M. AXWORTHY - ALLOCUTION À L'OCCASION DE LACONFÉRENCE ÉCONOMIQUE SUR LE MOYEN-ORIENTET L'AFRIQUE DU NORD DE 1997 - DOHA, QATAR
97/53 TELLE QUE PRONONCÉE
ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE LLOYD AXWORTHY,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
À L'OCCASION DE LA
CONFÉRENCE ÉCONOMIQUE SUR LE MOYEN-ORIENT
ET L'AFRIQUE DU NORD DE 1997
DOHA, Qatar
Le 16 novembre 1997
Ce document se trouve également au site Internet du Ministère :
http://www.dfait-maeci.gc.ca
Excellences, distingués invités,
Je suis très heureux de diriger la délégation canadienne à la Quatrième Conférence
économique sur le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord.
Permettez-moi de remercier nos hôtes, Son Altesse l'émir du Qatar et son
Excellence Monsieur le ministre des Affaires étrangères al-Thani. Votre décision
d'aller de l'avant avec la conférence en dépit des difficultés que traverse la
région démontre votre courage et votre sens des responsabilités. Je salue
également la vision et la détermination dont vous faites preuve en oeuvrant en
faveur d'un développement économique et social rapide de votre pays, tâche à
laquelle le Canada espère pouvoir contribuer.
Je voudrais remercier aussi M. Klaus Schwab, président du Forum économique
mondial, qui a accompli une somme de travail remarquable avec la collaboration de
l'État du Qatar pour organiser cette conférence.
Depuis la semaine dernière, je voyage dans toute la région du Moyen-Orient. Je me
suis rendu en Égypte, en Israël, en Cisjordanie et à Gaza, en Jordanie, au Liban
et en Syrie; aujourd'hui, je suis dans la région du Golfe. Je me suis entretenu
avec des dirigeants politiques, des membres de groupes civiques, des gens
d'affaires, des travailleurs de l'Aide, des réfugiés et des gardiens de la paix de
l'ONU [Organisation des Nations Unies]. Ces discussions m'ont laissé profondément
inquiet relativement aux perspectives du processus de paix et à ce qui appert
comme une perte de foi et d'espoir chez les dirigeants politiques de la région. Au
langage du compromis qui a suscité tant d'espoir s'est substitué le langage du
conflit et de la division.
Nous avons également entendu parler de la nuée d'orage qui se dresse au-dessus de
nos têtes en provenance de l'Iraq. La conduite du gouvernement de l'Iraq est
inacceptable. Son opposition continue à la communauté internationale dans sa
réponse évasive face aux inspections de la CSNU [Commission spéciale des Nations
Unies], et sa confrontation avec le Conseil de sécurité de l'ONU doivent cesser.
La position du Canada est on ne peut plus claire : le gouvernement de l'Iraq doit
mettre en oeuvre intégralement les dispositions des résolutions pertinentes du
Conseil de sécurité de l'ONU, et notamment les résolutions les plus récentes
adoptées à l'unanimité par le Conseil de sécurité. Il doit reprendre et assurer la
coopération à part entière avec la CSNU. Aussi sérieuse la situation dans cette
région d'une importance vitale soit-elle, je suis convaincu que nous ne pouvons
nous permettre de laisser s'ombrager son avenir.
Dans mes déplacements, j'ai entendu des voies éloquentes qui ne laissent subsister
aucun doute quant à la volonté des populations de cette région d'instaurer la
paix. Elles méritent et ont le droit d'avoir un meilleur avenir, qui offre
l'espoir d'une paix juste et durable. Aussi, à ce moment critique du processus de
paix, nous ne devons pas abandonner la recherche de terrains d'entente.
Je respecte la décision de certains de mes collègues qui ont préféré ne pas
prendre part à la Conférence. Une décision difficile, qui traduit leur inquiétude
devant l'état actuel du processus de paix.
Dès alors pourquoi le Canada participe-t-il à cette conférence? Le Canada a choisi
d'être ici à Doha pour démontrer sa foi dans la région. Nous sommes ici pour aider
ceux qui partagent l'objectif d'une paix globale. Nous ne nous faisons pas
d'illusions quant aux défis que nous devrons relever à l'avenir, car nous croyons
qu'une paix juste et durable est possible entre des gens avec qui je viens de
m'entretenir.
