M. KILGOUR - ALLOCUTION À L'OCCASION D'UN DÉJEUNER EN L'HONNEUR DE MME LISA BOBBIE SCHREIBER HUGHES, NOUVEAU CONSUL GÉNÉRAL DES ÉTATS-UNIS À CALGARY - CALGARY (ALBERTA)
97/56 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE DAVID KILGOUR,
SECRÉTAIRE D'ÉTAT (AMÉRIQUE LATINE ET AFRIQUE),
À L'OCCASION D'UN DÉJEUNER EN L'HONNEUR DE
Mme LISA BOBBIE SCHREIBER HUGHES, NOUVEAU CONSUL GÉNÉRAL
DES ÉTATS-UNIS À CALGARY
CALGARY (Alberta)
Le 28 novembre 1997
Ce document se trouve également au site Internet du Ministère :
http://www.dfait-maeci.gc.ca
C'est avec grand plaisir que je prends la parole à ce déjeuner où nous
accueillons le nouveau consul général des États-Unis d'Amérique, Mme Lisa Bobbie
Schreiber Hughes.
Mme Schreiber Hughes a occupé plusieurs postes en Amérique latine et aux Antilles
dans sa carrière tout à fait remarquable. Cette région occupe beaucoup mes
pensées, en ce moment, et j'espère pouvoir échanger un certain nombre de souvenirs
avec notre invitée d'honneur. Je rentre tout juste d'un bref voyage au Pérou et en
Colombie, et je consacre beaucoup de temps à des cours d'espagnol. Mon professeur
me garantit, après 12 ou 13 leçons, qu'une leçon supplémentaire me suffira pour
que je parle couramment cette langue. En attendant, toutefois, je dois me résigner
à m'adresser à vous en anglais.
Les États-Unis entretiennent depuis beaucoup plus longtemps que nous des relations
avec l'Amérique latine. Le Canada a depuis longtemps des rapports étroits avec les
Antilles, mais notre présence en Amérique latine est plus récente. Ces dernières
années, même les États-Unis ont eu à resserrer de beaucoup leurs relations avec
leurs voisins du sud, en dépit du revers subi au Congrès à propos de la procédure
de négociation accélérée.
L'écrivain mexicain Carlos Fuentes a dit : « Avant la fin du siècle, tout Nord-Américain découvrira qu'il a une frontière personnelle avec l'Amérique latine. Il
s'agit d'une frontière vivante, qu'on peut nourrir par l'information, mais, avant
tout, par la connaissance, par la compréhension, par la recherche de leurs
intérêts éclairés de la part des deux parties. »
Fuentes a utilisé le terme « Nord-Américain » au sens où certains Latino-Américains emploient encore ce terme, pour désigner les citoyens des États-Unis.
De nos jours, toutefois, il est tout aussi vrai que nos rapports avec l'Amérique
latine touchent absolument tous les Canadiens.
L'Amérique latine et le Canada
Je suis enthousiasmé par le fait que mon champ de responsabilité inclut certains
des secteurs les plus dynamiques des relations étrangères du Canada. En 1995, on a
déterminé à Ottawa que l'Amérique latine constituait une région où nous détenions
un avantage important, du fait de notre situation géographique.
Pendant de nombreuses années, lorsque les Canadiens s'intéressaient au Sud, leur
regard ne dépassait pas les frontières des États-Unis. Notre adhésion à
l'Organisation des États américains [OEA], en 1990, a lancé un message politique
clair, qui indiquait notre désir de jouer un rôle plus actif dans les questions
intéressant l'hémisphère. Nous espérions que notre participation à l'OEA
déboucherait sur une revitalisation des institutions intergouvernementales
régionales.
Au début des années 90, le Canada a conclu l'Accord de libre-échange nord-américain [ALENA] avec les États-Unis et le Mexique. Il s'agissait du premier
accord commercial régional dans le monde auquel étaient parties un pays dit en
développement et des pays développés. Pendant la même période, nous avons élargi
notre représentation diplomatique sur place à la plupart des pays de la région.
Le sommet de Miami
En 1994, le premier ministre Chrétien a participé au Sommet des Amériques, à
Miami, où les dirigeants démocratiquement élus de 34 pays ont convenu d'un
partenariat pour le développement et la prospérité. Ce partenariat allait reposer
sur un engagement en faveur des pratiques démocratiques, de l'intégration
économique et de la justice sociale.
En avril, l'an prochain, le processus se poursuivra avec la tenue du Sommet des
Amériques à Santiago, au Chili. Ces pourparlers visent à jeter les bases d'une
Zone de libre-échange des Amériques [ZLEA] d'ici 2005. Ils porteront également sur
d'autres questions importantes liées au développement social, dont le domaine de
l'éducation, qui est d'une importance primordiale.
