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<html> <head> <meta name="Generator" content="Corel WordPerfect 8"> <meta name="DATE" content="5/3/2000"> <meta name="Author" content="Michel BÀ)Àdard"> <title>M. PETTIGREW - ALLOCUTION &Agrave; LA CONF&Eacute;RENCE MANION - SEATTLE : DES LE&Ccedil;ONS POUR BIEN GOUVERNER &Agrave; L'AVENIR - OTTAWA (ONTARIO)</title> </head> <body text="#000000" link="#0000ff" vlink="#551a8b" alink="#ff0000" bgcolor="#c0c0c0"> <p><font size="+1"></font><font face="Arial Gras" size="+1"></font><font face="Arial Gras" size="+1"><u>SOUS R&Eacute;SERVE DE MODIFICATIONS</u></font></p> <p align="CENTER"><font face="Arial Gras" size="+1">NOTES POUR UNE ALLOCUTION</font></p> <p align="CENTER"><font face="Arial Gras" size="+1">DE</font></p> <p align="CENTER"><font face="Arial Gras" size="+1">L'HONORABLE PIERRE S. PETTIGREW,</font></p> <p align="CENTER"><font face="Arial Gras" size="+1">MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL, </font></p> <p align="CENTER"><font face="Arial Gras" size="+1">&Agrave; LA CONF&Eacute;RENCE MANION</font></p> <p align="CENTER"><font face="Arial Gras" size="+1">«&nbsp;SEATTLE&nbsp;:&nbsp;DES LE&Ccedil;ONS POUR&nbsp;BIEN GOUVERNER &Agrave; L'AVENIR&nbsp;»</font></p> <p><font face="Arial Gras" size="+1">OTTAWA (Ontario)</font></p> <p><font face="Arial Gras" size="+1">Le 4 mai 2000</font></p> <p><font face="Arial Gras" size="+1"><em></em></font><font face="Arial Gras"></font><font face="Arial Gras">Merci beaucoup de m'avoir invit&eacute; ici ce soir.</font></p> <p><font face="Arial Gras">D'entr&eacute;e de jeu, je tiens &agrave; vous dire que j'aime beaucoup mes nouvelles responsabilit&eacute;s minist&eacute;rielles. Cela dit, j'esp&egrave;re que vous n'&ecirc;tes pas venus ici ce soir pour m'entendre parler de la performance commerciale du Canada ou de nos objectifs sur les march&eacute;s internationaux. Je pourrais n&eacute;anmoins certainement le faire.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Je pourrais vous raconter comment le Canada est devenu l'une des nations commer&ccedil;antes qui r&eacute;ussit le mieux dans le monde et &agrave; quel&nbsp;point nos produits et services jouissent d'une excellente r&eacute;putation sur la sc&egrave;ne internationale. Et comment les gens d'affaires canadiens sont connus &agrave; l'&eacute;tranger comme des personnes dynamiques, comp&eacute;tentes et &eacute;quitables. </font></p> <p><font face="Arial Gras">Je pourrais expliquer comment les exportations du Canada sont pass&eacute;es de 25&nbsp;p. 100 du PIB il y a &agrave; peine 10&nbsp;ans &agrave; 43&nbsp;p. 100 &agrave; l'heure actuelle, proportionnellement quatre fois plus que les &Eacute;tats-Unis et trois fois plus que le Japon.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Je pourrais vous dire qu'un emploi sur trois au Canada est actuellement reli&eacute; &agrave; notre commerce international et que 80&nbsp;p. 100 des 2&nbsp;millions de nouveaux emplois cr&eacute;&eacute;s dans l'&eacute;conomie canadienne depuis 1993 sont attribuables &agrave; notre r&eacute;ussite sur les march&eacute;s internationaux -- ce qui constitue un bon argument en faveur de l'intensification de nos efforts de commercialisation &agrave; l'&eacute;tranger. Je pourrais ajouter que, lorsque nous faisons des affaires &agrave; l'&eacute;tranger, nous ne faisons pas qu'exporter des biens et des services, nous exportons aussi les valeurs fondamentales de notre soci&eacute;t&eacute;.</font></p> <p><font face="Arial Gras">D'ailleurs, je pourrais &eacute;galement parler avec passion et assez longuement -- comme je le fais souvent avec mes coll&egrave;gues et avec mon personnel! -- de la fa&ccedil;on dont le Canada a choisi de miser sur sa diversit&eacute;, de la consid&eacute;rer comme un atout plut&ocirc;t qu'une faiblesse, voire un &eacute;l&eacute;ment essentiel de son identit&eacute;. La riche mosa&iuml;que canadienne -- avec ses millions de personnes d'origines diverses qui apportent un bagage si diff&eacute;rent -- nous donne en r&eacute;alit&eacute; un avantage sp&eacute;cial sur les march&eacute;s internationaux. Notre performance internationale d&eacute;j&agrave; exceptionnelle le sera encore plus gr&acirc;ce &agrave; cette caract&eacute;ristique.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Je pourrais d&eacute;crire comment les Canadiens ont refus&eacute; de cr&eacute;er un &Eacute;tat-nation classique, comment le pays qu'ils ont fond&eacute; s'est r&eacute;invent&eacute; peu &agrave; peu &agrave; partir d'un mod&egrave;le d&eacute;cid&eacute;ment original dont le point culminant est la fameuse mosa&iuml;que canadienne. Comment, au Canada, il n'y a pas une langue qui supplante impitoyablement toutes les autres, il n'y a pas une culture qui s'impose &agrave; tout le monde sans discernement, il n'y a pas une religion qui &eacute;vince les autres de leur place, il n'y a pas non plus un syst&egrave;me l&eacute;gal dont l'h&eacute;g&eacute;monie se serait impos&eacute;e. Comment, de ce point de vue, le Canada ne constitue pas un pays de la norme, mais un pays de l'exception -- un pays qui s'adapte.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Je pourrais parler de tout cela. Pendant les 40 minutes que vous m'avez accord&eacute;es -- ou davantage si vous me laissiez aller. Mais je ne le ferai pas.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Je suis venu ici ce soir avec une autre intention. J'aimerais partager avec vous mes r&eacute;flexions sur l'orientation que devrait prendre le Canada, non seulement sur la sc&egrave;ne internationale, mais &eacute;galement &agrave; l'int&eacute;rieur de ses fronti&egrave;res, en ce qui concerne l'art de gouverner et de r&eacute;agir aux importants changements qui se produisent actuellement.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Ce faisant, je vous parlerai un peu de mon exp&eacute;rience &agrave; titre de chef de la d&eacute;l&eacute;gation canadienne &agrave; la r&eacute;union minist&eacute;rielle de l'Organisation mondiale du commerce &agrave; Seattle en d&eacute;cembre dernier. Ayant surv&eacute;cu &agrave; ce qu'on a appel&eacute; «&nbsp;la bataille de Seattle&nbsp;» et pass&eacute; beaucoup de temps depuis &agrave; r&eacute;fl&eacute;chir non seulement &agrave; l'importance de ce qui est arriv&eacute; l&agrave;-bas, mais aussi aux grands th&egrave;mes de la mondialisation et du commerce mondial, je peux affirmer avec plus de conviction que jamais que nous sommes dans un monde tr&egrave;s diff&eacute;rent de celui qui existait avant Seattle. Je crois que Seattle a vraiment galvanis&eacute; une multitude de forces, d'&eacute;motions et de solutions cr&eacute;atrices qui &eacute;taient dans l'air depuis 50&nbsp;ans. J'y reviendrai en d&eacute;tail un peu plus tard.</font></p> <p><font face="Arial Gras">En tant que penseurs, responsables de l'&eacute;laboration des politiques et chercheurs, nous sommes tous conscients des d&eacute;fis auxquels sont confront&eacute;s actuellement les individus, les soci&eacute;t&eacute;s et les gouvernements. Nous savons tous que le monde est devenu beaucoup plus complexe. L'information, le capital et les personnes circulent beaucoup plus vite que tout ce qu'on pouvait imaginer il y a 10&nbsp;ans &agrave; peine.