M. AXWORTHY - ALLOCUTION À LA CONFÉRENCE DE POLITIQUE ÉTRANGÈRE DE 1998 DE L'INSTITUT CANADIEN DES AFFAIRES INTERNATIONALES - OTTAWA (ONTARIO)
98/67 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE LLOYD AXWORTHY,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
À LA CONFÉRENCE DE POLITIQUE ÉTRANGÈRE DE 1998
DE L'INSTITUT CANADIEN DES AFFAIRES INTERNATIONALES
OTTAWA (Ontario)
Le 16 octobre 1998
(15 h 15 H.A.E.)
Ce document se trouve également au site Internet du Ministère :
http://www.dfait-maeci.gc.ca
Je suis très heureux d'être des vôtres cet après-midi. Je veux remercier l'Institut canadien des affaires
internationales [ICAI] de m'avoir invité à prendre la parole devant un auditoire aussi distingué. Je me suis tout
particulièrement réjoui de ce que l'ICAI ait choisi de tenir sa conférence cette année en association avec le
World Affairs Councils of America. Cette coentreprise intellectuelle illustre fort bien le genre de coopération
continentale qui me semble nécessaire pour explorer l'identité nord-américaine -- une idée à laquelle je
reviendrai d'ailleurs un peu plus tard.
Je voudrais aujourd'hui m'arrêter à trois questions : l'évolution de la situation internationale, les nouvelles
approches développées par le Canada pour faire face aux défis qu'elle pose, et le rôle de ces approches dans
l'édification d'une communauté nord-américaine.
Le défi de la sécurité humaine
Le cours des affaires mondiales a radicalement changé depuis la fin de la guerre froide, un événement d'une
portée telle que ses effets se font encore sentir aujourd'hui. Néanmoins, un certain nombre de certitudes ont
émergé du nouveau désordre mondial.
Le visage de la guerre s'est transformé. La majorité des conflits violents se produisent à l'intérieur des États
plutôt qu'entre eux. Peu importe où ils se produisent, les civils -- et spécialement les plus vulnérables parmi
eux -- en sont de plus en plus les grandes victimes et les principales cibles. C'est ainsi que le monde a été
témoin de tragédies humaines aux proportions énormes -- sous la forme de mouvements massifs de réfugiés et
de violations extrêmes du droit humanitaire, y compris le génocide.
La nature des défis auxquels nous sommes confrontés a changé. Ils sont aujourd'hui transnationaux pour la
plupart. Les menaces posées par le trafic illicite des drogues, le terrorisme, les problèmes environnementaux,
les violations des droits de la personne et la prolifération des armes font fi des frontières entre les États. Mais
elles n'en ont pas moins un impact direct sur nous à différents plans, qu'il s'agisse de la sûreté de nos rues, de
l'air que nous respirons, ou encore de la qualité de notre vie.
Nous sommes tous affectés -- personne n'y échappe. Certains peuvent peut-être penser que, devant la horde
du « monde extérieur », il faut hisser le pont-levis. L'inéluctable vérité, c'est que nos vies sont plus que jamais
liées les unes aux autres. Des préoccupations naguère lointaines sont aujourd'hui aussi proches de nous que
notre écran de télévision ou notre terminal d'ordinateur. Et si la mondialisation est source d'occasions, elle peut
aussi nous exposer tous -- et spécialement les plus vulnérables -- à l'insécurité économique et sociale.
Nous continuons de chercher des stratégies face à ces changements. Mais une chose est claire. Ces nouvelles
réalités ont placé l'individu -- plus précisément sa sécurité -- au centre des affaires mondiales. L'attention de la
communauté internationale se tourne vers les enjeux qui affectent directement le bien-être de l'individu.
La promotion des objectifs humanitaires -- mieux protéger contre les abus, réduire les risques de danger
physique, améliorer la qualité de la vie et développer les instruments qui assureront la réalisation de ces
objectifs -- donne aujourd'hui l'impulsion voulue à une action mondiale concertée.
De Kyoto au Kosovo, la communauté internationale se mobilise pour trouver une solution à des problèmes qui
affectent le quotidien de gens ordinaires. Notre cadre fondamental d'analyse est passé de l'État à l'individu.
L'approche de la sécurité humaine produit de nouvelles priorités -- de la lutte contre les attentats terroristes au
changement climatique en passant par le travail des enfants. Ces questions en sont venues à monopoliser
quotidiennement l'attention des ministres des Affaires étrangères et des gouvernements. Elles constituent le
programme de la sécurité humaine.