Entre temps, le Canada s'est employé à resserrer ses relations commerciales dans
l'ensemble de la région. Cette année, le Canada et le Chili ont conclu un accord
bilatéral de libre-échange. Cet accord exprimait le désir du Canada de maintenir
son programme d'action dans le domaine du commerce à un moment où certains membres
du Congrès des États-Unis sont réticents à approuver une procédure accélérée pour
les négociations sur l'intégration du Chili à l'ALENA.
Le Canada discute également d'échanges commerciaux avec d'autres regroupements
régionaux, comme le MERCOSUR, le Pacte andin, la Communauté des Caraïbes [CARICOM]
et le Marché commun centraméricain. Nous souhaitons vivement conclure des accords
de partenariat commercial avec des membres de ces groupes au moment où nous allons
dans le sens du libre-échange à l'échelle de l'hémisphère.
LE MERCOSUR
Permettez-moi d'attirer votre attention sur les efforts que déploie le Canada afin
de renforcer ses relations commerciales avec le MERCOSUR, pacte commercial auquel
ont adhéré l'Argentine, le Brésil, l'Uruguay et le Paraguay. Le Canada a réalisé
des exportations d'une valeur avoisinant 1,7 milliard de dollars vers ces quatre
pays en 1996 et en a reçu des importations d'un montant de 1,4 milliard de
dollars. Le gouvernement canadien s'efforce de jeter des bases qui favoriseront un
accroissement et un assouplissement des échanges commerciaux entre les pays
membres du MERCOSUR et le Canada.
En janvier, une mission commerciale d'Équipe Canada se rendra au Mexique, en
Argentine, au Brésil et au Chili. Elle suivra le modèle des missions antérieures
d'Équipe Canada qui ont été couronnées de succès en Asie; ces missions ont réuni
notre premier ministre et les premiers ministres provinciaux en vue de promouvoir
une croissance économique dont nous bénéficierons tous.
Les pays des Antilles membres du Commonwealth
Il convient peut-être que je fasse remarquer que même si mon titre est secrétaire
d'État (Amérique latine et Afrique), je suis également chargé des Antilles, y
compris des pays des Antilles membres du Commonwealth.
Bien que, d'un point de vue géographique, les Antilles soient plus près de
l'Amérique latine, nos rapports commerciaux avec ces deux régions sont
sensiblement différents. Le Canada entretient depuis longtemps des relations avec
les pays des Antilles membres du Commonwealth. Nous partageons la même langue et
des traditions politiques et juridiques communes, qui reposent sur nos liens avec
la Grande-Bretagne. La Banque de la Nouvelle-Écosse disposait d'une filiale aux
Antilles bien avant d'être présente à Toronto. Il n'est pas nécessaire que nous
fassions état du commerce du rhum entre le Canada et les Antilles. Nous avons
parfois été enclins à tenir pour acquise la bonne disposition des peuples des
Antilles envers nous. C'est là une grave erreur. Les pays des Antilles membres du
Commonwealth figurent parmi nos amis les plus proches sur la scène internationale.
À l'occasion de notre récente candidature à l'organisation de l'exposition
universelle Calgary 2005, 11 des 25 votes que nous avons obtenus provenaient de
pays membres de la Communauté des Caraïbes.
La renaissance de l'Afrique
L'émergence de l'Afrique à titre de continent stable et prospère présente de
l'importance pour tous les autres continents. Les liens du Canada avec l'Afrique
se renforcent depuis l'époque de John Diefenbaker et de Mike Pearson. Ces deux
dirigeants se sont rendu compte de la place que l'Afrique occupe dans le monde et
de la contribution qu'elle est en mesure d'apporter. Je suis un afro-optimiste.
La fin de l'apartheid en Afrique du Sud, et la progression de la démocratie dans
d'autres pays du continent, donnent au monde un espoir de plus en plus fort que
les possibilités de l'Afrique vont enfin se concrétiser. Nous, du Canada, devons
continuer de prêter secours à ce continent.
En septembre, j'ai fait une tournée en Ouganda, au Rwanda et au Kenya; j'y ai
constaté la rapidité de l'évolution de l'Afrique centrale et le caractère dépassé
de nos stéréotypes. À Kampala, j'ai appris que pas moins de 2 000 entreprises se
sont installées en Ouganda ces dernières années. Dans le même ordre d'idées,
au Rwanda, des observateurs affirment qu'il s'est produit un réel progrès
économique au bénéfice de certains certainement pas de tous depuis les
catastrophes de 1994 et que le gouvernement au pouvoir dans ce pays s'efforce
véritablement de parvenir à la réconciliation des communautés qui composent le
pays.
Au Kenya, en dépit de problèmes de grande ampleur, il semble que sur le plan
national, on soit en train de sortir de l'abîme. Notre délégation est arrivée peu
de temps après que la réunion d'un comité multipartite de députés eut convenu d'un
vaste programme de réformes, qui semble avoir été intégralement mis en oeuvre
avant les élections de décembre. En bref, on trouve dans ces trois pays des motifs
d'optimisme.