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Mais si ce nouveau monde emballant foisonne de possibilit&eacute;s nouvelles, il comporte aussi son lot d'emb&ucirc;ches, certaines &eacute;tant bien connues, d'autres &agrave; peine naissantes et encore mal d&eacute;finies. Il nous revient&nbsp;&agrave; nous, et aux dirigeants et aux penseurs de la prochaine g&eacute;n&eacute;ration, d'assurer une transition qui rassure les gens dans ces p&eacute;riodes turbulentes et&nbsp;qui fait en sorte qu'aucun groupe de la soci&eacute;t&eacute; n'est laiss&eacute; pour compte. Le d&eacute;fi est de taille. Il exigera de nouvelles approches et beaucoup d'imagination.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Ce soir, je voudrais vous pr&eacute;senter des observations qui s'efforcent de jeter un &eacute;clairage que je souhaite utile et pertinent sur un ph&eacute;nom&egrave;ne qui, en fin de compte, devrait beaucoup moins nous alarmer que nous inspirer :&nbsp;la mondialisation.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Mais avant d'entrer dans le vif du sujet, je devrais peut-&ecirc;tre vous raconter un peu qui je suis et comment j'en suis venu &agrave; m'int&eacute;resser autant &agrave; ces questions.</font></p> <p><font face="Arial Gras"><strong>L'origine de mon int&eacute;r&ecirc;t pour les affaires internationales</strong></font></p> <p><font face="Arial Gras">Comme vous l'avez entendu quand on m'a pr&eacute;sent&eacute;, les affaires internationales sont la passion de ma vie. J'ai v&eacute;cu cette passion comme conseiller politique &agrave; l'Assembl&eacute;e de l'OTAN et conseiller en politique &eacute;trang&egrave;re au Bureau du Conseil priv&eacute;. Je l'ai v&eacute;cue pendant 12 ans dans le secteur priv&eacute; (dont 10&nbsp;ans chez Samson B&eacute;lair Deloitte et Touche &agrave; Montr&eacute;al) et j'ai eu le privil&egrave;ge de la vivre &agrave; titre de ministre du Commerce international et de chef de la d&eacute;l&eacute;gation canadienne &agrave; Seattle. Cette derni&egrave;re exp&eacute;rience a &eacute;t&eacute; tr&egrave;s marquante.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Tout ce bagage professionnel, ainsi que mes &eacute;tudes &agrave; Oxford, m'a permis d'exprimer quelques r&eacute;flexions et points de vue sur les affaires internationales et, plus r&eacute;cemment, sur ce nouveau ph&eacute;nom&egrave;ne qu'on appelle la mondialisation.</font></p> <p><font face="Arial Gras">En fait, je suis devenu si captiv&eacute; par le sujet que j'ai pris le temps d'&eacute;crire un livre sur la mondialisation et l'avenir du Canada &agrave; l'&egrave;re de la mondialisation.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Dans ce contexte -- c'est-&agrave;-dire apr&egrave;s avoir travaill&eacute; dans le domaine comme conseiller en affaires internationales, assumant la responsabilit&eacute; du commerce international et ayant dirig&eacute; la d&eacute;l&eacute;gation canadienne &agrave; Seattle, ayant &eacute;crit un livre et r&eacute;fl&eacute;chi longuement sur la question -- vous pouvez comprendre facilement pourquoi Seattle a &eacute;t&eacute; une semaine d&eacute;terminante dans ma vie et pourquoi j'ai envie de vous livrer le fruit de certaines de mes r&eacute;flexions.</font></p> <p><font face="Arial Gras"><strong>Les diff&eacute;rences entre l'internationalisation et la mondialisation</strong></font></p> <p><font face="Arial Gras">Je me tournerai maintenant vers la question de notre &eacute;volution, de l'&egrave;re de l'internationalisation &agrave; celle de la mondialisation. </font></p> <p><font face="Arial Gras">R&eacute;cemment encore, on a pu constater que l'&Eacute;tat «&nbsp;trop exclusivement&nbsp;» politique a commis d'&eacute;normes impairs, parce qu'il &eacute;tait fonci&egrave;rement incapable de comprendre les signaux du march&eacute;. On peut voir maintenant que le march&eacute; «&nbsp;trop exclusivement&nbsp;» &eacute;conomique -- qui ne sait plus percevoir les signaux de l'&Eacute;tat -- conduit &agrave; des erreurs non moins &eacute;normes.</font></p> <p><font face="Arial Gras">M&ecirc;me si les march&eacute;s sont le meilleur syst&egrave;me pour cr&eacute;er la prosp&eacute;rit&eacute;, il serait insens&eacute; de nous attendre &agrave; ce qu'ils r&eacute;pondent &agrave; tous les besoins sociaux des citoyens. Nous devons donc r&eacute;fl&eacute;chir de mani&egrave;re cr&eacute;ative pour inventer un nouvel art de gouverner dans ce nouveau monde.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Je crois que seule une lecture ad&eacute;quate du pr&eacute;sent permettra une organisation appropri&eacute;e de l'avenir. Par cons&eacute;quent, m&ecirc;me si je veux me concentrer sur l'avenir, j'esp&egrave;re que vous me pardonnerez de vous livrer bri&egrave;vement le fruit de mes constatations et de mes r&eacute;flexions sur le contexte dans lequel se situe cette t&acirc;che d'envergure.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Normalement, &agrave; ce point-ci, je prends le temps d'&eacute;voquer bri&egrave;vement les trait&eacute;s de Westphalie, l'&eacute;mergence de l'&Eacute;tat-nation et des march&eacute;s nationaux ainsi que l'am&eacute;lioration de la qualit&eacute; de vie des citoyens qui en a d&eacute;coul&eacute; dans les pays d&eacute;velopp&eacute;s. Mais comme vous connaissez sans aucun doute l'&eacute;volution historique de la soci&eacute;t&eacute; moderne, je passerai directement &agrave; ma conception des diff&eacute;rences entre l'internationalisation et la mondialisation.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Autrefois, &agrave; l'&egrave;re de l'internationalisation, les liens entre les &Eacute;tats, qui contr&ocirc;laient tous leur propre territoire, se sont multipli&eacute;s&nbsp;: liens juridiques officiels dans des organismes internationaux et liens organiques &agrave; travers divers modes de coop&eacute;ration, par exemple entre entreprises qui oeuvraient dans diff&eacute;rents &Eacute;tats o&ugrave; chacun exer&ccedil;ait toujours une autorit&eacute; verticale. </font></p> <p><font face="Arial Gras">L'internationalisation impliquait donc deux choses&nbsp;: tout d'abord, l'&eacute;largissement de l'&eacute;tendue g&eacute;ographique o&ugrave; se d&eacute;ployaient des activit&eacute;s &eacute;conomiques, commerciales et autres de plus en plus nombreuses; puis, l'existence de fronti&egrave;res nationales que cet &eacute;largissement avait pr&eacute;cis&eacute;ment pour vocation d'envelopper dans des ensembles, des touts de plus en plus vastes.