M. MANLEY - ALLOCUTION À L'OCCASION DU TROISIÈME FORUM DIPLOMATIQUE ANNUEL - PROGRAMME ET PRIORITÉS DU CANADA EN MATIÈRE DE POLITIQUE ÉTRANGÈRE - WINNIPEG (MANITOBA)
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE JOHN MANLEY,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES,
À L'OCCASION DU TROISIÈME FORUM DIPLOMATIQUE ANNUEL
PROGRAMME ET PRIORITÉS DU CANADA EN MATIÈRE DE POLITIQUE ÉTRANGÈRE
WINNIPEG (Manitoba)
Le 20 octobre 2000
Introduction
Je vous souhaite la bienvenue à notre Forum diplomatique annuel. Ce type de forum revêt une importance
toute particulière. Tout d'abord, il nous permet de faire connaissance. Ensuite, il nous donne l'occasion
d'échanger et, ce, dans le cadre de discussions ouvertes et conviviales, sur des questions et des défis
auxquels nous devons tous répondre pour nos États respectifs.
Vous me permettrez certainement de prendre la parole en votre nom et de présenter mes vifs remerciements à
nos hôtes provinciaux pour leur générosité et l'accueil qu'ils vous ont réservé.
Lorsque je songe à mes nouvelles responsabilités, je me réjouis à l'idée de relever les défis qui se présentent à
nous. C'est pour moi un véritable honneur que d'avoir l'occasion de servir le Canada dans ce nouveau rôle.
Vous êtes les émissaires qui accomplissez la tâche essentielle qui consiste à représenter votre gouvernement,
votre pays et votre population. Je suis enchanté à la perspective de pouvoir travailler avec vous dans le cadre
de mes nouvelles fonctions en tant que ministre des Affaires étrangères.
Les grandes lignes de mes observations d'aujourd'hui peuvent être résumées très simplement. Le Canada,
comme tous les pays, doit s'adapter au monde très différent qui se profile à l'horizon. En tant que diplomates,
vous êtes confrontés à un monde en mutation. Chaque jour, vous êtes appelés à composer avec des
transitions. Qu'il s'agisse des possibilités et des difficultés découlant de la mondialisation et de la croissance
rapide des technologies de l'information et des communications, de l'émergence de nouvelles normes en
matière de sécurité humaine ou encore de démocratisation, nous travaillons tous dans un milieu qui évolue
rapidement.
Ici au Canada, nous traversons également une période de transition. Nous devons arriver à faire fond sur les
avancées considérables que nous avons réalisées ces dernières années. Nous devons en outre nous préparer
à relever les nouveaux défis découlant des nouvelles tendances et questions internationales qui apparaissent.
La place du Canada dans le monde
On qualifie communément le Canada de puissance moyenne. En vertu de notre histoire, de notre identité et de
notre engagement à l'égard d'un système fondé sur des règles et sur l'ordre, nous sommes effectivement une
puissance moyenne poursuivant des intérêts mondiaux.
Notre politique étrangère reconnaît l'importance des relations complexes, substantielles et en plein essor que
nous entretenons tant à l'échelle multilatérale que bilatérale. Notre politique étrangère repose sur trois objectifs
clés, ou piliers : Tout d'abord, la promotion de la prospérité et de l'emploi est au centre du programme général du
gouvernement et revêt une importance capitale pour l'économie canadienne. Afin d'aider les Canadiens à tirer
parti des possibilités considérables qu'offrent les marchés étrangers, nous nous efforçons :
• d'améliorer l'accès des produits et services canadiens;
• de renforcer un système ouvert, juste et prévisible d'échanges commerciaux et d'investissements
internationaux;
• d'aider les entreprises canadiennes à tirer avantage des possibilités qu'offrent les marchés étrangers.
Le Canada est placé avantageusement pour réussir dans l'économie mondiale moderne. Nous avons une
économie axée sur le savoir. Nous connaissons bien la diversité, et nous constituons des partenariats. Le
gouvernement canadien a tout intérêt à continuer de promouvoir un programme commercial reposant sur
l'équité et l'ouverture, qui soit profitable non seulement aux Canadiens, mais aux populations du monde entier.
Un autre élément essentiel de notre politique étrangère est la promotion de la paix et de la stabilité
internationales. Plus que jamais, la sécurité et la qualité de vie des personnes sont touchées par les nouveaux
problèmes de sécurité découlant de l'évolution et de l'interdépendance mondiales.
À cet égard, le Canada continue de jouer un rôle de chef de file en s'adaptant à un monde en mutation.
Nous reconnaissons que nous devons continuer de nous occuper des questions de sécurité traditionnelles que
sont la défense nationale, les opérations de soutien de la paix, la non-prolifération des armes nucléaires et le
contrôle des armements, mais que nous devons aussi faire face aujourd'hui à de nouvelles menaces
complexes à la sécurité, notamment les migrations illégales, la criminalité, le terrorisme, la maladie, le trafic de
stupéfiants et le crime informatique.
