M. AXWORTHY - ALLOCUTION À LA CONFÉRENCE ANNUELLE DU BUREAU CANADIEN DE L'ÉDUCATION INTERNATIONALE - OTTAWA (ONTARIO)
99/56 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE LLOYD AXWORTHY,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
À LA CONFÉRENCE ANNUELLE DU BUREAU CANADIEN
DE L'ÉDUCATION INTERNATIONALE
OTTAWA (Ontario)
Le 23 novembre 1999
(13 h 25 HNE)
Le mois dernier, dans le discours du Trône, le gouvernement du Canada a affirmé l'importance des
préoccupations humaines dans ses relations mondiales. Cette focalisation sur l'individu, donnant la priorité aux
personnes, reflète la période d'évolution dans laquelle nous vivons et la nécessité d'adapter l'engagement du
Canada au monde, afin de tenir compte de ces nouvelles réalités.
J'aimerais, aujourd'hui, parler de cette dimension humaine dans la politique étrangère du Canada, de son
application dans nos relations avec l'Amérique, et du rôle que joue l'éducation internationale dans ces efforts.
Dans un monde en perpétuel changement, les questions qui touchent directement la vie des personnes se
trouvent au centre des priorités mondiales : la nouvelle dynamique des conflits armés, l'intégration des
marchés mondiaux, l'émergence de préoccupations relatives à la santé et à l'environnement mondiaux en sont
quelques exemples. La mondialisation a entraîné les communications instantanées, les transports plus rapides,
la technologie améliorée, et maintenant, les images et les incidences de ces changements arrivent chez nous,
nous reliant tous plus étroitement dans un destin commun. Le Canada étant l'un des pays les plus ouverts au
monde, cette situation présente des défis pour les Canadiens.
Les nouvelles circonstances mondiales ont également diversifié les leviers de l'influence et du pouvoir. Des
idées séduisantes, notamment les négociations et une diplomatie publique ainsi que les attributs des sociétés
dynamiques et tolérantes, sont des ressources valables dans la vie mondiale, des leviers que le Canada
possède et qu'il est remarquablement bien placé pour utiliser. En conséquence, de nouvelles possibilités
s'offrent aux Canadiens pour projeter leurs valeurs et promouvoir leur culture.
C'est dans ce contexte de défis et de possibilités que nous mettons au point notre politique étrangère et que
nous adaptons les instruments que nous utilisons pour la poursuivre.
L'approche axée sur le côté humain donne une impulsion aux liens du Canada avec les Amériques. Ces liens
se développent nettement : les Jeux panaméricains de Winnipeg, la Conférence des épouses des chefs d'État
et de gouvernement des Amériques, la réunion des ministres du Commerce des Amériques qui a eu lieu à
Toronto cette année, l'Assemblée générale de l'OEA [Organisation des États américains] qui se tiendra à
Windsor au mois de juin prochain, et le Sommet des Amériques prévu à Québec en 2001, indiquent tous un
programme chargé pour l'hémisphère. Le thème de votre conférence, « La coopération en matière d'éducation
dans les Amériques », souligne l'engagement plus vaste de la société canadienne.
La focalisation sur les personnes -- sur la sécurité humaine, les droits de la personne et le développement
humain -- trouve clairement un écho, non seulement au Canada, mais dans l'ensemble des Amériques. En
fait, les pays de cet hémisphère se situent à bien des égards à l'avant-garde, en plaçant les préoccupations
des personnes au premier plan. Les thèmes qui ont été au centre du processus du Sommet des Amériques --
la gouvernance, le soulagement de la pauvreté, l'intégration économique et l'éducation -- en sont témoins.
La promotion des droits de la personne et de la gouvernance est essentielle. L'OEA, à l'initiative du Canada, a
récemment ouvert une discussion sur le renforcement du dispositif interaméricain des droits de la personne.
L'Unité de l'OEA pour la promotion de la démocratie -- une initiative canadienne -- est en place et fonctionne.
Dans le domaine de la paix et de la sécurité, la sécurité humaine trouve maintenant sa place à côté de la
concentration plus traditionnelle sur la sécurité nationale. Les partenaires de l'hémisphère étaient parmi les
premiers et les plus déterminés à l'égard de la campagne en faveur de l'interdiction des mines antipersonnel --
des armes spécifiquement conçues pour blesser, mutiler et tuer les gens. Les efforts régionaux pour mettre en
oeuvre la Convention d'Ottawa sont également vigoureux, à l'OEA et par l'intermédiaire de projets bilatéraux
de déminage et de réhabilitation tels que les efforts du Canada en faveur du déminage en Amérique centrale.