</font></p> <p><font face="Arial Gras">L'internationalisation a donc accru l'interd&eacute;pendance entre les soci&eacute;t&eacute;s con&ccedil;ues comme &Eacute;tats-nations. D'ailleurs, le terme m&ecirc;me d'internationalisation &eacute;voque justement les &eacute;changes accrus «&nbsp;entre nations&nbsp;» et signale, par le fait m&ecirc;me, une certaine &eacute;tanch&eacute;it&eacute; des espaces nationaux, c'est-&agrave;-dire politiques. </font></p> <p><font face="Arial Gras">Le ph&eacute;nom&egrave;ne plus r&eacute;cent de la mondialisation est qualitativement d'un autre ordre. La mondialisation r&eacute;sulte de la lib&eacute;ralisation des progr&egrave;s technologiques, des &eacute;changes commerciaux et de la d&eacute;r&eacute;glementation. Dans ce monde-l&agrave;, l'entreprise peut d&eacute;sormais choisir d'accomplir telle ou telle fonction industrielle dans tel ou tel espace g&eacute;ographique selon une logique &eacute;conomique et nonobstant toute consid&eacute;ration politique. Cette nouvelle r&eacute;partition mondiale du travail suit une hi&eacute;rarchie technologique. </font></p> <p><font face="Arial Gras">Contrairement &agrave; la multinationale qui devait r&eacute;p&eacute;ter lourdement le mod&egrave;le de la maison m&egrave;re de pays en pays, l'entreprise plan&eacute;taire est plus souple et int&egrave;gre souvent, par des r&eacute;seaux ou des alliances strat&eacute;giques, ses diff&eacute;rentes fonctions de production, de recherche, de financement, de marketing et d'informatique, s'acquittant de chacune de ces fonctions dans l'espace qui lui sied le mieux, sans vraiment tenir compte des fronti&egrave;res politiques.</font></p> <p><font face="Arial Gras">En somme, la mondialisation ignore les fronti&egrave;res politiques et fusionne les espaces &eacute;conomiques. En marge des zones de responsabilit&eacute; de l'&Eacute;tat &eacute;merge ainsi une nouvelle puissance anonyme et apatride, une puissance enivrante mais redoutable. Avec la mondialisation, au pouvoir vertical de l'&Eacute;tat succ&egrave;de donc progressivement la puissance horizontale du march&eacute;. Et il a &eacute;t&eacute; d&eacute;montr&eacute; que les avantages ne se limitent pas seulement aux entreprises -- nous constatons &eacute;galement une souplesse et un pouvoir accrus dans d'autres organisations horizontales &agrave; l'oeuvre dans le monde, comme les ONG [organisations non gouvernementales], les corps scientifiques et autres. </font></p> <p><font face="Arial Gras">C'est plut&ocirc;t accidentel mais n&eacute;anmoins fortuit parce que la mondialisation a des cons&eacute;quences importantes qui vont bien au-del&agrave; du monde des gouvernements, du march&eacute; et des entreprises. Bien des gens craignent, par exemple, que nous ne soyons all&eacute;s trop loin et trop vite, sans nous arr&ecirc;ter pour r&eacute;fl&eacute;chir suffisamment aux cons&eacute;quences sur l'environnement ou sur l'individu. Ce sont d'ailleurs ces sujets dignes des manchettes qui ont port&eacute; les pr&eacute;occupations relatives aux incidences de la mondialisation &agrave; l'attention du citoyen ordinaire. </font></p> <p><font face="Arial Gras">Franchement, je comprends pourquoi les gens s'inqui&egrave;tent. Car, en r&eacute;alit&eacute;, si les march&eacute;s et les entreprises s'adaptent rapidement au nouveau monde et, dans bien des cas, acc&eacute;l&egrave;rent le changement, les gouvernements du monde entier ont du mal &agrave; d&eacute;finir leur r&ocirc;le -- ils n'ont pas d&eacute;clench&eacute; le ph&eacute;nom&egrave;ne! Pas &eacute;tonnant que tant de gens se soient rassembl&eacute;s pour se faire entendre en d&eacute;cembre dernier &agrave; Seattle. </font></p> <p><font face="Arial Gras"><strong>Le sens de Seattle -- Une collision entre deux mondes</strong></font></p> <p><font face="Arial Gras">Que s'est-il pass&eacute; &agrave; Seattle? Ce que j'ai vu &agrave; Seattle, c'est la rencontre de deux mondes&nbsp;-- on pourrait m&ecirc;me presque parler de collision. Deux ordres internationaux se sont finalement rencontr&eacute;s. D'une part, le classique, le monde international des &Eacute;tats qui se r&eacute;unissaient pour n&eacute;gocier entre eux le lancement d'un nouveau cycle de n&eacute;gociations commerciales, et d'autre part, le monde en &eacute;closion. </font></p> <p><font face="Arial Gras">Le premier, des gouvernements d&eacute;mocratiquement &eacute;lus, pour la plupart, qui venaient n&eacute;gocier des ententes en s'effor&ccedil;ant de d&eacute;fendre les int&eacute;r&ecirc;ts de leur population. Dans la plupart des cas, les citoyens auraient pu mettre le gouvernement &agrave; la porte aux prochaines &eacute;lections si les ententes conclues ne leur avaient pas plu.</font></p> <p><font face="Arial Gras">C'est le monde auquel nous sommes habitu&eacute;s. Il &eacute;volue depuis 400&nbsp;ans. Il s'agit de l'&Eacute;tat-nation classique que nous connaissons depuis les trait&eacute;s de Westphalie. Ce monde international est form&eacute; d'un nombre fini d'intervenants&nbsp;-- tr&egrave;s fini, en r&eacute;alit&eacute;, puisqu'il compte 135&nbsp;pays membres. C'est un monde codifi&eacute;, ritualis&eacute;, relativement pr&eacute;visible. Tellement pr&eacute;visible qu'il peut parfois devenir tr&egrave;s ennuyant.</font></p> <p><font face="Arial Gras">C'est ce monde-l&agrave; qui se r&eacute;unissait &agrave; Seattle pour lancer un neuvi&egrave;me cycle de n&eacute;gociations commerciales. Il a tr&egrave;s peu &agrave; voir avec la mondialisation. C'est le monde de l'internationalisation, un ph&eacute;nom&egrave;ne connu et compris. C'est un ph&eacute;nom&egrave;ne qui remonte &agrave; l'apr&egrave;s-guerre, en particulier lorsque nous avons d&eacute;cid&eacute; que la meilleure fa&ccedil;on d'&eacute;viter la guerre, c'&eacute;tait de nous assurer que les nations deviennent plus interd&eacute;pendantes.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Puis, il y a un autre monde, un monde en &eacute;closion, celui qui constitue le vrai monde de la mondialisation. Cet autre monde est «&nbsp;multicentr&eacute;&nbsp;», constitu&eacute; d'un nombre presque infini de participants dont on doit constater qu'ils ont une capacit&eacute; d'action internationale plus ou moins ind&eacute;pendante de l'&Eacute;tat dont ils sont cens&eacute;s relever. </font></p> <p><font face="Arial Gras">Leur champ d'action est tr&egrave;s souvent la zone qui &eacute;chappe &agrave; l'attention du gouvernement &agrave; cause des nouvelles technologies et de toutes sortes d'autres nouveaut&eacute;s. Ils agissent dans une «&nbsp;zone d'irresponsabilit&eacute;&nbsp;» -- et je n'emploie pas ce terme dans un sens p&eacute;joratif -- une zone o&ugrave; il n'y a pas de responsabilit&eacute; parce qu'elle n'a pas encore &eacute;t&eacute; attribu&eacute;e. C'est effectivement ce que l'on constate.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Prenons, par exemple, le commerce &eacute;lectronique ou les mouvements de capitaux, qui traversent les fronti&egrave;res sans aucun contr&ocirc;le, ou la technologie qui permet d'envoyer &agrave; Buenos Aires, en moins d'une seconde, un plan de maison qui existe actuellement au Canada. Le gouvernement a beaucoup de mal &agrave; contr&ocirc;ler ce genre d'activit&eacute;.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Mais le vrai monde de la mondialisation a cr&eacute;&eacute; ou tout au moins grandement renforc&eacute; ceux-l&agrave; m&ecirc;me qui d&eacute;criaient la mondialisation, et ils se sont manifest&eacute;s &agrave; Seattle pour la premi&egrave;re fois et avec beaucoup de puissance. Ironiquement, ils sont venus d&eacute;crier le mouvement m&ecirc;me qui les avaient amen&eacute;s &agrave; Seattle.</font></p> <p><font face="Arial Gras">La juxtaposition de ces deux mondes entra&icirc;ne une configuration tr&egrave;s complexe des all&eacute;geances. Le monde des &Eacute;tats repose sur l'exclusivit&eacute; des all&eacute;geances des citoyens et d&eacute;pend de sa capacit&eacute; d'agir en engageant totalement un nombre donn&eacute; d'individus. Le monde multicentr&eacute; repose, au contraire, sur un r&eacute;seau d'all&eacute;geances tr&egrave;s peu codifi&eacute;, dont la nature et l'intensit&eacute; d&eacute;pendent de la volont&eacute; affranchie des divers intervenants concern&eacute;s.