M. AXWORTHY - ALLOCUTION AU CANADA CLUB, À LONDRESLE CANADA ET LA GRANDE-BRETAGNE À L'ÈRE DE LA NOUVELLE DIPLOMATIE - LONDRES, ANGLETERRE
98/12 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE LLOYD AXWORTHY,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
AU CANADA CLUB, À LONDRES
LE CANADA ET LA GRANDE-BRETAGNE
À L'ÈRE DE LA NOUVELLE DIPLOMATIE
LONDRES, Angleterre
Le 2 mars 1998
Ce document se trouve également au site Internet du Ministère :
http://www.dfait-maeci.gc.ca
Dans 10 semaines, notre premier ministre se joindra à Sa Majesté la reine
Élisabeth et à d'autres, dont plusieurs d'entre vous, pour la réouverture de
Canada House, vénérable symbole de la présence canadienne en Grande-Bretagne
depuis 70 ans.
La nouvelle Canada House sera une mission diplomatique d'un genre inédit, ouverte
au public et dotée d'un équipement multimédia de pointe, et un centre de la
culture et des arts.
Je ne mentionne pas cet événement pour en faire la promotion, mais parce qu'il
symbolise ce qui, je crois, peut être considéré comme une renaissance des
relations entre nos deux pays, sur de nouvelles bases de coopération et de
collaboration. Pour reprendre les termes de la déclaration commune signée par nos
premiers ministres en juin dernier, il marquera la modernisation des relations
entre nos deux pays.
Outre la réouverture de Canada House, les indices de cette modernisation et de
cette revitalisation abondent. La Grande-Bretagne et le Canada ont signé un traité
international d'interdiction des mines antipersonnel, à l'instar de 120 autres
pays réunis à Ottawa en décembre dernier. En janvier, le premier ministre Blair
annonçait la constitution d'un tribunal d'enquête où siégerait un juge canadien,
M. le juge en chef William Hoyt, et qui serait chargé de faire la lumière sur
l'événement du 30 janvier 1972, connu comme le « dimanche sanglant ».
Ces dernières semaines, le Canada et la Grande-Bretagne ont adopté une position
commune sur l'envoi de troupes dans le golfe Persique, pour appuyer les Nations
unies. Et aujourd'hui même, j'ai participé à des discussions en cours sur la
coopération entre les membres du Commonwealth concernant les droits de la personne
au Nigeria et ailleurs, avec Tony Lloyd [ministre d'État britannique, Affaires
étrangères et du Commonwealth] et d'autres collègues du Commonwealth.
J'ajoute en passant que je suis particulièrement impressionné de voir que le
ministre du Commerce international et vice-premier ministre de la Barbade, Billie
Miller, après avoir assisté toute la journée à des réunions avec moi, est encore
disposé à venir m'entendre ici ce soir.
Les nouveaux défis de la sécurité des personnes
Ces nouvelles relations entre le Canada et la Grande-Bretagne sont plus qu'une
simple succession d'événements. Elles se ressentent des bouleversements sismiques
qui ont secoué les plaques tectoniques des affaires mondiales depuis la chute du
mur de Berlin.
Le plus significatif de ces bouleversements, je crois, c'est la place de plus en
plus grande que prennent les questions de sécurité des personnes dans les affaires
mondiales. Ce sont les questions qui touchent chaque individu personnellement :
les menaces que posent les drogues illicites, le terrorisme, les problèmes
environnementaux, les abus des droits de la personne et les armes de destruction
massive. Elles sont devenues des préoccupations quotidiennes des ministres des
Affaires étrangères et des gouvernements.
C'est de ces développements qu'a émergé la notion de sécurité des personnes, qui
postule qu'en matière de sécurité, les buts doivent être énoncés et réalisés par
rapport aux besoins des personnes et non des États. L'unité de base de l'analyse
et des sujets de préoccupation a été réduite de l'État à la collectivité, voire à
l'individu. En même temps, face aux problèmes qui transcendent les frontières
entre les États, notre champ d'action naguère limité aux États s'est étendu aux
régions, et même à la planète.
Pour compliquer encore davantage les choses, la diffusion de la puissance sur la
scène internationale a entraîné l'apparition de nouveaux acteurs : des
entreprises, des institutions et organisations non gouvernementales, et des
entités régionales comme l'Union européenne.
Ces changements présentent des difficultés intéressantes aux gouvernants et posent
des questions épineuses pour la conduite des États-nations. Nous sommes tous aux
prises avec la nécessité de définir le rôle que nous entendons jouer dans ce
nouvel ordre des choses. C'est peut-être ce qui motive la prolifération de
nouveaux slogans nationaux, comme « la nouvelle Grande-Bretagne » ou, dans le cas
des États-Unis, « la nation indispensable ».
