M. KILGOUR - ALLOCUTION À LA RÉUNION D'OCTOBRE DU RÉSEAU D'ATTACHÉS DE PRESSE DIPLOMATIQUES AU CERCLE NATIONAL DES JOURNALISTES - OTTAWA (ONTARIO)
97/41 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE DAVID KILGOUR
SECRÉTAIRE D'ÉTAT (AMÉRIQUE LATINE ET AFRIQUE)
À LA RÉUNION D'OCTOBRE
DU RÉSEAU D'ATTACHÉS DE PRESSE DIPLOMATIQUES
CERCLE NATIONAL DES JOURNALISTES
« LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE DU CANADA DANS UN MONDE
OÙ LES DISTANCES SE RÉDUISENT DE PLUS EN PLUS »
OTTAWA (Ontario)
Le 15 octobre 1997
Ce document est également disponible au site Internet du Ministère :
http://www.dfait-maeci.gc.ca
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Des pressions s'exercent sur les Canadiennes et Canadiens pour qu'ils perçoivent
le monde dans un esprit de clocher.
Lorsqu'on est situé si près des États-Unis, le pays vers lequel tous tendent à se
tourner, vu son pouvoir politique et économique et son industrie du divertissement
omniprésente, il devient parfois difficile de regarder au-delà et de constater que
le monde ne s'arrête pas à la frontière du Texas et d'Hawaï...
L'esprit de clocher n'a pas sa place ici
La vérité est que les Canadiens ne peuvent pas se permettre d'avoir un esprit de
clocher. Il est dans notre intérêt de regarder vers l'extérieur, et cela vaut
aussi pour ceux qui sont moins riches que nous. Notre sécurité personnelle et
notre sécurité nationale dépendent en grande partie de ce qui se passe ailleurs,
tout comme notre bien-être économique. Aucun autre pays ne dépend autant que nous
du commerce extérieur pour la création d'emplois et de richesse. Environ 40 p. 100
de notre PIB [produit intérieur brut] repose aujourd'hui sur les exportations de
biens et de services, ce qui se traduit par des millions d'emplois au Canada.
Pensez à un pays où se trouvent certains des territoires les plus inaccessibles et
les moins populeux du monde. Pensez ensuite à certains de ces endroits vierges qui
se transforment rapidement en des réceptacles de polluants dont certains ont été
libérés dans l'air par nous et certains, par d'autres.
Pensez à un pays faisant partie d'un monde qui subit d'énormes pressions
militaires, économiques et démographiques. Un tel pays peut-il se permettre de
faire l'autruche et de prétendre qu'aucune de ces pressions migratoires massives
ne l'affectera jamais?
La politique étrangère du Canada
Bref, je parle du Canada. Et je dis que la politique étrangère constitue un grave
sujet de préoccupation pour les Canadiennes et Canadiens. Comme vous le savez, la
politique étrangère du Canada repose sur trois piliers, qui sont : la prospérité
nationale, la sécurité nationale, et la projection à l'étranger de nos valeurs et
de notre culture. Je suis fier d'y être associé. Si vous examinez les fondements
de telle ou telle convention, de tel ou tel vote aux Nations unies, de tel ou tel
protocole, et d'une initiative ou d'une autre, je crois que vous trouverez un
ensemble ferme de valeurs canadiennes qui nous rendent de précieux services sur
notre territoire comme à l'étranger.
Ce sont des valeurs imprégnées à la fois d'idéalisme et d'esprit pratique,
inspirées par le principe selon lequel une approche dépourvue d'idéalisme n'est
pas de nature à donner des résultats concrets. L'idéalisme est habituellement le
résultat d'efforts visant à améliorer la condition humaine.
Quelle contribution peuvent faire les Canadiennes et Canadiens?
Mon travail consiste à promouvoir les intérêts canadiens en général, dans les
secteurs dont je suis responsable, à savoir l'Amérique latine et l'Afrique. Les
échanges commerciaux retiennent de plus en plus l'attention au Ministère, ce qui
n'est pas surprenant étant donné l'importante ouverture de l'économie mondiale au
cours des dix dernières années. Il va sans dire qu'au ministère des Affaires
étrangères et du Commerce international, nous ne devons ménager aucun effort pour
multiplier les débouchés pour les entrepreneurs canadiens, afin qu'ils puissent
exercer leurs activités à l'étranger, et pour attirer au Canada les investisseurs
qui créeront des emplois au pays. Pas plus loin que la fin de semaine dernière
j'ai rencontré un immigrant du Brésil qui exporte des dispositifs antivol
fabriqués au Canada à 15 concessionnaires d'automobiles de Rio. Un ami d'un
quartier au sud-est d'Edmonton est éditeur de livres, qu'il vend grâce à
l'Internet en Asie, en Europe et en Amérique latine.
