M. KILGOUR - ALLOCUTION À LA TABLE RONDE DES PARLEMENTAIRES DU SOMMET INTERNATIONAL 2000 SUR LE CONTRÔLE DES STUPÉFIANTS - WASHINGTON, D.C.
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE DAVID KILGOUR,
SECRÉTAIRE D'ÉTAT (AMÉRIQUE LATINE ET AFRIQUE),
À LA TABLE RONDE DES PARLEMENTAIRES DU
SOMMET INTERNATIONAL 2000 SUR LE CONTRÔLE DES
STUPÉFIANTS
WASHINGTON, D.C.
Le 8 février 2000
Au cours de la dernière année, mes fonctions de secrétaire d'État m'ont amené dans un certain nombre de
pays des Caraïbes, d'Amérique centrale, d'Amérique du Sud et d'Afrique. J'ai alors eu l'occasion de voir les
ravages de l'utilisation abusive de drogues. La présence d'enfants dans les rues de Tegucigalpa, au Honduras,
intoxiqués par une colle couramment utilisée dans la fabrication de chaussures est l'une des scènes qui m'ont
particulièrement frappé. Cette colle, parfaite pour le cordonnier, est vendue, dans la rue, dans des pots
d'aliments pour bébé, et elle cause de graves dommages au cerveau de ces enfants.
Mes voyages m'ont aussi amené en Afrique où certains pays sont aux prises avec un problème de
consommation et de trafic de drogues grandissant dont nous entendons peu parler en Amérique du Nord.
Quand je suis revenu dans mon comté, à Edmonton en Alberta, et que j'y ai rencontré mes concitoyens,
ceux-ci m'ont à leur tour fait part de leurs inquiétudes à propos de la disponibilité de la drogue dans les écoles
que fréquentent leurs enfants, des conséquences du trafic de la drogue dans les zones urbaines centrales, et
de la criminalité souvent brutale qui accompagne le trafic de la drogue. Ces expériences ont renforcé en moi
l'idée que le problème de la drogue nous touche tous. Comme législateurs, nous savons cela.
Heureusement, la communauté internationale a fait des progrès dans ce domaine. Le temps est révolu où nous
cherchions à régler le problème chacun de notre côté, ou en jetant le blâme sur un autre pays. La session
extraordinaire de l'Assemblée générale de l'ONU en juin 1998 a constitué un tournant dans la façon dont nous
travaillons ensemble. De plus en plus, nous gérons le problème comme il se présente, c'est-à-dire comme une
menace complexe aux multiples facettes qui pèse sur les personnes, les sociétés et les gouvernements.
Un problème aux multiples facettes
L'éventail des questions sur lesquelles les participants à cette réunion se pencheront reflète l'approche
équilibrée que la communauté internationale applique dans le dossier de la drogue. Les solutions simplistes
que leurs auteurs présentent comme seules et uniques n'atténueront en rien la menace posée par les
substances illicites. Nous devons équilibrer nos efforts, et nous attaquer simultanément à l'offre et à la
demande. Nous avons réussi ces derniers temps à élaborer des réponses efficaces, mais le défi demeure
colossal.
Selon la dernière enquête menée dans l'ensemble du Canada dans ce domaine, l'alcool et les drogues illicites
coûteraient à la société canadienne 8,9 milliards de dollars canadiens; ce chiffre tient compte des pertes
directes au chapitre de la main-d'oeuvre, des frais administratifs, des efforts de prévention et de recherche, des
activités d'application de la loi et des soins de santé. Ce sont les pertes de productivité dues à la maladie et à
la mort prématurée qui retiennent le plus l'attention à cet égard.
