M. MARCHI - ALLOCUTION DEVANT LE COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRESET DU COMMERCE INTERNATIONAL« L'ACCORD MULTILATÉRAL SURL'INVESTISSEMENT » - OTTAWA (ONTARIO)
97/48 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE SERGIO MARCHI,
MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL,
DEVANT
LE COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
« L'ACCORD MULTILATÉRAL SUR
L'INVESTISSEMENT »
OTTAWA (Ontario)
Le 4 novembre 1997
Ce document se trouve également au site Internet du Ministère :
http://www.dfait-maeci.gc.ca
Chers collègues,
L'Accord multilatéral sur l'investissement -- l'AMI -- a pour but d'établir des
règles qui fassent en sorte que le commerce et l'investissement internationaux
continuent d'être une source d'emplois et de prospérité au Canada. Le Canada se
tire mieux d'affaires lorsque ce sont des règles transparentes et exécutoires --
plutôt que les caprices des nations plus puissantes -- qui gouvernent le commerce.
Les négociations sont censées s'achever en avril prochain, mais, déjà, certains
groupes critiquent l'éventuel accord, se servant de ce pacte sur l'investissement
international pour s'en prendre au libre-échange, à la mondialisation, au concept
des frontières ouvertes et à la participation de compagnies étrangères à notre
économie. Nous devons prendre bonne note de ces opinions, mais nous devons aussi
les évaluer en regard de la réalité canadienne. Notre nation est tributaire du
commerce. Notre bien-être futur -- et celui de nos jeunes -- dépendra de la
compétitivité du Canada sur les marchés mondiaux. Et le Canada ne pourra être
compétitif que si des règles claires encouragent les étrangers à investir chez
nous et protègent les Canadiens -- tant les institutions que des particuliers comme
vous et moi -- lorsqu'ils investissent à l'étranger. Grâce à des initiatives comme
l'AMI, notre gouvernement fait montre de prévoyance en assurant l'avenir
économique de notre pays.
Le débat sur l'AMI doit être axé sur les faits, non sur les mythes. C'est pourquoi
j'ai demandé à votre Comité de se pencher sur cette question et pourquoi
j'apprécie cette occasion de vous faire part de mon point de vue. Mais, surtout,
j'attends avec un vif intérêt les conseils que le Comité sera en mesure de
formuler au gouvernement une fois qu'il aura entendu d'autres Canadiens à ce
sujet.
Permettez-moi d'abord de répondre à trois questions de base à propos de l'AMI : En
quoi l'Accord consiste-t-il, pourquoi en avons-nous besoin et quels sont les
objectifs du Canada durant les négociations?
En quoi l'Accord consiste-t-il?
Le Canada est l'un des 29 pays à l'OCDE [Organisation de coopération et de
développement économiques] qui espèrent que cet accord établira des règles
multilatérales favorisant un cadre d'investissement sûr et prévisible à l'échelle
mondiale. À la base de l'AMI, on trouve deux principes dominants : l'absence de
discrimination entre les investisseurs nationaux et étrangers, et une
indemnisation juste et équitable de la part des gouvernements en cas
d'expropriation. La mosaïque actuelle de règles internationales ne sert pas les
intérêts du Canada : aussi incroyable que cela puisse sembler, il y a maintenant
plus de 1 300 accords d'investissement bilatéraux dans le monde(1). Le Canada
lui-même a conclu des accords avec 24 pays, et il en négocie avec 33 autres.
Aujourd'hui, la valeur globale de l'investissement direct étranger est estimée à 3
billions de dollars(2) et l'investissement, comme le commerce, occupe une place de
plus en plus importante dans l'économie mondiale. Le Canada en particulier dépend
du commerce et de l'investissement internationaux pour son bien-être économique;
il est clairement dans notre intérêt national d'établir une seule série de règles
multilatérales qui favoriseront l'investissement au Canada et protégeront les
investissements canadiens à l'étranger.
Je peux également vous dire ce que l'AMI n'est pas : l'Accord n'est pas une charte
des droits des sociétés multinationales, et il ne sonne pas le glas de la
souveraineté du Canada. Nous conserverons le droit de promulguer des lois dans
tous les secteurs -- politique sociale, soins de santé, réglementation des
entreprises, travail et environnement -- et de les faire s'appliquer tout autant
aux entreprises étrangères qu'aux entreprises nationales. Nous continuerons de
pouvoir imposer des restrictions à l'investissement étranger dans des secteurs
comme la culture, les soins de santé et l'éducation qui, selon nous, exigent une
approche typiquement canadienne. Nous pourrons aussi en imposer d'autres lorsque
nous privatiserons des sociétés d'État. Tout comme dans le cadre de l'ALENA
[Accord de libre-échange nord-américain], le Canada n'acceptera pas de souscrire à
quelconque engagement de portée générale quant au gel (ce qu'on appelle le
« statu quo ») ou à l'élimination progressive (le « démantèlement ») de ses
restrictions sur l'investissement étranger. Le Canada gardera la souplesse voulue
pour conduire ses politiques dans les grands domaines d'intérêt national.