C'est également notre région qui a pris la direction des efforts mondiaux visant à contrer l'abus et la
prolifération des armes légères. La Convention interaméricaine contre la fabrication et le trafic illicite des armes
à feu, munitions, explosifs et autres matières afférentes, que nous avons signée l'an dernier, aidera à
s'occuper des effets dévastateurs de ces armes sur nos sociétés.
Le fait de nous trouver confrontés à des défis internationaux naissants -- la corruption, la criminalité, et les
drogues illicites -- ayant tous des incidences sur la vie quotidienne de nos populations, a pris une plus grande
importance. La Convention de l'OEA sur la Corruption a stimulé les efforts continus pour accroître la probité et
promouvoir la transparence dans les relations entre les gouvernements et les citoyens.
Le commerce des drogues illicites compromet la stabilité de nos sociétés et met en péril les vies, en particulier
parmi nos jeunes. Cette année, sous le leadership du Canada, les pays de l'hémisphère ont approuvé un
Mécanisme multilatéral d'évaluation. Ce dernier permettra d'évaluer les progrès réalisés dans la bataille contre
les drogues et servira à améliorer la capacité des gouvernements et des forces de l'ordre de combattre ce
fléau.
Afin de compléter cet effort, j'ai pris l'initiative d'un Dialogue ministériel sur les drogues, pour examiner les
incidences élargies du trafic des drogues sur nos sociétés et notre programme commun à l'échelle de
l'hémisphère. Ce dialogue a contribué à former un consensus autour du concept de la sécurité humaine, que je
prévois d'étudier davantage avec mes homologues en préparation à l'Assemblée générale de l'OEA, l'an
prochain.
L'éducation -- la dissémination de l'information, l'échange des idées, la promotion de la compréhension -- a
nettement un rôle central à jouer dans les efforts visant à améliorer la vie des gens. Dans les sociétés
d'aujourd'hui, basées sur le savoir, elle constitue même un facteur puissant pour le développement humain et
la sécurité humaine.
Ce fait m'est apparu avec une clarté frappante, au cours de ma visite au Kosovo, la semaine dernière. Le
conflit est loin d'être terminé là-bas. Des siècles de vieilles inimitiés et de haines raciales persistent. Jusqu'à ce
que les populations du Kosovo apprennent à les surmonter, jusqu'à ce qu'on enseigne aux enfants du Kosovo
à respecter les différences plutôt que de s'en méfier, la paix et la stabilité durables resteront illusoires.
Au Kosovo comme ailleurs, l'éducation est un élément essentiel des sociétés fortes et ouvertes; c'est la pierre
angulaire d'un ensemble de citoyens informés, déterminés et tolérants, la base de la démocratie et de la
stabilité, et un facteur crucial pour le plein respect des droits de la personne et de la sécurité humaine.
Nous, qui vivons dans cet hémisphère, savons cela. Nos dirigeants admettent l'importance de l'éducation
quand ils lui donnent la place d'honneur au Sommet de Santiago, la reconnaissant comme « essentielle au
progrès » dans les Amériques. Le Canada utilise cet engagement à l'égard de l'éducation, comme base pour
promouvoir les droits de la personne et la sécurité humaine de différentes manières.
Un élément important pour faire progresser la sécurité humaine est l'augmentaiton de la sensibilisation aux
questions et aux défis -- qu'il s'agisse d'éliminer les mines antipersonnel, de diminuer les incidences négatives
des armes légères, ou de s'attaquer au trafic des drogues illicites. La sensibilisation précède l'action : les
populations doivent comprendre les dimensions d'un problème avant de pouvoir le résoudre. C'est pourquoi,
par exemple, l'éducation occupe une place aussi prépondérante dans nos projets de déminage au Pérou et en
Équateur, au Nicaragua et à l'OEA.
Ces efforts de sensibilisation doivent être accompagnés de transferts pratiques de savoir-faire. À cette fin, le
Canada et le Brésil ont organisé conjointement un séminaire, plus tôt ce mois-ci, qui portait sur la formation
d'agents de police en matière de droits de la personne. La contribution du Canada au Haut Commissariat des
Nations Unies aux droits de l'homme en Colombie servira, en partie, à aider à enseigner aux agents locaux des
droits de la personne comment faire plus efficacement leur travail.