Mais que pouvons-nous faire encore, pour ériger un monde qui va souscrire et non
constituer une menace au modèle de société que les Canadiennes et Canadiens se
sont bâti?
Une voix indépendante
L'année 1989 a marqué la fin du caractère bipolaire du monde, dominé désormais par
une superpuissance. Par la force des choses et eu égard aux valeurs que nous
partageons les États-Unis sont pour beaucoup de Canadiennes et Canadiens le
meilleur ami sur le plan international.
La plus grande partie des Canadiennes et Canadiens ont de l'estime pour les
Américains au vu du rôle qu'ils jouent en intervenant dans des situations
difficiles qui surviennent dans monde. Par ailleurs, nous célébrons tous la fin de
la guerre froide, qui a nourri tant de conflits dans bien des pays entre 1945 et
1989.
Bien évidemment, tout ne va pas pour le mieux dans le monde unipolaire
d'aujourd'hui. Si les petits et moyens États se soumettent sans coup férir à
l'hégémonie exercée par un pays, alors les opinions prépondérantes dans ce pays
seront aussi celles qui prévaudront à l'échelle internationale.
Tel n'est certes pas la voie de l'humanité, encore moins la voie qu'entendent
tracer les États-Unis. Nous ne pouvons pas abdiquer nos responsabilités, et il
n'est pas dans l'intérêt du Canada de le faire. Et c'est la façon dont nous avons
agi sur de nombreuses tribunes notamment le G-7 où nous n'avons ménagé aucun
effort pour que notre influence se fasse sentir.
Nous collaborons avec les États-Unis dans la plupart des grands dossiers parce que
nos deux pays ont en commun de nombreuses valeurs. Mais nous, les Canadiennes et
Canadiens, devons nous faire entendre, comme nous l'avons fait par le passé,
lorsque nous ne sommes pas du même avis que quelqu'un d'autre. C'est là l'essence
même de la démocratie. Et c'est précisément sur la démocratie que nous misons pour
faire en sorte que l'autodétermination et la jouissance d'une certaine prospérité
soient l'acquis des milliards d'habitants, aux quatre coins de la planète.
Nomination au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international
Permettez-moi d'ouvrir ici une parenthèse personnelle. Les deux passions que je
viens d'évoquer, à savoir la détermination de maintenir une voix indépendante,
mais qui se veut aussi complémentaire, en ce sens qu'elle a pour corollaire la
volonté de jouer un rôle au sein d'une équipe capable d'améliorer la condition de
l'humanité tels sont les deux facteurs sous-jacents de mon engagement politique.
J'ai dû parfois faire cavalier seul. Je n'avais guère le choix. Croyant en ce que
j'avançais, je n'avais pu désavouer mes convictions.
Je suis maintenant membre du gouvernement du Canada et fier de l'être fier de
faire partie d'une équipe formidable. Ma nomination par le premier ministre
Chrétien au poste de secrétaire d'État, Amérique latine et Afrique, est un grand
honneur. Elle témoigne du fait que des personnes, hommes ou femmes, qui ne sont
pas toujours des béni-oui-oui, peuvent commander le respect sur la scène nationale
et internationale, et c'est ce vers quoi tend le Canada.
Amérique latine et Afrique
Les pays d'Amérique latine, des Antilles et d'Afrique nous ont indiqué clairement
qu'il est important pour eux de nous avoir à leurs côtés, souvent parce que le
Canada ne se sent pas toujours obligé d'acquiescer à tout.
Une Afrique stable et prospère est importante pour tous les autres continents du
monde. Les liens que le Canada entretient avec l'Afrique ont continué de se tisser
depuis l'époque de John Diefenbaker et de Mike Pearson. Ces deux dirigeants ont
compris ce que l'Afrique signifiait pour le monde et ce qu'elle pouvait lui
apporter. Je suis optimiste à propos de ce continent.
La fin de l'apartheid en Afrique du Sud et l'avènement de la démocratie dans de
nombreux autres États africains permettent de plus en plus au monde d'espérer que
ce continent réalisera son potentiel. Nous, les Canadiennes et Canadiens, devons
continuer de lui apporter notre aide.