Le concept de puissance douce
Pour ne pas être en reste, j'ai moi-même parlé de « pays à valeur ajoutée », à
propos du Canada. Et le Canada ajoute de la valeur principalement par l'exercice
de sa « puissance douce », pour reprendre une expression créée par Joseph Nye à
Harvard il y a quelques années.
Par « puissance douce », il entendait une approche non coercitive des affaires
internationales, où la puissance procède d'idées attrayantes, de valeurs communes
et de partenariats, plutôt que de la force militaire et économique.
Il peut sembler paradoxal de parler de « puissance douce » alors que le Canada et
la Grande-Bretagne viennent de s'affirmer prêts à recourir à la force au besoin
pour faire respecter par l'Iraq les résolutions de l'ONU. Mais ni Joseph Nye, ni
moi ne prétendons qu'il n'y ait plus de place pour l'exercice de la force
militaire, mais nous soutenons plutôt que dans un monde complexe et multipolaire,
la force militaire n'est plus la mesure suprême de la capacité d'influer sur les
événements mondiaux.
À une époque où la puissance est de plus en plus diffuse et où les problèmes
transcendent les frontières entre les États, il faut reconnaître que la force
militaire et économique compte beaucoup moins que par le passé. Inversement, la
puissance qui détermine l'ordre du jour international et qui incite les autres à
suivre cet ordre du jour par la cooptation plutôt que par la coercition compte de
plus en plus.
La puissance douce et la campagne contre les mines antipersonnel
La campagne qui a mené à la signature, à Ottawa en décembre dernier, d'un traité
international d'interdiction des mines antipersonnel est à mon avis un bon exemple
de « puissance douce » à l'oeuvre. Une coalition improvisée mais efficace d'États
et d'organisations non gouvernementales a rallié les gouvernements et l'opinion
publique internationale avec une promptitude sans précédent, face à l'impasse qui
paralysait les institutions multilatérales et au scepticisme de plus d'une grande
puissance. Elle y est arrivée à partir d'un principe clair et à la portée de
tous : les mines étaient la cause d'une grave crise humanitaire, et il fallait par
conséquent les interdire.
Le dialogue, les manoeuvres en coulisse et la sollicitation entre gouvernements et
société civile ne sont pas nouveaux, bien entendu. Dans le cadre de ce que l'on
appelle dorénavant le « processus d'Ottawa », cependant, les gouvernements et la
société civile ont coopéré directement, comme membres de la même équipe. C'est
cela qui est rare : le succès sans précédent obtenu dans un cas en particulier
grâce à cette approche.
Une partie de ce succès est due au fait que l'on a su galvaniser l'opinion
publique. Feu la princesse Diana a joué un rôle inestimable pour cela, et je suis
fort heureux de constater que ce rôle est commémoré et prolongé grâce à la
fondation qui a été constituée en son nom.
La nouvelle diplomatie canadienne
On pourrait dire, en résumé, que cette approche de la politique étrangère est
celle qui cherche à ajouter de la valeur au niveau international. Le Canada
apporte des qualités spéciales, et donc une valeur spéciale, sur la scène
internationale. Les qualités qui caractérisent le Canada : un attachement
historique à la réconciliation et à la paix, le respect de toutes les cultures et
de tous les groupes ethniques, le bilinguisme et un fédéralisme souple : tout cela
se reflète dans notre politique étrangère. Et bien entendu, maintenant que le
Canada a atteint l'équilibre budgétaire, étant le premier pays du G7 à y arriver,
nous avons plus que de la valeur à ajouter, nous avons aussi de l'argent.
Face à une situation internationale en mutation, nous élargissons nos horizons et
trouvons de nouvelles façons de mener les affaires internationales en suivant
différentes approches :
• nous développons la diplomatie publique chez nous, par des initiatives comme
notre Forum national sur la politique étrangère, et au niveau international;
• nous formons de nouvelles alliances, avec des partenaires non traditionnels dans
certains cas; il s'agit aussi bien de nos dialogues bilatéraux avec la Chine et
Cuba sur les droits de la personne que de notre adhésion à l'Organisation des
États américains [OEA];
• nous oeuvrons en faveur de la réforme des institutions internationales, ce qui
ne comprend pas seulement la grande réforme de l'ONU, mais aussi la création de
nouveaux organismes comme les tribunaux des Nations unies pour les crimes de
guerre;
• nous cherchons à assujettir aux normes internationales les acteurs autres que
les États, par exemple en adoptant des codes d'éthique à l'intention des
entreprises canadiennes à l'étranger;
• nous veillons à ce que les couches sociales marginalisées figurent à l'ordre du
jour international, en nous penchant sur des questions comme le travail des
enfants ou encore la disparité entre les sexes dans les sociétés déchirées par des
conflits où l'on s'efforce de consolider la paix.
