M. EGGLETON - ALLOCUTION À L'OCCASION DELA CONFÉRENCE MINISTÉRIELLE DE L'APEC - MONTRÉAL (QUÉBEC)
97/24 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE ART EGGLETON,
MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL,
À L'OCCASION DE
LA CONFÉRENCE MINISTÉRIELLE DE L'APEC
MONTRÉAL (Québec)
Le 9 mai 1997
Ce document se trouve également au site Internet du Ministère :
http://www.dfait-maeci.gc.ca
Mesdames et Messieurs, soyez les bienvenus.
En 1904, sir Wilfrid Laurier fit un discours où il prononça l'aphorisme le plus
célèbre de notre temps :
« Le XIXe siècle a été le siècle des États-Unis, disait-il, mais nous pouvons
affirmer que c'est le Canada qui dominera le XXe siècle. »
Cette prédiction, sous la forme abrégée « Le XXe siècle appartient au Canada », a
depuis été vivement débattue, devenant la mesure de nos réalisations et
l'expression de notre projet national.
Je crois que l'histoire donne raison à Laurier. Au seuil du XXIe siècle, les
Canadiens peuvent se targuer de la plus haute qualité de vie du monde, selon
l'ONU. Et notre succès n'est pas seulement matériel, mais aussi spirituel.
Nous avons construit une société qui traite avec compassion les pauvres, les
malades et les défavorisés. Et nous y sommes arrivés tout en protégeant nos
trésors nationaux, qu'il s'agisse de la beauté sans égale de nos parcs naturels ou
des réalisations de nos artistes et conteurs talentueux.
Il en est qui préfèrent minimiser les réalisations du Canada et grossir ses
différences. Ceux-là disent que Laurier avait tort. Mais qu'il soit vrai ou faux
que le XXe siècle ait appartenu au Canada, il est indéniable que le Canada a
appartenu au XXe siècle.
Et maintenant, je vais faire une prédiction aussi audacieuse, et tout aussi
optimiste, que celle de Wilfrid Laurier : « Le XXIe siècle appartient au Canada
dans le Pacifique. »
Que cette prédiction soit aussi la mesure de nos réalisations et l'expression de
notre projet. Je propose aujourd'hui, pour le Canada, une vision et un défi à
relever au cours des brèves années qui restent avant l'arrivée du XXIe siècle.
Ma vision est celle d'un Canada réalisant son plein potentiel sur les marchés des
économies florissantes de l'Asie-Pacifique. Le défi que je vois, tant pour mon
ministère que pour le secteur privé, est celui qui consiste à faire de cette
vision une réalité.
Ce défi arrive à point, car 1997 est l'Année canadienne de l'Asie-Pacifique, où
nous assumons la présidence de l'APEC [mécanisme de Coopération économique Asie-Pacifique], qui groupe 18 économies. Une année entière, pendant laquelle, les yeux
de l'Asie-Pacifique seront tournés vers le Canada.
Plus de 100 chefs de gouvernement et ministres -- dont plusieurs sont ici ce soir
-- et des centaines de gens d'affaires de l'Asie-Pacifique visiteront le Canada
cette année, pour discuter de questions qui vont de l'accès aux marchés au
développement durable. C'est une occasion unique de mettre le Canada dans le champ
de vision des chefs d'entreprises de l'Asie-Pacifique.
Cette occasion de jeter de nouveaux ponts sur le Pacifique et de renforcer ceux
qui existent déjà est d'une importance stratégique pour la sécurité économique à
long terme du Canada.
Mais je veux aussi que l'Année canadienne de l'Asie-Pacifique soit rentable à
court terme, ouvrant des perspectives immédiates d'échanges commerciaux et
d'investissements qui créeront des emplois et contribueront à la croissance
économique au Canada. Il est important d'exploiter ces possibilités maintenant, et
non pas dans quelques années, parce qu'il sera peut-être trop tard.
L'Asie se développe et se transforme à une cadence très impressionnante. Elle
effectue déjà 40 p. 100 du commerce mondial et assurera bientôt le tiers de la
production mondiale. La croissance de son produit intérieur brut [PIB], déjà deux
fois supérieure à celle de toutes les autres régions, devrait atteindre le triple
de la moyenne de l'Organisation de coopération et de développement économiques
[CODE]. En l'an 2020, 7 des 10 premières économies du monde seront asiatiques.
