M. AXWORTHY - ALLOCUTION AU CONSEIL PERMANENTDE L'ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS - WASHINGTON, D.C.
2000/6 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE LLOYD AXWORTHY,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
AU CONSEIL PERMANENT
DE L'ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS
Washington, D.C.
Le 11 février 2000
(13 h 15 HNE)
C'est pour moi un honneur de prendre la parole aujourd'hui à la session du Conseil permanent de
l'Organisation des États américains [OEA].
Au cours d'une récente visite dans les Caraïbes et en Amérique du Sud, j'ai eu le privilège de
rencontrer Gabriel García Marquez. Il m'a raconté que, lorsqu'il se rend dans les régions rurales de la
Colombie, des villageois l'accostent pour lui dire que les événements magiques, fantastiques et
imprévisibles qui surviennent dans sa petite ville fictive de Macondo sont en fait plutôt banals quand
on les compare à la réalité qu'ils vivent quotidiennement.
À bien y penser, cette observation s'applique aussi à notre expérience dans les Amériques. De
l'Ungava, dans le Grand Nord du Canada à Ushuaia à la pointe sud de l'Argentine, la créativité, la
diversité et la complexité de notre hémisphère sont à la fois indéniables et formidables.
Il y a aussi beaucoup de choses qui nous unissent -- l'expérience de l'immigration, notamment. J'en ai
eu une nouvelle preuve le mois dernier lorsque j'ai été chaleureusement accueilli par la communauté
galloise en Argentine, à laquelle ont appartenu certains de mes ancêtres avant d'émigrer au Canada.
À partir de ces différences et de ces ressemblances, nous avons érigé des sociétés dynamiques.
Autochtones ou immigrants arrivés d'Europe, d'Asie ou d'Afrique, nous avons partagé l'hémisphère --
pas toujours sans peine, mais certainement d'une façon qui distingue les Amériques du reste du
monde, qui nous donne des perspectives particulières et qui nous a bien préparés à relever les défis du
XXIe siècle.
Partout dans l'hémisphère, on souhaite davantage tirer parti de ces liens communs, pour le bénéfice de
tous. Lorsque je parle à mes homologues, nous tombons invariablement d'accord pour dire que nous
devons renforcer les liens qui nous unissent, être en rapport plus étroit les uns avec les autres et abolir
les vieilles barrières que sont les frontières nationales, la langue et la culture.
En fait, nous n'avons guère le choix. Bon nombre des menaces auxquelles nous sommes confrontés --
comme le fléau des drogues illicites et le recours abusif aux armes légères -- sont liées entre elles et
dépassent déjà les frontières. Bon nombre des problèmes que nous avons -- comme le fait de garantir
que tous les segments de la population participent aux progrès de la société -- nous sont tous
familiers. Bon nombre des défis que nous devons relever -- comme le renforcement de l'administration
gouvernementale et des droits de la personne -- sont le lot de tous.
Tous ces enjeux ont une incidence directe sur les gens puisque, d'une façon ou d'une autre, ils
affectent leur bien-être ou leur sécurité. Parallèlement, la sécurité humaine est essentielle à la stabilité
de nos sociétés et d'une importance cruciale pour la prospérité de notre hémisphère. C'est pourquoi
nos efforts communs, à l'échelle de l'hémisphère, doivent viser avant tout à mettre les gens à l'abri des
menaces. En d'autres termes, il faut donner la priorité aux personnes.
Cela signifie que nos institutions collectives -- avec l'OEA en tête de liste -- devraient s'adapter aux
exigences du programme de la sécurité humaine. L'Organisation est déjà sur la bonne voie, se
montrant de plus en plus réceptive et souple, en particulier sous la direction du secrétaire général
Gaviria.
Nous devons continuer de bâtir une OEA pour le siècle qui débute, non pour celui qui vient de prendre
fin. Voilà pourquoi les Canadiens sont impatients d'accueillir l'Assemblée générale de l'Organisation en
juin prochain à Windsor, en Ontario. Nous sommes certains que cette rencontre marquera une nouvelle
étape dans ce processus de renouvellement. Dans le cadre de cet effort, j'inviterai les ministres des
Affaires étrangères à participer, le premier matin de la rencontre, à un dialogue général sur la sécurité
humaine.
