M. MARCHI - ALLOCUTION DEVANT LAUNITED KINGDOM CHAMBER OF COMMERCE - LONDRES, ANGLETERRE
97/59 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE SERGIO MARCHI,
MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL,
DEVANT LA
UNITED KINGDOM CHAMBER OF COMMERCE
LONDRES, Angleterre
Le 8 décembre 1997
Ce document se trouve également au site Internet du Ministère :
http://www.dfait-maeci.gc.ca
Monsieur le Président Bridgeman, distingués invités, Mesdames et Messieurs,
Je suis enchanté de me trouver parmi vous aujourd'hui, dans cet hôtel historique.
On raconte que durant la guerre, une bombe tomba sur le Strand, arrachant le
pianiste du Savoy à son tabouret. Noël Coward s'installa alors à sa place, jouant
et chantant le reste de la nuit. Si jamais une calamité semblable s'abattait sur
nous aujourd'hui, il paraît que John Bridgeman est prêt à prendre ma place comme
orateur. Nous pouvons donc faire face à toutes les éventualités!
Il y a 500 ans, un Italien au service de l'Angleterre, Giovanni Caboto, fit la
traversée de Bristol au Canada. Il est peut-être approprié qu'aujourd'hui, un
ministre canadien du Commerce d'ascendance italienne vienne en Grande-Bretagne
parler d'une redécouverte et d'une relance des relations Canada-Europe.
Permettez-moi tout d'abord de démentir formellement la rumeur qui veut que je sois
un parent de Giovanni Caboto venu réclamer le prix des services rendus!
Mais je suis ici pour dire que si nous avons désigné 1997 Année canadienne de
l'Asie-Pacifique, et si nous faisons fond sur nos relations avec les États-Unis et
convergeons vers une zone de libre-échange des Amériques, des racines profondes
nous unissent avec l'Europe.
Pour moi, ces racines sont d'ordre personnel et émotionnel.
Le liens entre le Canada et la Grande-Bretagne sont à la fois historiques et
profonds. Plus d'un fils de la Grande-Bretagne l'a quittée pour devenir père de
notre Confédération. Nous nous sommes battus ensemble en temps de guerre, et nous
avons travaillé ensemble en temps de paix.
Mais si l'Histoire a fait de nous des amis, le commerce a fait de nous des
partenaires. La Grande-Bretagne est notre troisième marché d'exportation, après
les États-Unis et le Japon. Et son importance s'accroît : entre 1993 et 1996, nos
exportations vers la Grande-Bretagne ont augmenté de plus de 40 p. 100.
Sans compter le commerce des services, où la Grande-Bretagne est notre premier
client étranger. Et il y a encore le tourisme : plus de 750 000 Britanniques
visitent le Canada chaque année, et plus de 600 000 Canadiens viennent ici. Nos
relations commerciales sont donc très fortes.
Mais nous savons aussi qu'il est possible de faire beaucoup plus pour que le
Canada participe au nouvel avenir des plus intéressants qui s'annonce pour
l'Europe, et qu'en même temps l'Europe peut investir dans un Canada qui est en
train d'occuper la place qui lui revient dans le monde. Aujourd'hui, je voudrais
aborder brièvement trois domaines qui sont susceptibles de nous aider à faire cela
:
Premièrement, nous voulons promouvoir le Canada comme porte d'entrée pour
l'investissement européen en Amérique du Nord.
Deuxièmement, nous voulons accélérer l'exécution du Plan d'action Canada-UE
[Union européenne] et renforcer les liens avec nos partenaires européens.
Et troisièmement, avec la collaboration de l'Europe, nous voulons continuer à
faire la promotion de la libéralisation du commerce dans le monde.
Le premier élément est l'investissement. Je suis venu ici à titre de représentant
commercial du Canada, non pas seulement pour le commerce, mais aussi pour
l'investissement. Car c'est l'investissement direct entre nos deux pays, et non
pas le commerce ou le tourisme, qui tisse les liens économiques les plus forts
entre nous.
Les compagnies canadiennes ont reconnu dans la Grande-Bretagne un marché dynamique
et une porte d'entrée naturelle en Europe. En fait, elles investissent maintenant
plus en Grande-Bretagne que les entreprises britanniques au Canada.