Cela exige que nous utilisions non seulement nos outils traditionnels en matière de sécurité, mais aussi un
éventail complet de nouveaux instruments (notamment la coopération internationale accrue, des normes et
instruments juridiques renforcés et la collaboration avec la société civile) pour défendre nos intérêts en matière
de sécurité.
Enfin, le rayonnement des valeurs et de la culture canadiennes est un élément indispensable de notre politique
étrangère et omniprésent dans tout ce que nous faisons.
L'attachement du Canada à la règle de droit, ses efforts visant à établir de nouvelles normes internationales et
son engagement à l'égard de l'élaboration de systèmes commerciaux justes et prévisibles sont autant
d'éléments qui reflètent fidèlement les valeurs fondamentales que chérissent les Canadiens.
Le rayonnement de nos valeurs et de notre culture exige également que les Canadiens soient associés en
permanence à tous les aspects de la formulation de la politique étrangère. Cela signifie aller à la rencontre des
Canadiens pour dégager un consensus sur ce que devrait être notre rôle international.
Un contexte international en mutation
Au coeur de cette approche reposant sur trois piliers, nous traversons actuellement une période de
changement systémique extraordinaire.
De nouveaux centres de pouvoir et d'influence se profilent à l'horizon. Le temps où les gouvernements
monopolisaient la conduite des relations internationales n'est plus. Les technologies de l'information font
disparaître les distances et tomber les obstacles à la circulation de l'information et à une plus grande
coordination.
Le milieu non gouvernemental parle d'une voix plus cohérente.
Les relations entre les grandes puissances internationales et celles qui aspirent à le devenir évoluent. En soi,
cette évolution n'engendrera pas nécessairement des tensions internationales si les principaux acteurs
avancent sur des routes convergentes et maintiennent un large consensus en faveur des économies de
marché.
Par ailleurs, les normes et régimes mondiaux évoluent rapidement. Ainsi, l'interdépendance de la communauté
internationale en ce qui concerne l'éventail complet des enjeux ne cesse d'augmenter.
Regard sur l'avenir : principaux défis
Tandis que nous gérons cette période de transition, quels sont donc les principaux défis que doit relever le
Canada? Permettez-moi d'en exposer brièvement quelques-uns.
1. Relations entre le Canada et les États-Unis
Veiller à entretenir avec les États-Unis des relations solides et axées sur la coopération reste une grande
priorité de notre politique étrangère.
Les liens étroits qui nous unissent sont illustrés non seulement par l'amitié et les alliances que nous avons
forgées, mais aussi dans les produits et services que nous échangeons. Chacun est le principal partenaire
commercial de l'autre : plus d'un milliard de dollars américains de produits traversant nos frontières chaque
jour.
Mais nos relations vont bien au-delà du commerce et de l'économie. Nous devons continuer de travailler en
coopération à un vaste éventail de questions, y compris la politique étrangère et de sécurité, le trafic des
drogues, la criminalité et l'immigration, dans le but de maintenir la force de nos relations. La question du
système national de défense contre les missiles sera également à suivre de près.
2. Réforme du système multilatéral
Il y a au Canada une tradition de multilatéralisme solidement ancrée. Nous continuons de jouer dans diverses
enceintes un rôle important dans le cadre de dossiers aussi variés que le commerce et l'économie,
l'environnement et le développement durable, ainsi que la sécurité internationale. S'agissant, par exemple, des
questions de non-prolifération et de désarmement, nous devons travailler afin de tracer une voie à suivre qui
fasse progresser la sécurité pour tous, tout en maintenant la stabilité stratégique mondiale.
Cette approche multilatérale nous a permis de renforcer nos relations politiques avec un nombre croissant de
pays en Amérique latine, en Asie, en Afrique, en Europe de l'Est et au Moyen-Orient.
Nous devrons continuer à réfléchir de façon stratégique et à établir des priorités claires pour l'action
internationale à venir. Nous devons réaffirmer notre attachement au multilatéralisme et nous concentrer sur la
modernisation des institutions internationales afin de veiller à ce qu'elles restent pertinentes, compte tenu des
nouvelles réalités mondiales.
3. Assurer la mise en œuvre du Programme de sécurité humaine
Traditionnellement, la sécurité nationale concernait principalement la sécurité de l'État et de ses institutions. Il
semble clair, à la lumière de l'expérience des dernières années, que l'État ne peut plus être l'objet exclusif de la
sécurité.
Rappelons-nous que ce sont souvent les menaces à la sécurité humaine, comme la violation des droits de la
personne, la criminalité organisée ou la prolifération des armes légères qui menacent, à terme, la sécurité
nationale et la stabilité internationale.
Je tiens à souligner que la sécurité humaine et la sécurité nationale sont indissociables. Nous serons donc
parfois confrontés à de dures réalités exigeant une capacité d'action.
