Les Canadiens ont compris les avantages du commerce extérieur. Selon des
enquêtes récentes, 70 p. 100 des Canadiens sont favorables à l'idée de la
libéralisation des échanges, comparativement à une proportion déjà
majoritaire de 56 p. 100 en 1993, année de la signature de l'ALENA [Accord de
libre-échange nord-américain]. Six Canadiens sur dix (63 p. 100) sont
aujourd'hui favorables à l'ALENA, alors que 37 p. 100 seulement l'étaient en
1993.
Chaque jour, nos deux pays échangent pour plus de 1 milliard de dollars de biens
et de services, ce qui constitue le partenariat commercial le plus important du
monde. Fait encore plus impressionnant, plus de 95 p. 100 de ces biens et services
traversent la frontière sans aucun problème. Il est par conséquent essentiel que
nous ne laissions pas les facteurs de friction définir ou ternir les relations
commerciales manifestement remarquables qui unissent nos deux pays.
À ce propos, j'aimerais profiter de l'occasion pour remercier les milieux
d'affaires américains d'avoir contribué à faire exempter le Canada de
l'application de l'article 110 de la Loi américaine sur l'immigration. La libre
circulation des personnes et des biens de part et d'autre de la frontière que nous
partageons est une condition essentielle si nous voulons voir se poursuivre
l'accroissement rapide de nos échanges bilatéraux.
Nous pouvons aussi oeuvrer ensemble à l'extérieur de nos territoires nationaux.
L'ouverture des frontières au commerce et à l'investissement est un but commun aux
États-Unis et au Canada. L'ALENA témoigne de cette communauté de vues, tout comme
le fait que nos deux pays comptent parmi les plus fermes tenants de l'Organisation
mondiale du commerce [OMC].
Comme vous le savez, l'OMC joue un rôle essentiel dans les efforts de
libéralisation des échanges qui sont déployés à l'heure actuelle, depuis les
accords récemment conclus sur les services de télécommunications et les
technologies de l'information jusqu'aux négociations sur les services financiers,
qui en sont à leur dernière étape au moment même où je vous parle.
Nos deux pays sont aussi partisans de la reprise des négociations sur
l'agriculture et les services, prévue pour la fin du siècle. L'OMC établit la base
des initiatives bilatérales et régionales qui donnent plus d'ampleur à la réforme
du commerce international, y compris la ZLEA.
Au Canada, la libéralisation du commerce selon des règles bien définies a toujours
été synonyme de croissance et de création d'emplois. Au fil des ans, le Canada a
changé non seulement sa manière de commercer avec le monde, mais aussi la façon
dont il se perçoit lui-même dans le monde. Nous avons de profondes racines en
Europe, mais nous sommes également liés avec les États-Unis par une amitié qui
remonte loin. Ces dernières années, en établissant des rapports étroits avec la
région de l'Asie-Pacifique, nous avons transformé et diversifié notre vie
économique. Aujourd'hui, cette transformation est amplifiée par l'engagement que
nous avons pris à l'égard de toutes les régions des Amériques; ce qui m'amène à
mon deuxième sujet.
Le Canada appartient sans aucun doute aux Amériques et veut construire avec les
pays de cette région une destinée commune. Nos actes témoignent de notre
engagement dans ce sens.
Premièrement, outre notre association avec le Mexique dans le cadre de l'ALENA,
nous avons signé un accord de libre-échange avec le Chili. Conçu comme une étape
vers l'adhésion éventuelle du Chili à l'ALENA, cet accord est en train d'ouvrir
d'immenses possibilités aux entreprises canadiennes, et nous sommes très
optimistes en ce qui concerne nos relations bilatérales.
Deuxièmement, nous sommes en train de négocier un accord de coopération en matière
de commerce et d'investissement avec le Mercosur. Celui-ci constitue un marché
important pour le Canada -- nos investissements s'y élèvent à 6 milliards de
dollars --, et continuerons de renforcer nos liens avec lui dans les prochaines
années.
Troisièmement, selon le concept d'Équipe Canada, le premier ministre Chrétien
dirigera en janvier une mission commerciale qui se rendra dans quatre pays de la
région -- le Mexique, le Brésil, l'Argentine et le Chili. Nous prévoyons que plus
de 400 dirigeants d'entreprise participeront avec M. Chrétien et les premiers
ministres provinciaux à cet effort, dont le but est de nouer de nouveaux liens
commerciaux et d'ouvrir de nouveaux marchés.
Enfin, le Canada ne manifeste son engagement nulle part aussi clairement que dans
son ferme soutien au principe de la Zone de libre-échange des Amériques. Et nous
nous réjouissons de la collaboration des États-Unis dans cette entreprise.
En fait, malgré les retards observés, nous espérons que le président réussira à
présenter une loi bipartite autorisant le recours à la procédure accélérée que le
Congrès adoptera avant la tenue du Sommet des Amériques à Santiago, au Chili, le
printemps prochain. Cela constituerait un message important pour le monde entier,
à savoir que les États-Unis ont l'intention de jouer un rôle de premier plan pour
ce qui est de la libéralisation des échanges. Pour sa part, le Canada n'a pas
l'intention de permettre que le retard à autoriser le recours à la procédure
accélérée ralentisse son propre programme visant à libéraliser davantage les
échanges dans l'hémisphère.
