M. PETTIGREW - ALLOCUTION À L'OCCASION DES JOURNÉES DE LA COOPÉRATION INTERNATIONALE 1999 - OTTAWA (ONTARIO)
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE PIERRE S. PETTIGREW,
MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL,
À L'OCCASION DES JOURNÉES DE LA
COOPÉRATION INTERNATIONALE 1999
OTTAWA (Ontario)
Le 17 novembre 1999
Je vous remercie.
Et j'aimerais aussi tous vous remercier de m'avoir invité ici aujourd'hui. Permettez-moi de souhaiter à
mon tour la bienvenue à nos invités d'Amérique du Sud. Nous sommes enchantés que vous soyez des
nôtres; le fait que vous ayez quitté la chaleur de votre région pour venir au Canada en novembre
témoigne clairement de votre engagement envers les questions dont nous débattons. Bienvenue!
Je tiens également à remercier ma collègue, Mme Maria Minna, qui m'offre cette occasion de participer à
vos délibérations. À plusieurs égards, cela représente un retour aux sources pour moi. Comme vous le
savez peut-être, mon premier poste au Cabinet a été celui de ministre de la Coopération internationale;
j'aperçois d'ailleurs dans la pièce de nombreux amis de l'ACDI [Agence canadienne de développement
international] qui me sont très chers.
Je vous assure que je n'ai jamais cessé de m'intéresser aux questions relatives au développement.
Cela tient, je crois, à la nature de ce portefeuille. Ceux d'entre vous qui ont consacré tant d'années à
ces questions me comprennent.
Une fois qu'on s'est occupé des enjeux du développement, on a tendance à voir le monde sous un
angle différent. On devient plus sensible aux conséquences de phénomènes comme la
mondialisation -- et aux possibilités qu'ils ouvrent -- et on saisit mieux la nécessité de prendre le temps
de renforcer les capacités des pays en développement.
En ma qualité de ministre du Commerce international, j'ai le sentiment de pouvoir continuer à apporter
ma contribution au traitement de ces questions. En effet, j'ai la ferme conviction que le commerce mène
au développement. Et je crois profondément au besoin d'humaniser la mondialisation.
J'ajouterai, à cet égard, qu'on n'aurait pas pu choisir un meilleur moment pour tenir la conférence de la
ZLEA [Zone de libre-échange des Amériques], à Toronto, il y a quelques semaines. Comme vous le
savez, nous nous apprêtons à lancer une nouvelle série de négociations dans le cadre de
l'Organisation mondiale du commerce [OMC]. Certains l'appellent « Cycle du millénaire »; nous
devrions peut-être le nommer « Cycle du développement ». Chose certaine, j'y vois une occasion de
remédier à certains des déséquilibres résultant de l'Uruguay Round. Mais quel que soit le nom qu'on lui
donne, il faudra que ce prochain cycle traite expressément des questions et des défis qui se posent aux
économies les moins avancées en cette ère de la mondialisation.
Nous ne voulons pas d'un monde où le fossé entre riches et pauvres s'élargit, où des pays entiers --
voire des continents -- restent sur la touche. Lyndon Johnson a dit un jour : « Le monde a rétréci et est
devenu un quartier, sans s'élargir pour devenir une fraternité. » Notre défi est de faire en sorte que tous
nos frères et soeurs soient de la partie; que les gens, où qu'ils vivent, profitent d'une situation où leur
niveau de vie s'élève, où l'industrie et les affaires sont en croissance, et où la malnutrition et
l'analphabétisme sont en voie de disparition.
Et je suis sûr que, comme moi, vous avez été très encouragés par la Déclaration du groupe des pays du
Commonwealth, préconisant pour le nouveau cycle de négociations de l'OMC une orientation
« prononcée » vers le développement.
Les pays du Commonwealth ont aussi reconnu clairement l'importance du commerce pour l'expansion
de la prospérité.
Manifestement, dans la conjoncture actuelle, le programme commercial et celui en faveur du
développement se recoupent.
La confiance
Le Canada aborde la nouvelle série de négociations commerciales avec une grande confiance. Et à bon
droit. Après tout, nous sommes un pays commerçant. L'an dernier, le Canada a exporté 42,5 p. 100 de
son PIB. Cette proportion dépassait à peine 30 p. 100 au début de la décennie.
