M. AXWORTHY - ALLOCUTION À L'OCCASION D'UNE RÉUNION DES MINISTRESDE L'ORGANISATION POUR LA SÉCURITÉET LA COOPÉRATION EN EUROPE - COPENHAGUE, DANEMARK
97/61 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE LLOYD AXWORTHY,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
À L'OCCASION D'UNE RÉUNION DES MINISTRES
DE L'ORGANISATION POUR LA SÉCURITÉ
ET LA COOPÉRATION EN EUROPE
COPENHAGUE, Danemark
Le 18 décembre 1997
Ce document se trouve également au site Internet du Ministère :
http://www.dfait-maeci.gc.ca
Je voudrais tout d'abord remercier le ministre des Affaires étrangères Petersen
pour le travail remarquable qu'il a accompli en sa qualité de président cette
année, ainsi que le gouvernement danois, pour son accueil si chaleureux et, en
même temps, si efficace.
Au cours de l'année écoulée, l'OSCE [Organisation pour la sécurité et la
coopération en Europe] a accepté et mené à bien de nombreuses tâches ardues, dans
les Balkans, au Caucase, en Asie centrale et ailleurs. En Bosnie, l'OSCE a de quoi
être fière de son travail, qu'il s'agisse des élections, des droits de la personne
et du gouvernement démocratique ou encore des mesures de confiance et de sécurité
et du contrôle des armements. Ce sont là d'importantes initiatives en soi, mais
également des leçons à retenir pour le cas où une action coopérative serait
nécessaire ailleurs.
Cela dit, il reste encore beaucoup à faire. Les parties bosniaques elles-mêmes
font obstacle aux efforts pour créer un État stable et multiethnique, lesquels
sont aussi gênés par le fait que des personnes inculpées de crimes de guerre
occupent des postes d'influence. Je crois que le travail du Tribunal appelé à
juger les crimes de guerre est essentiel si nous voulons que justice soit faite au
peuple bosniaque et qu'il existe de réelles perspectives d'une réconciliation
durable. En conséquence, le Canada viendra de nouveau en aide au Tribunal pénal
international pour l'ex-Yougoslavie, notamment en fournissant la somme de
600 000 dollars pour soutenir sa capacité à instruire des procès et à faire
enquête sur les charniers.
Nous devons poursuivre notre travail en Bosnie, en prévision des prochaines
élections, et au-delà. Mais il nous faut aussi reconnaître que ce travail ne
représente que le plus évident exemple des défis internationaux nouveaux et plus
vastes qui nous attendent.
Avec la fin de la Guerre froide, la menace de conflits majeurs entre États a
diminué. Dans certains États, les dépenses militaires ont radicalement chuté, tout
comme d'ailleurs les ventes mondiales de matériels militaires. De plus en plus, le
danger se situe dans les conflits internes. Les menaces qui pèsent sur la sécurité
humaine -- violations des droits de la personne, tensions interethniques, pauvreté,
dégradation de l'environnement, trafic de drogues et terrorisme -- se sont
multipliées, et elles alimentent les cycles de la violence. Ce sont les civils qui
en sont les premières victimes.
Dans ce contexte, il ne suffit plus d'assurer la sécurité des États pour garantir
celle des personnes. La sécurité se trouve dans les conditions qui régissent la
vie de tous les jours -- l'alimentation, l'habitation, les terres arables, la
santé, le bien-être économique, la transparence politique et la sécurité de la
personne -- plutôt que dans la seule puissance militaire d'un État. Seule l'OSCE a
un mandat assez large pour relever ce défi.
D'abord, il faut intensifier les efforts de l'OSCE concernant les conflits et
l'instabilité au niveau régional, par la prévention et le règlement des conflits,
et par le relèvement après les hostilités -- en d'autres termes, par la
consolidation de la paix. La concertation devra être de mise si nous voulons créer
un modèle de sécurité comportant une « plate-forme pour la coopération en matière
de sécurité » qui pourra non seulement répondre à nos nombreuses attentes, mais
aussi nous permettre de relever les défis qui se présenteront.
Le Canada estime que ce travail devra se faire dans trois domaines connexes, à
savoir :
la mise en oeuvre et le suivi de la convention sur les mines terrestres, signée à
Ottawa il y a deux semaines;
la lutte contre la prolifération des armes légères; et
la prévention des conflits, notamment par la promotion des droits de la personne
et de la saine gestion des affaires publiques.
Nous devons sans tarder nous pencher sur ces trois éléments si nous voulons
promouvoir non seulement la sécurité des États, mais aussi celle des personnes.
Cent vingt-deux pays ont signé la Convention internationale sur l'interdiction et
la destruction des mines antipersonnel, dont trente-six sont membres de l'OSCE,
et d'autres sont d'accord avec les objectifs qu'elle vise. Nous espérons -- en
fait, nous comptons -- qu'ils se joindront bientôt à nous et signeront eux aussi la
convention. En outre, nous invitons tous les États à s'associer à la seconde phase
de notre campagne contre les mines terrestres, particulièrement en ce qui concerne
les opérations de déminage et l'aide aux victimes.
