M. AXWORTHY - ALLOCUTION À L'OCCASION D'UNE RÉUNION DES MINISTRES DUCONSEIL DE L'ATLANTIQUE NORD - BRUXELLES, BELGIQUE
97/60 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE LLOYD AXWORTHY,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
À L'OCCASION D'UNE RÉUNION DES MINISTRES DU
CONSEIL DE L'ATLANTIQUE NORD
BRUXELLES, Belgique
Le 16 décembre 1997
Ce document se trouve également au site Internet du Ministère :
http://www.dfait-maeci.gc.ca
Les rencontres que nous aurons ces deux prochains jours seront marquées de
certains jalons historiques dans l'évolution de l'Alliance. En effet, l'OTAN
franchira un autre pas important en admettant trois nouveaux membres dans ses
rangs. Nos anciens adversaires sont devenus nos alliés. Certes, l'heure est à la
réjouissance, mais il faut aussi se rappeler que notre tâche est loin d'être
terminée. Ces rencontres sont l'occasion idéale de faire évoluer l'OTAN, et de
veiller à la pertinence, à la modernité et à l'autorenouvellement de l'Alliance.
Il y a dix ans, peu de gens auraient imaginé que nous serions sur le point
d'accueillir en notre demeure la Pologne, la République tchèque et la Hongrie.
Nous faisons la preuve aujourd'hui, de la manière la plus tangible et la plus
permanente possible, que les vieilles barrières et la méfiance qui naguère
déchiraient l'Europe ne sont plus, à l'instar du mur de Berlin. Nous traduisons le
nouvel esprit d'ouverture et de transparence qui caractérise l'Alliance.
La porte a été ouverte, et elle le demeurera. Comme nous en étions convenus à
Madrid, nous devons continuer de travailler activement au projet d'élargissement.
Cela signifie aider les pays partenaires désireux de se joindre à l'Organisation à
opérer les réformes politiques, économiques et militaires nécessaires à la
réalisation de leur objectif. En même temps, nous devrions continuer d'analyser et
d'étendre nos relations avec les pays qui préfèrent s'abstenir, afin de
développer, en matière de sécurité et de confiance, les approches novatrices que
commande l'avènement d'une ère nouvelle.
L'élargissement est un volet majeur de la transformation de l'Alliance. Mais c'est
loin d'être le seul. La forme que prendra l'OTAN au XXIe siècle émergera d'un
processus en cours dans un certain nombre de domaines, notamment nos efforts en
Bosnie et, de façon plus générale, notre réponse militaire et civile aux problèmes
de sécurité que la nouvelle donne internationale nous amènera à affronter.
Bosnie
La situation en Bosnie illustre parfaitement le genre de menaces complexes et non
traditionnelles qui pèsent sur la sécurité au lendemain de la Guerre froide. Nous
pouvons être fiers de voir que les forces de l'OTAN, malgré des circonstances
inhabituelles et difficiles, ont quand même été capables d'intervenir rapidement
en Bosnie pour mettre un terme au conflit, et paver la voie pour la tâche, plus
difficile, qu'est la consolidation de la paix.
En effet, l'instauration d'une paix durable en Bosnie n'est pas une mince affaire.
Nous avons cependant eu droit à des signes encourageants. Après notre décision de
Sintra, réaffirmée à Bonn il y a peu, le haut représentant a réussi quelques
percées notables pour ce qui est d'encourager la mise en oeuvre des accords de
Dayton et de limiter les activités de ceux qui font obstacle à cette mise en
oeuvre, avec l'aide de la SFOR [Force de stabilisation]. Protéger les pylônes de
transmission de la télévision pour empêcher la diffusion d'émissions de propagande
ne fait pas partie du travail habituel de maintien de la paix, mais cela est
nécessaire à la réconciliation qui servira d'assise à une paix durable.
Ce n'est là qu'un des nombreux aspects au regard desquels beaucoup reste encore à
faire. La nécessité de maintenir une force de sécurité internationale en Bosnie au
delà du mandat de la SFOR s'impose de plus en plus à mes yeux. Une force similaire
à l'actuelle SFOR permettrait de conserver un climat de sécurité propice à
l'application des accords de Dayton et de donner à la paix une meilleure chance de
s'autoperpétuer.
Je reconnais que le maintien d'une telle présence posera des difficultés d'ordre
politique, et entraînera des coûts pour certains alliés, nous-mêmes compris. Mais
il en coûterait beaucoup plus cher -- tant pour la Bosnie que pour l'avenir de
l'Alliance -- de ne pas protéger l'investissement que nous avons déjà fait.
