M. AXWORTHY - ALLOCUTION AU SOMMET DES PARTENAIRES DE LACONFÉDÉRATION DE L'INDUSTRIE INDIENNE « LE PARTENARIAT CANADA-INDE : PROSPÉRITÉ ET SÉCURITÉ » - CALCUTTA, INDE
97/1 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE LLOYD AXWORTHY,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
AU SOMMET DES PARTENAIRES DE LA
CONFÉDÉRATION DE L'INDUSTRIE INDIENNE
« LE PARTENARIAT CANADA-INDE :
PROSPÉRITÉ ET SÉCURITÉ »
CALCUTTA, Inde
Le 10 janvier 1997
Ce document est également disponible au site Internet du Ministère : http://www.dfait-maeci.gc.ca
Namaskar! Je suis à la fois honoré et très heureux de prendre la parole devant ce
groupe distingué de dirigeants indiens et canadiens du milieu des affaires.
La première étape du processus qui m'a amené ici aujourd'hui a été la visite
effectuée par le premier ministre Chrétien à la tête de la mission pionnière
d'Équipe Canada en Inde, il y a un an. Vous vous rappellerez sans doute que sept
premiers ministres provinciaux, deux ministres et des représentants de plus de
200 entreprises canadiennes faisaient partie de cette mission. Il y a un an, jour
pour jour, le 10 janvier, le premier ministre inaugurait la Journée du Canada à la
Confédération de l'industrie indienne (CII). Cet événement a rendu hommage au
Canada en en faisant votre pays partenaire, et il a en outre marqué avec succès le
coup d'envoi de la tournée d'Équipe Canada en Inde. Nous sommes très
reconnaissants à la CII pour tout cela ainsi que pour sa contribution au
renforcement de nos liens d'affaires.
Cette visite a marqué le début d'un nouveau chapitre clé dans l'histoire des
relations entre l'Inde et le Canada. Et elle ne pouvait mieux tomber, alors que
nos deux pays se repositionnent sur le nouvel échiquier social, politique et
économique mondial. La fin de la guerre froide a permis au Canada de diversifier
ses liens avec beaucoup plus de nations et elle a aussi mis en relief la nécessité
d'une coopération internationale plus grande.
D'autre part, le nouveau dynamisme économique de l'Inde a avivé son intérêt pour
le commerce et l'a sensibilisée à la nécessité d'un environnement international
stable à l'intérieur duquel ce commerce puisse prospérer. À mesure qu'elle
s'implique dans les dossiers politiques et économiques internationaux, l'Inde
émerge comme l'un des grands acteurs de la scène mondiale au XXIe siècle. Le Canada
reconnaît cette réalité et il veut donner à l'Inde la priorité qu'elle mérite dans
ses relations internationales.
Alors que nous relevons les défis et saisissons les occasions du nouvel
environnement international, la chance nous est donnée de mettre en place un
partenariat solide et durable. Par partenariat, j'entends une relation fondée sur
le respect mutuel et la complémentarité. Une relation qui profite aux deux
parties. Une relation à la fois de vaste portée et équilibrée.
Je voudrais aujourd'hui vous donner un aperçu de quelques-unes des mesures prises
par le gouvernement pour bâtir cette relation, notamment en encourageant et en
facilitant les partenariats dans le secteur privé. Et je voudrais m'arrêter à deux
des aspects les plus significatifs de nos relations bilatérales : les liens
économiques et la coopération au chapitre de la sécurité.
L'héritage d'Équipe Canada
La visite d'Équipe Canada a donné le coup d'envoi à une redynamisation des
relations entre le Canada et l'Inde. Elle a été suivie de la visite du ministre
Gujral au Canada en septembre dernier. Cette visite très réussie a été d'une
importance cruciale pour maintenir l'élan et jeter les bases des ententes
auxquelles nous sommes maintenant arrivés. Un autre événement clé aura été votre
visite [Confédération de l'industrie indienne] au Canada en juin.
Je suis, à mon tour, venu en Inde en réponse à l'invitation que m'a faite le
ministre Gujral. Mercredi, je l'ai rencontré pour discuter des façons de
concrétiser cette relation élargie. Nous avons convenu de mettre sur pied un
comité ministériel mixte qui nous permettra, de même qu'à nos collègues ministres
respectifs, de nous consulter régulièrement sur une vaste gamme de questions
politiques et économiques, à mesure qu'elles se présenteront.