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Alors, pour dire les choses franchement, ces deux mondes se sont rencontr&eacute;s &agrave; Seattle et ce ne fut pas le coup de foudre. L'issue pr&eacute;visible &eacute;tait et demeure une tension consid&eacute;rable, avec laquelle nous vivrons pendant de nombreuses ann&eacute;es encore. M&ecirc;me si les gouvernements devront y faire face, cette tension ne se manifeste pas exclusivement entre les gouvernements. Elle touche des groupes oppos&eacute;s de la soci&eacute;t&eacute;, des industries et des blocs socio-politiques, culturels, ethniques et &eacute;conomiques ainsi que les &Eacute;tats-nations auxquels nous sommes habitu&eacute;s.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Nous avions auparavant ce syst&egrave;me international merveilleux et pr&eacute;visible, si pr&eacute;visible que nous connaissions &agrave; l'avance les discours de tout le monde, parce qu'ils avaient habituellement &eacute;t&eacute; r&eacute;p&eacute;t&eacute;s si souvent. De toute fa&ccedil;on, tout le monde v&eacute;rifie avec tout le monde que personne ne sera offusqu&eacute;. Puis, ce nouveau monde arrive, plut&ocirc;t anonyme, assez bizarre, absolument impr&eacute;visible -- &eacute;tant donn&eacute; le nombre de participants -- et il est parfois r&eacute;el, mais souvent virtuel.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Je n'ai pas besoin de vous dire que la mondialisation n'est pas une d&eacute;cision que nous avons prise au Cabinet. C'est une r&eacute;alit&eacute; &agrave; laquelle nous sommes confront&eacute;s. Elle n'est pas impos&eacute;e non plus par les entreprises et par les grandes soci&eacute;t&eacute;s, parce qu'un grand nombre d'entre elles la trouvent tr&egrave;s difficile &agrave; vivre. </font></p> <p><font face="Arial Gras">En m&ecirc;me temps, la mondialisation renforce l'opposition, contre les entreprises et le gouvernement. Les opposants sont plus puissants que jamais. Ils peuvent d&eacute;sormais, en moins de 24&nbsp;heures, organiser des milliers de personnes dans n'importe quelle ville de la plan&egrave;te gr&acirc;ce &agrave; Internet -- et&nbsp;&agrave; tr&egrave;s peu de frais. C'est cela, la mondialisation. Si Seattle en a &eacute;t&eacute; la preuve la plus &eacute;loquente jusqu'ici, on peut &ecirc;tre assur&eacute; qu'il y en aura d'autres. D'ailleurs, nous avons vu un « mini Seattle » &agrave; Washington il y a quelques semaines.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Je qualifie ce que j'ai observ&eacute; &agrave; Seattle de «&nbsp;r&eacute;v&eacute;lation&nbsp;», au sens o&ugrave; l'on parle de r&eacute;v&eacute;lateur en photographie. On a vu appara&icirc;tre ce que chacun pouvait jusqu'&agrave; un certain point pressentir&nbsp;et que certains ont un peu mieux compris que d'autres, &agrave; savoir&nbsp;: </font></p> <p><font face="Arial Gras">• la puissance des regroupements horizontaux qui n'ont que faire de la force verticale des &Eacute;tats; </font></p> <p><font face="Arial Gras">• l'intuition -- souvent pr&eacute;monitoire -- des milieux artistiques qui sentent venir des changements lourds de cons&eacute;quences pour la culture et pour l'humain;</font></p> <p><font face="Arial Gras">• la naissance d'un souci &eacute;thique que ne peuvent plus satisfaire les normes habituellement appliqu&eacute;es. </font></p> <p><font face="Arial Gras">Bref, loin de constituer l'aboutissement en forme d'&eacute;chec d'un processus de n&eacute;gociation qui se poursuivra, quoi qu'on en dise, Seattle constitue probablement le point de d&eacute;part en forme de malaise prometteur d'un processus de renouvellement du politique.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Qui peut nier qu'&agrave; Seattle on a voulu rappeler la finalit&eacute; humaine de l'activit&eacute; &eacute;conomique?</font></p> <p><font face="Arial Gras">Qui peut nier qu'on y a renvoy&eacute; les dirigeants politiques &agrave; leurs devoirs, r&eacute;clamant d'eux notamment la fid&eacute;lit&eacute; aux valeurs d'humanisme que l'Occident s'&eacute;vertue &agrave; promouvoir? Qui peut nier qu'on y a vu &agrave; l'oeuvre une autre fa&ccedil;on de faire dont l'efficacit&eacute; est d&eacute;sormais indiscutable?</font></p> <p><font face="Arial Gras">Qui peut nier qu'on y a constat&eacute; les diff&eacute;rences de temps de r&eacute;action et d'espaces d'influence des autorit&eacute;s publiques officielles, nationales et internationales, d'une part, et des rassemblements mondiaux informels mais centr&eacute;s sur des pr&eacute;occupations strat&eacute;giquement d&eacute;finies, d'autre part? </font></p> <p><font face="Arial Gras">Qui peut nier les exigences et les inqui&eacute;tudes de ceux qui se pr&eacute;occupent de la reddition des comptes, qui soutiennent que cette nouvelle &egrave;re de mondialisation a cr&eacute;&eacute; un «&nbsp;d&eacute;ficit d&eacute;mocratique&nbsp;», les gouvernements perdant une partie de leur pouvoir et de leur influence, tandis que les regroupements horizontaux -- et non d&eacute;mocratiques -- de tous genres voient grandir leur pouvoir et leur influence?</font></p> <p><font face="Arial Gras">En un mot, qui peut nier qu'un nouveau mod&egrave;le s'est manifest&eacute; &agrave; Seattle?</font></p> <p><font face="Arial Gras"><strong>La rupture des espaces et des temps </strong></font></p> <p><font face="Arial Gras">La plupart conviendront que le passage du national &agrave; l'international s'explique en large part par l'&eacute;volution technologique. Mais ce qui importe davantage, c'est le ph&eacute;nom&egrave;ne simultan&eacute; et connexe qui fait que les espaces &eacute;conomiques sont de plus en plus int&eacute;gr&eacute;s, tandis que les espaces politiques ont tendance &agrave; se fragmenter. Cette fragmentation du politique a renforc&eacute; encore davantage la puissance &eacute;conomique. L'autorit&eacute; politique des pays s'affaiblit donc encore plus. </font></p> <p><font face="Arial Gras">Ainsi plac&eacute; dans une situation fragilis&eacute;e, l'&Eacute;tat ne peut plus assumer les responsabilit&eacute;s auxquelles il a habitu&eacute; ces citoyens. Il en devient m&ecirc;me d'autant moins capable que la diminution de son autorit&eacute; verticale rend fort peu efficaces, dans plusieurs domaines, les tentatives de coop&eacute;ration inter&eacute;tatique. Voil&agrave; donc un autre exemple du d&eacute;ficit d&eacute;mocratique.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Plus que jamais, les &Eacute;tats doivent maintenant tenir compte des points de vue de leurs citoyens et consulter les groupes ethniques et les groupes d'int&eacute;r&ecirc;ts de chaque r&eacute;gion de leur territoire. Ils doivent mener ces consultations avant m&ecirc;me de se concerter pour coordonner leurs actions et leurs politiques. Je peux en attester personnellement, puisque le minist&egrave;re des Affaires &eacute;trang&egrave;res et du Commerce international et moi-m&ecirc;me avons men&eacute; de vastes consultations avec les entreprises, les ONG et les provinces, avant, pendant et apr&egrave;s la r&eacute;union de Seattle. </font></p> <p><font face="Arial Gras">D&eacute;sormais inh&eacute;rentes &agrave; un processus d&eacute;cisionnel d&eacute;j&agrave; complexe, ces consultations &eacute;tendues, y compris souvent celles des tribunaux, prennent beaucoup de temps et se terminent souvent sans effet positif &eacute;vident. Malgr&eacute; tout, je reste tr&egrave;s d&eacute;termin&eacute; &agrave; maintenir et &agrave; &eacute;largir notre politique de consultation et d'inclusion.