Le mois dernier, une délégation de parlementaires canadiens a visité nos troupes
en Bosnie. Ils sont revenus au pays convaincus de l'importance de la mission, de
la participation canadienne à cette mission et de la capacité spécifique de l'OTAN
et de ses partenaires de protéger la paix dans ce pays. Ils se sont également
montrés favorables à la préparation, par l'OTAN, d'options possibles en vue d'une
force de relève.
Les réalisations de l'IFOR [Force de mise en oeuvre du plan de paix] et de la SFOR
témoignent de notre réussite, mais nous devons être honnêtes et admettre que, sur
d'autres plans, nous n'avons pas visé juste. Les criminels de guerre présumés les
plus tristement célèbres sont toujours en liberté en Bosnie. En outre, le
procureur en chef du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, Mme le
juge Louise Arbour, a exprimé la profonde inquiétude qu'elle ressent au sujet des
relations de travail entre le Tribunal et la SFOR. Les tâches auxquelles sont
confrontées les autorités civiles et militaires pour la mise en oeuvre de l'accord
de Dayton en Bosnie sont difficiles, et les problèmes posés par les criminels de
guerre sont parmi les plus complexes. Nos efforts en vue de mettre en oeuvre tous
les aspects des Accords ne devraient pas être gênés par des difficultés de
compréhension entre nous. Nous pourrions créer une unité au sein de la SFOR qui
servirait exclusivement à protéger et à appuyer le Tribunal alors qu'il rassemble
des preuves et poursuit sa tâche de traduire en justice les criminels de guerre.
De plus, au moment où les commandants de l'OTAN commencent à discuter des options
en vue d'une force de relève en Bosnie, nous devrions demander à nos représentants
d'examiner ce problème de toute urgence. En particulier, je veux les exhorter à
examiner les ententes de coopération et de liaison conclues dans le protocole
d'entente entre le SHAPE [Grand quartier général des Puissances alliées en Europe]
et le Tribunal, en vue d'intensifier la coopération. Dans le passé, d'aucuns se
sont inquiétés de la façon dont les parties réagiraient à une approche plus
affirmative de la SFOR. Nous avons aujourd'hui une expérience que nous n'avions
pas il y a un an -- la capture de criminels de guerre présumés par les troupes
britanniques, la protection des pylônes de transmission de la télévision à Pale --,
une expérience qui montre que la SFOR peut adopter une attitude plus agressive
sans conséquences indues. Nous devrions tenir compte de cette expérience en nous
préparant à la prochaine phase des événements en Bosnie. En somme, il ne peut y
avoir de réconciliation sans justice, ni de paix durable sans réconciliation.
Repenser l'OTAN : Objectifs militaires et civils
Les défis auxquels nous sommes confrontés en Bosnie ne représentent que les tâches
les plus immédiates et les plus sérieuses qui soient confiées à l'Alliance; ils
sont, pour ainsi dire, le fer de lance d'une série de demandes visant à réexaminer
et à actualiser nos concepts, nos objectifs et nos outils. La définition élargie
de la sécurité que nous avons adoptée en 1991 était une importante réalisation à
cet égard : elle a été un signe de clairvoyance, elle a donné lieu à un
partenariat avec des non-membres, et elle a aidé à transformer les anciennes
lignes d'affrontement en zones de coopération.
Nous devons maintenir la même ouverture à l'innovation et nous concentrer sur les
résultats tant que nous continuerons à transformer l'OTAN, qu'il s'agisse du
concept stratégique ou du budget civil de l'Organisation. Cela nous oblige à
examiner soigneusement la valeur de nos programmes existants, à la lumière de nos
objectifs, si nous voulons que notre argent soit bien acheminé vers les domaines
hautement prioritaires. Le Canada classerait comme objectifs prioritaires du
budget civil le rayonnement de l'Organisation auprès de nos partenaires d'Europe
centrale et orientale -- notamment auprès des jeunes -- et les efforts de contrôle
des armements pour consolider la paix et prévenir les conflits. Nous sommes
disposés à engager des ressources dans chacun de ces domaines.
Je présenterai demain un ensemble de nouvelles mesures d'aide au Tribunal pénal
international pour l'ex-Yougoslavie, qui comprendra une contribution de
600 000 dollars pour aider le Tribunal à mener les procès et à enquêter sur les
charniers. Nous prévoyons en outre affecter cinq analystes de la GRC en matière de
criminalité pour une période de six mois, et nous fournirons une liste d'autres
enquêteurs qualifiés qui pourraient être au besoin affectés au Tribunal. Cette
aide montre à quel point le Canada juge important de traduire les criminels de
guerre devant la justice pour panser les plaies du conflit en Bosnie.
