M. KILGOUR - ALLOCUTION À L'OCCASION DE L'INAUGURATION DU PROGRAMME DE GESTION POUR L'AMÉRIQUE LATINE (LAMP) DU COLLÈGE CAPILANO - COMBLER LES ÉCARTS ENTRE LES PAYS DE L'HÉMISPHÈRE - VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE DAVID KILGOUR,
SECRÉTAIRE D'ÉTAT (AMÉRIQUE LATINE ET AFRIQUE),
À L'OCCASION DE L'INAUGURATION DU PROGRAMME DE GESTION
POUR L'AMÉRIQUE LATINE (LAMP) DU COLLÈGE CAPILANO
« COMBLER LES ÉCARTS ENTRE LES PAYS DE L'HÉMISPHÈRE »
VANCOUVER (Colombie-Britannique)
Le 28 avril 2000
C'est avec grand plaisir que je me joins à vous ce soir, à l'occasion de cette inauguration, et je félicite tous les
étudiants et les membres du personnel enseignant qui se sont appliqués à faire de ce programme une telle
réussite. J'espère que les futurs diplômés du LAMP sauront faire usage des compétences et des
connaissances qu'ils auront acquises ici pour devenir de véritables chefs de file dans des entreprises créatrices
d'emploi, dans des administrations publiques et dans des organismes de développement, y compris les ONG
qui, si je puis dire, allument maintes bougies à l'échelle de notre hémisphère.
Les Canadiens ont déjà établi des liens solides avec l'Amérique latine et les Antilles, liens qui se resserrent
toujours plus étroitement au fur et à mesure que s'amplifie le rôle que nous jouons dans un grand nombre des
33 autres nations de l'hémisphère. Je pourrais cependant souligner ici qu'à peu près toutes les généralisations
que l'on pourrait énoncer sur l'ensemble de la région sont fausses, car ce qui est vrai pour un pays ne l'est pas
pour un autre.
L'Assemblée générale de l'OEA
Dans cinq semaines, par exemple, le Canada sera l'hôte de l'Assemblée générale de l'Organisation des États
américains [OEA], à Windsor (Ontario). Comme il existe divers malentendus sur la nature de cette assemblée,
souvent considérée comme une simple « réunion commerciale », permettez-moi de dire quelques mots à ce
sujet. En consultant dernièrement les notes que j'avais prises, il y a un an, à l'Assemblée générale à
Guatemala, j'ai été frappé par l'intervention d'une délégation dont le message essentiel pourrait s'exprimer de
la manière suivante :
• environ un quart des adultes de l'Amérique latine et des Antilles n'ont à peu près pas reçu d'instruction;
• notre hémisphère présente la courbe de distribution des revenus la plus inégale du monde, cette situation
ayant d'ailleurs empiré (dans à peu près tous les pays du continent) au cours des années 1990;
• un enfant sur trois, dans notre hémisphère, ne dispose pas de 3 dollars par jour pour survivre.
Les Canadiens aspirent à ce que tous les membres de notre « gran familia » aient la possibilité de mener une
vie satisfaisante. La prochaine Assemblée portera donc principalement sur la sécurité humaine, qui consiste à
« faire passer les gens d'abord ». Cela détermine un certain nombre de priorités concrètes, au nombre
desquelles nous pouvons mentionner :
• la démocratie et les droits humains, qu'il s'agit de mieux implanter partout;
• l'insertion bien plus efficace des personnes ou des groupes marginalisés, tels que les enfants, les femmes,
les handicapés, les peuples autochtones et les petits États;
• l'accès pour tous aux soins de santé et aux études;
• le développement durable;
• la consolidation de la société civile dans tous nos pays;
• la résolution du problème chronique qu'est la disparité des revenus;
• la libéralisation des échanges commerciaux, qui doivent cependant garder un visage humain (un enfant des
Andes aussi bien que du Nord de la Colombie-Britannique doit pouvoir profiter directement des retombées de
la croissance économique).