En guise de comparaison, les États-Unis exportent environ 11,5 p. 100 de leur PIB et le Japon, 15 p. 100.
Proportionnellement, le Canada exporte quatre fois plus que les États-Unis et trois fois plus que le
Japon.
Cette progression des échanges commerciaux a procuré des emplois à nos compatriotes. D'ailleurs, la
grande majorité des emplois créés au Canada depuis 1993, dont le nombre total dépasse 1,9 million, est
attribuable à la croissance des exportations.
En réalité, notre exposition à la concurrence internationale a dynamisé notre économie, suscité
l'innovation et créé des centaines de milliers d'emplois pour les Canadiens.
Nous nous sommes affirmés comme une puissance commerciale et nous sommes imposés sur de
nouveaux marchés, créant ainsi de nouvelles possibilités et suscitant de nouveaux espoirs. De ce fait,
les Canadiens considèrent maintenant que le monde entier est leur marché.
Comme vous le savez, nous n'avons pas atteint ce degré d'intégration économique avec le monde à
partir de rien; nous l'avons fait grâce à la sécurité que nous assure un système commercial fondé sur
des règles. Nous ne devons pas abandonner ce processus maintenant. La prospérité du Canada réside
dans sa participation aux marchés mondiaux, et c'est cette voie que nous devons suivre.
Il n'est guère étonnant, dans ce contexte, que de nombreux Canadiens voient dans les négociations
prochaines de l'OMC une occasion d'assurer le prolongement des succès obtenus par le passé. Nous
connaissons les avantages que peuvent nous procurer les échanges commerciaux et nous devons
aujourd'hui en faire profiter le monde entier. Nous devons faire en sorte que les populations de toutes
les régions du monde puissent participer à ces échanges et prospérer.
C'est sur le plan du renforcement des capacités, de l'investissement dans les populations et de
l'accroissement des possibilités que le commerce et le développement se recoupent.
Et c'est là, je crois, que le Canada a une importante contribution à apporter. Comme je le disais, le
Canada tire très bien son épingle du jeu dans un système commercial basé sur des règles. Cela ne se
fait toutefois pas aux dépens de sa société bienveillante. Nous avons toujours compris que les forces
brutes du marché doivent être tempérées par des politiques compatissantes qui permettent à tous de
participer aux bénéfices.
Notre défi consiste à transporter ces mêmes valeurs sur la scène internationale, et à faire en sorte que
les personnes et non les profits soient le but de notre action.
Le commerce mène au développement
Je disais à l'instant que le commerce favorise le développement. Il ne s'agit pas là d'une simple
opinion : l'histoire le démontre.
Le commerce engendre la richesse dont on peut se servir pour rehausser les niveaux de vie et assurer
le progrès social. D'ailleurs, les pays qui ont réussi les plus grandes avancées en matière de réduction
de la pauvreté sont ceux qui ont été le plus ouverts au commerce.
De plus, les pays qui conjuguent cette ouverture au commerce à un bon gouvernement, à de saines
politiques sociales et environnementales ainsi qu'à une économie de marché marquent des progrès
encore plus importants dans le domaine du développement humain.
Les pays -- et leurs citoyens -- bénéficient de l'accès de leurs produits et de leurs services à de
nouveaux marchés. En outre, l'importation de nouvelles technologies par l'intermédiaire du commerce
est avantageuse pour eux. La mondialisation implique un investissement social accru et meilleur dans
les gens.
Il existe effectivement un « cercle vertueux » formé par le commerce, l'investissement et le
développement. Dans la mesure où des pays sont présents sur le marché international, ils sont
davantage en mesure d'attirer des investissements étrangers, lesquels, à leur tour, ont pour effet de
promouvoir le développement économique et l'accroissement des exportations.
La mondialisation, en elle-même, peut stimuler le développement. En effet, comment un pays peut-il
espérer être un acteur de la nouvelle économie -- une économie reposant sur les travailleurs du
savoir -- s'il n'accorde pas la priorité au développement humain, c'est-à-dire s'il ne fait pas les
investissements sociaux qui s'imposent?
J'ai abordé cette question avec le Secrétaire général de la CNUCED [Conférence des Nations Unies sur
le commerce et le développement], M. Ricupero, lorsque je l'ai rencontré à Genève le mois dernier, et
j'ai été très encouragé par sa ferme adhésion à la nécessité d'investir dans les ressources humaines.