Quant à l'Amérique latine, je me souviens de l'époque où la plupart des Canadiens
la considéraient comme un endroit lointain et périphérique.
Comme les choses ont changé! Le Canada et l'Amérique latine ont reconnu leur
importance politique et économique mutuelle au sein de l'hémisphère. Dans les
années 1990, le Canada est enfin devenu sans ambiguïté un pays des Amériques,
marquant de la sorte un autre virage important sur la voie de sa démocratisation.
Brusquement, il s'est senti chez lui dans tout l'hémisphère occidental.
La décision du Canada d'occuper son siège longtemps vacant à l'OEA [Organisation
des États américains] et notre nouvel accord de libre-échange avec le Chili sont
tous les deux l'indication que ces relations vont revêtir de plus en plus
d'importance au XXIe siècle. Par l'intermédiaire de l'OEA, du Sommet des Amériques,
de l'ALENA [Accord de libre-échange nord-américain] et du processus de la ZLEA
[Zone de libre-échange des Amériques], les pays d'Amérique latine et des Antilles
commencent à prendre leur place légitime aux yeux du public canadien.
Le premier ministre Chrétien et le ministre des Affaires étrangères, M. Axworthy,
ont indiqué clairement par leurs visites récentes qu'ils considèrent l'Amérique
centrale et l'Amérique latine comme une priorité canadienne. Des liens plus
étroits entre les extrémités nord et sud de cet hémisphère apporteront de nombreux
avantages. L'unité régionale confère de la force, force que nous devons rendre
aussi équilibrée que possible en l'occurrence.
Du 11 au 23 janvier, le premier ministre Chrétien, accompagné de dirigeants
provinciaux et territoriaux, dirigera une mission de l'Équipe Canada au Mexique,
au Brésil, en Argentine et au Chili. Les missions de l'Équipe Canada constituent
une importante composante des mesures mises en place par le Canada pour promouvoir
le commerce international. Les exportations sont d'une importance vitale pour
l'économie canadienne. En règle générale, des exportations de l'ordre de
1 milliard de dollars, en effet, créent ou soutiennent 11 000 emplois au Canada.
La mission qui se rendra en Amérique latine fera clairement comprendre aux
éventuels partenaires de la région que le Canada ne souhaite pas mieux que de
faire des affaires avec eux.
Un voyage récent au Chili et en Bolivie
Récemment, j'ai eu l'occasion de constater que nos compatriotes peuvent jouer dans
l'hémisphère un rôle des plus utiles. Lorsque j'ai séjourné à Santiago, la
capitale d'un pays qui, en très peu de temps, est devenu un important partenaire
commercial du Canada, on m'a présenté des éléments de preuve montrant clairement
qu'un accord commercial très avantageux pour les Canadiens peut aussi avoir pour
effet d'améliorer les conditions de vie de tous les Chiliens.
Le smog provoque d'énormes inquiétudes à Santiago et le problème s'aggrave parce
que la ville est située dans une cuvette. La semaine précédant ma visite au Chili,
le grand ténor Pavarotti avait annulé un concert parce qu'un taux de pollution
élevé a des répercussions sur les cordes vocales.
J'ai avalé ma part de smog et j'ai écouté les autorités sanitaires locales, qui
exprimaient leurs craintes quant aux dangers que cette pollution fait planer à
court et à long terme sur les Chiliens. J'ai également eu l'occasion d'assister à
l'ouverture du projet GasAndes dirigé par Nova Corp. et de me réjouir du fait que
la technologie, les compétences en gestion et l'aide gouvernementale fournies par
le Canada vont contribuer à l'amélioration de la situation, peut-être assez pour
que Pavarotti y donne un récital un jour. J'espère qu'il portera sur son t-shirt
un drapeau canadien recoupé par le drapeau chilien lorsqu'il chantera.
Je me suis également rendu en Bolivie. D'un point de vue négatif, j'y ai vu un
peuple qui, depuis trop longtemps, souffre d'une pauvreté endémique. Sur le plan
positif, j'ai pu être témoin du début d'un redressement qui suscite un intérêt
important parmi les investisseurs et qui commence aussi à offrir des instruments,
par exemple, le microcrédit et une caisse de retraite gouvernementale, destinés à
donner à tous les Boliviens une occasion d'améliorer leur sort.
Bien évidemment, ce sont les Boliviens qui sont les maîtres de leur propre destin,
mais le Canada va à tout le moins jouer un rôle de soutien dans ce redressement.