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Le temps politique conna&icirc;t de ce fait un ralentissement certain, tout comme la capacit&eacute; d'action et de r&eacute;action de l'&Eacute;tat. Au m&ecirc;me moment, les ONG ont vu une acc&eacute;l&eacute;ration rapide de leur temps et sont d&eacute;sormais capables de mobiliser des troupes en quelques heures.</font></p> <p><font face="Arial Gras"><strong>Le probl&egrave;me de l'exclusion et la question des valeurs </strong></font></p> <p><font face="Arial Gras">Reconna&icirc;tre que l'&egrave;re de l'internationalisation a r&eacute;solument c&eacute;d&eacute; le pas &agrave; celle de la mondialisation, c'est une chose. &Agrave; titre de membre du gouvernement, je crois que nous avons aussi la responsabilit&eacute; de reconna&icirc;tre et d'accepter que, m&ecirc;me si la mondialisation entra&icirc;ne d'importants progr&egrave;s sur les plans de l'efficacit&eacute;, de la productivit&eacute;, de l'avancement des sciences et des technologies, ainsi que des &eacute;changes culturels, la mondialisation peut entra&icirc;ner des effets pervers.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Premi&egrave;rement, la mondialisation repr&eacute;sente non seulement une contestation redoutable et profonde de l'&Eacute;tat, mais elle provoque de fa&ccedil;on compr&eacute;hensible une crise d'identit&eacute; chez les individus. La crise identitaire sans pr&eacute;c&eacute;dent que vivent<em> </em>de si nombreux citoyens de partout n'est cependant pas que politique et culturelle&nbsp;: elle est aussi &eacute;conomique. Car, en passant du capitalisme industriel au capitalisme financier, on est pass&eacute; trop souvent du ph&eacute;nom&egrave;ne de l'exploitation &agrave; celui, beaucoup plus radical et inqui&eacute;tant, de l'exclusion.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Autrefois, l'exploit&eacute; existait dans un rapport social, il se situait dans une &eacute;chelle sociale, selon l'expression consacr&eacute;e. L'exploit&eacute; pouvait s'organiser et revendiquer, parce qu'on avait encore besoin de son travail.</font></p> <p><font face="Arial Gras">La mondialisation a provoqu&eacute; un ph&eacute;nom&egrave;ne secondaire -- l'exclusion. La situation de l'exclu est diff&eacute;rente, puisque le capital peut &ecirc;tre cr&eacute;&eacute; sans lui. Parce qu'il&nbsp;n'existe pas dans un rapport social o&ugrave;, tout en &eacute;tant exploit&eacute;, il est tout de m&ecirc;me n&eacute;cessaire, l'exploit&eacute; peut &ecirc;tre et est effectivement ignor&eacute;. Sans un rapport social sur lequel ils peuvent s'appuyer, ceux qui se retrouvent dans cette situation ne savent pas comment y faire face et deviennent de plus en plus isol&eacute;s du reste de la soci&eacute;t&eacute;. Ils se sentent improductifs, de trop et rejet&eacute;s. </font></p> <p><font face="Arial Gras">L'exclusion pourrait bien &ecirc;tre le d&eacute;fi le plus urgent que doivent relever actuellement les gouvernements du monde entier.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Autre probl&egrave;me, ce risque d'exclusion vaut aussi bien pour les &Eacute;tats marginalis&eacute;s sur la sc&egrave;ne mondiale que pour les populations marginalis&eacute;es dans chacune de nos soci&eacute;t&eacute;s. Par exemple, un autre effet pervers possible de ce ph&eacute;nom&egrave;ne est le recul du politique et, notamment, de l'&Eacute;tat, qui risque de compromettre la redistribution de la richesse, n&eacute;cessaire &agrave; l'&eacute;galisation des chances pour tous, ce dont le march&eacute; ne se soucie pas parce que ce n'est pas sa fonction. Ainsi, les programmes sociaux subissent de puissantes pressions &agrave; la baisse, ce qui risque d'accentuer encore l'exclusion des moins avantag&eacute;s.</font></p> <p><font face="Arial Gras"><strong>Une red&eacute;finition de l'activit&eacute; politique s'impose</strong></font></p> <p><font face="Arial Gras">Pourquoi soulever ces probl&egrave;mes? Parce qu'une red&eacute;finition de l'activit&eacute; politique s'impose, &agrave; mon avis. Nous devons trouver le moyen de concilier une &eacute;conomie plan&eacute;taire qui fonctionne &agrave; l'&eacute;chelle internationale avec un r&eacute;gime politique et l&eacute;gislatif qui reste centr&eacute; sur l'&Eacute;tat.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Le politique, au sens le plus noble du terme, doit trouver le moyen de rappeler &agrave; l'&eacute;conomique sa finalit&eacute; humaine. La mondialisation pourra donner sa pleine mesure uniquement si elle accepte que le pouvoir politique «&nbsp;r&eacute;invent&eacute;&nbsp;» lui assigne une orientation plus respectueuse de l'ensemble des individus. </font></p> <p><font face="Arial Gras">Ce que, dans le pass&eacute;, l'&Eacute;tat a fait pour l'&eacute;conomie et, donc, pour les personnes en cr&eacute;ant des march&eacute;s nationaux, le politique doit, &agrave; l'heure actuelle, le refaire en se faisant gardien vigilant et diligent des buts humains de l'activit&eacute; &eacute;conomique.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Dans un tel contexte, je crois que l'&eacute;ducation -- c'est-&agrave;-dire la base de tout d&eacute;veloppement humain, le fondement de la lutte &agrave; l'exclusion -- rev&ecirc;t une importance cruciale. Les technologies de pointe permettent d'augmenter consid&eacute;rablement la puissance de l'activit&eacute; &eacute;ducative et de rejoindre plus de gens que jamais auparavant dans l'histoire. Bref, autant les nouvelles technologies peuvent entra&icirc;ner l'exclusion, autant elles peuvent la combattre. Heureux paradoxe, dont il revient au politique d'exploiter toutes les virtualit&eacute;s.</font></p> <p><font face="Arial Gras"><strong>Les r&eacute;unions du FMI et de la Banque mondiale &agrave; Washington&nbsp;: Imitation de Seattle?</strong></font></p> <p><font face="Arial Gras">Les manifestations dans les rues de Washington il y a quelques semaines t&eacute;moignent de l'ampleur des pr&eacute;occupations et peut-&ecirc;tre de la peur grandissante de l'exclusion que ressentent de nombreux citoyens. Je pourrais affirmer que certaines pr&eacute;occupations tr&egrave;s &eacute;troites sont au cœur de ces manifestations ou qu'un grand nombre de manifestants sont mal inform&eacute;s, mais il serait malhonn&ecirc;te de ma part de pr&eacute;tendre qu'il n'y a pas au moins quelques inqui&eacute;tudes l&eacute;gitimes soulev&eacute;es par des organisations et des groupes cr&eacute;dibles et bien inform&eacute;s.