À mon avis, la politique étrangère « à valeur ajoutée » du Canada et la politique
étrangère de la « nouvelle Grande-Bretagne » ont beaucoup en commun. Robin Cook
[secrétaire d'État britannique, Affaires étrangères et du Commonwealth] et moi
avons discuté face à face de ces points communs récemment. Nous avons convenu que
le Canada et la Grande-Bretagne étaient bien placés pour faire usage de leur
« puissance douce » relativement aux priorités et aux impératifs de temps
nouveaux.
Depuis, nos fonctionnaires poursuivent des discussions détaillées sur nos
expériences et sur notre intérêt commun pour la participation du public à la
politique étrangère, y compris les partenariats avec les ONG, la diplomatie
publique et l'ouverture de la politique étrangère à la participation démocratique.
Ces discussions doivent se poursuivre au cours des prochains mois, ce dont je me
réjouis, et je souhaite beaucoup de succès au gouvernement britannique dans ses
réflexions pour la mise sur pied de son propre forum national.
Sur un plan plus large, nous avons aussi discuté avec la Grande-Bretagne, en sa
qualité de présidente de l'UE, de nos valeurs transatlantiques communes, et de
leur incorporation dans le Plan d'action Canada-UE. Dans ce nouvel arrangement, il
y a place pour des partenariats non seulement en matière commerciale et
économique, mais aussi dans maints autres domaines : de la promotion de médias
libres en Bosnie à la lutte contre le chômage, en passant par les stages de jeunes
et les échanges culturels.
Bien entendu, ce n'est pas d'hier que la Grande-Bretagne et le Canada collaborent
ensemble à l'atteinte de buts communs; ce qui est nouveau, ce sont les outils que
nous entendons utiliser, et les problèmes que nous voulons régler. Permettez-moi
de citer quelques exemples.
Les mines antipersonnel : suite du processus d'Ottawa
J'ai fait mention tout à l'heure du processus qui a mené à la signature du traité
interdisant les mines antipersonnel, et où la Grande-Bretagne a joué un rôle de
premier plan. Mais ce traité n'est que la première étape sur le chemin qui doit
nous mener à notre but ultime, un monde libre de mines antipersonnel. Au cours des
mois à venir, il est impératif de travailler à l'atteinte des objectifs suivants :
• ratifications nombreuses, afin que le traité entre en vigueur le plus tôt
possible;
• universalisation du traité, afin que les pays qui ne l'ont pas encore signé y
adhèrent;
• destruction des stocks, déminage et assistance aux victimes, particulièrement
dans les pays fortement minés, comme la Bosnie.
Pour atteindre ces objectifs, il faut conserver la souplesse, l'ouverture et
l'innovation qui ont fait le succès de la campagne pour la signature du traité. À
propos de l'universalisation, par exemple, Robin Cook et moi avons convenu que
l'approche du tout ou rien, du « C'est à prendre ou à laisser », ne mène à rien.
Il faut au contraire adapter notre approche aux divers non-signataires, sur le
plan bilatéral ou par l'intermédiaire d'organismes comme la Commission du
désarmement. Les principes du traité d'Ottawa ne peuvent pas être dilués, mais les
façons de procéder pour y faire adhérer un plus grand nombre de pays peuvent
varier considérablement.
Il est tout aussi important que ceux qui ont déjà signé le traité le mettent en
oeuvre, y compris pour ce qui a trait au déminage et à l'assistance aux victimes.
Pour cela, il faut maintenir et réorienter la « coalition de volontaires » qui a
donné naissance au traité. À ce sujet, le Canada tiendra un atelier sur la
coordination internationale de l'action contre les mines d'ici la fin du mois. Ce
sera pour la Grande-Bretagne, le Canada et les autres membres de la coalition
l'occasion de montrer que la « puissance douce » est tenace.
La campagne contre les mines antipersonnel fait partie d'un éventail de questions
qui se prêtent particulièrement bien à l'exercice de la puissance douce. Ce sont
des questions qui transcendent les frontières, qu'elles soient nationales ou
conceptuelles. Ce sont des problèmes que ne peuvent pas résoudre les experts d'une
seule discipline, ni la puissance des seuls gouvernements souverains.