Le nombre des infractions liées à la drogue a augmenté au Canada depuis 1993, mais la tendance à long
terme est demeurée généralement stable ces 15 dernières années. Les infractions liées à la cocaïne ont connu
un sommet en 1989, mais ont diminué du tiers depuis. Dans le cas de l'héroïne, elles ont également augmenté
pendant un certain nombre d'années, pour atteindre un pic en 1993; elles ont néanmoins chuté du quart au
cours des quatre dernières années. La plupart des infractions criminelles sont liées au cannabis, et le nombre
d'infractions de ce genre a augmenté de 34 p. 100 depuis 1991.
VIH/sida et hépatite C
Dans plusieurs villes canadiennes, l'usage de drogues injectables, notamment liée aux taux élevés de
surdoses, de contaminations au VIH/sida et d'hépatite C, nous inquiète profondément. On compte au Canada
de 50 000 à 100 000 utilisateurs de drogues injectables. La moitié des 3 000 à 5 000 nouveaux cas d'infection
au VIH recensés en 1996 seraient attribuables à l'usage de drogues injectables. Et, entre 80 p. 100 et
90 p. 100 des nouveaux cas d'infection à l'hépatite C auraient la même origine.
La situation à Vancouver est particulièrement alarmante; les décès par surdoses y sont très fréquents, de
l'ordre d'un par jour présentement.
La consommation de drogues chez les jeunes présente des taux et des tendances inquiétants, surtout en ce
qui concerne les drogues illicites et les beuveries. Les taux de consommation de cannabis, de cocaïne et de
drogues chimiques ont doublé entre 1993 et 1995, pour se stabiliser entre 1995 et 1997, bien que la fréquence
dans la consommation de cannabis soit à la hausse depuis 1989 chez les jeunes. Cependant, la
consommation actuelle d'alcool et de cannabis se situe encore en deçà des niveaux de 1979.
Marijuana
La marijuana demeure la drogue illégale préférée. La marijuana hydroponique cultivée au Canada est
aujourd'hui largement consommée au Canada et aux États-Unis. Et même si la GRC enregistre des progrès
dans sa lutte contre les producteurs, ceux-ci ne cessent de se multiplier.
Nous partageons aussi avec d'autres pays le problème croissant des drogues chimiques, surtout « l'ecstasy ».
Le coroner en chef de la province d'Ontario a ordonné une enquête sur la mort récente d'un jeune homme;
cette enquête permettra vraisemblablement d'examiner la culture de la drogue dans les danses « rave ».
L'année dernière, neuf personnes sont mortes de complications liées à l'ecstasy en Ontario seulement.
Pour relever ces défis, le Canada continue de soutenir fermement le maintien d'une approche équilibrée. Nous
ne voulons pas abandonner la lutte et légaliser ces drogues. Or, nous ne voulons pas non plus diaboliser les
usagers. La prévention s'avère l'approche la plus rentable, et nous mettons fortement l'accent sur le traitement
et la réadaptation.
Une approche équilibrée
Dans notre stratégie, nous cherchons à intégrer les volets santé et application de la loi. Les policiers sont
souvent le premier point de contact des consommateurs de drogues. Ces agents se considèrent de plus en
plus non pas comme de simples exécuteurs de la loi, mais aussi comme des intervenants qui se doivent
d'adopter une approche axée sur la santé et la sensibilisation. L'arrestation est souvent la première étape sur
la voie d'un programme de traitement.
Nos efforts, à l'échelle nationale, sont étroitement liés à notre contribution aux initiatives internationales. Nous
demeurons de fervents partisans de l'ONU dans sa lutte contre la drogue et sommes heureux d'avoir pu cette
année accroître les ressources mise à la disposition du PNUCID [Programme des Nations Unies pour le
contrôle international des drogues].
Le Canada accueillera cet été à Windsor, en Ontario, l'Assemblée générale de l'Organisation des États
américains, et sera l'hôte, à Québec en 2001, du Troisième Sommet des Amériques. La question de la drogue
sera à l'ordre du jour de ces deux événements.