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Deux grands sujets &eacute;taient &agrave; l'ordre du jour de la r&eacute;union du Comit&eacute; du d&eacute;veloppement le 17&nbsp;avril &agrave; Washington. Le premier &eacute;tait l'&eacute;pid&eacute;mie de VIH/sida et l'autre, le commerce et le d&eacute;veloppement. Pour la premi&egrave;re fois, la Banque mondiale et le FMI [Fonds mon&eacute;taire international] se concentraient tout particuli&egrave;rement sur la contribution que peut apporter le commerce &agrave; la croissance &eacute;conomique et au d&eacute;veloppement. Ils ont ainsi d&eacute;montr&eacute; l'attention croissante que les intervenants multilat&eacute;raux accordent &agrave; la n&eacute;cessit&eacute; de coordonner leurs efforts. Bref, ils ont t&eacute;moign&eacute; de la n&eacute;cessit&eacute; d'adopter des politiques &eacute;conomiques internationales coh&eacute;rentes.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Le besoin d'une coh&eacute;rence accrue est devenu de plus en plus &eacute;vident ces derni&egrave;res ann&eacute;es. Seattle a fait passer le message encore plus clairement. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai consacr&eacute; tant de temps &agrave; promouvoir cette cause dans les discussions avec mes homologues internationaux -- ainsi que dans de nombreuses allocutions prononc&eacute;es au Canada -- ces derniers mois.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Permettez-moi toutefois de revenir sur les r&eacute;unions de Washington. Ce sont les ministres des Finances ainsi que les ministres de la Coop&eacute;ration internationale qui se sont r&eacute;unis &agrave; Washington. M.&nbsp;Martin et M<sup>me</sup>&nbsp;Minna y repr&eacute;sentaient le Canada. Les ministres r&eacute;unis &agrave; Washington ont reconnu au cours de leurs discussions qu'il &eacute;tait essentiel de tenir compte des questions commerciales dans la vaste perspective internationale de la croissance &eacute;conomique et du d&eacute;veloppement. Dans son allocution, M.&nbsp;Martin a exprim&eacute; la position du Canada selon laquelle il ne serait pas logique d'envisager la r&eacute;forme du FMI et de la Banque mondiale sans examiner d'abord les rapports entre ces organismes et les autres grandes institutions de coop&eacute;ration internationale. </font></p> <p><font face="Arial Gras">M.&nbsp;Martin et M<sup>me</sup> Minna ont &eacute;galement insist&eacute; sur la n&eacute;cessit&eacute; d'int&eacute;grer les pays pauvres dans l'&eacute;conomie mondiale, ce qui comporte comme corollaire la n&eacute;cessit&eacute; de fournir une aide li&eacute;e au commerce afin d'y parvenir. Ces id&eacute;es vont dans le droit fil du mandat de l'organisation qui occupe une si grande partie de mon temps -- l'OMC [Organisation mondiale du commerce].</font></p> <p><font face="Arial Gras">Les pays en d&eacute;veloppement doivent d'abord comprendre et pouvoir mettre en oeuvre, par des lois, les accords du cycle de l'Uruguay. Ils doivent aussi acqu&eacute;rir les comp&eacute;tences n&eacute;cessaires pour pouvoir n&eacute;gocier les nouveaux accords susceptibles de d&eacute;couler des efforts actuels (concernant l'agriculture ou les services) ou de tout nouveau cycle de n&eacute;gociations. Mais des experts des politiques &eacute;conomiques bien form&eacute;s ne r&eacute;ussiront jamais, &agrave; eux seuls, &agrave; cr&eacute;er la croissance &eacute;conomique. En plus des minist&egrave;res du Commerce international nationaux, d'autres minist&egrave;res ont besoin d'aide pour pouvoir mettre en oeuvre les accords, qu'ils portent sur les normes en mati&egrave;re d'innocuit&eacute; des aliments ou sur les proc&eacute;dures d'&eacute;valuation en douane. </font></p> <p><font face="Arial Gras">Pour que les pays en d&eacute;veloppement profitent vraiment des d&eacute;bouch&eacute;s commerciaux, ils doivent pouvoir cr&eacute;er un milieu propice, notamment une infrastructure ad&eacute;quate -- des r&eacute;seaux de transport et de communication, un cadre r&eacute;glementaire -- et leur secteur priv&eacute; doit mettre l'&eacute;paule &agrave; la roue. Autrement dit, renforcer les capacit&eacute; en mati&egrave;re de commerce signifie, au bout du compte, combler toute la gamme des besoins de d&eacute;veloppement. Cela veut dire int&eacute;grer le commerce international &agrave; la probl&eacute;matique du d&eacute;veloppement.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Par cons&eacute;quent, l'un des principaux probl&egrave;mes &agrave; r&eacute;soudre pour accro&icirc;tre la coh&eacute;rence consiste &agrave; d&eacute;terminer ce qui pourrait &ecirc;tre fait pour renforcer les capacit&eacute;s en mati&egrave;re de commerce. L'OMC, la Banque mondiale, la Conf&eacute;rence des Nations Unies sur le commerce et le d&eacute;veloppement [CNUCED], les donateurs, tous fournissent, d'une fa&ccedil;on ou d'une autre, de l'aide li&eacute;e au commerce. Le d&eacute;fi consiste &agrave; faire en sorte que les ressources limit&eacute;es sont affect&eacute;es de la mani&egrave;re la plus rentable possible afin d'&eacute;viter les chevauchements ou les lacunes.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Ce n'est pas une mince t&acirc;che, et une coordination internationale et nationale s'impose. J'ai &eacute;t&eacute; encourag&eacute; par les discussions que j'ai eues &agrave; ce sujet avec Jim Wolfensohn, et je sais que ma coll&egrave;gue Maria Minna est sensible aux besoins et &agrave; l'ampleur du d&eacute;fi. J'ai l'intention de continuer de chercher avec eux des fa&ccedil;ons d'accro&icirc;tre la contribution que le commerce peut apporter &agrave; la croissance &eacute;conomique et au d&eacute;veloppement.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Vous vous demandez peut-&ecirc;tre pourquoi le ministre du Commerce international accorde autant d'attention aux pr&eacute;occupations des pays en d&eacute;veloppement.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Je le fais pour quatre raisons&nbsp;:</font></p> <p><font face="Arial Gras">• Premi&egrave;rement, parce que nous sommes tous des citoyens du monde et, &agrave; ce titre, nous nous pr&eacute;occupons de la situation sociale et &eacute;conomique des autres &ecirc;tres humains.</font></p> <p><font face="Arial Gras">• Deuxi&egrave;mement, parce que nous avons int&eacute;r&ecirc;t &agrave; ce qu'un plus grand nombre d'intervenants s'int&egrave;grent &agrave; l'&eacute;conomie plan&eacute;taire. Un plus grand nombre de clients pour nos produits stimulera notre croissance &eacute;conomique et la leur. </font></p> <p><font face="Arial Gras">• Troisi&egrave;mement, parce que je suis convaincu que l'avenir de l'OMC, et donc la sant&eacute; future du syst&egrave;me commercial mondial, sera compromis si tous les pays n'en sont pas des membres productifs. </font></p> <p><font face="Arial Gras">• Quatri&egrave;mement, parce que l'&eacute;ventualit&eacute; de la paix et de notre s&eacute;curit&eacute; collective -- deux objectifs qui nous tiennent tous &agrave; cœur -- sera beaucoup plus palpable si nous unissons nos forces pour veiller &agrave; ce que les avantages de la mondialisation soient mieux partag&eacute;s. </font></p> <p><font face="Arial Gras">J'imagine les liens entre les divers facteurs qui contribuent &agrave; la prosp&eacute;rit&eacute; mondiale comme un «&nbsp;cercle vertueux&nbsp;». La prosp&eacute;rit&eacute; mondiale suppose le d&eacute;veloppement. Le d&eacute;veloppement suppose la croissance &eacute;conomique. La croissance suppose&nbsp;l'activit&eacute; commerciale. L'activit&eacute; commerciale suppose un bon gouvernement. Dans ce contexte, un bon gouvernement suppose plusieurs choses, notamment des investissements dans les ressources humaines, l'appui &agrave; la primaut&eacute; du droit et la coh&eacute;rence.