La dernière crise en date dans les Balkans démontre que l'impératif humanitaire peut servir à mobiliser la
communauté internationale. C'est le sort d'innocents civils kosovars, privés de leur gagne-pain, chassés par
milliers de leurs foyers, battus et massacrés par centaines -- le tout transmis en direct dans nos foyers -- qui a
commandé au reste du monde de réagir. C'est la perspective d'un quart de million d'êtres humains sans abri à
l'approche de l'hiver qui a décidé -- bien qu'un peu tard -- la communauté internationale à venir en aide à ces
gens. C'est l'imminence d'un désastre humanitaire qui a incité l'OTAN -- ironiquement le symbole de la
realpolitik durant la guerre froide -- à intervenir pour éviter une tragédie humaine.
Certes, les vieilles réalités du pouvoir persistent. Les conflits traditionnels entre les États, et leurs séquelles,
demeurent malheureusement une caractéristique de la conjoncture mondiale. Mais qu'on ne s'y trompe pas. À
la fin du XXe siècle, le programme de la sécurité humaine n'est pas une activité périphérique : il est, au
contraire, rapidement en voie de devenir l'événement principal dans le déroulement des affaires mondiales.
La réaction du Canada
C'est dans ce contexte que le Canada a repensé et refocalisé les priorités de sa politique étrangère. Nous nous
attachons de plus en plus aux questions qui touchent directement l'individu. Cette approche des relations
internationales centrée sur la sécurité humaine repose sur plusieurs éléments.
L'engagement plutôt que l'isolationnisme est le principe premier de notre action. Depuis longtemps, les
Canadiens sont ouverts au reste du monde. Comme bon nombre des problèmes font fi des frontières, la
coopération à différents niveaux -- mondial, régional et local -- s'impose d'autant pour pouvoir s'y attaquer
efficacement.
Des partenariats nouveaux, innovateurs, sont indispensables. La politique étrangère n'est plus l'apanage des
États nations et des diplomates. De nouveaux acteurs sur la scène internationale, y compris des organisations
non gouvernementales [ONG], des associations commerciales, des syndicats et des organisations régionales,
ont de plus en plus d'influence. Ils peuvent jouer un rôle positif en apportant de nouveaux outils que nous ne
sommes pas en mesure de fournir, comme une connaissance intime des enjeux.
Il faut se doter de nouveaux instruments et réformer les institutions existantes. De nouveaux instruments de
droit humanitaire international aideront à garantir la protection des individus. Et ils donneront une portée plus
grande aux normes dans le domaine. Le droit humanitaire international fixe les normes de comportement
international. De nouvelles règles de droit établissent de nouvelles normes, auxquelles nous sommes tous
assujettis.
La réingénierie d'institutions existantes, comme l'ONU, nous donnera collectivement la capacité non seulement
de réagir mais aussi d'agir. À l'ère de l'information, on peut et on doit utiliser efficacement les nouveaux
instruments de communication -- et c'est d'ailleurs ce qui a été fait.
Enfin, le recours à la puissance douce -- la négociation plutôt que la coercition, la puissance des idées plutôt
que celle des armes, la diplomatie publique plutôt que les tractations en coulisse -- est un moyen efficace de
faire avancer le programme de la sécurité humaine.
En termes pratiques, ces éléments ont aidé à mieux focaliser la politique étrangère du Canada et à la rendre
plus proactive au regard de certains des problèmes clés de sécurité humaine. Trois récentes initiatives -- la
campagne d'interdiction des mines terrestres antipersonnel, les mesures prises pour contrer les risques
présentés par la prolifération des armes légères et de petit calibre de type militaire, et la création de la Cour
criminelle internationale -- sont autant de manifestations du programme de la sécurité humaine.
Un partenariat sans précédent entre les gouvernements et la société civile a conduit à la signature de la
Convention d'Ottawa en décembre. Cent trente et un pays l'ont signée et, le mois dernier, nous avons atteint le
seuil des 40 ratifications nécessaires à son entrée en vigueur. Cet instrument établit une nouvelle norme de
désarmement international. Le 1er mars 1999, il deviendra une composante permanente de l'architecture
juridique internationale.
Nous nous attachons maintenant à son application. Les gouvernements, les ONG, les organisations régionales
et l'ONU, qui ont formé une coalition si efficace, peuvent et doivent continuer de travailler ensemble durant cette
phase.