Les échanges commerciaux favorisent également le développement durable. Les pays qui ont réduit la
pauvreté et satisfait les besoins fondamentaux de leur population peuvent consacrer plus d'attention
aux questions sociales et à la protection de l'environnement. De plus, le commerce expose ces pays à
de nouvelles technologies et à des pratiques exemplaires qu'ils peuvent ensuite adopter et intégrer à
leur propre expérience.
S'il persistait un doute quant au lien qui unit le commerce et le développement, il suffit d'examiner la
situation des pays qui se sont exclus des disciplines du GATT et de l'OMC.
Les pays communistes, par exemple, ou les pays du Sud, qui ont demandé un grand nombre
d'exceptions et d'exemptions, ont payé un très lourd tribut des points de vue du développement, de la
croissance et de la productivité.
En revanche, les pays qui, dans des délais très courts, se sont le plus ouverts à la
mondialisation -- comme Taïwan, la Corée du Sud, Singapour et le Chili -- ont atteint des niveaux de vie
similaires à ceux que nous connaissons en Amérique du Nord.
M. Renato Ruggiero, ancien directeur général de l'OMC, a estimé que 1,5 milliard de citoyens, répartis
dans le monde entier, ont vu leur niveau de vie faire un bond de 100 p. 100 au cours des 10 dernières
années. Oui, il a doublé en 10 ans! Voilà une statistique remarquable : elle illustre le pouvoir qu'a le
commerce de relever les conditions de vie des populations et le potentiel de la mondialisation et des
innovations technologiques.
Le lien entre le commerce et le développement est clair. Si vous voulons nous acquitter sérieusement
de nos responsabilités à l'égard du développement, il nous faut saisir les possibilités dont les
échanges commerciaux sont porteurs.
Le renforcement des capacités
Les marchés, aussi efficaces soient-ils comme outils, ne peuvent remplir d'autres fonctions
essentielles dont nous, le gouvernement, les ONG [organisations non gouvernementales] et la société
civile, devons nous acquitter. Nous ne pouvons pas abandonner nos responsabilités à l'ensemble des
citoyens. Les marchés n'aideront pas à redistribuer la richesse créée, ni à veiller à ce que chacun
partage cette richesse. Les marchés ne seront pas assez patients pour aider les pays en
développement à acquérir les compétences nécessaires pour leur permettre de participer aux systèmes
commerciaux ouverts et fondés sur des règles.
Bien évidemment, l'accès aux marchés et l'ouverture aux échanges commerciaux n'offrent guère
d'avantages si un pays et ses citoyens ne possèdent pas les compétences nécessaires. Notre tâche
consiste à élargir les avantages qui peuvent découler du commerce en renforçant les compétences
qu'il exige.
Fondamentalement, le renforcement des capacités suppose que les gens évoluent et font évoluer leur
société afin de réaliser leur potentiel.
Je n'ai sans doute pas à vous faire remarquer que les pays en développement n'ont pas besoin qu'on
les prenne par la main; cela dit, ils ne peuvent pas non plus jouer le jeu de la concurrence s'ils ont les
mains liées. Le défi consiste à les aider à délier leurs mains, c'est-à-dire à renforcer leurs capacités et à
agrandir le cercle de la prospérité.
J'ajouterai que, grâce à mon expérience de ministre responsable de l'ACDI, je sais que l'Agence mène
une action tout à fait remarquable dans ce domaine.
Je sais que les pays en développement font face à de nombreux défis. Leur intégration au sein du
système mondial de commerce est particulièrement difficile, en partie parce qu'ils doivent s'adapter à
des règles fort complexes. C'est pourquoi Mme Minna, ma collègue et ministre de la Coopération
internationale, et moi-même travaillons de concert pour que le Canada devienne un membre fondateur
d'un centre d'assistance juridique de l'OMC. L'objectif de ce centre serait d'assister les pays en
développement à deux niveaux, soit en renforçant leur compréhension des règles et procédures de
l'OMC de même qu'en facilitant leur recours au mécanisme de résolution des différends commerciaux
de l'OMC.
La cohérence
À mes yeux, un des défis qui se posent à l'horizon réside dans la nécessité d'assurer une meilleure
coordination entre les diverses organisations et institutions internationales.
