande partie de l'héroïne qui se
retrouve dans les rues des villes de l'Ouest canadien -- provient de la région du Triangle d'or. Ce commerce illicite
laisse une traînée de souffrances dans l'ASEAN et au Canada. Les menaces de ce genre à la sécurité humaine
nécessitent des interventions multilatérales, et le Forum régional de l'ASEAN et la Conférence postministérielle
devraient saisir l'occasion pour relever ces nouveaux défis.
Le Canada partage plusieurs priorités soulignées dans le Plan d'action d'Hanoï de l'ASEAN -- depuis la
libéralisation du commerce jusqu'à l'amélioration du respect des droits de la personne, en passant par la lutte aux
effets profondément néfastes de la criminalité transnationale -- et nous espérons travailler avec vous pour les
réaliser. Ensemble, nous chercherons des méthodes polyvalentes, ciblées et assez souples pour tenir compte des
besoins particuliers des membres de l'ASEAN pris individuellement. Voir les économies de l'ASEAN se
redresser a été encourageant, mais il reste à s'attaquer aux conséquences sociales de la crise. Le Canada
continuera de consacrer des ressources à cet effet, afin de s'assurer que le redressement sera durable.
Le Canada offre déjà une aide considérable à l'ASEAN dans les domaines prioritaires du développement : au
total, 97 millions $ ont été alloués en programmes bilatéraux et régionaux en 1998-1999. Cette somme est de plus
en plus utilisée sous des formes novatrices qui reflètent les nouveaux besoins, les nouvelles réalités et les
nouvelles priorités de l'ASEAN. À ce sujet, certains d'entre vous sont sûrement au courant du colloque de
formation qui a eu lieu ici même, à Singapour, plus tôt ce mois-ci et qui a été coorganisé par les gouvernements
de Singapour et du Canada. Il a rassemblé des hauts fonctionnaires de l'ASEAN et du Canada, y compris le chef
de la fonction publique du Canada à la retraite depuis peu. Le colloque avait pour but de renforcer la capacité
régionale de traiter les problèmes du secteur public dans le contexte économique actuel. Dans le même ordre
d'idées, il y a ici, à Singapour, des cours de formation très courus, financés et donnés par le Canada. Il s'agit de
cours d'anglais langue seconde très utiles aux fonctionnaires du Vietnam, du Laos et du Cambodge.
J'aimerais également souligner brièvement quelques-uns des autres domaines de collaboration innovateurs et
efficaces qui ne reçoivent pas toujours l'attention qu'ils méritent :
• Le Canada va nommer cette année un nouveau conseiller financier régional, qui sera posté dans notre haut-commissariat à Singapour et qui s'occupera de tous les pays de l'ASEAN;
• Le Canada finance de nouveaux efforts conjoints visant à améliorer la gestion publique et à renforcer la capacité
au Cambodge, au Timor oriental, en Indonésie et au Laos;
• Dans le cas du Timor oriental, nos efforts d'aide au développement vont de pair avec nos contributions visant à
améliorer la situation de la sécurité. Nous contribuons à UNAMET et appuyons les efforts déployés par les
Évêques catholiques pour promouvoir la réconciliation communautaire.
J'aimerais profiter de l'occasion pour souligner la présence du ministre des Affaires étrangères du Cambodge, M.
Hor, qui sera notre prochain coordonnateur de pays, et présenter mes félicitations au Cambodge qui s'est joint à
l'ASEAN. L'accession du Cambodge représente un moment historique pour l'ASEAN, et pas seulement parce
qu'elle rend beaucoup plus facile la logistique quant au choix des coordonnateurs de pays pour vos dix partenaires
du dialogue! Je me réjouis de la signature immédiatement après notre réunion aujourd'hui des lettres réciproques
marquant l'adhésion du Cambodge à l'Accord de coopération économique ASEAN-Canada.
Pour terminer, laissez-moi dire quelques mots de remerciement aux Philippines, notre coordonnateur du dialogue
actuel. Le Secrétaire aux Affaires étrangères, M. Siazon, et ses fonctionnaires ont été au premier plan de l'effort
international consenti pour éliminer les mines antipersonnel et ont été les bienvenus à la Conférence d'Ottawa de
1997 qui portait sur cette question. Voilà un autre aspect de la question de sécurité humaine -- un aspect qui influe
directement sur la vie de tous les jours de personnes dans la région et dans le monde -- et le Canada et l'ASEAN
ont de bonnes raisons d'en discuter. Les Philippines ont également été un partenaire très utile dans la recherche
de moyens visant à développer et à définir une relation Canada-ASEAN revitalisée. La relation facile que nous
avons développée à l'échelon des ministres et des fonctionnaires des Affaires étrangères est de bon augure pour
l'avenir. Nous espérons travailler avec les Philippines puis l'année prochaine, avec le Cambodge, et poursuivre
avec eux nos efforts de revitalisation. Ainsi, nous serons certains que le dialogue Canada-ASEAN sera à l'avenir,
comme il l'a été de plus en plus dans le passé, à l'image même de notre relation : élargi, riche et efficace.
Merci.