Il reste beaucoup à faire pour débarrasser le monde des mines terrestres. Mais il n'y a pas que ces engins qui
aient un impact tragique, disproportionné, parmi la population civile. Les armes légères et de petit calibre de
type militaire -- faciles à transporter, à passer en contrebande ou à camoufler -- sont privilégiées des passeurs
de drogues, des terroristes et des criminels. Elles dégradent le tissu de nos sociétés.
Les défis découlant de la prolifération et de l'utilisation abusive et généralisée de ces armes sont complexes.
Mais l'impact sur nous tous, et spécialement sur les plus vulnérables, est direct et dévastateur. Il n'y a ni
solutions faciles ni raccourcis.
Mais il est impératif d'agir. Le mois dernier, à l'ONU, mon homologue norvégien et moi coanimions une réunion
pour discuter de certaines des mesures que nous prenons et exhorter d'autres pays à se joindre à nous. Plus
de 90 pays ont participé, montrant l'importance que la communauté internationale attache à la question. Pour
venir à bout du problème, le Canada agit sur trois fronts : l'action humanitaire menée dans le cadre de la
consolidation de la paix, la lutte contre le trafic illicite et le contrôle du commerce licite.
La sécurité humaine est menacée non seulement par les effets dévastateurs des mines terrestres et des armes
de petit calibre mais aussi par les violations les plus extrêmes du droit humanitaire. Les auteurs de crimes
haineux durant les conflits doivent répondre de leurs actes. La responsabilité humaine est le complément de la
sécurité humaine.
C'est dans cet esprit que le Canada a participé activement à la création de la Cour criminelle internationale. À
Rome, cet été, on s'est entendu sur un accord-cadre à cet effet. Nous devons aller de l'avant d'urgence pour
faire de cette instance une réalité.
La Cour criminelle internationale aidera à dissuader les auteurs de certaines des violations les plus extrêmes du
droit humanitaire, à savoir les génocides, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. Elle aidera à
redéfinir et à internationaliser le concept de la protection des populations vulnérables et des innocents. Le fait
d'isoler et de stigmatiser ceux qui commettent ces violations, et de les frapper d'ostracisme, contribuera à
mettre un terme aux cycles d'impunité et de rétribution.
Ces trois initiatives ont pour objectif commun d'élargir l'application des normes humanitaires de façon à
renforcer la sécurité humaine partout. Elles sont autant d'efforts pour consolider l'infrastructure du droit
international et changer le comportement à l'échelle mondiale de manière à trouver une solution aux problèmes
de sécurité humaine d'envergure vraiment planétaire.
Nous n'avons pas toujours vu les choses du même oeil que le gouvernement américain relativement à ces
initiatives en matière de sécurité humaine. Le Canada continuera à travailler avec les États-Unis afin de trouver
des réponses à ces réserves et préoccupations officielles. Et nous coopérerons lorsque nous le pourrons. Par
exemple, dans le dossier des mines terrestres, où nous saluons le rôle que les États-Unis ont adopté comme
leader mondial en matière d'action contre celles-ci.
Nonobstant nos différences officielles, ce qui est frappant c'est la réceptivité du public américain au programme
de la sécurité humaine. Les vétérans américains de la guerre du Viêt-Nam ont joué un rôle très actif dans la
campagne d'interdiction des mines terrestres. Des ONG, comme Physicians Against Land Mines, que j'ai
rencontrées le mois dernier à Chicago, ont contribué à organiser la campagne internationale. Et l'American Bar
Association a été parmi les plus grands promoteurs du projet de création de la Cour criminelle internationale.
Nous continuerons de défendre le programme de la sécurité humaine sur la scène mondiale. Lorsque le
ministre des Affaires étrangères, M. Vollebaek, et moi-même coanimions la réunion à New York, avec un
groupe de pays de même opinion, l'objectif était de déterminer comment mobiliser la communauté mondiale
afin de trouver des réponses aux questions de sécurité humaine que j'ai mentionnées. Nous avons aussi
examiné d'autres enjeux comme le travail des enfants et les enfants soldats en vue d'assurer que les secteurs
marginalisés de la société figurent à l'ordre du jour mondial.