Parallèlement à ces efforts, j'ai récemment approuvé une contribution de
400 000 dollars du fonds canadien de consolidation de la paix à une campagne
d'information publique en Bosnie sur le processus de paix. Cette somme s'ajoute à
notre contribution à l'Open Broadcast Network et à d'autres mesures prises pour
appuyer le développement d'organes d'information indépendants en Bosnie. Pour
parvenir à une réconciliation durable, il est essentiel de mettre d'abord fin à la
propagation de vues hautement biaisées et faussées sur le Tribunal et sur le
processus de Dayton pour l'instauration de la paix.
Le Canada contribue aussi à d'autres aspects de la consolidation de la paix en
Bosnie. Nous fournirons 100 000 dollars pour participer au financement de la
nouvelle Académie de police de Banja Luka en République serbe et pour assurer
conséquemment la sécurité et le bon fonctionnement du gouvernement à son niveau le
plus élémentaire.
Pour nombre de jeunes aujourd'hui, la situation stratégique à laquelle la création
de l'OTAN se voulait une réponse n'est guère plus qu'un vague souvenir. Pour que
l'Alliance demeure pertinente, nous avons besoin de l'appui de nos citoyens, et
plus particulièrement des jeunes. Il faut aussi que l'on comprenne le nouveau
mandat de l'OTAN. À cette fin, j'ai approuvé un projet de stages de
300 000 dollars qui amènera 20 jeunes Canadiens en Europe dans l'année qui vient.
Sous les auspices du Conseil Atlantique du Canada, ils travailleront ici, à
Bruxelles, et dans plusieurs pays partenaires afin d'encourager et de développer
la coopération que nous jugeons vitale pour que l'OTAN joue pleinement son rôle
dans l'édification de la sécurité européenne.
L'OTAN et la Convention sur les mines antipersonnel
S'il est une question qui souligne bien clairement l'environnement évolutif dans
lequel l'OTAN doit opérer, c'est bien la campagne contre les mines antipersonnel.
Il y a deux semaines à Ottawa, 122 pays -- incluant 14 membres de l'Alliance -- ont
signé une convention interdisant les mines antipersonnel. Ce document est le
résultat d'une plus grande sensibilisation de la population aux questions de
sécurité, de l'examen public plus rigoureux dont ces questions font l'objet et
d'une insistance accrue sur l'impact humanitaire des armes de guerre. J'espère que
les membres de l'Alliance qui n'ont pas signé la Convention seront bientôt en
mesure de le faire.
La Bosnie illustre de manière frappante l'argument humanitaire contre les mines
antipersonnel, qui repose sur le terrible héritage que les mines représentent pour
les populations civiles, longtemps après la fin des combats.
Le Canada a déjà apporté une importante contribution aux efforts déployés pour
résoudre les problèmes causés par les mines en Bosnie-Herzégovine, notamment la
formation des démineurs et les campagnes de sensibilisation aux mines. À ce jour,
nous avons versé environ deux millions de dollars à cette fin.
Comme vous le savez peut-être, le premier ministre Chrétien a annoncé que le
Canada fournirait 100 millions de dollars au cours des cinq prochaines années pour
mettre en oeuvre la Convention sur les mines terrestres. Je peux vous assurer que
des sommes importantes de l'enveloppe de l'après-Ottawa, annoncée par le premier
ministre, vont à des activités appuyant les objectifs de l'Alliance. Le SACEUR
[Commandant suprême des Forces alliées en Europe] et le commandement de la SFOR
ont mis au point un certain nombre de propositions qui aideront à soulager la
Bosnie du fardeau des mines. Les propositions en vue de créer des installations de
formation locales plus efficaces, de reconnaître et d'encourager les efforts
dévoués faits tous les jours par les Bosniaques dans le domaine du déminage, en
apportant de nouvelles technologies grâce à des partenariats avec l'industrie et
en aidant à établir une plus grande capacité de formation des démineurs dans
chaque entité, méritent toutes d'être prises en considération. Mais surtout, nous
parlerons à nos forces en Bosnie pour leur demander conseil sur les mesures que
peut prendre le Canada afin d'enlever ou de détruire les mines. Les travaux dans
ce domaine doivent comprendre des initiatives qui mettent à profit les compétences
particulières de nos partenaires du CPEA [Conseil de partenariat euro-atlantique].
L'étape que nous franchirons demain en accordant la pleine accession à l'Alliance
à trois nouveaux membres est bien caractéristique de l'époque où nous vivons. Elle
symbolise le projet d'autotransformation qu'entreprend l'OTAN. Qu'il s'agisse de
nos efforts en Bosnie, de programmes de sensibilisation de nos citoyens et de nos
jeunes ou de la mise en oeuvre de la Convention sur les mines terrestres, nous
nous adaptons aux changements. Nous amenons l'OTAN, jadis gardienne des murs de la
forteresse pendant la Guerre froide, à adopter un esprit de collaboration dans le
partenariat, à faire du déminage au lieu de poser des mines, et à passer du
maintien de la paix à sa consolidation.
Je vous remercie.