En guise de préparation à cette discussion et à l'Assemblée générale, j'aimerais aujourd'hui vous
parler brièvement des défis que j'entrevois dans trois domaines -- le renforcement de la sécurité, la
promotion de l'inclusion et le renforcement de l'administration gouvernementale -- et vous livrer
quelques réflexions sur ce que devrait être la réaction de l'Organisation.
Le renforcement de la sécurité
Le maintien de la paix entre les États demeure sans nul doute une considération primordiale au
chapitre de la sécurité, dans notre propre hémisphère comme ailleurs. Dans les Amériques, l'OEA doit
continuer, comme par le passé, d'aider les États à résoudre les conflits qui les opposent. L'an dernier,
l'Organisation a aidé à consolider un accord de paix entre l'Équateur et le Pérou. Par le biais des
activités de déminage, elle reste active dans l'application de l'accord de paix. L'ambassadeur Luigi
Einaudi, représentant spécial du secrétaire général, a aidé à détendre les relations entre le Nicaragua et
le Honduras, et il continue de travailler avec les parties à la recherche d'une solution permanente.
Il est cependant tout aussi évident que les menaces à notre sécurité changent. Ces menaces sont
souvent liées entre elles, et elles ont une incidence directe sur les individus. Elles appellent donc des
solutions novatrices et axées sur les personnes.
Le narcotrafic, par exemple, stimulé par une consommation et un approvisionnement de plus en plus
grands à l'échelle de l'hémisphère, alimente la corruption et fausse les systèmes de valeurs, profite aux
blanchisseurs d'argent, soutient un trafic illégal d'armes de petit calibre, et sert même à appuyer des
guérilleros et des forces paramilitaires. Même si la dynamique du problème de la drogue peut avoir
changé avec le temps, nos citoyens continuent d'en payer le prix sur les plans humain, économique et
social.
En élaborant le mécanisme multilatéral d'évaluation [MME], la CICAD [Commission interaméricaine de
lutte contre l'abus des drogues] a su montrer que nos institutions peuvent bel et bien intervenir. Le
processus ministériel de dialogue sur les drogues amorcé par le Canada l'an dernier visait à compléter
le travail de la CICAD en introduisant la dimension de la sécurité humaine dans la gestion de cette
importante menace hémisphérique.
Pour faire suite au dialogue sur les drogues et à mes entretiens avec plusieurs ministres des Affaires
étrangères de la CARICOM [Communauté des Caraïbes] en janvier, j'examine actuellement des moyens
de renforcer le système basé sur Internet et mis en place à l'origine par la CICAD pour consolider les
efforts déployés dans les Caraïbes afin de faire échec au trafic et à la consommation des drogues
illicites. Un tel système donnerait à ses utilisateurs l'accès à l'information requise aux fins de
prévention, de traitement et de réadaptation, et il faciliterait l'échange de renseignements sur les
expériences et les meilleures pratiques.
Le problème des drogues touche surtout les moins fortunés : les enfants de la rue et les démunis
doivent vivre tous les jours avec ses séquelles. Ces personnes doivent pouvoir avoir voix au chapitre
et partager leurs expériences. Nous devons trouver des façons créatrices, en recourant à la haute
technologie ou à des instruments plus traditionnels, pour transporter des chancelleries jusque dans la
rue le dialogue sur les drogues et aider de la sorte les victimes de ce fléau.
Nos jeunes souffrent particulièrement des conflits et de la violence. Certains perdent leur famille et se
retrouvent dans la rue. D'autres sont victimes de mauvais traitements physiques et psychologiques.
D'autres encore perdent tous les points de repère associés à une vie normale, comme leur école, leur
foyer, leur parc, leur terrain de jeu. La sécurité d'un si grand nombre de nos enfants et de nos jeunes --
enfants de la rue, victimes d'exploitation sexuelle ou enfants-soldats -- est menacée.