Le Canada siégera au Conseil de sécurité à compter de janvier. Le Conseil est le principal instrument mondial
pour la préservation de la paix et de la sécurité. Il a toutefois sérieusement besoin d'une révision -- tant en ce
qui concerne la façon dont il fonctionne que les enjeux dont il traite. Au cours des deux prochaines années,
nous travaillerons à inclure des questions de sécurité humaine dans les délibérations du Conseil, de sorte que
ce dernier soit plus efficace, transparent et sensible aux vues de la communauté internationale et à aider le
Conseil à assumer pleinement les responsabilités qui lui sont confiées.
Une communauté nord-américaine
Des efforts au niveau régional peuvent et devraient être complémentaires de la coopération mondiale au
service de la sécurité humaine. Dans l'état actuel des choses en Amérique du Nord, le Canada, les États-Unis
et le Mexique traitent tous séparément des menaces à la sécurité humaine comme le crime, les drogues, le
terrorisme et la dégradation de l'environnement. Parfois et sans qu'on le veuille, cela entraîne l'érection de
barrières le long de nos frontières plutôt que leur démantèlement.
La façon actuelle de procéder soulève un certain nombre de questions. Peut-il y avoir une réponse nord-américaine commune face aux enjeux de sécurité humaine? Quel pourrait être son ordre de grandeur?
Comment façonnerait-elle ou refléterait-elle une identité continentale distincte? Et comment une telle approche
s'insérerait-elle dans un monde en changement?
La coopération nord-américaine a jusqu'ici tourné autour du commerce et de l'économie. L'Accord de libre-échange canado-américain et l'Accord de libre-échange nord-américain ont assuré une intégration sans
précédent de nos économies respectives. Le commerce au sein de l'espace économique nord-américain a
augmenté de 65 p. 100 depuis 1994. Les emplois et les occasions économiques qui en résultent sont
indispensables au bien-être des citoyens de nos trois pays.
Certes importante, la promotion du bien-être économique n'est cependant qu'une façon d'assurer la sécurité
humaine sur le continent. J'ai récemment discuté de cette question avec la secrétaire d'État Madeleine Albright
et la ministre mexicaine des Affaires étrangères Rosario Green. Nous avons convenu qu'il fallait accorder plus
d'attention à la dimension humaine et sociale de la coopération continentale et nous explorons donc des
domaines où nous pourrions travailler trilatéralement. Nous devons nous rencontrer à nouveau dans les
prochains mois pour passer en revue les progrès accomplis.
Il y a une foule de questions qui touchent les vies quotidiennes de tous nos citoyens et auxquelles on pourrait
plus efficacement trouver des réponses ensemble -- entre autres l'éducation et le développement des
ressources humaines, notre environnement naturel commun, la circulation des biens et des personnes.
Une meilleure coordination dans les domaines de l'éducation, de la recherche et de la culture nous aidera à
renforcer un sentiment d'identité régionale et à comprendre la nature régionale des défis auxquels nous faisons
face. Par exemple, les peuples autochtones de l'Amérique du Nord ont en commun de solides liens qui
pourraient être resserrés par des projets culturels conjoints. Le maillage de nos universités et de nos instituts de
recherche leur permettait de coordonner des travaux sur des questions environnementales qui nous touchent
tous. À cette fin, j'ai récemment annoncé que le Canada appuierait la création, par le North American Institute,
de l'Alliance for Higher Education and Enterprise in North America.
La saine gestion des enjeux dans les domaines de l'environnement et des ressources naturelles est essentielle
au bien-être de tous les Nord-Américains. Pourtant, nous attendons trop souvent que les problèmes aient surgi
avant de chercher des solutions ponctuelles. Pour bien gérer les ressources que nous partageons, il faut faire
preuve de prévoyance et élaborer des solutions ensemble, avant que les problèmes ne soient devenus aigus.
La gestion intégrée des bassins versants que nous partageons illustre ce point. L'action de la Commission
mixte internationale témoigne de l'importance accordée depuis longtemps à cette question. Grâce à nos efforts
conjoints, les Grands lacs sont aujourd'hui plus propres qu'il ne l'ont été depuis un demi-siècle. L'accès à l'eau
douce reste toutefois un enjeu qui pourrait être explosif au plan de la sécurité humaine. Nous devons nous
assurer que notre coopération reste à la mesure des problèmes qui nous attendent.
Le changement climatique est un autre domaine potentiel de coopération nord-américaine. Se joindre aux
efforts pour la réduction des émissions pourrait donner au monde un modèle de coopération entre des pays qui
sont à des stades différents de développement. La mise en oeuvre des engagements de l'Accord de Kyoto en
Amérique du Nord serait une manifestation importante de leadership mondial dans le domaine de
l'environnement.