De plus, l'AMI ne forcerait pas le Canada à abaisser ses normes en matière de
travail et d'environnement. En fait, il doit empêcher d'autres pays d'abaisser les
leurs pour détourner à leur profit l'investissement qui viendrait autrement au
Canada. L'Accord n'aurait pas pour effet de supprimer les règlements qui obligent
les compagnies étrangères qui opèrent au Canada à embaucher des Canadiens en
priorité. Le gouvernement continuera de pouvoir lier l'octroi d'incitations à
l'investissement à des conditions comme la création d'emplois ou la
recherche-développement; et, au plan international, le Canada restera libre
d'imposer des sanctions économiques onusiennes comme celles qui ont servi à mettre
fin à l'apartheid en Afrique du Sud.
Enfin, l'AMI ne facilitera pas les choses pour les compagnies étrangères qui
veulent poursuivre le gouvernement en justice. Selon la loi canadienne, toutes les
compagnies -- qu'elles soient nationales ou qu'elles appartiennent à des étrangers
-- peuvent déjà s'adresser aux tribunaux canadiens si elles estiment avoir été
traitées de façon inéquitable par le gouvernement. Par l'effet de l'ALENA et de
nos accords d'investissement bilatéraux, il existe déjà au Canada un mécanisme
d'arbitrage investisseurs-État -- un système transparent semblable dans l'AMI ne
ferait que mieux protéger les investisseurs canadiens à l'étranger.
Permettez-moi maintenant de traiter de la seconde question : pourquoi avons-nous
besoin d'un AMI? La réponse réside dans l'importance du commerce et de
l'investissement internationaux pour le Canada.
Pourquoi avons-nous besoin d'un AMI?
Le commerce et l'investissement sont les deux dynamos de l'avenir économique du
Canada. Le discours du trône a clairement souligné la volonté du gouvernement
d'améliorer la performance économique du Canada au plan international en
élargissant sa base commerciale et en faisant du Canada un lieu attrayant pour les
investisseurs étrangers. Comme, à l'heure actuelle, un emploi canadien sur trois
est lié au commerce, il serait irresponsable de vouloir appliquer toute autre
politique.
Le Canada compte beaucoup sur l'investissement direct étranger pour s'alimenter en
capitaux. Cet investissement joue aussi un rôle critique dans l'économie
canadienne : il crée de l'emploi, apporte de nouvelles technologies et stimule la
croissance. En 1996, l'investissement étranger au Canada s'élevait à 180 milliards
de dollars -- une augmentation du double en 10 ans(3). C'est là un facteur clé car,
comme l'ont montrés Industrie Canada et mon ministère, on estime que chaque
milliard de dollars additionnel en capitaux étrangers crée 45 000 nouveaux emplois
sur une période de cinq ans(4). Nous ne pouvons cependant nous reposer sur nos
lauriers. Il ressort d'un récent rapport de KPMG que le Canada est l'un des
meilleurs endroits au monde où investir et faire des affaires(5). Et pourtant, les
Nations Unies constatent que notre part de l'investissement mondial est passée de
8,7 p. 100 en 1985 à 4,3 p. 100 en 1995(6). En adhérant au bon genre d'AMI, le
Canada renforcerait son attrait comme destination privilégiée de l'investissement
étranger, aussi bien dans le présent que dans l'avenir.
Les Canadiens sont des investisseurs de plus en plus actifs à l'étranger, où leurs
investissements ont atteint 171 milliards de dollars en 1996, une augmentation de
164 p. 100 en 10 ans(7). Ces investissements ont plusieurs effets : ils assurent
aux compagnies canadiennes un meilleur accès aux marchés, les mettent en contact
avec de nouveaux partenaires et de nouvelles technologies, leur permettent de
croître et créent de nouveaux emplois ici au Canada. Un AMI qui répond à nos
intérêts assurerait la protection de ces investissements -- qu'ils viennent de
grandes ou de petites entreprises -- et celle des citoyens canadiens qui
investissent à l'étranger par le truchement de leurs fonds mutuels, de leurs fonds
de pension ou de leur REER.
Il ne faudrait pas non plus oublier qu'en participant à ces négociations, le
Canada s'assure de façonner l'AMI afin qu'il serve le mieux ses intérêts.
Examinons maintenant ces objectifs du Canada.
Quels sont les objectifs du Canada durant les négociations?
En participant à l'AMI, le Canada continue une fière tradition qui en a fait un
pionnier de l'élaboration de règles internationales. Compte tenu de l'importance
que le commerce international revêt pour notre économie, il est éminemment sensé
de favoriser l'établissement de règles et la promotion d'une plus grande
libéralisation des échanges. Le Canada a été un membre fondateur du GATT [Accord
général sur les tarifs douaniers et le commerce] et de son successeur,
l'Organisation mondiale du commerce [OMC].
Le Canada a été bien servi par le cadre global établi par l'OMC en matière de
commerce des biens et des services, et par ses arrangements commerciaux bilatéraux
et régionaux. Nous cherchons maintenant un cadre semblable de règles globales en
matière d'investissement, en commençant par l'AMI.