Il a été assez longuement question l'an dernier, à Guatemala, d'un autre élément inscrit dans le programme
canadien de sécurité humaine : la lutte contre la criminalité internationale. Tout le monde sait fort bien, dans le
Lower Mainland, les ravages qu'exercent dans la société canadienne la cocaïne et l'héroïne en provenance
d'Asie et d'Amérique du Sud. C'est notamment sous l'impulsion d'une initiative canadienne, La drogue en
question, du ministre des Affaires étrangères, que la CICAD [Commission interaméricaine de lutte contre l'abus
des drogues, de l'OEA] a mis sur pied le Mécanisme multilatéral d'évaluation [MME] permettant à chaque pays
d'évaluer lui-même son efficacité dans la lutte contre le trafic des drogues et le blanchiment d'argent, au regard
de critères acceptés par tous les États membres. Il vous intéressera peut-être de savoir que la Bolivie et le
Pérou ont beaucoup accompli au cours des dernières années pour éliminer la production de coca.
Bref, nous espérons que la prochaine Assemblée offrira, en matière d'insertion, un modèle à suivre pour les
peuples de l'hémisphère en général.
En avril 2001, à Québec, le Canada sera l'hôte du prochain Sommet des Amériques. Nous prévoyons pour
l'instant que le débat y portera sur trois sujets : la démocratie, la prospérité pour tous et la réalisation du
potentiel humain. Le premier ministre Chrétien et le ministre des Affaires étrangères Axworthy ont
remarquablement bien réussi à persuader d'autres gouvernements de partager notre conception de la sécurité
humaine.
Certes, bien des changements ont eu lieu dans l'hémisphère au cours des 20 dernières années. À l'heure
actuelle, 33 des 35 pays de cette région du monde bénéficient d'un gouvernement démocratiquement élu,
situation fort éloignée de celle qui prévalait il y a 20 ans, alors que l'on comptait à peine quatre pays
démocratiques en Amérique du Sud. Il est donc désormais possible de travailler à trouver de meilleures
solutions aux problèmes de développement humain de tous nos peuples.
L'éducation dans les Amériques
Vous connaissez bien, en qualité d'enseignants et d'étudiants, un des problèmes auxquels les Amériques
doivent faire face. Lors du Deuxième Sommet des Amériques, à Santiago, en 1998, les chefs de gouvernement
ont adopté un Plan d'action pour l'éducation. L'engagement y a été pris de faire en sorte que, d'ici 2010, 100 p.
100 des enfants aient accès à l'enseignement primaire et achèvent ce cycle d'études. Et d'après ce plan, au
moins les trois quarts des jeunes de nos pays devront avoir accès à un enseignement secondaire de qualité, et
un pourcentage croissant devra le terminer; d'autres pourront bénéficier de l'acquisition continue du savoir.
Un enseignement de qualité
Les Canadiens ont peine à imaginer que l'on puisse vivre dans un endroit dépourvu d'accès universel à un
enseignement de qualité; telle est pourtant la situation dans une grande partie de l'hémisphère. Des écoles
privés sont certes accessibles à ceux qui disposent des moyens financiers de les fréquenter, mais seulement
un enfant sur cinq environ est dans ce cas. La plupart des enfants de cette partie de l'hémisphère s'inscrivent
bien à l'école primaire, mais un grand nombre décrochent avant la fin de leurs études. Et bien que les
inscriptions à l'école secondaire aient augmenté, il subsiste toujours à ce niveau un problème d'accessibilité et
de qualité de l'enseignement. Dans la plupart des pays, seuls les enfants de familles à revenu élevé ont accès
à un enseignement préscolaire, les étudiants à faible revenu ayant également du mal à accéder à l'université
ou à obtenir une formation technique.
Un rapport produit en 1998 par la Banque interaméricaine de développement [BID] sur le progrès économique
et social en Amérique latine indique que, sur l'ensemble de l'Amérique latine, 10 p. 100 de la population
possède une scolarité de 12 ans; la deuxième tranche de 10 p. 100, une scolarité de 9 ans; la troisième
tranche de 10 p. 100, 5 ans. Une telle situation exige évidemment une réforme de manière criante.