La signature de la convention sur les mines antipersonnel représente le début, et
non la fin, d'un processus. Il nous reste encore beaucoup à faire avant l'entrée
en vigueur, l'universalisation et l'application de la convention, y compris au
chapitre des opérations de déminage et de l'aide aux victimes. Pour débarrasser le
monde du fléau que constituent ces armes terribles, nous allons devoir affecter
des ressources au déminage, à la sensibilisation aux mines et à l'aide aux
victimes dans des pays comme la Bosnie, et aussi à l'assistance technique qui
permettra aux autres signataires de respecter leurs obligations aux termes de la
convention.
Le Canada consacrera 100 millions de dollars à cette tâche sur une période de cinq
ans, et d'autres pays se sont montrés aussi généreux. Nous envisageons avec
plaisir la perspective de travailler au sein de l'OSCE à régler le problème des
mines terrestres de la façon la plus efficace et la plus soutenue possible. Dans
ce contexte, je suis heureux de voir que le Forum pour la coopération en matière
de sécurité a décidé récemment de diffuser un questionnaire annuel sur les mines
terrestres. Dans les discussions qui ont entouré la cérémonie de signature de la
convention, l'importance de la collecte de données de base a en effet été
soulignée à maintes reprises.
Je considère la campagne contre les mines terrestres comme un point tournant dans
les relations internationales, car elle a permis de démontrer qu'un partenariat
intégral entre les États et les organisations non gouvernementales [ONG] peut
produire des résultats majeurs que ni les uns, ni les autres n'auraient pu
atteindre en faisant cavalier seul. Chacun a apporté ses avantages comparatifs au
processus -- les ONG ont mobilisé l'opinion publique, tandis que les gouvernements
ont assuré la volonté politique et les ressources nécessaires.
Nous avons là un modèle que l'OSCE devrait songer à appliquer à d'autres dossiers,
comme ceux des armes légères, des droits de la personne et de la prévention des
conflits, non pas parce que cela paraît bien sur le plan diplomatique, mais plutôt
parce que c'est une approche qui fonctionne. À cette fin, je voudrais dire
quelques mots sur la façon dont le Fonds canadien de consolidation de la paix peut
aider l'OSCE à développer de nouveaux partenariats avec la société civile.
Les armes légères tendent à échapper aux mesures traditionnelles de désarmement,
et continuent de ce fait à causer de terribles ravages dans la population civile.
La prolifération incontrôlée de ces armes en Albanie, en Tchétchénie et au
Tadjikistan ainsi que la présence d'importants stocks de munitions, y compris des
mines terrestres, en Moldova et ailleurs ont un effet déstabilisateur dans la
région.
L'Organisation des États américains est très active dans ce domaine, et les pays
membres ont récemment signé une convention sur le trafic illégal des armes à feu
et autres armes. Je propose que l'OSCE prenne des mesures analogues dans sa propre
région, en se fondant sur sa convention relative aux transferts d'armes
conventionnelles.
Dans ses efforts de prévention des conflits et de promotion des droits de la
personne et du développement démocratique, l'OSCE dispose d'atouts majeurs : le
Haut-Commissaire pour les minorités nationales, le Bureau des institutions
démocratiques et des droits de l'homme et le Centre de prévention des conflits. Le
Canada continuera de soutenir l'OSCE dans ses efforts de prévention des conflits.
Nous affecterons sous peu un conseiller en matière de police à sa mission en
Croatie, lequel aura pour mandat d'élaborer le premier programme de police civile
jamais entrepris par l'organisation.
Un second défi consiste, à mon avis, à en arriver à un plus grand respect des
engagements de l'OSCE, qui, par leur volet politique, sont directement liés à la
paix et à la stabilité dans notre région. Les missions de l'OSCE sont importantes,
je dirais même vitales, mais elles ne suffisent pas. Nous devons renforcer
l'application des instruments de l'OSCE, et en créer de nouveaux si nécessaire.
Nous devons miser sur le mécanisme de Prague, et le rendre plus pointu. Par-dessus
tout, nous devons dégager un consensus sur la façon de gérer avec discernement les
cas de violations claires, évidentes et non corrigées, et l'absence constante de
coopération.
Dans les circonstances, nous demandons à la Bosnie et à la République fédérale de
Yougoslavie de respecter sans tarder leurs obligations dans le cadre de l'OSCE.
L'OSCE a un rôle vital à jouer dans l'adaptation de nos instruments de sécurité
aux réalités du XXIe siècle. C'est pourquoi nous accueillons avec plaisir la
décision de procéder à un examen du document de Vienne l'an prochain. Nous sommes
satisfaits également des importants travaux en cours concernant l'adaptation du
Traité sur les forces armées conventionnelles en Europe. Je tiens par ailleurs à
faire remarquer que le Traité Ciels ouverts n'est toujours pas en vigueur, et je
demande à tous ceux qui ne l'ont pas encore fait de le ratifier dans les meilleurs
délais.
Pour être en mesure de régler efficacement les problèmes de conflit et
d'instabilité dans la région, l'OSCE doit être renforcée -- par un plus grand
respect des engagements et des obligations, par une participation plus
significative de tous les États au processus décisionnel, par l'instauration d'un
cadre non hiérarchique pour la coopération entre les organisations européennes de
sécurité, enfin par de nouvelles et solides alliances avec la société civile.
L'OSCE est une entité évolutive -- elle se transforme pour répondre aux demandes
nouvelles qu'engendre une conjoncture nouvelle. Faisons en sorte de lui donner les
outils qui lui permettront de continuer dans cette voie, et de renouveler ainsi sa
pertinence et son efficacité à l'approche du XXIe siècle.
Je vous remercie.