4. Participation du Canada aux efforts internationaux de soutien de la paix
La demande visant la participation du Canada à des opérations de soutien de la paix et de secours humanitaire
s'est accrue de façon exponentielle depuis la fin de la guerre froide.
La complexité et l'ampleur des missions se sont accrues, la coopération civilo-militaire s'avérant plus
nécessaire que jamais auparavant. Nous reconnaissons en outre qu'il y a des limites aux ressources humaines
et financières que nous pouvons mettre à contribution dans ce contexte.
Nous devons préciser comment et quand nous participerons aux efforts multilatéraux dans le cadre de nos
engagements globaux en matière de sécurité internationale. Nous devons nous efforcer d'améliorer la
coordination interinstitutions en ce qui concerne les questions ayant trait aux urgences humanitaires, aux
opérations complexes et aux efforts de consolidation de la paix. Nous devons également veiller à ce que notre
capacité soit à la mesure de notre engagement.
5. Maintenir la place du Canada dans une relation de sécurité transatlantique qui soit efficace
Les relations avec l'Europe ont toujours été un des axes majeurs de notre politique étrangère. Les relations du
Canada avec l'Europe reposent depuis plusieurs décennies sur les trois piliers suivants : l'Alliance atlantique,
l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et l'Union européenne.
Depuis peu, l'Europe évolue rapidement. L'Union européenne est maintenant beaucoup plus qu'un bloc
économique, elle a la volonté de devenir un acteur politique et militaire.
6. Promouvoir l'émergence de régimes démocratiques axés sur l'économie de marché
Nos relations avec les pays d'Europe de l'Est, d'Amérique latine, d'Afrique, d'Asie et du Moyen-Orient revêtent
également une importance capitale et évoluent rapidement. Dans chacune de ces régions, nous continuons de
développer des liens économiques et des partenariats politiques forts. Que ce soit par la conclusion d'accords
de libre-échange ou par notre appartenance à des organisations telles que la Francophonie, le Commonwealth
et l'APEC [Coopération économique Asie-Pacifique], nous entretenons des liens étroits avec un nombre
croissant de nations. Nous tirons en outre de précieux enseignements de ces relations.
L'économie de marché a besoin d'un État efficace et responsable pour ce qui est de maintenir la règle de droit,
de faire appliquer les contrats, de défendre les droits universels et de réglementer les relations entre les
acteurs économiques. La promotion de la croissance et de la démocratie est une tâche beaucoup plus
complexe que ce que nous avions envisagé au départ.
Nous assistons actuellement à des événements positifs. Dans un nombre croissant de pays, aux quatre coins
du monde, la démocratie connaît un renouveau, la société civile prend pied et les perspectives de croissance
sont prometteuses.
Le développement économique et social est, évidemment, au centre de ces avancées. Le Canada reste
déterminé à jouer, par le biais de l'aide au développement, de l'allégement de la dette, de l'appui au
développement durable et à la saine gestion des affaires publiques, un rôle dans la promotion de la prospérité
et de la stabilité mondiales à long terme.
7. Les problèmes mondiaux
Les problèmes de population, la sécurité alimentaire, le changement climatique et les épidémies sont sources
de préoccupation pour la communauté internationale. Ces questions sont souvent très interdépendantes et ont
trait à de profonds problèmes systémiques comme le sous-développement et la pauvreté.
En dernière analyse, nous ne pouvons nous comporter comme si nous vivions en vase clos. En menant une
action concertée dès maintenant et en établissant de solides partenariats multilatéraux pour nous attaquer à
des problèmes mondiaux complexes, nous aidons à long terme à protéger et à promouvoir notre propre
sécurité.
Conclusion
L'examen du système mondial et de la place qu'y occupe le Canada suscite un sentiment d'optimisme et révèle
de nombreux défis.
De grandes possibilités continuent de s'offrir au Canada. En tant que pays, nous sommes plus prospères que
nous l'étions il y a cinq ans, notre performance commerciale reste forte, et nos valeurs politiques et
économiques libérales n'ont jamais été aussi largement acceptées.
Néanmoins, les profonds changements structurels qui s'opèrent actuellement posent aussi des défis très réels
-- s'agissant de rivalités possibles entre des puissances internationales et régionales clés, de prolifération des
armes de destruction massive, de conflits internes, de dégâts causés à des écosystèmes majeurs, ou de
nouvelles menaces à notre sécurité physique et à notre santé.
Résultat : le Canada doit composer avec le monde très différent qui est en train d'apparaître. Il faudra pour ce
faire adopter des approches novatrices, prendre des décisions stratégiques et concertées, ainsi que faire
preuve de notre capacité de respecter nos engagements à l'égard d'un vaste éventail de questions.
Je me réjouis à la perspective de travailler avec vous tous à la réalisation de ces objectifs. Je vous remercie de
votre attention et vous souhaite une bonne continuation des travaux du Forum diplomatique.
Je vous remercie.