Ces problèmes ne peuvent se résoudre que par la coopération entre des coalitions
internationales et nationales, des coalitions fondées sur l'adhésion à des
principes fondamentaux, plutôt qu'à des procédures ou à des structures. Au nombre
de ces questions, j'inclus les menaces que font peser les armes légères, le
commerce des drogues illicites et les abus des droits de la personne, et qui
préoccupent sérieusement le Canada comme la Grande-Bretagne.
Les armes légères
Le problème des armes légères, comme les mines antipersonnel, échappe aux
catégories traditionnelles, et par conséquent à l'emprise de nos institutions et
structures actuelles. Ni simple question humanitaire, ni pure question de
désarmement, la prolifération des armes légères peu coûteuses n'en a pas moins un
impact dévastateur dans les sociétés éprouvées par des conflits, dans toutes les
parties du monde. L'AK-47 menace réellement et directement la vie de millions de
civils, dont de nombreux enfants, au même titre que les mines antipersonnel.
Nous n'en sommes qu'aux préliminaires d'une solution à ce problème. On ne peut
certainement pas se contenter de reproduire le processus qui a mené à la
conclusion du traité sur les mines antipersonnel, mais les leçons tirées de cette
expérience nous offrent un important point de départ. Comme dans le cas des mines
antipersonnel, il est clair que la meilleure approche du problème des armes
légères n'est pas la création de nouvelles institutions lourdes et encombrantes,
mais consiste plutôt à mobiliser les organisations existantes et, au besoin, à
sortir complètement des institutions pour opérer dans le cadre de coalitions
formées expressément à cette fin. Il est tout aussi clair que les initiatives
concernant les armes légères ne pourront réussir qu'avec la participation active
de la société civile.
La Grande-Bretagne, qui préside concurremment l'UE et le processus du sommet du P-8, est bien placée pour faire avancer les travaux sur les armes légères. Nous
félicitons l'UE de préparer un code d'éthique sur les transferts d'armes, et nous
espérons voir cette question inscrite à l'ordre du jour du sommet. Ces efforts
peuvent compléter d'autres initiatives régionales, notamment le travail de
pionnier qu'effectue l'OEA dans le dossier des transferts illicites d'armes
légères.
Le trafic des stupéfiants
Le trafic des drogues illicites continue aussi à poser un problème grave aux
institutions nationales et internationales existantes. Nous sommes à l'ère des
frontières poreuses, de l'intégration économique planétaire et des communications
instantanées, et les entreprises légitimes ne sont pas les seules à en profiter.
La faiblesse des institutions d'État, et dans certains cas la déliquescence des
États, la croissance du commerce illicite des armes légères et les immenses sommes
d'argent qu'il rapporte en font un problème insoluble et universel.
Nous partageons les préoccupations de la Grande-Bretagne face à la menace que
représente le trafic des stupéfiants dans les Caraïbes, par exemple, et nous
sommes près à coopérer avec elle pour lutter contre le problème.
Il n'y aura pas de solutions simples ou instantanées. Mais nous faisons un pas
dans la bonne direction en reconnaissant la nécessité de renforcer les approches
coopératives, multidimensionnelles et ouvertes qui visent à la fois l'offre et la
demande. Pour obtenir des résultats, nous avons besoin de trois choses :
• une volonté et une direction politiques;
• une coopération entre tous les pays, producteurs et consommateurs;
• des approches souples, qui tiennent compte à la fois des problèmes d'application
des lois, de développement et de santé.
Les droits de la personne
Alors que les armes légères et les stupéfiants sont des sujets relativement
nouveaux d'attention concertée pour la communauté internationale, la promotion des
droits de la personne est bien établie. En ce 50e anniversaire de la Déclaration
universelle des droits de l'homme, nous sommes à la croisée des chemins. Depuis
cinq décennies, la communauté internationale s'est dotée d'une impressionnante
panoplie d'instruments dans ce domaine. Et pourtant, dans un monde de plus en plus
intégré, nous sommes plus que jamais conscients de la fréquence avec laquelle ces
droits sont violés. Maintenant que les normes ont été relativement bien définies,
il est temps de passer à la prochaine étape, et de les mettre en oeuvre.
La mise en oeuvre des normes exige à la fois un nouvel engagement en faveur des
institutions existantes, et la mise au point de nouveaux outils efficaces ou, dans
certains cas, de nouvelles institutions. Comme je le mentionnais tout à l'heure,
je suis à Londres pour une réunion du Groupe d'action ministériel du Commonwealth.