Certes, on pourrait dire que cela montre à quel point les entreprises canadiennes
sont internationales dans leur orientation, mais on pourrait aussi faire valoir
que nous avons besoin de mieux expliquer les avantages que le Canada a à offrir.
Permettez-moi donc de vous suggérer de bonnes raisons de vous intéresser au
Canada.
Tout d'abord, il faut savoir que nous connaissons une sorte de renaissance
économique depuis quelques années. Il y a quatre ans, notre gouvernement a hérité
d'un déficit budgétaire d'environ 42 milliards de dollars. Aujourd'hui, ce déficit
a été pratiquement éliminé, et certains économistes parlent même d'un excédent
budgétaire pour 1998.
Il n'a pas été facile d'en arriver là. Il a fallu des mesures rigoureuses, mais
les Canadiens en récoltent maintenant les fruits : les taux d'intérêt n'avaient
pas été si bas depuis 40 ans, l'inflation se situe sous la barre des 2 p. 100 et
la croissance économique est la plus forte de tous les pays du G-7.
Récemment, un article de l'Economist qualifiait le Canada de « virtuose
budgétaire » et ajoutait qu'aucun autre pays ne pouvait s'enorgueillir d'une telle
vertu budgétaire et d'une conversion si complète à la vertu budgétaire, accomplie
si rapidement.
En outre, le dernier rapport annuel du Conseil des experts économiques d'Allemagne
présente le Canada comme un exemple à suivre pour réaliser la consolidation
budgétaire en même temps qu'une vigoureuse croissance économique en Allemagne.
Le tableau d'ensemble, au point de vue économique, est à la fois très brillant et
très optimiste.
Sans mentionner le fait que les Nations unies désignent le Canada comme le
meilleur endroit au monde pour habiter, et ce depuis plusieurs années d'affilée.
Mais notre attrait comme destination d'investissement se confirme non seulement au
niveau macroéconomique et socio-économique, mais aussi à la lumière des avantages
micro-économiques dont nous jouissons comme localisation d'affaires peu coûteuse.
Tout récemment, KPMG a réalisé une étude exhaustive des coûts à supporter pour
mettre sur pied de nouvelles installations commerciales au Royaume-Uni, en
Allemagne, en France, en Suède, en Italie, aux États-Unis et au Canada. Cette
étude a conclu que le Canada offrait le meilleur climat pour les nouveaux
investissements. En fait, le Canada est sorti gagnant dans chacune des huit
industries étudiées. Il pratique même les plus bas taux d'impôt sur les sociétés!
Mais on gâte ses lauriers à se reposer dessus, et nous savons que dans le monde de
demain, le succès ne viendra qu'aux pays qui auront continué d'innover et de
s'adapter, c'est-à-dire aux pays qui seront à la pointe de l'économie basée sur
l'information, parce que la force d'une nation, aujourd'hui, ne dépend pas de la
taille de ses armées, mais de la qualité de ses idées; non pas de ses ressources,
mais de son ingéniosité.
Le Canada relève ce défi. Nous avons mis en place, pour la recherche et le
développement, les stimulants fiscaux les plus généreux de tous les pays
industrialisés. Et nous définissons nos politiques intérieures sans perdre de vue
notre compétitivité internationale.
Des facteurs économiques fondamentaux vigoureux, une économie basée sur
l'information, des industries concurrentielles et un environnement où les coûts
sont peu élevés, tout cela concourt à produire une localisation d'investissement
inégalée. C'est une belle histoire et j'espère que cette Chambre m'aidera à la
raconter et à la faire accepter.
Le deuxième élément est de renforcer les relations économiques avec nos
partenaires européens. Ce thème a, à l'évidence, été au coeur des discussions
menées au Sommet Canada-Union européenne à Ottawa, la semaine dernière.
Pour renforcer les relations économiques, il faut commencer par une meilleure
application du Plan d'action Canada-UE. En particulier, nous voulons accélérer
l'étude conjointe sur le commerce prévue au Plan d'action afin de pouvoir déposer
une première ébauche à notre prochain sommet, en mai 1998.