La génération actuelle pourrait voir l'économie de la Chine dépasser de 40 p. 100
celle des États-Unis. Parmi les autres pays industrialisés occidentaux du G-7,
seules la France et l'Allemagne devraient rester au nombre des 10 premières
économies, aux sixième et neuvième rangs, respectivement. En l'an 2020, les autres
économies dominantes du monde seront le Japon, l'Inde, l'Indonésie, la Corée, la
Thaïlande et la Chine de Taipei.
L'Asie-Pacifique sera plus qu'une zone commerciale. Ce sera un véritable centre de
puissance, une force dans les affaires internationales et un modèle de
développement économique. Nous ne pouvons pas nous désintéresser de cette
évolution, ni éviter d'y participer.
Pour la plupart, ces économies naguère agricoles se seront transformées en nations
industrielles puis en économies de l'information en l'espace de 30 ans. Ces
miracles économiques s'accompagnent de changements sociaux et démographiques. Dans
10 ans, l'Asie-Pacifique comptera près des deux tiers de la population mondiale,
dont la majorité âgée de moins de 25 ans et appartenant à une classe moyenne qui
aura doublé en nombre.
Affichant le taux d'épargne le plus élevé du monde, l'Asie constituera un grand
marché de biens de consommation et une importante source de capitaux
d'investissement. Déjà en Indonésie, quatrième pays du monde pour la population,
la classe moyenne est aussi nombreuse que la population totale du Canada. La
classe moyenne de l'Inde est aussi considérable que la population des États-Unis.
Au tournant du siècle, au moins 400 millions de personnes auront un revenu
personnel égal ou supérieur à la moyenne de l'OCDE.
Entre-temps, les grandes entreprises canadiennes répondent au besoin le plus
pressant de l'Asie-Pacifique : le besoin d'énergie électrique et
d'infrastructures. Les investissements d'infrastructure nécessaires sont évalués à
200 milliards de dollars par année pour les 10 prochaines années, soit 2 billions
de dollars au total. Ce besoin correspond aux capacités de calibre mondial du
Canada dans les domaines de l'énergie, des transports et des communications.
Les pays de l'Asie-Pacifique accorderont plus d'attention à la protection et à
l'assainissement de l'environnement. Il y a là un marché potentiel de 24 milliards
de dollars par année, qui correspond encore une fois aux états de service du
Canada en gestion environnementale. Et les besoins en formation et en éducation
d'une population active de plus en plus spécialisée représentent 1,5 milliard de
dollars par année.
Les chiffres sont astronomiques, mais que signifient-ils pour le Canada? Ils
signifient une occasion à ne pas manquer. Ils signifient un défi pour nos
exportateurs et nos entrepreneurs, le défi d'établir leur présence sur les marchés
asiatiques. Et ils signifient qu'à l'avenir, nos regards doivent se porter par-delà le Pacifique.
Le gouvernement canadien s'est engagé à appliquer un programme pour l'emploi et la
croissance, et ce programme est alimenté par notre succès en matière de commerce
mondial. Or, notre succès commercial dépend de plus en plus de la capacité de nos
petites et moyennes entreprises à faire preuve de souplesse et d'agilité pour
déceler les créneaux du marché. Nous pouvons réussir sur le marché de l'Asie-Pacifique, parce que nous devons réussir, et nous faisons confiance à nos petites
et moyennes entreprises pour ouvrir la voie.
Le Canada exporte principalement, en Asie, des produits agricoles et des produits
à base de ressources naturelles. Or, l'expérience de l'an dernier, où la valeur de
nos exportations dans la région a diminué de 11 p. 100, surtout sous l'effet d'une
baisse des prix des produits de base, montre bien le danger de la suffisance.
Il faut diversifier nos exportations pour toucher les marchés prometteurs. Les
petites et moyennes entreprises feraient bien de fonder leur stratégie
d'exportation sur le boom de la classe moyenne, qui devrait donner lieu à une
demande accrue de produits alimentaires transformés, de produits de loisirs, de
produits culturels, de services éducatifs et de vacances outre-mer, pour n'en
nommer que quelques-uns.