Les négociations sur l'AMI ont débuté en septembre 1995. Il est important que le
Comité comprenne que la conclusion d'un accord ne chambarderait pas les règles
actuelles du Canada en matière d'investissement. Les négociateurs canadiens ont
reçu pour mandat de simplement transposer dans un AMI les règles et les exemptions
que le Canada a obtenues dans le cadre de l'ALENA. Les règles de l'AMI ne seraient
pas nouvelles; elles seraient conformes aux lois et aux politiques actuelles du
Canada, notamment :
qu'on ne fasse pas de discrimination entre les investisseurs étrangers et
nationaux;
que l'expropriation des biens d'investissement se fasse pour des motifs d'intérêt
public et de façon juste et qu'elle soit assortie d'une indemnisation rapide et
équitable;
qu'on puisse avoir accès à un mécanisme efficace de règlement des différends.
Le Canada espère aussi que les négociations aideront à traiter des questions comme
la loi Helms-Burton des États-Unis. Le Canada, avec l'appui de l'Union européenne,
a déposé des propositions destinées à contrer les mesures extraterritoriales
unilatérales ciblant l'investissement.
En ce qui concerne les normes en matière d'environnement et de travail, je veux
souligner que le gouvernement n'acceptera jamais un accord qui limite notre
capacité de protéger l'environnement ou de maintenir des normes élevées en matière
de travail si nous jugeons opportun de le faire. Nous militons également en faveur
d'un libellé vigoureux dans l'accord, de sorte que d'autres pays ne puissent
abaisser leurs normes pour attirer des investissements. À ce sujet, le Comité sait
que l'environnement et le travail sont des domaines de compétence partagée. Nous
consultons actuellement les provinces sur cette question. Nous travaillons
également avec les autres pays et avec les parties intéressées au Canada -- y
compris les organisations non gouvernementales -- afin de trouver un équilibre
responsable entre différents points de vue. Je ne cherche pas à éviter la
question, mais à cette étape, il serait prématuré d'anticiper des résultats de ces
consultations. De toute évidence, le gouvernement préférerait que les règles
soient le plus rigoureuses possible.
Enfin, je veux souligner que le gouvernement écoutera les points de vue de tous
les Canadiens. L'AMI n'est pas négocié en secret. Depuis mon arrivée au Commerce
international, j'ai fait le maximum pour fournir plus d'informations et pour
m'assurer que toutes les opinions sont entendues. Mon ministère est en
consultation étroite avec les provinces, le secteur privé et les organisations non
gouvernementales. Ces consultations se sont intensifiées et cela se poursuivra. Le
Canada a appuyé la décision de l'OCDE de distribuer une ébauche du texte de
travail de l'AMI aux organisations non gouvernementales. Il me fait plaisir de
déposer ce texte ici aujourd'hui. De plus, j'ai communiqué directement avec les
Canadiens qui ont fait part de préoccupations au sujet de l'accord éventuel, le
Conseil des Canadiens, l'Association canadienne du droit de l'environnement et le
Congrès du travail du Canada. De fait, ces groupes ont déjà rencontré nos
négociateurs. J'ai aussi envoyé des trousses d'information sur l'AMI à tous les
députés et sénateurs et je me suis assuré que les critiques de l'Opposition en
matière de commerce ont bénéficié de séances d'information sur le sujet. Votre
Comité joue maintenant un rôle vital pour faire en sorte que le Parlement continue
le dialogue avec tous les Canadiens au sujet de l'AMI.
Je peux vous donner l'assurance que le gouvernement ne signera une entente que si
elle est dans l'intérêt national. Les éléments constitutifs de l'AMI sont en place
mais il faut maintenant s'attaquer aux questions épineuses. Je serais heureux de
connaître vos vues sur le sujet et de répondre à vos préoccupations afin que nous
puissions, ensemble, faire en sorte que cet accord améliore la prospérité et les
perspectives d'avenir de notre pays. Je ne doute pas que nous partagions tous cet
objectif.
Je vous remercie.
Notes de fin de texte
1. 1. Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), World Investment Report 1997:
Transnational Corporations, Market Structure and Competition Policy, Publication des Nations Unies, 1997, p. xviii.
2. 2. Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), World Investment Report 1997:
Transnational Corporations, Market Structure and Competition Policy, Publication des Nations Unies, 1997, p. xv.
3. 3. Statistique Canada, Bilan des investissements internationaux du Canada de 1926 à 1996, 1997, p. 48.
4. 4. Ross S. Preston et Haider M. Saiyed, The Impact of Foreign Direct Investment on Job Creation and Economic Growth:
Evidence from the WEFA Canada Macro Economic Model, (étude commandée par Industrie Canada et le ministère des
Affaires étrangères et du Commerce international), publication du WEFA Group, 1995.
5. 5. KPMG, The Competitive Alternative: A Comparison of Business Costs in Canada, Europe and the United States, KPMG
Canada et Prospectus Inc., octobre 1997.
6. 6. Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), World Investment Report:
Transnational Corporations, Market Structure and Competition Policy, Publication des Nations Unies 1997, p. 313.
7. 7. Statistique Canada, Bilan des investissements internationaux du Canada de 1926 à 1996, 1997, p. 38.