Cette étude nous permettra d'évaluer les mesures concrètes que nous pourrions
prendre pour réduire ou éliminer les obstacles au commerce entre le Canada et
l'UE, de même que de mettre au point un « système d'alerte rapide » pour résoudre
les sujets de discorde d'une façon raisonnable et efficace.
Dans ce cadre, il nous faudra accroître les contacts d'entreprise à entreprise.
Ainsi, le Canada a participé pour la première fois au Dialogue commercial
transatlantique avec l'Union européenne et les États-Unis à Rome, il y a quelques
semaines. Il s'agit d'une initiative mise en marche par le secteur privé, qui doit
le rester. Elle doit également faire fond sur l'échange de concessions mutuelles,
et non pas donner lieu à un communiqué au contenu arrêté à l'avance. Le dialogue
transatlantique aidera de la sorte à apaiser sensiblement la crainte d'une
« forteresse Europe » ou d'une « forteresse Amérique du Nord ».
De même, plus tôt cet automne, notre premier ministre a pris la parole devant
cette Chambre et signalé le désir du Canada de négocier un accord de libre-échange
avec les pays de la Zone européenne de libre-échange, à savoir la Norvège, la
Suisse, l'Islande et le Liechtenstein.
Dans l'esprit de ces négociations, j'ai signé un Arrangement de coopération
commerciale et économique avec la Norvège mercredi dernier à Ottawa et j'en
signerai un demain avec la Suisse à Berne. Cela représente pour nous un pas très
concret vers un resserrement de nos rapports avec l'Europe.
Mais ce projet d'accord est également sensé. Chiffré à 6 milliards de dollars, le
commerce bilatéral entre le Canada et la Zone européenne de libre-échange est déjà
imposant, et l'investissement direct au Canada atteint 4,3 milliards de dollars.
Ce chiffre est supérieur à la valeur de nos échanges avec l'ensemble de l'Amérique
du Sud.
Le Canada veut renforcer par ailleurs ses liens avec les divers États européens.
Sans minimiser l'importance de la grande porte qu'est Bruxelles, nous devons
continuer à collaborer avec les pays individuellement, car les portes latérales
qu'ils offrent sont tout aussi utiles et attrayantes. Les relations qu'ont nouées
les premiers ministres Chrétien et Blair corroborent cet objectif.
Dans la Déclaration conjointe signée lors du Sommet de Denver, en juin dernier,
ils ont engagé nos deux pays à renforcer leurs relations, et en particulier la
promotion de nouveaux échanges commerciaux et des liens d'investissement
Le dernier élément de notre plan de relance de nos relations économiques avec
l'Europe est de continuer à faire la promotion du libre-échange. En effet, le
Canada et l'Union européenne ont été membres fondateurs du GATT et de son
successeur, l'OMC [Organisation mondiale du commerce], parce que nous
reconnaissons que le multilatéralisme est la pierre angulaire des marchés
mondiaux.
Après tout, le Canada est une nation commerçante. Aujourd'hui, plus de 40 p. 100
de notre PIB [produit intérieur brut] et un emploi sur trois au Canada dépendent
des exportations. Le destin économique du Canada est d'embrasser la mondialisation
de l'économie et d'ouvrir de nouveaux marchés.
Nous savons aussi que libre-échange n'est pas synonyme de chaos, ni de normes
inférieures, et qu'un système fondé sur des règles est nécessaire pour assurer
l'équité et la certitude. C'est pourquoi nous avons négocié un accord de libre-échange avec les États-Unis. C'est pourquoi nous avons étendu cet accord au
Mexique. C'est pourquoi nous avons signé des accords de libre-échange avec Israël
et le Chili. Et c'est pourquoi nous sommes au premier rang des efforts en faveur
de la création d'une Zone de libre-échange des Amériques [ZLEA] d'ici 2005.
Que l'octroi du pouvoir de négocier la ZLEA selon la procédure accélérée ait été
retardé par les États-Unis, cela ne nous empêchera pas de mettre à exécution notre
propre programme commercial indépendant. Par exemple, lorsque le premier ministre
Chrétien et moi nous rendrons en Amérique latine en janvier avec une mission
commerciale d'Équipe Canada, nous entendons renforcer nos relations avec le
Mercosur, en plus de signer et de lancer des ententes entre entreprises.