Cela n'est possible que si ces entreprises pénètrent le marché de l'Asie-Pacifique. Le gouvernement canadien est prêt à les y aider, soit dans le contexte
général, en améliorant leur accès aux marchés, soit dans les détails, en leur
offrant l'information et les interventions de nos délégués commerciaux.
Mais aucun de ces efforts ne peut remplacer l'action directe des entreprises
canadiennes sur le terrain. À vrai dire, nous pourrions faire mieux à cet égard.
Il y a quelque 60 000 petites et moyennes entreprises au Canada, mais 5 000
seulement exportent régulièrement, et à peine 600 compagnies canadiennes sont
présentes en Asie, soit une infime fraction du total. C'est pourquoi j'ai fixé
comme but la multiplication par deux, d'ici trois ans, du nombre des exportateurs
actifs.
Ce n'est pas une priorité seulement pour moi. C'est la plus haute priorité de
notre gouvernement. L'accroissement des échanges est un volet clé de la stratégie
pour l'emploi de notre gouvernement. Chaque tranche de 1 milliard de dollars
d'exportations crée et maintient 11 000 emplois au Canada. Bref, accroître les
échanges commerciaux, c'est créer des emplois.
Je crois que le gouvernement peut coopérer effectivement avec les entreprises,
comme partenaire, pour ouvrir de nouveaux marchés. Nous avons vu à quel point les
missions commerciales d'Équipe Canada, dirigées par le premier ministre, sont
efficaces : plus de 22 milliards de dollars de ventes réalisées et des milliers
d'emplois créés depuis 1994.
Il existe des débouchés en Asie, mais ils attendent des gens d'affaires qui les
exploiteront. J'engage aujourd'hui les Canadiens à changer tout cela. La rançon
des affaires est élevée dans la région, mais les bénéfices le sont aussi. Et la
rançon de ne pas y faire des affaires est encore plus onéreuse.
La région nous devient plus familière à mesure que nos liens commerciaux et
personnels se développent. Au début des années 1980, moins du sixième des
passagers des lignes aériennes au Canada se rendaient dans l'Asie-Pacifique ou en
revenaient; cette proportion a doublé en une décennie. À la même époque, le tiers
des immigrants au Canada venaient de l'Asie-Pacifique; une décennie plus tard,
c'est plus de la moitié. Aujourd'hui, plus de 2 millions de Canadiens sont
d'origine asiatique, constituant un capital humain qui peut nous aider à gagner un
avantage dans la région, en faisant connaître le caractère multiculturel et ouvert
du Canada à nos amis asiatiques. Ce n'est pas par pure coïncidence que la
Colombie-Britannique, riveraine du Pacifique et riche en immigrants asiatiques,
assure 40 p. 100 de toutes les exportations canadiennes vers l'Asie-Pacifique.
Pour nos amis de la région, nous avons les débouchés, nous avons la capacité, nous
avons les gens. Et nous avons aussi une stratégie pour les réunir, que j'ai le
plaisir de vous exposer aujourd'hui.
À court terme, mes priorités sont claires. Je ferai tout ce que je pourrai pour
promouvoir de nouvelles entreprises, particulièrement celles qui émanent des
conférences de l'APEC. Et je consoliderai les acquis des missions effectuées par
Équipe Canada en Corée, aux Philippines et en Thaïlande au début de l'année, qui
ont débouché sur l'annonce de marchés d'une valeur de 2 milliards de dollars.
Je suis heureux de présider ici à Montréal la Conférence des ministres du commerce
de l'APEC, première d'une série de réunions ministérielles qui se tiendront dans
toutes les régions du pays. Mon ordre du jour est ouvert; je veux commencer à
mettre au point un train substantiel de mesures visant à libéraliser et faciliter
l'accès aux marchés, en prévision de la conférence des dirigeants de l'APEC qui
aura lieu à Vancouver en novembre.