Des projets de formation tels que ceux-là -- en particulier dans le secteur de la sécurité -- sont indispensables
pour favoriser des institutions ouvertes et démocratiques, qui fassent progresser la sécurité humaine.
Les besoins des sociétés émanant de conflits, en matière d'éducation, exigent une attention spéciale. La triste
situation des enfants touchés par la guerre est un sujet de préoccupation particulier. L'initiative canadienne de
consolidation de la paix a consacré des ressources pour aider les enfants dans les Amériques à traiter les
traumatismes causés par la guerre et les conflits au moyen d'une thérapie de réadaptation fonctionnelle et
d'éducation. Le fait d'accorder une attention spéciale aux enfants et aux jeunes -- en les aidant à tirer les
leçons de l'expérience de la guerre et à surmonter cette situation -- fera beaucoup pour la construction de
sociétés pacifiques et stables.
En fait, la meilleure garantie à long terme de sécurité humaine dans toutes nos communautés est d'imprégner
nos enfants et nos jeunes d'un solide sens des droits de la personne, des éléments fondamentaux de la justice
et de la démocratie et de la valeur de la tolérance -- et de leur permettre de mettre en pratique ce qu'ils ont
appris.
Par l'intermédiaire de vos propres projets, le BCEI [Bureau canadien de l'éducation internationale] le sait de
première main. L'initiative d'éducation pour la paix que vous avez lancée en Haïti -- consistant à former des
enseignants et à introduire l'instruction civique et la résolution de conflits directement dans le programme
scolaire -- en est un excellent exemple.
Dans la même veine, des représentants venant de tout l'hémisphère ont récemment participé à une réunion à
Carthagène, en Colombie, pour étudier la contribution que peut apporter l'éducation à la promotion de la paix
et du concept de sécurité humaine dans les Amériques et ailleurs. C'est, je l'espère, le début d'un processus
qui mènera à introduire un programme lié à la sécurité humaine dans les classes.
Le Programme de stages pour les jeunes, du Canada, créé en 1997, a pour objectif de donner aux jeunes
Canadiens la possibilité d'aider les autres jeunes dans le monde et d'en apprendre davantage sur eux. À ce
jour, plus de 1 400 jeunes canadiens ont participé à ce programme.
Ils ont servi en Amérique latine, dans des institutions interaméricaines, notamment l'OEA, la Commission
interaméricaine des femmes, la Commission interaméricaine de lutte contre l'abus des drogues, ou directement
sur le terrain. De ce fait, ils ont non seulement contribué à faire progresser la sensibilisation aux questions de
sécurité humaine mais ont encore, par leur participation et leur détermination, projeté les valeurs et la culture
canadiennes.
Tous ces efforts déployés en vue de promouvoir la sécurité humaine dans les Amériques par l'éducation
démontrent un potentiel. Qu'il s'agisse d'augmenter la sensibilisation, de créer des projets de formation, de
répondre aux besoins spéciaux des sociétés déchirées par la guerre, ou de faire participer directement les
enfants et les jeunes, il faut les encourager, et ce n'est, je crois, qu'un début.
Ils soulignent aussi que nous devons prendre en considération les besoins en matière de sécurité humaine lors
de l'élaboration d'une stratégie internationale complète du savoir. Des consultations sont en cours à cette fin,
et je suis déterminé à collaborer dans ce but avec mes collègues, et avec les représentants provinciaux et les
ONG comme le BCEI.
Notre monde en perpétuelle évolution fait participer plus directement les personnes aux affaires mondiales, tout
en plaçant de plus en plus les préoccupations humaines au premier plan du programme mondial. Nous
répondons en mettant en évidence la dimension humaine de notre politique étrangère -- notamment dans
notre perception globale des Amériques.
La coopération dans le domaine de l'éducation, avec l'importance particulière qu'elle accorde aux personnes,
constitue un élément naturel de cette approche. Votre conférence se produit donc à un moment opportun, et la
présence d'organismes partenaires des Amériques est la bienvenue. Je suis certain que votre collaboration,
pendant ces deux jours, contribuera à renforcer les liens dans le domaine de l'éducation, et ce faisant, tonifiera
les liens du Canada et des Canadiens avec cet hémisphère.
Merci.