Le Canada joue également un rôle de chef de file dans la région Asie-Pacifique.
Nous venons de terminer un mandat d'un an à la présidence de l'APEC [Coopération
économique Asie-Pacifique], couronné il y a quelques semaines par le sommet de
Vancouver, qui a été un grand succès. Cette conférence s'est déroulée sur fond de
crise monétaire, mais elle a aussi émis les signaux qu'il fallait.
En fait, je crois que le sommet de Vancouver passera à l'histoire comme le moment
où l'APEC sera arrivée à maturité. En désignant 15 secteurs à libéraliser
rapidement, dont neuf de façon accélérée, nous sommes allés plus loin et plus
rapidement que personne avant nous, et avons montré une ferme volonté de
libéraliser les échanges à une époque où certains réclamaient encore une fois le
confort d'un protectionnisme à courte vue.
À une époque troublée, l'APEC a choisi de bâtir des ponts et non des murs et de
regarder vers l'extérieur plutôt que vers l'intérieur.
La libéralisation du commerce est un domaine où le Canada et la Grande-Bretagne
peuvent coopérer. Nous sommes tous deux des champions du libre-échange dans nos
régions respectives et, comme la Grande-Bretagne assumera la présidence de l'Union
européenne le mois prochain, en plus d'accueillir le sommet du G-8, nous pouvons
nous attendre à une période particulièrement captivante de leadership britannique.
Le Canada a tout intérêt à voir la Grande-Bretagne de nouveau au coeur de
l'Europe.
Bien entendu, le pivot du système commercial mondial fondé sur des règles est
l'Organisation mondiale du commerce. Celle-ci affiche un bilan impressionnant
depuis sa création, tant en ce qui concerne l'ouverture de nouveaux marchés
(notamment grâce aux accords sur la technologie de l'information et les
télécommunications) que le règlement des différends entre les pays.
On peut aussi juger du succès de l'OMC d'après la liste impressionnante de pays
qui frappent à sa porte pour demander à y entrer, des pays comme la Russie, la
Chine et l'Arabie saoudite.
Or, l'OMC n'a peut-être pas encore affronté ses plus grands défis. Au tournant du
siècle, de nouvelles négociations doivent débuter sur des sujets difficiles comme
l'agriculture et les services. Notre résolution et notre engagement y seront mis à
l'épreuve, mais je ne doute pas que la dynamique de la libéralisation des échanges
ne se maintienne et que le système commercial ne se montre à la hauteur du défi.
En vous faisant part de ces quelques réflexions aujourd'hui, j'espère que je vous
ai fait voir que la politique commerciale du Canada repose sur des facteurs
fondamentaux vigoureux au pays, un environnement où les coûts sont modestes pour
l'investissement étranger, un fort engagement vis-à-vis de l'Europe et une
approche commerciale tournée vers l'extérieur.
Comme nous sommes maintenant rassemblés dans la salle Abraham Lincoln, il convient
sans doute que je termine sur une anecdote qu'on raconte sur Lincoln enfant. Un
soir, celui-ci se promenait avec un ami, quand apparut une pluie de météores. Son
jeune ami en fut effrayé, mais Lincoln lui dit de regarder au-delà des météores,
vers les étoiles fixes qui brillaient au firmament.
Aujourd'hui, lorsque nous songeons à l'avenir, nous savons que nous aussi, nous
aurons des défis à relever et des tempêtes à affronter. D'aucuns suggèrent que
nous cherchions refuge dans des ports, que nous opérions un retrait derrière des
remparts protectionnistes en attendant que les tempêtes passent. Mais des progrès,
il ne s'en fait jamais lorsqu'on choisit ce dont on est certain et sûr. Telle est
la leçon que nous enseigna Giovanni Caboto il y a 500 ans.
Aujourd'hui plus que jamais nous devons avoir le courage de traverser ces
« tempêtes ». Regardons plus loin que les distractions du moment, en direction des
principes immuables que nous nous sommes fixés. En les prenant pour guides, nous
pourrons avancer avec confiance vers l'avenir.
Merci.