La politique étrangère canadienne
Je ferais valoir que, de manière générale, la politique étrangère suivie par le
Canada dans les années 90 n'a pas seulement été éclairée. Elle a souvent, aussi,
été exaltante, particulièrement ces dernières années.
Prenons l'exemple de la campagne menée par le Canada pour faire interdire les
mines antipersonnel. Il s'agit peut-être de l'exemple le plus évident du fait que
notre pays prend en charge un rôle directeur à propos d'une question qu'on aurait
pu laisser de côté pour les raisons suivantes :
(a) elle n'était pas populaire dans les milieux militaires;
(b) elle ne touche pas personnellement beaucoup de personnalités importantes à
travers le monde.
Les gens importants ne passent pas beaucoup de temps à marcher dans des champs et
le long de sentiers susceptibles d'exploser soudainement sous leurs pas. Des
millions de pauvres civils, eux, le font.
Il s'agit d'une question importante. En nous en occupant, nous disons aux gens
ordinaires qu'ils comptent. Selon les estimations, 100 millions de mines sont
enfouies un peu partout dans le monde, prêtes à tailler des enfants en pièces pour
la seule raison que ces enfants ont fait un faux pas sur des terres qui devraient
assurer leur subsistance.
Comme vous le savez, le Canada a joué un rôle important dans le militantisme
populaire qui devrait, qui doit nous amener à un accord international suivi
d'effets sur l'interdiction des mines antipersonnel. Je me suis réjoui du fait que
des Américains ont également été mis en évidence dans cette campagne et qu'on a
récemment attribué le prix Nobel de la paix à Jody Williams et à la Campagne
internationale contre les mines terrestres.
On prévoit que la semaine prochaine, une centaine de pays vont signer un traité
dans ce but à Ottawa, ce qui constitue une étape supplémentaire de ce qu'on a
désigné sous le nom de « processus d'Ottawa ». Les Canadiennes et Canadiens
devraient en être fiers.
La lutte pour faire disparaître les mines antipersonnel ne constitue qu'un volet
de l'engagement de notre ministre des Affaires étrangères, Lloyd Axworthy, en
faveur du concept de sécurité durable des personnes, qu'il a exposé à deux
reprises dans des déclarations officielles devant l'Assemblée générale des Nations
unies. Le prochain projet important consistera à déployer des efforts afin de
limiter le commerce mondial des armes légères.
Les droits de la personne
Le Canada a également trouvé un créneau dans le domaine des droits de la personne.
Notre approche est évolutive plutôt que coercitive. Même si nous voulions obtenir
des changements par la force, nous devrions accepter le fait que notre pays ne
dispose pas de l'influence économique ou du pouvoir international de le faire.
Nous pouvons, toutefois, oeuvrer de l'intérieur et soutenir des organisations non
gouvernementales [ONG] et mettre en place un espace au sein duquel la société
civile puisse se renforcer.
L'appui à la situation des droits de la personne peut prendre diverses formes.
Dans des pays qui sont disposés à dialoguer avec nous, ne serait-ce que dans une
mesure limitée, ce qui est le cas, par exemple, de Cuba, nous allons agir en
faveur d'un changement évolutif. En ce qui concerne les régimes qui se refusent à
amorcer quelque forme de dialogue ou d'échange que ce soit, par exemple, la
Birmanie ou le Nigéria, nous recherchons une action internationale plus large afin
d'amener ces régimes à modifier leur comportement.
L'an prochain, nous allons célébrer le 50e anniversaire de la Déclaration
universelle des droits de l'homme. Le Canada mettra tout en oeuvre pendant l'année
afin de convaincre les gouvernements de toutes les régions du monde que la
négation des droits de la personne ne peut que susciter une amertume susceptible
de provoquer des soulèvements politiques.
Certes, nous avons du travail à accomplir sur notre propre territoire à propos de
l'environnement et des droits de la personne, questions qui présentent une telle
importance sur la scène internationale. Cela dit, tout en nous attaquant à nos
propres problèmes, nous devons agir afin de régler aussi les problèmes du monde.
En effet, quand on boucle la boucle, ce sont également nos problèmes.
Permettez-moi de laisser le mot de la fin à Octavio Paz, diplomate et poète
mexicain. Dans ses réflexions sur l'histoire contemporaine, parues sous le titre
Une planète et quatre ou cinq mondes, Paz fait remarquer que tous les grands pays
possèdent la vertu de prudence, c'est-à-dire la sagesse et l'intégrité, l'audace
et la modération, le discernement et la persévérance dans ce qu'ils entreprennent.
Le but de notre pays, sur les plans à la fois intérieur et international, devrait
être de s'inspirer de cette conception de la prudence.
Merci.