La situation des enfants touchés par la guerre est particulièrement critique. C'est pourquoi le Canada a
travaillé ferme dans le dossier du protocole récemment conclu sur le recrutement et le déploiement des
enfants-soldats. (Permettez-moi d'ailleurs de saluer à cet égard la décision de la Colombie de retirer
tous les membres de ses effectifs militaires âgés de moins de 18 ans). C'est aussi pourquoi le Canada
accueillera une conférence internationale plus tard cette année pour examiner le problème et trouver
des solutions. Les enfants de notre hémisphère continuent de souffrir des conflits passés et présents.
Certains de nos pays membres ont une expérience considérable de la gestion de tels défis qu'ils
pourraient mettre à contribution pour aider les enfants ailleurs.
Le Canada proposera donc que soit adoptée à Windsor une résolution qui pressera tous les pays des
Amériques à participer et à contribuer à des mesures précises destinées à protéger les enfants de
l'hémisphère touchés par la guerre.
Les Amériques ont donné l'exemple au reste du monde lorsqu'il s'est agi de s'attaquer aux nouvelles
menaces à la sécurité humaine. Nous voulons faire échec au trafic illégal des armes à feu -- la
convention interaméricaine sur le sujet a constitué une première mondiale. Les pays de l'hémisphère
ont été parmi les premiers et les plus ardents partisans du processus d'Ottawa et de la convention
d'Ottawa sur l'abolition des mines antipersonnel, et nous continuons de donner le ton en ce qui
concerne les activités de déminage et de réadaptation.
L'examen de la sécurité de l'hémisphère auquel nos dirigeants nous ont donné instruction de procéder
à Santiago, et dont s'occupe actuellement le Comité de la sécurité hémisphérique de l'Organisation, est
une preuve de plus de notre volonté d'adapter nos structures de sécurité aux nouvelles réalités. Il doit
se dérouler de manière flexible, réunir des autorités civiles et militaires et concentrer l'attention sur les
menaces à la sécurité humaine ainsi que sur les préoccupations traditionnelles au chapitre de la
sécurité.
La promotion de l'inclusion
Tous nos citoyens doivent pouvoir vivre dans des sociétés qui reflètent leurs intérêts, répondent à
leurs aspirations légitimes et garantissent une participation réelle à la vie politique, économique et
sociale. C'est là un des fondements de la sécurité humaine. Pourtant, ce n'est manifestement pas le cas
dans certaines de nos sociétés -- et la situation à ce chapitre pourrait certes être améliorée dans
chacune d'entre elles.
La mondialisation, malgré tous les avantages qu'elle comporte, peut aussi aggraver les problèmes si
ses retombées ne rejoignent pas de vastes segments de la population et si son rythme effréné laisse
encore plus loin derrière des groupes déjà marginalisés. Notre hémisphère se ressent clairement des
répercussions : distribution de plus en plus inégale des revenus, accès inégal aux outils du progrès et
désenchantement au sujet du système de marché. À mon avis, nous devons trouver une occasion de
discuter des répercussions que le côté plus sombre de la mondialisation a sur nos sociétés.
Entre temps, l'OEA -- voire toute la famille des institutions interaméricaines -- doit s'appliquer à
refléter les besoins de tous les segments de nos sociétés.
Les populations autochtones, de la Patagonie jusqu'au Nunavut, sont souvent les groupes les plus
marginalisés et à risque. Les négociations vont de l'avant en vue de l'adoption d'une déclaration sur les
droits des populations autochtones, y compris la participation pleine et effective de ces dernières.
Le renouvellement de l'Institut indianiste interaméricain [III] renforcerait l'adoption de la déclaration. À
la demande du secrétaire général et en association avec le gouvernement du Mexique, le gouvernement
du Canada et l'Assemblée des Premières Nations (sous la direction de son chef national Phil Fontaine)
sont disposés à consulter les États et les populations autochtones au sujet de la revitalisation de
l'Institut. Nous espérons qu'il émergera de notre rencontre à Windsor une proposition de
renouvellement de l'Institut qui pourrait permettre de répondre aux besoins réels des populations
autochtones.