Les enfants pauvres des régions rurales, sur toute l'étendue des Amériques, fréquentent généralement des
écoles de moindre qualité encore et décrochent davantage. Leur désaffection pour l'école influe souvent sur les
décisions qu'ils prennent ensuite au sujet de l'éducation de leurs propres enfants. Lorsqu'ils peuvent choisir
entre les envoyer à l'école ou les faire travailler pour qu'ils contribuent au revenu familial, les parents doivent
souvent privilégier le travail, ce qui est pour eux une simple question de survie.
Permettez-moi de faire ici allusion à la Déclaration des jeunes leaders interaméricains, dont une première
version a été présentée à la très fructueuse Assemblée modèle de l'Organisation des États américains, qui a
eu lieu à Edmonton il y a un mois. Plus de 400 étudiants, en provenance de 11 pays de l'hémisphère et
représentant 37 collèges et universités, ont participé à l'Assemblée modèle, qui, pour la première fois, avait lieu
à l'extérieur des États-Unis. Leur déclaration doit être présentée aux ministres des Affaires étrangères, lors de
l'Assemblée générale de l'OEA, à Windsor.
Dans le domaine de l'éducation, ils ont demandé aux gouvernements et aux enseignants des pays membres
de l'OEA, de même qu'au secteur privé, aux organisations philanthropiques et aux ONG, de mettre en œuvre
des stratégies à long terme dynamiques pour l'ensemble des États membres de l'OEA; de fournir au moins une
éducation primaire à tous les enfants, particulièrement à ceux qui viennent de groupes défavorisés ou qui
habitent des régions isolées; de fournir un enseignement secondaire à tous les enfants et de recommander le
transfert et l'utilisation de technologies à des fins d'enseignement; et de définir des normes de scolarité
concernant les professeurs qualifiés afin de répondre aux besoins de chaque État membre de l'OEA.
Cette déclaration, en soi, confirme le manque d'enseignement de qualité en Amérique du Sud et la nécessité
urgente de procéder à des changements dans ce domaine.
Importance économique de l'Amérique latine
Cette situation persiste dans une région du monde qui constitue une destination de plus en plus importante
pour les exportations et les investissements canadiens. Nos échanges bilatéraux de marchandises avec
l'Amérique latine et les Antilles sont passés de 7,2 milliards de dollars en 1991 à 19,4 milliards en 1998. Nos
exportations vers cette région du monde sont passées de 2,6 milliards de dollars à 6 milliards de dollars au
cours de la même période. Les investissements canadiens dans cette région sont actuellement d'environ 29
milliards de dollars. Plus de 700 compagnies canadiennes ont investi au Mexique seulement. Il y a deux ans,
les Canadiens étaient les principaux investisseurs étrangers au Chili; on trouve d'ailleurs tant de sociétés
canadiennes à Santiago que sur la route conduisant de l'aéroport à la ville, on a un peu l'impression d'arriver à
Vancouver. Le commerce et les investissements canadiens ont augmenté dans tous les secteurs, certains des
résultats les plus impressionnants ayant été obtenus dans des domaines extérieurs au commerce de
marchandises, notamment les services bancaires et financiers, les transports et les infrastructures
énergétiques, les télécommunications, les services professionnels, les services éducatifs et le tourisme.
Les disparités de revenus
Les disparités de revenus en Amérique latine restent plus élevées que partout ailleurs dans le monde. Dans le
cas du Guatemala et du Brésil, par exemple, les 10 p. 100 des personnes les plus riches accaparent largement
la moitié des revenus nationaux, alors que la moitié de la population doit survivre en se contentant de
seulement 10 p. 100 des revenus. Une des causes principales de cet état de fait est la nette inégalité d'accès
aux études.