Je rencontrerai de nouveau le ministre Gujral lundi lors de l'inauguration
officielle du nouveau bureau du Canada à Chandigarh, capitale des États du Panjab
et de l'Haryana. En plus de servir les personnes qui demandent un visa, ce bureau
aidera à nouer des contacts entre les entreprises canadiennes et indiennes dans la
région. Il viendra compléter le travail de notre bureau commercial récemment
ouvert à Bangalore et celui de notre nouveau consul honoraire à Madras. Pour
étendre encore davantage les services que nous offrons aux Canadiens, nous
comptons aussi nommer dans un proche avenir un consul honoraire ici même à
Calcutta.
Comme vous le savez, je ne suis pas venu seul en Inde. M'inspirant de l'approche
novatrice introduite par notre premier ministre avec Équipe Canada, je me suis
fait accompagner d'un groupe distingué de parlementaires ainsi que du procureur
général de la province de la Colombie-Britannique. Et, comme preuve de
l'importance que nous attachons au commerce et à l'investissement dans notre
relation avec l'Inde, j'ai profité de ma visite pour diriger une délégation de
représentants d'entreprises canadiennes dans les secteurs des télécommunications,
des assurances ainsi que des sciences et de la technologie. Ces entreprises sont
des leaders mondiaux dans leur domaine et elles ont beaucoup à offrir à l'Inde et
à d'autres pays.
Relations économiques
L'expansion de nos liens commerciaux et d'investissement est une composante
majeure de notre relation élargie. Dans le sillage de la visite d'Équipe Canada,
75 ententes d'une valeur de plus de 3,3 milliards de dollars ont été conclues, et
plus de 95 p. 100 d'entre elles sont toujours en cours. Les échanges commerciaux
entre nos deux pays ont atteint presque un milliard de dollars en 1995. Ils ont
connu une baisse en 1996, mais la taille du marché indien et son rythme de
croissance donnent à penser qu'ils pourraient s'accroître substantiellement dans
les années à venir.
La complémentarité de nos économies est une autre raison de croire à une telle
expansion. Le Canada, qui élargit et modernise son infrastructure, a beaucoup à
offrir à l'Inde dans le domaine de la haute technologie. C'est particulièrement
vrai de quatre secteurs que nous avons choisi de privilégier : les
télécommunications et la technologie de l'information, le matériel et les services
électriques et énergétiques, le pétrole et le gaz, et les produits et services
environnementaux. Le Canada a aussi beaucoup à offrir dans le secteur des
services, y compris les services techniques et financiers.
Nous entendons aussi encourager l'investissement canadien en Inde. Le Canada était
le neuvième investisseur direct dans votre pays en 1995; nous espérons faire
encore mieux dans les années qui viennent. Le projet de communications Bell/Tata
dans l'Andhra Pradesh jouera à cet égard un rôle clé.
L'investissement n'est pas un processus à sens unique : de plus en plus, les
entreprises indiennes investissent au Canada. Ces entreprises ont vraiment le sens
des affaires; en investissant chez nous, elles peuvent avoir librement accès aux
marchés des États-Unis et du Mexique grâce à l'Accord de libre-échange
nord-américain, ainsi qu'aux marchés chiliens et israéliens par le jeu d'accords
bilatéraux de libre-échange. Et ces investissements bénéficieront à l'Inde,
puisque les profits de ces entreprises reviennent à leurs investisseurs.
Réforme économique
Le moteur du commerce et de l'investissement, et de l'expansion dans ces domaines,
est le secteur privé. Ce sont des gens comme vous. Un des rôles clés du
gouvernement devrait être de faciliter et d'encourager vos efforts. Voilà pourquoi
le programme de réforme économique entrepris par l'Inde est crucial.
Le ministre Gujral et moi-même avons signé un accord et servi de témoins à la
signature de deux autres qui illustrent le rôle du gouvernement en tant que
facilitateur des réformes et de la libéralisation. Ces accords font appel à la
coopération dans le développement du secteur privé et de l'infrastructure
énergétique de l'Inde et dans l'amélioration de sa gestion fiscale. Le Canada
fournira, au titre de l'aide au développement, un financement à hauteur de près de
30 millions de dollars canadiens au total pour ces projets.