Au cours de l'année écoulée, mon collègue Lloyd Axworthy, ministre des Affaires étrangères, a lancé, entre les
ministres des Affaires étrangères des pays de l'hémisphère, un dialogue basé sur l'opinion du Canada voulant
que le phénomène de la drogue soit considéré comme un problème de sécurité humaine. La sécurité humaine
pose comme principe que les menaces que nous devons affronter maintenant que la guerre froide est terminée
sont dirigées contre la sécurité physique des personnes, et non plus contre les États. Le dialogue que je viens
d'évoquer nous a appris, entre autres, que, dans la lutte contre la drogue, notre hémisphère comprend
l'approche axée sur la sécurité humaine. Dans l'élaboration du Mécanisme d'évaluation multilatéral (un
exercice auquel le Canada a été fier de contribuer), les répercussions qu'ont sur la personne le problème de la
drogue et les politiques mises en place pour y faire face ont été à l'avant-plan.
Stratégie canadienne antidrogue
En 1987, le Canada a adopté sa première stratégie nationale antidrogue. Cette dernière mettait l'accent sur la
sensibilisation et l'éducation du public, l'amélioration des programmes de traitement et de réadaptation, une
application plus rigoureuse de la loi et des contrôles, la coordination des efforts nationaux, ainsi que la
coopération avec les organisations internationales dans le but d'en arriver à une approche équilibrée du
problème. Dans un programme subséquent, le Canada a centré son attention sur les besoins précis auxquels
on n'avait pas encore adéquatement répondus, par exemple ceux des jeunes, des femmes, des personnes
âgées et des Autochtones.
L'objectif à long terme de la Stratégie canadienne antidrogue est de réduire les torts que l'alcool et les autres
drogues causent aux personnes, aux familles et aux collectivités. La stratégie comporte sept volets cruciaux :
développement de la recherche et des connaissances, diffusion des connaissances, programmes de
prévention, traitement et réadaptation, lois, application et contrôle, coopération nationale et coopération
internationale. Le gouvernement fédéral y travaille avec une multitude de partenaires, notamment les
gouvernements provinciaux et territoriaux, les organisations non gouvernementales, les groupes
communautaires, le secteur privé, les organisations professionnelles de la santé, les organismes chargés de
l'application de la loi et les populations cibles.
Communications
Nous savons par expérience que la lutte contre le problème de la drogue se résume bien souvent à une
question de communication. Il faut faire connaître les méfaits de la consommation de drogues illicites. Peut-être
cela fait-il trop longtemps, comme l'a fait récemment remarquer un observateur, que le public a exigé la prise
de mesures pour contrer un problème croissant de dépendance à l'opium pour que nous réalisions pleinement
les dangers que ces drogues font courir à nos citoyens et à nos sociétés.
Les campagnes d'information du public constituent une partie importante de toutes nos stratégies. Je crois
qu'elles sont essentielles. L'appui du public est crucial si nous voulons que notre message porte. Nos
gouvernements peuvent élaborer des lois et des politiques, et dire à leurs organismes de faire ceci ou cela;
toutefois, sans une société qui non seulement respecte la loi, mais aussi la comprend et la soutient, nos efforts
seront vains.
En 1991, la XIVe Conférence mondiale des communautés thérapeutiques s'est tenue à Montréal sur le thème
« Drogues et société en l'an 2000 ». Peter Vamos, qui en était le président, a exprimé dans ses remarques
d'ouverture une opinion qui, à mon avis, demeure tout à fait d'actualité devant la tâche que nous avons à
accomplir. En effet, il a déclaré :
Tant que la guerre contre la drogue sera déclarée par les politiciens, et faite uniquement par les bureaucrates,
la police et les communautés professionnelles, les résultats seront décevants. Mais si la population de chaque
pays se range derrière ses dirigeants, et si nous centrons notre attention sur les vraies questions et accordons
au problème la priorité qu'il mérite, alors nous pourrons collectivement nous débarrasser du terrible fardeau
que représente une société infestée par la drogue.
Je vous laisse sur cette pensée et vous remercie de votre attention.