Il est aussi essentiel de promouvoir l'égalité des sexes et les droits humains des femmes. Le Canada
appuie sans réserve les efforts déployés par la Commission interaméricaine des femmes pour intégrer
une dimension sexospécifique aux activités de l'OEA, et il souscrit à l'embauche de femmes pour
occuper des postes de direction au sein de l'Organisation. La première réunion des ministres de
l'hémisphère responsables de la condition féminine à Washington en avril prochain, où sera approuvé
le Programme interaméricain sur les droits humains des femmes et l'égalité des sexes, s'avère un pas
important dans la bonne direction. Nous aurons l'occasion de faire le bilan des progrès à Windsor.
Nous faisons fi de la société civile à nos risques et périls; Seattle nous a montré pourquoi. L'adoption
par l'OEA de lignes directrices concernant la participation de la société civile montre clairement que
l'Organisation a prévu la nécessité de collaborer avec de nouveaux partenaires. Il est essentiel
d'englober des partenaires de la société civile si nous voulons amener nos institutions hémisphériques
à mieux répondre aux besoins de nos citoyens. Des acteurs non gouvernementaux -- avec leurs points
de vue, leurs compétences particulières et leurs ressources -- peuvent contribuer dans une large
mesure à atteindre des objectifs communs et à assurer la vitalité future de notre Organisation.
Le Canada procède déjà à de larges consultations dans le cadre de l'élaboration de sa propre politique
hémisphérique. Nous apportons cet esprit de partenariat à Windsor. Le Centre international des droits
de la personne et du développement démocratique du Canada, de concert avec l'Unité de l'OEA pour la
promotion de la démocratie, tiendra une conférence de trois jours sur l'intégration hémisphérique et la
démocratie dans les Amériques. Je prendrai la parole à cette conférence qui coïncidera avec
l'Assemblée générale, et j'espère que d'autres ministres des Affaires étrangères et d'autres délégués
se joindront à moi.
Le processus d'inclusion s'applique entre États tout autant qu'à l'intérieur des frontières nationales. À
cet égard, les plus gros États ne peuvent ignorer les intérêts des plus petits. Le travail de l'Unité
commerciale de l'OEA -- qui a vu le jour à l'initiative du Canada et d'autres pays -- s'est révélé utile
pour aider les États plus petits au cours de négociations commerciales, particulièrement dans le
contexte de la ZLEA [Zone de libre-échange des Amériques].
Il y aurait lieu de renforcer ce genre d'aide de la part de l'OEA. La session de l'an dernier du dialogue
sur la drogue a mis en évidence la disproportion des répercussions du narcotrafic sur les petits États
insulaires des Caraïbes et des pays plus petits en Amérique centrale et en Amérique du Sud. Le projet
de connectivité dans Internet dont j'ai parlé plus tôt est un exemple d'une aide concrète qui peut se
développer par suite d'une telle initiative. Il faut faire plus pour promouvoir l'inclusion de tous les petits
États de l'hémisphère. Ils méritent d'avoir davantage voix au sein de l'Organisation elle-même.
Le renforcement de l'administration gouvernementale
Si l'inclusion est la pierre angulaire de la sécurité humaine, la promotion des valeurs démocratiques, de
la tolérance, du respect des droits de la personne et des institutions politiques stables en sont les
briques et le mortier. À cet égard, nous avons eu de nombreuses raisons de célébrer au cours de la
dernière décennie.
Toutefois, les événements récents survenus en Équateur nous incitent à la réflexion. L'hémisphère a
réagi rapidement et avec détermination. L'OEA a clairement signalé que l'administration
gouvernementale constitutionnelle était de la plus haute importance, et elle a joué un rôle de premier
plan dans le maintien du gouvernement civil.
Néanmoins, la situation de l'Équateur souligne la fragilité de l'administration gouvernementale dans ce
pays et ailleurs dans l'hémisphère. L'OEA devrait apporter son aide là où le besoin se fait sentir. C'est
l'une des raisons qui ont motivé l'établissement de l'Unité de l'OEA pour la promotion de la démocratie.
Des institutions et des initiatives efficaces à l'échelle de l'hémisphère peuvent effectivement contribuer
de façon importante à l'édification d'institutions nationales stables et cohérentes -- et vice versa.