L'Inde doit être félicitée pour la persévérance dont elle a fait montre en
cherchant à réformer son économie. Nous savons de par notre propre expérience de
la réduction du déficit budgétaire et de la libéralisation des échanges
commerciaux que les réformes ne rallient pas tout le monde. Mais nous avons aussi
constaté que les efforts faits dans ces domaines peuvent avoir un effet positif
considérable. Par exemple, depuis que nous avons conclu l'Accord de libre-échange
nord-américain il y a cinq ans, nos exportations de produits manufacturés sont
passées du tiers à près de la moitié de la production. De surcroît, les progrès
les plus significatifs ont été réalisés dans les secteurs libéralisés grâce à
l'Accord de libre-échange.
Notre expérience nous a convaincus que les économies ouvertes ont tendance à mieux
intégrer les nouvelles technologies essentielles à une croissance durable. Elles
sont contraintes à concurrencer les pays exportateurs qui ont le mieux réussi et
elles peuvent plus facilement s'adapter parce qu'elles sont constamment exposées
aux marchés internationaux. Là encore, c'est le secteur privé -- des gens
d'affaires comme vous -- qui est le plus directement exposé aux retombées positives
d'une économie ouverte et libéralisée.
Coopération au chapitre de la sécurité
Si, aujourd'hui, les gouvernements laissent l'avant-scène des relations
économiques au secteur privé, ils n'en restent pas moins ceux qui garantissent les
conditions sine qua non de la croissance économique, à savoir la paix et la
stabilité. Il y a 1 700 ans, le grand poète indien Kalidasa écrivait que le
paradis sur Terre est un État prospère. Pour préserver ce paradis, l'État doit
être en paix. Sans un minimum de sécurité, la prospérité ne peut survivre
longtemps.
Un bon exemple du lien entre la prospérité et la sécurité est l'accord signé
récemment entre l'Inde et le Bangladesh sur le partage des eaux du Gange. C'était
un geste positif qui, en améliorant les relations et en régularisant l'accès à une
importante ressource naturelle, a ajouté à la sécurité des deux États. Il permet
aussi aux deux pays de satisfaire des besoins économiques et humains fondamentaux
dans un cadre stable et prévisible.
En tant que grande puissance et force économique mondiale émergente, l'Inde a un
rôle clé à jouer dans la sécurité internationale et régionale. Le Canada est très
intéressé à collaborer avec l'Inde au renforcement de la sécurité et de la
prospérité dans une vaste gamme de dossiers et d'institutions. Nos deux pays, qui
adhèrent à des valeurs démocratiques communes, s'entendent sur bon nombre de
questions de sécurité, dont celles concernant l'Asie.
L'Inde et le Canada ont une longue tradition de coopération dans le domaine de la
sécurité internationale, y compris les efforts conjoints qu'ils ont déployés dans
des instances internationales pour instaurer la paix en Indochine, au Cambodge et
en ex-Yougoslavie. Il nous faut maintenant nous adapter et ensemble combattre de
nouveaux genres de menaces à la sécurité dans un environnement international en
rapide évolution : terrorisme, drogue, dégradation de l'environnement et
violations des droits de la personne.
Face à ces menaces, le Canada et l'Inde doivent poursuivre leur coopération
efficace, que ce soit au sein du Forum régional de l'ASEAN [Association des
nations de l'Asie du Sud-Est], de l'ONU ou sur le plan bilatéral. Il nous faut
pour cela forger les nouveaux outils requis pour accroître l'efficacité de nos
institutions multilatérales et de la diplomatie internationale en général.
La participation indienne au Forum, qui émerge comme la principale tribune
institutionnelle de coopération et de dialogue en matière de sécurité en Asie,
revêt donc une importance cruciale. Le Canada a été heureux d'appuyer l'adhésion
de l'Inde au Forum l'an dernier et il se réjouit à l'avance de la contribution
qu'elle y apportera et de son assistance pour en faire un instrument plus fort et
plus actif.
Au plan de la sécurité régionale, la Birmanie n'est que l'un des exemples du rôle
clé joué par l'Inde. Que ce soit comme le plus grand pays démocratique au monde ou
maintenant comme un des membres du Forum, l'Inde est bien placée pour traiter avec
un régime dont les problèmes internes et le piètre bilan au chapitre des droits de
la personne ont un effet déstabilisateur dans la région.