Nous sommes ici parce que nous croyons qu'il vaut la peine de bâtir des
partenariats. À mon avis, nous devons saisir les possibilités de dialogue et de
recherche de solutions chaque fois qu'elles se présentent. C'est précisément là-dessus que repose notre propre participation au volet multilatéral du processus de
paix. En tant que président du Groupe de travail sur les réfugiés, le Canada a
continué à chercher des façons de rassembler les gens même lorsque le processus
formel était dans l'impasse. De même, nous avons repris et poursuivi les efforts
critiques consentis par le Groupe de travail sur les réfugiés pour améliorer les
conditions de vie des réfugiés palestiniens, sans préjudice à leurs droits ni à
leur statut futur.
En visitant les camps de réfugiés, et en voyant les maisonnettes sans toit bien
trop petites pour les nombreux enfants qu'elles abritent, le regard impuissant de
leurs parents et les ruisseaux d'égouts qui sillonnent les étroites voies de
passage, je me suis rendu compte que dans l'intérêt de la paix nous devons faire
plus pour aider ces gens. Nous devons créer une prospérité dans laquelle tous les
habitants de la région ont un intérêt, et où tous ont la possibilité d'avoir des
choses aussi élémentaires qu'un emploi, un abri décent et une école digne de ce
nom pour leurs enfants. Le développement économique et la coopération font partie
intégrante de ces objectifs. Ils sont l'assurance que les sacrifices consentis et
les risques pris au nom de la paix étaient justifiés.
Vous, les dirigeants d'entreprises, je vous encourage à vous faire entendre.
Certes, vous avez tout intérêt à voir cette région prospérer, mais au-delà même de
cet intérêt, vous avez la capacité d'illustrer ce qu'il est possible d'accomplir
en s'associant entre voisins et peuples lorsque les frontières ne sont plus des
barrières. Simplement en faisant des affaires entre entrepreneurs de la région, il
est possible d'établir les fondements d'une paix durable. Aujourd'hui plus que
jamais, il faut que les dirigeants politiques de la région vous entendent.
Ces conférences ont mis en relief l'importance de la coopération pour mettre en
place l'infrastructure du développement économique de la région. Or, pour
l'instant, le développement est paralysé sur des centaines de milliers d'hectares
par la présence des mines terrestres si bien qu'on ne peut y accueillir
l'infrastructure même la plus élémentaire. Il y a deux jours, je me suis rendu sur
le plateau du Golan et j'ai constaté de visu les marques laissées par ces tueurs
invisibles. À Saïda, j'ai parlé à de jeunes enfants qui ont vu le cours de leur
vie irrémédiablement bouleversé par les mines terrestres et qui essaient tant bien
que mal de se remettre du traumatisme de cette expérience. Leur souffrance est la
raison pour laquelle nous tentons sans relâche de faire signer un traité
d'interdiction des mines antipersonnel. C'est un geste de coopération
internationale que poseront les signataires qui viendront à Ottawa dans l'espoir
de lendemains meilleurs pour l'humanité -- un symbole d'espoir pour la paix dans
cette région.
Au début de décembre, plus de 100 pays signeront une convention internationale qui
interdira, sans exception ni échappatoire, l'emploi, le stockage, la production et
le transfert des mines antipersonnel.
J'aimerais remercier nos hôtes, Son Altesse l'émir du Qatar et Monsieur le
ministre des Affaires étrangères, de leur appui à l'égard du processus d'Ottawa.
J'attends avec impatience de vous accueillir, vous-mêmes ainsi que d'autres
représentants des gouvernements qui sont présents ici, à Ottawa dans quelques
semaines pour y signer le traité. Pour les pays qui ne sont pas prêts à emboîter
le pas maintenant, j'espère que vous vous joindrez néanmoins à nous à Ottawa pour
prendre part à l'élaboration d'un programme d'action pour le déminage et l'aide
aux victimes. Je me réjouis particulièrement du fait que la Jordanie, la Syrie,
l'Égypte et Israël aient décidé d'assister à la conférence.
S'il est une leçon que l'on peut tirer du processus d'Ottawa, c'est que même les
problèmes en apparence insolubles peuvent être réglés. Je ne sous-estime pas la
magnitude des différences qui divisent les Arabes et les Israéliens. Je suis
cependant convaincu qu'une paix juste et durable est possible pour peu qu'il y ait
volonté politique, engagement en faveur du processus de paix et ouverture d'esprit
pour aborder des problèmes anciens dans un esprit nouveau. Je vous promets que le
Canada fera ce qui sera à sa portée.