Cette relation symbiotique vaut pour la promotion des droits de la personne. Toutefois, l'actuel
système interaméricain de protection des droits de la personne connaît des difficultés. Nous le
reconnaissons tous. Des efforts sont en cours pour le réformer, dans le cadre de discussions qui se
déroulent ici et au sein du groupe de travail spécial qui se réunit au Costa Rica cette semaine. Le
Canada aimerait que l'OEA augmente sa contribution financière à la Commission. Par ailleurs, cette
dernière doit adopter des procédures plus expéditives.
Des institutions nationales efficaces, comme des commissions des droits de la personne et des
bureaux de protecteur du citoyen, restent les institutions les plus efficaces pour protéger les droits de
la personne. La Commission canadienne des droits de la personne soutient déjà plusieurs bureaux de
protecteur du citoyen. Mais il y a lieu d'en augmenter le nombre. L'OEA peut contribuer utilement à
coordonner les liens entre ces institutions à l'échelle des Amériques, par exemple en créant un bureau
de coordination des institutions nationales des droits de la personne. C'est là une idée que j'aimerais
approfondir à Windsor.
Nos parlementaires sont aux premières lignes de l'administration gouvernementale. L'établissement de
liens entre eux au niveau hémisphérique peut servir à consolider la pratique démocratique nationale et
à étendre la coopération dans divers domaines. Pour ces raisons, le Canada appuie la création d'un
réseau parlementaire des Amériques. Je suis d'ailleurs fort encouragé par le fait que les présidents des
comités des affaires étrangères de nos parlements respectifs se réuniront le mois prochain.
Nous pouvons aussi faire de l'amélioration de l'administration de la justice une cause commune. Nos
citoyens méritent un processus judiciaire qui protège leurs droits -- plutôt que de les subvertir.
L'impunité vient souvent de l'incapacité des appareils nationaux de justice à fonctionner efficacement.
Les causes sont bien connues : manque de ressources, corruption, faiblesse des institutions,
formation inadéquate des fonctionnaires. Des solutions multilatérales peuvent contribuer à corriger les
problèmes.
Le Brésil et le Canada ont récemment organisé une conférence hémisphérique sur la formation
policière dans le cadre d'un mandat issu du Sommet de Santiago. Cela représentait un pas modeste
mais néanmoins valable. Nous espérons maintenant faire fond sur cette initiative et étendre le modèle
aux fonctionnaires des tribunaux et des prisons. La réunion que tiendront le mois prochain les
ministres de la Justice de l'hémisphère nous donne un moyen de faire avancer cette initiative et
d'autres semblables dans le secteur de la justice.
La mise sur pied récente du Centre d'études juridiques des Amériques de l'OEA élargit davantage le
rôle de l'hémisphère. Doté d'un mandat efficace, ce nouveau centre pourrait servir d'instrument utile
pour nous assurer que nous avons tous des systèmes de justice cohérents, opérationnels et justes.
Par exemple, il pourrait étudier comment mieux promouvoir les efforts destinés à combattre la
corruption et à encourager la probité dans l'hémisphère.
Néanmoins, la bonne administration gouvernementale n'est pas seulement une question de bons
gouvernements. Avec la mondialisation, plus d'attention est accordée à l'incidence -- positive et
négative -- du comportement des entreprises. Ces dernières peuvent jouer un rôle constructif dans la
promotion et la protection des droits de la personne, le développement de la démocratie, la prévention
des conflits, la protection de l'environnement et les secours en cas de catastrophe. Par contre,
quelques entreprises peuvent se livrer à des activités qui peuvent compromettre la sécurité des
collectivités où elles fonctionnent.
Il est donc important d'amener le secteur des entreprises à relever les normes de comportement dans
l'hémisphère. À cette fin, j'aimerais pouvoir inscrire à l'ordre du jour de Windsor la question des
devoirs civiques des entreprises.
L'initiative la plus prometteuse pourrait fort bien être l'élaboration et l'application de principes de
conduite éthique, y compris la protection des droits de la personne. Le défi qu'il nous faut relever dans
les préparatifs menant à la réunion de Windsor est d'établir un plan d'action permettant de réunir les
intervenants appropriés, les États, les entreprises et les organisations de la société civile.