Au plan plus large de la sécurité humaine, il y a beaucoup que le Canada puisse
faire pour collaborer avec l'Inde à corriger les problèmes causés par la pauvreté,
comme le travail des enfants ou la dégradation de l'environnement. Ce sont des
problèmes qui préoccupent aussi bien les Canadiens que les Indiens et ce, pour
diverses raisons, y compris l'instabilité sociale et économique et les dégâts
qu'ils provoquent. J'ai discuté longuement de la question du travail des enfants
avec le ministre Gujral, et j'annoncerai plus tard dans la journée certaines des
façons dont nous collaborerons dans ce dossier.
L'avenir
Ce nouveau chapitre dans les relations entre nos deux pays ne s'arrête pas aux
accords dont je viens de vous parler. Nous espérons tenir au Canada, dans la
première moitié de 1997, la première réunion du Conseil ministériel mixte. En
février, le Canada participera à titre de pays partenaire pour l'environnement au
salon international de l'ingénierie de 1997 de la CII.
Comme le Canada est l'hôte du mécanisme de l'APEC [Coopération économique Asie-Pacifique] en 1997, son attention sera en grande partie tournée vers l'Asie durant
l'année. À ce titre, il continuera de militer en faveur de l'adhésion de l'Inde
aux groupes de travail de l'APEC pour lesquels elle a posé sa candidature. Le
Canada préconisera des critères d'adhésion permettant à l'Inde de devenir un
partenaire à part entière.
Le Canada organisera aussi toute une série d'activités dans le cadre de son
« année de l'Asie-Pacifique ». L'objectif est non seulement de renseigner
davantage les Canadiens sur les membres de l'APEC et les autres pays de l'Asie-Pacifique mais aussi de renforcer les liens qui les unissent, sur le plan humain,
à la région. En mars, l'Inde sera à l'honneur à la réunion d'affaires d'Équipe
Canada à Toronto et durant la semaine de l'Asie-Pacifique dans la région
atlantique. Il y aura par la suite des réunions du Conseil de commerce Canada-Inde
à Vancouver, à Toronto et à Montréal en avril. Et, en juin, la Chambre de commerce
indo-canadienne célébrera son vingtième anniversaire à Toronto.
Conclusion
Il faudra du temps pour réaliser le plein potentiel de la relation entre l'Inde et
le Canada. Nous recherchons une association qui soit riche, globale et équilibrée.
La coopération ne devrait pas se limiter aux deux domaines auxquels je me suis
arrêté aujourd'hui -- les liens économiques et la sécurité; elle devrait aussi
s'étendre à des secteurs tout aussi importants, comme l'aide au développement et
les échanges culturels et éducatifs.
L'histoire nous enseigne que la philosophie et la culture indiennes ont enrichi la
vie des peuples de l'Asie du Sud-Est par le commerce et non par les conquêtes. Le
Canada compte bien entretenir avec l'Inde des relations commerciales qui, en plus
d'être mutuellement avantageuses sur le plan financier, donneront aux deux pays
l'occasion de multiplier les contacts et ainsi de s'enrichir l'un et l'autre sur
les plans culturel et spirituel.
Il n'est pas utopique d'imaginer un avenir dans lequel le Canada et l'Inde
collaboreront étroitement. Nos deux pays ont beaucoup en commun, y compris des
valeurs démocratiques solidement enracinées, des traditions communes héritées du
Commonwealth et la détermination d'oeuvrer en faveur d'un monde juste et stable.
En outre, d'importants liens les unissent sur le plan humain. Plus d'un demi-million de Canadiens sont d'origine indienne, ce qui est considérable dans un pays
de seulement 30 millions d'habitants.
Mais les liens humains ne s'arrêtent pas là. Il s'y ajoute aussi tous les contacts
que nous avons, y compris le nombre croissant de contacts entre nos gens
d'affaires. Vous êtes en affaires et personne ne sait mieux que vous le sens du
mot partenariat. Vous pouvez faire une contribution clé à l'établissement d'un
véritable partenariat, qui nous rapproche de notre objectif mutuel, soit un monde
plus juste, plus sûr et plus prospère.
Merci.