Un aspect clé du partenariat nord-américain est lié à la gestion conjointe de nos frontières. Celles-ci devraient
être ouvertes et faciliter le commerce et la circulation des personnes tout en nous protégeant contre le crime, le
terrorisme et le narcotrafic. Au plan bilatéral, l'Accord sur la frontière commune et l'Accord Ciels ouverts ont
permis de relever ce double défi avec un succès remarquable. Le transport aérien entre le Canada et les États-Unis a augmenté de plus d'un tiers en moins de trois ans. Nous cherchons à rendre le passage à la frontière
encore plus simple grâce à un programme national de prédédouanement en transit.
Toutefois, nous avons encore du travail à faire pour trouver un juste équilibre entre la facilité d'accès et le
contrôle. À preuve le débat qui se poursuit sur l'article 110 de la loi sur l'immigration de 1996 des États-Unis. À
mon avis, le véritable défi est de démontrer de la prévoyance et de préparer l'avenir. Il faut développer une
vision de ce que nous voulons comme frontières communes.
Vous êtes peut-être informés des propositions qui transformeraient radicalement les déplacements en Amérique
du Nord en créant des corridors continentaux de transport. Je crois que ce concept mérite un examen sérieux.
Un « corridor de Murmansk à Monterrey » pourrait améliorer la compétitivité de l'Amérique du Nord sur les
marchés mondiaux. Les corridors pourraient aussi offrir des avantages aux communautés locales s'ils sont
développés avec un apport significatif de ces communautés et dans le respect de l'environnement.
De tels « corridors verts » constitueraient les artères d'une communauté nord-américaine émergente et des
modèles d'une coopération régionale efficace et durable. Leur mise en place sera un défi de taille, compte tenu
des nombreux paliers de gouvernement et de la diversité des intérêts en jeu. Mais si nous faisons bien notre
travail, nous pourrions innover en matière de gouvernance et de gestion efficaces des enjeux transfrontaliers.
La coopération dans ces domaines aidera à faire progresser la sécurité humaine en Amérique du Nord. Cette
interaction peut aussi tracer la voie vers un sentiment d'appartenance à une communauté plus large et
contribuer à façonner un « nord-américanisme ». Les Mexicains, les Américains et les Canadiens sont déjà très
conscients de leur identité propre. Le défi est donc de développer une « identité nord-américaine » qui puisse
coexister avec nos histoires et nos cultures respectives.
J'estime qu'une communauté nord-américaine serait un modèle beaucoup plus léger et beaucoup plus souple
que le modèle de l'Union européenne sur le plan institutionnel. Un tel arrangement doit être ouvert sur
l'extérieur. Je veux être clair sur ce point : dans notre monde interconnecté, il ne sert à rien d'édifier une
forteresse nord-américaine. Notre objectif devrait être de bâtir une communauté qui serve les Nord-Américains
mais qui soit également ouverte au reste du monde. Par exemple, vers le sud et le reste des Amériques ou vers
le nord et la région de l'Arctique. Si nous réussissons dans cette entreprise, nos propres pays en bénéficieront.
Nous donnerions aussi à un monde changeant et incertain un modèle de coopération régionale.
Conclusion
À une époque où les frontières s'estompent, où Internet rend possible les réunions communautaires à une
échelle planétaire, où des compagnies montent ensemble des opérations internationales complexes basées sur
le juste-à-temps, les gouvernements semblent souvent tarder à s'adapter à la mondialisation.
Ils ont pourtant un rôle clé à jouer, tant pour mitiger les effets négatifs de cette nouvelle époque que pour
permettre d'en retirer les bienfaits. Pour jouer ce rôle, nous devons jeter un regard neuf sur les choses et
apprendre de nouvelles façons de travailler -- de trouver des solutions aux problèmes pressants de la sécurité
humaine grâce à de nouveaux partenariats avec d'autres gouvernements et institutions ainsi qu'avec d'autres
secteurs de la société.
Je vous ai exposé aujourd'hui les défis associés au programme mondial de la sécurité humaine et présenté un
large éventail d'enjeux, tant mondiaux que continentaux, à l'égard desquels le Canada, les États-Unis et le
Mexique ont intérêt à unir leurs efforts. Au crépuscule du XXe siècle, nous devrions saisir l'occasion d'améliorer
la sécurité humaine à l'échelle mondiale tout en bâtissant un nouveau modèle de coopération nord-américaine.
Merci.