Les besoins spéciaux des petites et moyennes entreprises sont prioritaires pour
l'APEC, qu'il s'agisse d'information sur le financement, de réseautage ou d'autres
formes d'assistance. Les petites et moyennes entreprises seront également à
l'ordre du jour d'une réunion de ministres de l'APEC à Ottawa cet automne, où il
sera question de moyens d'améliorer l'accès aux marchés et l'information
commerciale. Comme je le mentionnais tout à l'heure, d'autres conférences
ministérielles prestigieuses se tiendront cette année, dans toutes les régions du
pays. Celle de Toronto portera sur l'intégration des préoccupations
environnementales, sociales et économiques. À Victoria, nous discuterons de
transports et à Edmonton, de besoins énergétiques. À chacune de ces conférences,
les entreprises canadiennes auront la possibilité de faire étalage de leurs
talents et de constituer des réseaux avec des gens d'affaires de l'Asie-Pacifique.
Nous ne pouvons prendre des décisions sur l'avenir de la région en vase clos. Au
bout du compte, le succès de notre démarche visant à susciter une croissance
durable et équitable sera évalué non seulement sur la base des données
commerciales, mais également sur l'état dans lequel nous laisserons le monde aux
générations futures de dirigeants.
Mais c'est la vitalité du processus même de l'APEC qui revêt la plus grande
importance pour notre sécurité à long terme, car il s'agit du moyen le plus
prometteur de rester en contact avec les décideurs clés, de nouer des liens avec
les économies asiatiques, d'influencer l'orientation des politiques et des
programmes et d'établir le Canada comme pays de l'Asie-Pacifique.
L'APEC est, dans la région Asie-Pacifique, le forum le plus dynamique voué à la
libéralisation et à la facilitation des échanges commerciaux et des
investissements. En même temps, son action appuie sans réserve le développement du
système multilatéral fondé sur des règles à l'Organisation mondiale du commerce
[OMC]. De plus en plus, le travail réalisé à l'APEC complète et même amorce le
travail de l'OMC.
Nos priorités pour l'APEC cette année incluent l'approfondissement de nos
engagements en faveur de la libéralisation du commerce, particulièrement le
recensement, en coopération, de nouveaux secteurs où l'accès aux marchés doit être
amélioré. Nous allons aussi mettre en relief l'importance critique de la
facilitation des échanges.
Procédures douanières harmonisées, normes de produits uniformes, lignes
directrices conviviales sur les marchés publics, et amélioration des règles
régissant les voyages d'affaires et de la transparence des investissements, tous
ces projets sont dans le champ des pourparlers de l'APEC. Et tous auront pour
effet de rendre le climat des affaires plus prévisible et de réduire les charges
supportées par les Canadiens et par tous ceux qui font des affaires dans le bassin
du Pacifique.
L'Asie-Pacifique s'est révélé le partenaire commercial le plus dynamique du
Canada, nos échanges commerciaux et financiers avec lui accusant des augmentations
d'environ 11 p. 100 par année depuis 10 ans. Mais nous ne pouvons pas nous
permettre d'être suffisants. La région continuera à présenter une importance
considérable pour les agriculteurs et les autres producteurs primaires, mais nous
risquerions, en misant trop sur les produits de base, de manquer d'autres
occasions. Il faut nous attaquer aux marchés des biens manufacturés et des
services à valeur ajoutée, et nous y signaler par des performances de calibre
mondial.
À long terme, mon ministère est déterminé à jeter un pont durable sur le
Pacifique, grâce au développement de l'APEC et à un vigoureux programme d'échanges
bilatéraux et d'assistance aux exportateurs. Mais dès maintenant, aujourd'hui,
nous pouvons commencer à cibler des marchés prometteurs et à faire valoir
l'avantage canadien auprès des marchés de la région.
Il faut avancer sur les deux fronts. La question n'est plus de savoir si le siècle
du Pacifique nous appartiendra, mais si nous appartiendrons au siècle du
Pacifique. Si nous ne savons pas franchir les océans et les obstacles culturels,
nous serons les seuls perdants. Mais si nous y réussissons -- et je suis certain
que nous y réussirons -- nous en sortirons gagnants, avec nos amis de l'Asie-Pacifique.
Je vous remercie.