Pourquoi militer ainsi en faveur de la libéralisation des échanges dans
l'hémisphère? Pourquoi tourner nos regards vers l'Amérique latine et les Antilles?
En raison de la croissance. En raison des débouchés et des possibilités de
partenariat. D'ici l'an 2000, cette région comptera près de 500 millions
d'habitants et aura un PIB de 2 billions de dollars américains! Mais ce qui est
encore plus important, c'est qu'il existe maintenant un désir commun et une
possibilité unique de forger un véritable sentiment de solidarité dans
l'hémisphère.
L'occasion est donc vraiment exceptionnelle, et nous devons la saisir. C'est là le
point de vue que j'ai entendu exprimer maintes fois dans les milieux d'affaires
canadiens, auxquels l'Amérique latine inspire l'optimisme le plus résolu.
Il nous faut en outre reconnaître que cette région apporte aujourd'hui la preuve
de sa ferme détermination à poursuivre les réformes du marché ainsi qu'à faire
progresser les droits démocratiques et la bonne gestion.
L'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay se sont groupés dans l'union
douanière du Mercosur, laquelle a elle-même signé des accords de libre-échange
avec la Bolivie et le Chili.
Le Mexique, la Colombie et le Venezuela ont signé un accord de libre-échange, et
les pays d'Amérique centrale et des Antilles du Commonwealth sont en train de
renforcer leurs unions douanières respectives.
Ces initiatives ne sont pas passées inaperçues : l'Union européenne a déjà engagé
des discussions commerciales avec le Mercosur. C'est donc à nos risques et périls
que nous hésitons. C'est dès maintenant qu'il nous faut renouveler notre
engagement.
Nous devons absolument créer le cadre pour un système commercial qui soit plus
ouvert et plus prévisible dans la région. Le Canada, pour sa part, envisage la
ZLEA comme un accord complet, englobant à la fois les biens, les services,
l'investissement et la propriété intellectuelle. Nous imaginons un partenariat à
l'échelle de l'hémisphère, fondé sur un seul engagement et prévoyant les mêmes
droits et les mêmes obligations pour tous les adhérents. Les négociations doivent
s'appliquer dès le départ à la totalité des questions; il faut mettre toutes les
cartes sur la table, y compris les droits de douane et l'accès aux marchés.
Pratiquement toutes les barrières tarifaires et tous les autres obstacles au
commerce devraient être supprimés dans un délai de 10 ans à compter de l'entrée en
vigueur de l'accord. En même temps, nous devons aussi prendre en considération les
besoins particuliers des petits États dans ces négociations, en adoptant en ce qui
les concerne une approche progressive qui serve le mieux possible leurs intérêts.
Voilà quels sont nos buts, et nous déployons de grands efforts, en collaboration
avec nos partenaires de la ZLEA, en vue d'assurer un bon départ aux négociations
pour la réunion d'avril à Santiago. Des négociations détaillées devront débuter
immédiatement après Santiago si l'on veut honorer l'engagement que nos chefs
d'État ont pris de réaliser de véritables progrès d'ici l'an 2000 et de mener les
négociations à terme d'ici 2005. Compte tenu de ce calendrier, il est important
que les États-Unis aient le pouvoir d'adopter la procédure accélérée. Nous ne nous
faisons aucune illusion sur la difficulté des tâches qui nous attendent. Mais
aucun but qui en vaut la peine n'a jamais été atteint sans difficulté.
Le Canada est convaincu des avantages du libre-échange parce qu'il en fait
l'expérience. Maintenant que nous nous sommes adaptés à l'ALENA, c'est avec
assurance que nous étendons notre activité et nos espoirs à l'échelle du monde.
L'économie mondiale est en voie d'intégration croissante, et nous n'avons pas
l'intention d'assister à cette évolution en spectateurs passifs.
Dans l'avenir qui nous attend, les États-Unis et le Canada doivent prendre
l'initiative, et ce, de la manière la plus décidée. Nos regards doivent être
tournés vers l'extérieur plutôt que vers nous-mêmes. Nous devons unir nos efforts
pour étendre les avantages du libre-échange à l'ensemble des Amériques et nous
devons nous débarrasser des obstacles et des attitudes qui voudraient nous
empêcher d'atteindre ce but. Nous devons aussi mettre en lumière les bienfaits
sociaux -- nouveaux hôpitaux et établissements d'enseignement, accroissement des
revenus, normes plus élevées en matière de main-d'oeuvre et d'environnement, etc.
-- qui découlent d'une économie ouverte et bien administrée.
Si nous accomplissons cela, je crois que l'hémisphère pourra entrer dans une ère
de prospérité et de stabilité. Et la ZLEA prendra alors la place qui lui revient :
celle d'une oeuvre d'envergure véritablement historique.
J'ai commencé cette allocution en citant le président Kennedy. Qu'on me permette
maintenant de rétablir l'équilibre bipartite en citant pour conclure le président
Reagan. S'adressant au Parlement canadien en 1981, celui-ci nous a rappelé que
« notre mission ne consiste pas seulement à nous tirer d'affaire [...] [mais à]
porter les rêves du monde au-delà des proches limites de notre champ de vision,
jusqu'aux confins de nos espoirs les plus audacieux ».
Prenons à coeur ce sage conseil; allons de l'avant et procédons en tant qu'amis,
qu'alliés et que partenaires. Parce qu'il y a peu de choses que nous ne soyons pas
capables d'accomplir ensemble.
Merci.