Depuis sa création, en 1995, le Groupe d'action sert d'organe de coordination pour
les réponses du Commonwealth aux violations des droits de la personne perpétrées
dans certains États membres. Il a permis d'évaluer les progrès réalisés par le
Nigeria dans son programme de restauration de la démocratie et du gouvernement
civil, un sujet qui tient particulièrement à coeur au Canada.
Le Canada estime aussi que les membres du « Commonwealth non officiel » ont un
rôle important à jouer comme canaux d'amenée du Groupe d'action et, plus
généralement, comme gardiens des droits de la personne au sein du Commonwealth.
Nous voudrions que les ONG du Commonwealth appliquent leurs compétences et
qualités particulières à la situation au Nigeria.
La Grande-Bretagne, comme le Canada, est membre actif du Groupe d'action
ministériel du Commonwealth et partage notre préoccupation face à l'absence de
progrès concernant la situation des droits de la personne au Nigeria. Notre
coopération au sein du Groupe reflète l'excellente coopération qui nous unit sur
d'autres questions relatives aux droits de la personne aux Nations unies.
Nous avons aussi des points de vue semblables sur l'opportunité de constituer un
tribunal pénal international. Cette instance doterait la communauté internationale
d'un moyen de lutter contre le problème de l'impunité dont jouissent les
violateurs des droits de la personne, y compris les criminels de guerre. Ce n'est
pas seulement une question de justice, mais aussi de paix et de sécurité. Après
des conflits génocides comme ceux du Rwanda et de l'ex-Yougoslavie, les
perspectives d'une paix et d'une réconciliation durables sont gravement
compromises si les criminels de guerre restent en liberté.
Outre les institutions multilatérales, le Canada comme la Grande-Bretagne
reconnaissent l'importance de leurs propres institutions lorsqu'il s'agit de faire
respecter les droits de la personne et les principes démocratiques. Nous insistons
tous deux sur la bonne gestion de la chose publique -- la mise en place d'une
fonction publique efficace et d'un système juridique équitable -- dans nos
programmes d'aide aux pays en développement.
En même temps, le Canada s'efforce de mettre au point de nouveaux outils souples
et efficaces, adaptés à certains pays ou à certaines questions en particulier,
dans le domaine des droits de la personne. Au moment où je vous parle, débute en
Colombie-Britannique un symposium plurilatéral sur les droits de la personne,
organisé conjointement par le Canada et la Chine et auquel assisteront 10 autres
pays. Ce symposium, qui s'inscrit dans le contexte de notre dialogue général sur
les droits de la personne avec la Chine, est à ma connaissance sans précédent.
C'est la première fois que la Chine organise une conférence sur les droits de la
personne conjointement avec un pays occidental et, qui plus est, d'autres pays
participeront aux délibérations.
Dans ce contexte, je suis ravi d'apprendre que mon collègue Robin Cook a récemment
annoncé une initiative concernant l'éthique en politique étrangère, qui injectera
de nouvelles sommes d'argent substantielles dans des projets de promotion des
droits de la personne dans toutes les régions du monde. Je salue cette initiative,
et j'ai hâte d'en savoir plus long à ce sujet.
Conclusion
Je n'ai pas besoin de rappeler aux membres du Canada Club les solides liens
historiques qui unissent le Canada et la Grande-Bretagne. Les périodes de grands
changements sont toujours angoissantes, et certains pourront craindre que les
fortes relations qui ont toujours existé entre le Canada et la Grande-Bretagne ne
disparaissent dans le grand réaménagement du paysage international que je viens de
décrire.
J'estime pourtant qu'elles sortiront renforcées de cette période de
bouleversement. Il ne s'agit pas seulement ici d'attendre la fin de la tempête. Je
crois plutôt qu'une période de puissance douce offre au Canada et à la Grande-Bretagne d'importantes possibilités -- la possibilité de jouer des rôles encore
plus efficaces sur la scène mondiale, et de se concerter pour instaurer un monde
plus stable, plus pacifique et plus prospère.
Les Canadiens passent pour être modestes et avoir tendance à s'autodéprécier. Sir
Wilfrid Laurier s'écarta de ce stéréotype au début du siècle en disant que le
Canada était devenu une étoile sur laquelle se portait le regard du monde
civilisé. J'espère que vous ne me jugerez pas trop immodeste si je répète ses
paroles, car je crois qu'au firmament de la puissance douce, l'étoile du Canada
monte.