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Je n'insinue pas une seconde qu'il faille diminuer l'importance des deux derniers facteurs -- l'appui de la primaut&eacute; du droit et des mesures pour accro&icirc;tre la coh&eacute;rence entre des organisations internationales comme la Banque mondiale, le FMI, l'OMC et les diverses agences des Nations Unies (le PNUE, par exemple) --, mais je crois que la dimension humaine dans ce bon gouvernement est particuli&egrave;rement importante. Je veux parler des investissements dans les ressources humaines, des investissements dans des activit&eacute;s comme l'apprentissage permanent et les programmes de perfectionnement, ainsi que dans les filets de s&eacute;curit&eacute; sociale. Ces types d'investissement favorisent l'inclusion et la participation dans l'&eacute;conomie, ce qui stimule la croissance et apporte de nouveaux revenus pour contribuer aux objectifs du bon gouvernement. Ces investissements peuvent aider grandement les individus &agrave; surmonter les in&eacute;vitables difficult&eacute;s de l'adaptation structurelle permanente, dans les &eacute;conomies d&eacute;velopp&eacute;es aussi bien que dans celles en d&eacute;veloppement. </font></p> <p><font face="Arial Gras"><strong>La n&eacute;cessit&eacute; d'une transparence accrue</strong></font></p> <p><font face="Arial Gras">Avant de passer &agrave; un autre sujet, j'aimerais ajouter que les r&eacute;unions du printemps de la Banque mondiale et du FMI ont &eacute;t&eacute; remarquables, non seulement &agrave; cause des mesures importantes qui y ont &eacute;t&eacute; prises du point de vue du commerce, et donc en faveur d'une coh&eacute;rence accrue dans l'&eacute;laboration des politiques &eacute;conomiques internationales, mais aussi &agrave; cause des mesures qui y ont &eacute;t&eacute; prises pour accro&icirc;tre la transparence des activit&eacute;s de ces deux organismes, et tout particuli&egrave;rement celles du FMI.</font></p> <p><font face="Arial Gras">&Agrave; titre de ministre, j'ai &eacute;galement pr&eacute;conis&eacute; que le Canada appuie une proposition visant &agrave; cr&eacute;er un service ind&eacute;pendant d'&eacute;valuation des programmes et des politiques du FMI. Le directeur ex&eacute;cutif canadien au FMI, Tom Bernes, a pr&eacute;sid&eacute; un groupe d'&eacute;valuation qui a fait cette proposition. Aux r&eacute;unions du printemps, Paul Martin a demand&eacute; que ce service prenne forme d'ici les assises annuelles de l'automne. Cette mesure devrait renforcer la cr&eacute;dibilit&eacute; et le soutien ext&eacute;rieurs dont le FMI a besoin pour garantir son efficacit&eacute;.</font></p> <p><font face="Arial Gras">&Agrave; cet &eacute;gard, l'OMC est devenue beaucoup plus transparente ces derni&egrave;res ann&eacute;es. Je suis cependant fermement convaincu qu'elle doit l'&ecirc;tre encore davantage. Je crois que rien ne contribuera davantage &agrave; dissiper les mythes que r&eacute;pandent les adversaires de l'OMC que l'ouverture de notre processus aux m&eacute;dias et au public. D'ailleurs, ils s'endormiront probablement tous en voyant les m&eacute;andres du processus et le langage technique dans toute leur splendeur.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Je crois que l'OMC pourrait aussi devenir plus transparente en adoptant quelques r&eacute;formes structurelles. J'ai souvent d&eacute;crit l'OMC comme une organisation qui a des assembl&eacute;es d'actionnaires -- sous forme de conf&eacute;rences minist&eacute;rielles tous les deux ans -- et un directeur g&eacute;n&eacute;ral de l'exploitation &agrave; plein temps, en la personne du directeur g&eacute;n&eacute;ral, mais qui n'a pas de conseil d'administration. Corriger ce probl&egrave;me pourrait dissiper les craintes des pays en d&eacute;veloppement, qui ont peur de ne pas r&eacute;ussir &agrave; se faire entendre, et accro&icirc;tre la transparence tout en am&eacute;liorant l'efficacit&eacute; de l'organisation tout enti&egrave;re.</font></p> <p><font face="Arial Gras"><strong>Une &eacute;thique renouvel&eacute;e </strong></font></p> <p><font face="Arial Gras">Cet environnement plan&eacute;taire in&eacute;dit engendre forc&eacute;ment des nouveaut&eacute;s qui exigent des adaptations. D'o&ugrave; le besoin d'une nouvelle soci&eacute;t&eacute; civile plan&eacute;taire et d'une nouvelle &eacute;thique.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Le nombre et la puissance des ONG sont de plus en plus connus, et probablement destin&eacute;s &agrave; augmenter puisque, pour l'essentiel, l'existence et l'influence des ONG tiennent aux progr&egrave;s technologiques qui ont permis le march&eacute; plan&eacute;taire.</font></p> <p><font face="Arial Gras">R&eacute;sultat imm&eacute;diat de cette situation, la perte d'autonomie des gouvernements nationaux se transforme, bon gr&eacute; mal gr&eacute;, en partage des pouvoirs entre ces derniers et un grand nombre d'ONG. Celles-ci sont d'ailleurs parvenues &agrave; occuper une place d&eacute;cisive &agrave; l'&eacute;chelle de la plan&egrave;te.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Ainsi, l'aide que les ONG apportent aux gens dans le besoin, o&ugrave; qu'ils soient au monde, d&eacute;passe l'aide procur&eacute;e aux m&ecirc;mes gens par l'ensemble du r&eacute;seau des institutions de l'ONU, &agrave; l'exclusion de la Banque mondiale et du Fonds mon&eacute;taire international. Dans le domaine environnemental, la croissance des ONG est surprenante.</font></p> <p><font face="Arial Gras">La prise en charge des probl&egrave;mes mondiaux par les ONG d&eacute;borde le cadre des questions environnementales pour toucher la survie des peuples indig&egrave;nes, la justice sociale, les droits humains et l'&eacute;conomie. Il est bien connu que les ONG &eacute;mettent des jugements s&eacute;v&egrave;res sur les questions de la dette mondiale, du commerce et de la validit&eacute; du r&ocirc;le des banques dans le d&eacute;veloppement mondial. Le pouvoir de n&eacute;gociation des plus grandes ONG parvient &agrave; influencer l'action &eacute;tatique dans plusieurs domaines.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Je crois que nous devons prendre tout cela tr&egrave;s au s&eacute;rieux. Beaucoup diraient simplement -- et si je n'&eacute;tais que ministre du Commerce international, ce soir j'aurais tendance &agrave; &ecirc;tre d'accord avec eux -- que les ONG ne repr&eacute;sentent personne de toutes fa&ccedil;ons. D'ailleurs, un grand nombre de ces critiques pr&eacute;tendent que Ralph Nader est subventionn&eacute; par l'industrie am&eacute;ricaine du textile, et qu'un grand nombre des manifestants pr&eacute;sents &agrave; Seattle, loin de r&ecirc;ver d'un monde plus id&eacute;aliste, ne cherchaient simplement qu'&agrave; d&eacute;fendre leurs int&eacute;r&ecirc;ts tr&egrave;s &eacute;troits. Certains font remarquer, par exemple, que parmi les 50&nbsp;000&nbsp;manifestants, 25&nbsp;000&nbsp;&eacute;taient des syndiqu&eacute;s de la FAT-COI [F&eacute;d&eacute;ration am&eacute;ricaine du travail et Congr&egrave;s des organisations industrielles]. Toutes ces affirmations sont &agrave; tout le moins discutables et beaucoup soutiendraient qu'il s'agit de la v&eacute;rit&eacute; absolue, mais je pense qu'il ne serait pas tr&egrave;s rassurant de ramener le d&eacute;bat &agrave; un cadre aussi &eacute;troit.