La BID a d'ailleurs estimé que l'éducation est la clé du problème de l'écart croissant des revenus dans cette
région du monde, permettant à la fois d'expliquer et de comprendre les niveaux actuels d'iniquité et de
commencer à renverser la tendance de manière à instaurer à l'avenir une plus grande équité fondamentale.
Les réformes de l'enseignement, à elles seules, suffiront-elles à rééquilibrer les inégalités de distribution des
richesses en Amérique latine? Probablement pas, mais nombre d'observateurs considèrent de plus en plus que
l'éducation constitue le plus important catalyseur de développement et de progrès.
Asie et Amérique latine
Considérons un instant les très grandes divergences entre les expériences vécues par l'Amérique latine et par
l'Asie orientale sur le plan éducatif dans leurs efforts respectifs à la fois pour contrôler les inégalités sociales et
pour stimuler la croissance économique. Dans l'Asie orientale d'après-guerre, certains gouvernements ont mis
en œuvre une réforme agraire, créé des logements subventionnés et, surtout, instauré un système universel
d'enseignement de base de grande qualité. Il en est résulté un faible niveau d'inégalité et une rapide
croissance économique fondée sur une stratégie d'augmentation constante de la qualité des exportations
produites par une main-d'œuvre très qualifiée. En Amérique latine, où la grande majorité de la population était
loin d'être aussi instruite, on a connu une croissance bien plus lente et d'énormes disparités entre les revenus
des familles.
Le Canada a beaucoup à partager avec ses voisins de l'hémisphère dans les domaines de l'enseignement à
distance, de l'utilisation de la technologie Internet, de l'enseignement multiculturel, de l'enseignement des
langues autochtones et des langues secondes, et dans le secteur de la formation de la main-d'œuvre. Ce que
réalisent les Suisses dans le secteur des opérations bancaires internationales, nous sommes en mesure de le
faire dans plusieurs de ces domaines.
Le Canada, dans l'ensemble de l'hémisphère et en collaboration avec des partenaires de la société civile,
contribue à relever certains des défis de la réforme de l'enseignement, et s'est engagé à travailler à la
réalisation des objectifs définis dans le Plan d'action pour l'éducation.
L'an dernier, l'Agence canadienne de développement international [ACDI] a injecté plus de 1,2 million de
dollars dans le secteur de l'enseignement, dans le cadre du suivi du Plan d'action de Santiago. En coopération
avec des ONG, l'ACDI finance également divers projets éducatifs dans l'ensemble de la région, par exemple en
Équateur où un projet particulier, touchant plus de 400 écoles, vise à créer des écoles plus saines et de
meilleure qualité pour les enfants de 6 à 12 ans.
Permettez-moi, comme il convient, de terminer sur une note optimiste. Il y a quelques années, en visitant des
Canadiens résidant à Ho Chi Minh-ville (ex-Saigon), je me suis retrouvé assis au déjeuner en face d'une jeune
femme d'environ 25 ans, nommée Peggy Peacock, diplômée du programme de commerce international de
votre Collège. Elle me disait avoir su mettre à profit la formation qu'elle a reçue ici pour obtenir un poste à
Bangkok, en Thaïlande. Quelques années plus tard, elle était engagée par une agence de publicité de Ho Chi
Minh-ville et, à l'époque où nous nous sommes rencontrés, elle dirigeait un bureau de 20 à 25 personnes.
Lorsque nous avons quitté tous ensemble le restaurant climatisé, dans la chaleur de l'après-midi, devinez
quelle a été la seule personne du groupe à entrer dans une voiture climatisée qui l'attendait? Mais les
températures sont sans doute plus fraîches dans les Amériques qu'au Vietnam; les gens du Nord n'y ont pas
toujours besoin d'air climatisé!
J'ai déjà vu bien des hommes et des femmes apporter, dans une foule de domaines, un précieux concours
chez plusieurs de nos voisins, les 34 autres pays de l'hémisphère. À vous tous, je souhaite beaucoup de
succès là-bas, ou partout ailleurs où vous choisirez d'aller dans l'avenir.
Je vous remercie.