Voyage en Ouganda, au Rwanda et au Kenya
Récemment, j'ai visité l'Ouganda, le Rwanda et le Kenya où j'ai pu constater que
l'Afrique est en pleine évolution et que nos idées arrêtées à son sujet ne
tiennent plus. À Kampala, j'ai appris que pas moins de 2 000 entreprises se sont
implantées en Ouganda ces dernières années. Dans la même optique, au Rwanda, des
observateurs suivant de près l'évolution du pays affirment qu'il s'est produit un
réel progrès économique au bénéfice de certains, sûrement pas de tous, depuis la
catastrophe de 1994; ils soutiennent également que le gouvernement en place
s'efforce véritablement de parvenir à la réconciliation des communautés. Au Kenya,
en dépit de problèmes de grande ampleur, il semble qu'à l'échelle nationale, on se
soit récemment éloigné du précipice. Notre délégation est arrivée peu de temps
après qu'un comité multipartite de députés eut conclu un accord sur un large
ensemble de réformes, ensemble qui paraît maintenant en voie d'être adopté avant
les élections qui doivent se tenir pendant l'année civile en cours. Pour résumer,
chacun de ces trois pays offre des motifs d'optimisme.
Je viens de vous rendre compte de réalités positives. Les relations que le Canada
entretient avec ces pays comptent en bonne partie dans les changements qui y sont
intervenus sur le plan positif.
Je soutiens que la politique étrangère du Canada depuis le début de la décennie
n'a pas seulement été intelligente, dans la plupart des cas. Elle a souvent été
exaltante, particulièrement ces dernières années.
Les mines terrestres
Prenons le cas de la campagne lancée par le Canada en vue de l'interdiction des
mines terrestres antipersonnel. C'est là, peut-être, l'exemple le plus patent de
la prise en charge, par notre pays, d'un rôle directeur à propos d'une question
qu'on aurait pu reléguer aux oubliettes parce que :
(a) elle n'était pas populaire dans les milieux militaires;
(b) elle ne présente pas d'intérêt personnel pour beaucoup de gens importants à
travers le monde.
Les gens importants ne passent pas beaucoup de temps à marcher dans des champs ou
sur des sentiers de brousse où une explosion peut se produire sous leurs pas à
n'importe quel moment. Des millions de civils pauvres le font.
Il s'agit bel et bien d'une question importante. C'est une façon de dire aux gens
ordinaires qu'ils comptent. On estime qu'il existe 100 millions de mines
terrestres dispersées à travers le monde; elles sont prêtes à tailler des enfants
en pièces, pour la seule et unique raison que ces enfants ont fait un faux pas sur
des terres qui devraient les nourrir.
Donc, comme vous le savez, le Canada a joué un rôle de premier plan dans le
mouvement d'organisations de la base; cela devrait, cela doit déboucher sur un
accord international efficace interdisant les mines antipersonnel.
Au début de décembre, plus de 90 pays devraient signer un traité dans ce but à
Ottawa. Cela constituera une étape supplémentaire dans ce qu'on désigne maintenant
sous le nom de « processus d'Ottawa ». Nos compatriotes devraient en être fiers.
Les États-Unis ne se sont pas encore ralliés au mouvement. C'est honteux,
particulièrement quand on prend en considération le rôle que la Campagne
internationale pour l'interdiction des mines terrestres, organisation ayant son
siège aux États-Unis et lauréate du prix Nobel, joue depuis 1992 pour faire
avancer cette cause.
Encore une fois, voilà pourquoi il est tellement important que des voix
indépendantes se fassent entendre sur la scène internationale, à l'heure actuelle.
La sécurité humaine
La lutte en vue de l'élimination des mines terrestres antipersonnel ne constitue
qu'une composante de l'engagement du ministre des Affaires étrangères, M. Lloyd
Axworthy, envers le concept de sécurité humaine durable. Comme la plupart d'entre
vous le savent, il a pris cet engagement à deux reprises dans des déclarations
officielles faites devant l'Assemblée générale des Nations unies.
Ce concept reconnaît le fait que le visage odieux de la guerre a changé. Il
reconnaît que, si des populations à travers le monde sont moins souvent victimes
de conflits armés entre États, ils font de plus en plus l'objet d'attaques plus
compliquées, mais tout aussi mortelles.
La décision du Canada de jouer un rôle de premier plan en vue de la défaite du
nazisme, pendant la Deuxième Guerre mondiale, a nécessité la décision claire de
déclarer la guerre et d'envoyer des troupes. Dans les années 1990, le combat
contre la tyrannie et l'injustice peut se révéler plus complexe.