À l'heure actuelle, de nombreux organismes différents qui nourrissent des inquiétudes au sujet de la
mondialisation les projettent sur la scène commerciale. Qu'il s'agisse de normes du travail, de
questions environnementales ou de droits de la personne, les parties concernées ont concentré leur
attention dernièrement sur le processus commercial, en général, et sur l'OMC, en particulier.
D'un certain point de vue, c'est compréhensible. De toutes les organisations formées à la suite de la
Seconde Guerre mondiale, c'est le GATT, prédécesseur de l'OMC, qui a oeuvré le plus efficacement et
qui a accompli le plus. Il a défini des règles claires et équitables, et de puissants mécanismes pour les
appliquer.
Nous assistons donc à un mouvement de convergence de toutes ces autres questions -- qui sont
toutes légitimes et importantes -- vers l'OMC.
Le défi consiste à mieux collaborer avec des organisations comme la CNUCED, l'OIT [Organisation
internationale du Travail], le FMI [Fonds monétaire international] et la Banque mondiale de manière
cohérente afin que toutes ces questions soient prises en compte dans les politiques que nous menons.
Nous devons tous chercher à atteindre un objectif commun, et non poursuivre des objectifs divergents.
Par exemple, il est absurde que le FMI dise à un pays en développement d'augmenter ses droits de
douane pour accroître ses recettes, sans quoi le FMI cessera de financer des projets dans ce pays,
alors que l'OMC presse le même pays d'abaisser ses droits de douane et d'ouvrir son économie au
commerce extérieur. Ces signaux contradictoires ne produisent rien de bon!
Vu le dynamisme de l'économie mondiale, il est aussi impératif que l'OMC et l'OIT coopèrent pour que
nos gens aient les compétences nécessaires pour s'adapter à un monde en pleine mutation.
L'OMC a un devoir -- et c'est d'ailleurs dans son propre intérêt -- de coopérer avec les autres
organisations internationales pour mieux réaliser son programme, qu'il s'agisse de normes du travail,
d'environnement ou de droits humains.
Et il ne s'agit pas seulement des institutions internationales. Les ONG font maintenant figure d'acteurs
sur la scène mondiale et nous devons tisser des liens avec elles si nous voulons définir des politiques
claires et cohérentes.
C'est là une question que je soulèverai dans le cadre des délibérations de l'OMC à Seattle. Je suis
d'avis que cette approche cohérente est essentielle si nous voulons surmonter une partie de la
résistance que nous voyons émerger dans certains milieux.
Il serait désastreux, à mon sens, de mettre le commerce et la poursuite de la libéralisation des
échanges en attente pendant que nous « réglons » ces autres questions. Nous passerions
complètement à côté de l'essentiel. L'existence de violations des droits de la personne, par exemple,
n'est pas imputable aux échanges commerciaux. Le commerce n'est pas le problème -- je suis
convaincu qu'il fait partie de la solution.
Si nous reportions à plus tard la libéralisation des échanges pendant que nous nous attaquons à ces
autres questions, nous nous priverions de l'un des moyens les plus puissants de les régler.
Conclusion
Lorsque j'ai demandé à Maria de me donner son avis quant à la longueur de mon allocution
d'aujourd'hui, elle m'a répondu que si je m'adressais à vous pendant 40 minutes, vous en seriez
heureux. Si mon intervention durait 30 minutes, vous en seriez enchantés. Enfin, elle a ajouté que si je
ne dépassais pas 20 minutes, ce serait pour vous le bonheur total!
Il ne m'arrive pas souvent de laisser à un auditoire un sentiment de bonheur total! Donc, en guise de
conclusion, permettez-moi de réaffirmer ma ferme conviction selon laquelle le commerce est un
instrument indispensable pour ce qui est de favoriser le développement.
Cela dit, nous ne pouvons pas aller de l'avant sans une cohérence accrue parmi les diverses
organisations internationales, ni sans intensifier notre action visant à renforcer les capacités des pays
en développement.
Si nous menons ces tâches à bien -- et si, justement, nous le faisons de la bonne façon -- je crois qu'il
en résultera un degré de développement qui nous étonnera tous. De plus, nous hâterons l'avènement
d'un monde où les défavorisés auront de l'espoir, où des possibilités s'offriront au plus grand nombre,
et où la prospérité sera partagée.
Voilà le monde auquel nous aspirons. Et c'est l'objectif que nous devons poursuivre ensemble.
Merci.