La bonne administration gouvernementale s'applique aussi aux institutions hémisphériques elles-mêmes. Cela signifie assurer leur cohérence, mettre à contribution les nouvelles technologies et leur
fournir les ressources voulues pour travailler efficacement.
Le processus du Sommet des Amériques crée une dynamique qui permet de revitaliser toute la famille
des institutions interaméricaines et de s'assurer que celles-ci travaillent ensemble efficacement. Je
propose d'inviter les dirigeants de la BID [Banque interaméricaine de développement], de l'OPS
[Organisation panaméricaine de la santé], de la Banque mondiale et de la CEPALC [Commission
économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes] à se joindre à notre dialogue privé qui aura lieu à
Windsor, avant l'Assemblée générale, avec le secrétaire général Gaviria et les ministres des Affaires
étrangères afin d'explorer les grands thèmes dans ce domaine en vue du Sommet de Québec de 2001.
Les technologies de l'information offrent la possibilité de promouvoir des liens entre des partenaires
clés dans la recherche de solutions à des problèmes communs. En ce moment, ces technologies me
permettent d'être vu et entendu à la grandeur de l'hémisphère, et même du monde entier, au moyen de
la diffusion en ligne à partir du site Web de l'OEA. Nous devons les exploiter davantage.
La création de l'Agence interaméricaine de coopération et de développement permettra de façonner la
coopération en matière d'assistance technique, et elle ouvre la voie à la création de liens entre les
organismes de développement de notre hémisphère. C'est là un pas en avant dans le renouvellement
de l'OEA. Le Canada aimerait jouer un rôle au Conseil de gestion, car il estime que son expérience
dans les dossiers du développement pourrait être utile durant les premières années de l'Agence.
Enfin, comme voisins à la recherche de solutions coopératives à des problèmes communs, nous
devons nous mobiliser collectivement non seulement pour renforcer nos institutions, mais aussi les
maintenir. L'Organisation et ses organes spécialisés continuent d'être confrontés à une grave crise
financière. Des programmes centraux restent sans financement et de nouvelles missions, qui découlent
de mandats issus du Sommet, reposent sur des fondations très instables.
Il est impératif que tous les États membres qui ont des arriérés établissent des échéanciers et s'y
conforment. Nous ne pouvons exiger toujours plus de l'Organisation tout en la privant des ressources
dont elle a besoin pour agir. Je félicite le secrétaire général Gaviria pour les efforts qu'il a déployés afin
de couper les dépenses et rationaliser les activités. Nous devons maintenant veiller à ce qu'il ait le
soutien, les outils et les appuis collectifs nécessaires pour façonner une institution adaptée au
XXIe siècle.
Conclusion
Dans son livre, La bibliothèque de Babel, Jorge Luis Borges a imaginé une bibliothèque où tous les
livres écrits et à écrire sont rangés sans ordre apparent. La perspective est terrifiante, puisque la
consultation des livres -- retirés au hasard des tablettes par des lecteurs de plus en plus affolés -- ne
donne rien d'intelligible. La bibliothèque renferme tous les livres, mais elle a aussi un catalogue, un
seul volume qui met de l'ordre dans cette cacophonie.
En ce début du XXIe siècle, il nous faut travailler ensemble à l'OEA et trouver ce catalogue, élaguer ce
qui est dénué de sens et ce qui est inutile, identifier nos valeurs communes et mettre à contribution nos
expériences dans l'intérêt de toutes nos populations.
À la différence des malheureux bibliothécaires de Borges, nous ne sommes pas condamnés à nous en
remettre au hasard pour trouver la clé. Notre catalogue hémisphérique commence et finit avec la
sécurité et le bien-être de nos populations. J'ai exposé trois moyens -- le renforcement de la sécurité,
la promotion de l'inclusion et le renforcement de l'administration gouvernementale -- qui peuvent
contribuer à atteindre cet objectif. Je me réjouis à l'idée de travailler avec vous à cette fin, ici, à
Windsor et par la suite.
Je vous remercie.