Songez aux menaces suivantes qui pèsent sur la sécurité et le bien-être du monde :
les besoins de plus d'un milliard de personnes qui vivent dans la pauvreté;
les pénuries d'eau potable, qui représente la principale cause de décès dans les
pays en développement;
les attaques lancées contre les droits de la personne de particuliers et
d'organismes au sein de leur propre société;
le terrorisme et la criminalité internationale;
la dégradation des conditions de vie et du gagne-pain de populations partout
dans le monde en raison de l'épuisement ou de la pollution des ressources
naturelles.
Ce sont là des ennemis redoutables qui ne cessent de gagner du terrain. Ils ne
relèvent pas tous des vieilles catégories de ce qu'on considérait comme des
menaces pesant sur l'ordre mondial. Il nous faut trouver des moyens de les
combattre.
Nous ne pouvons nous contenter de faire démarrer les camions à incendie chaque
fois que des flammes apparaissent. Nous devons trouver des moyens de prévenir ces
problèmes. C'est pourquoi le Canada demande que les Nations unies et d'autres
organismes internationaux s'efforcent d'aborder le concept de sécurité humaine
durable. Nous sommes fiers de notre rôle de gardiens de la paix à travers le
monde, mais il faut que nous commencions aussi à développer de nouveaux
instruments, question d'être en mesure de répondre à de nouveaux défis.
Les droits de la personne
Il fut sans doute un temps où il était possible de cacher à la totalité de la
population de pays les avantages de la liberté, mais cette époque sera bientôt
révolue. Les communications sont trop généralisées. Les gens ne veulent pas vivre
dans un État-prison; tôt ou tard, ils vont trouver des moyens de se libérer.
Au chapitre des droits de la personne, le Canada a fait du soutien du changement
induit de l'intérieur son cheval de bataille. L'approche ne se veut pas
coercitive; elle est évolutive. Même si nous voulions forcer le changement, il
reste que le Canada n'a pas les leviers économiques, ni d'ailleurs l'influence
internationale qui lui permettraient de le faire. Toutefois, nous pouvons
travailler de l'intérieur pour soutenir les ONG [organisations non
gouvernementales] et aménager un espace propre à l'épanouissement de la société
civile.
Le soutien des améliorations apportées à la situation des droits de la personne
peut se réaliser de façons diverses. Pour les pays disposés à emboîter le pas ne
serait-ce que sur une petite échelle, tel Cuba, nous travaillerons pour amener un
changement évolutif. Dans le cas des régimes réfractaires à toute sorte de
dialogue ou d'échange, tels la Birmanie ou le Nigéria, nous travaillons en faveur
d'une action internationale plus vaste, afin de faire pression sur ces régimes
pour qu'ils changent leur manière de faire.
L'an prochain, nous célébrerons le 50e anniversaire de la Déclaration universelle
des droits de l'homme. Le Canada fera tout ce qui est en son pouvoir, dans le
courant de l'année, pour convaincre les gouvernements, où qu'ils soient, de ce que
la répression des droits de la personne ne peut que déboucher sur une amertume qui
provoque des soulèvements politiques. Pendant l'année, le Canada parrainera un
large éventail d'activités, dont une conférence sur l'utilisation de l'Internet à
des fins de défense des droits de la personne, la préparation d'un prototype de
rapport annuel sur l'état des droits de la personne dans le monde entier, ainsi
qu'une conférence d'ONG qui analysera et évaluera les répercussions de la
Déclaration de Vienne de 1993.
Nous ne sommes pas parfaits. Nous avons même du travail à faire chez nous à propos
des questions relatives à l'environnement et aux droits de la personne, des
questions qui revêtent tellement d'importance pour nous à l'échelle
internationale. Toutefois, pendant que nous nous employons à régler nos propres
problèmes, nous devons oeuvrer aussi en faveur de la solution de ceux du monde. En
fait, si on boucle la boucle, ce sont également nos problèmes.
Permettez-moi de laisser le dernier mot à Octavio Paz, le diplomate et poète
mexicain. Dans ses réflexions sur l'histoire contemporaine, Une terre, quatre ou
cinq mondes, Paz fait remarquer que tous les grands pays possèdent la vertu de la
prudence, qu'il définit comme étant la sagesse et l'intégrité, l'audace et la
modération, le discernement et la persévérance dans des entreprises. Notre pays
devrait avoir pour but, sur les plans intérieur et international, de posséder ce
type de prudence.
Je vous remercie.