</font></p> <p><font face="Arial Gras">L'id&eacute;e importante, c'est que l'ordre international n'est pas &eacute;quip&eacute; pour affronter ces nouveaux enjeux et organiser ces nouveaux acteurs. D'abord et avant tout inter-&eacute;tatique, l'ordre international n'a m&ecirc;me pas commenc&eacute; &agrave; refl&eacute;ter l'&eacute;volution favorisant la soci&eacute;t&eacute; civile aux d&eacute;pens du secteur public. D'o&ugrave; la question suivante&nbsp;: quoiqu'il n'y ait toujours pas de v&eacute;ritable communaut&eacute; mondiale, peut-on d&egrave;s maintenant penser &agrave; un droit mondial, &agrave; une nouvelle &eacute;thique?</font></p> <p><font face="Arial Gras">Non seulement nous le pouvons, mais nous le devons. Nous n'avons tout simplement pas le choix.</font></p> <p><font face="Arial Gras">L'internationalisation c&egrave;de le pas &agrave; la mondialisation. L'&Eacute;tat est contest&eacute; par le march&eacute;. Si nous voulons humaniser la mondialisation, il nous faudra une nouvelle &eacute;thique, qui ne pourra pas reposer, comme dans le cas du d&eacute;veloppement &eacute;conomique, sur le seul int&eacute;r&ecirc;t individuel. La bonne nouvelle, c'est que cette nouvelle &eacute;thique est en train d'&eacute;clore.</font></p> <p><font face="Arial Gras">On pourrait peut-&ecirc;tre d&eacute;crire le changement que nous constatons comme le passage d'une &eacute;thique de la justice -- froide et technocratique -- &agrave; une &eacute;thique de la consid&eacute;ration. Comme l'a d&eacute;clar&eacute; mon coll&egrave;gue Paul Martin &agrave; Washington, nous devons d&eacute;montrer que les pays sont avant tout habit&eacute;s par des personnes et ne peuvent se r&eacute;sumer &agrave; une s&eacute;rie d'indicateurs &eacute;conomiques.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Je crois que le d&eacute;fi consiste moins &agrave; changer le monde qu'&agrave; nous sentir pouss&eacute;s par les forces de la mondialisation &agrave; changer ou &agrave; recomposer nos vies pour les adapter &agrave; la nouvelle r&eacute;alit&eacute;. </font></p> <p><font face="Arial Gras">Je crois &eacute;galement que les femmes auront un r&ocirc;le beaucoup plus grand &agrave; jouer au XXI<sup>e&nbsp;</sup>si&egrave;cle parce qu'elles sont beaucoup plus pr&ecirc;tes &agrave; recomposer et &agrave; r&eacute;inventer la vie que les hommes, encore tr&egrave;s port&eacute;s &agrave; vouloir changer le monde et &agrave; livrer des batailles d&eacute;pass&eacute;es. Ce n'est pas par hasard si nombre de nouveaux mouvements sociaux sont d&eacute;sormais anim&eacute;s par des femmes tandis que le mouvement syndical et les mouvements de lib&eacute;ration nationale furent et demeurent tr&egrave;s majoritairement dirig&eacute;s par des hommes.</font></p> <p><font face="Arial Gras">&Agrave; mon avis, la distinction entre le public et le priv&eacute; diminue rapidement. J'ajouterais que, en r&egrave;gle g&eacute;n&eacute;rale, les femmes sont plus avanc&eacute;es dans cette r&eacute;flexion parce qu'elles sont entr&eacute;es dans le monde du travail et des affaires tout en continuant d'assumer de grandes responsabilit&eacute;s dans leur vie priv&eacute;e. Elles devraient donc &ecirc;tre mieux plac&eacute;es pour affronter le changement. Quoi qu'il en soit, la participation des femmes dans la soci&eacute;t&eacute; en &eacute;mergence renforcera in&eacute;vitablement l'&eacute;thique de la consid&eacute;ration, parce que, au cours des derniers si&egrave;cles, les hommes ont &eacute;t&eacute; plus sensibles &agrave; l'&eacute;thique de la justice.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Je crois que les immigrants&nbsp;seront avantag&eacute;s eux aussi parce qu'ils ont d&eacute;j&agrave; d&ucirc; se r&eacute;inventer une fois lorsqu'ils ont &eacute;migr&eacute; dans une soci&eacute;t&eacute; diff&eacute;rente. Ayant d&ucirc; recomposer leur vie, ils ont une forte longueur d'avance sur ceux qui n'ont pas encore &eacute;t&eacute; forc&eacute;s de le faire.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Un autre groupe -- les jeunes -- sera avantag&eacute; lui aussi, parce que les jeunes sont n&eacute;s dans la culture de l'informatique et d'Internet et que tout cela fait partie de la mondialisation.</font></p> <p><font face="Arial Gras">C'est pour cette raison que j'affirme dans mon livre que ces trois groupes sont beaucoup plus pr&ecirc;ts que d'autres &agrave; apporter leur contribution. Je crois que, pour bien gouverner dans ce nouveau si&egrave;cle, il faudra faire place &agrave; ces groupes qui sont les plus avanc&eacute;s et les plus en mesure d'apporter des solutions aux probl&egrave;mes de la mondialisation. Je pense que c'est l'une des le&ccedil;ons les plus importantes que j'ai tir&eacute;es de Seattle.</font></p> <p><font face="Arial Gras"><strong>Le bien commun</strong></font></p> <p><font face="Arial Gras">Je crois qu'il faut en revenir au concept de bien commun. Selon son acception originelle, le bien commun vise l'accomplissement ultime de l'&ecirc;tre humain et de la soci&eacute;t&eacute; humaine, c'est-&agrave;-dire le degr&eacute; le plus achev&eacute; de d&eacute;veloppement &agrave; la fois personnel et communautaire. </font></p> <p><font face="Arial Gras">Pour la doctrine lib&eacute;rale am&eacute;ricaine, le bien commun fait r&eacute;f&eacute;rence au «&nbsp;bien public&nbsp;» et &agrave; l'am&eacute;lioration de la condition humaine partout sur la terre par la vertu, la cr&eacute;ativit&eacute; et l'esprit d'entreprise des citoyens libres. Dans sa version la plus r&eacute;cente et influenc&eacute;e par la doctrine sociale catholique du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle, l'essence du bien commun est de garantir dans la vie sociale les bienfaits de la coop&eacute;ration volontaire.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Mais il&nbsp;existe une trag&eacute;die du bien commun. Elle se produit lorsque le bien commun est sacrifi&eacute; parce qu'aucun acteur ne s'engage de fa&ccedil;on unilat&eacute;rale dans une politique de pr&eacute;vention quand seule une action mondiale concert&eacute;e a quelque chance de succ&egrave;s. Afin d'&eacute;viter ce non-engagement, nous devons veiller &agrave; ce qu'&eacute;merge un autre niveau de conscience, qui reconna&icirc;t que la poursuite du bien commun r&eacute;ussira en grande partie si la g&eacute;n&eacute;rosit&eacute; est renforc&eacute;e et capable d'ignorer ou, &agrave; tout le moins, de dominer les sollicitations de l'&eacute;go&iuml;sme.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Pour y parvenir, je pense que nous devrons r&eacute;inventer&nbsp;la d&eacute;mocratie. La nouvelle d&eacute;mocratie devra refl&eacute;ter la r&eacute;alit&eacute; d'un tr&egrave;s grand nombre de citoyens.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Qu'entend-on au juste, par «&nbsp;citoyennet&eacute;&nbsp;»? Pendant plus de 400&nbsp;ans, l'&Eacute;tat est venu conqu&eacute;rir la loyaut&eacute; de tous ceux qui habitaient sur son territoire.&nbsp;L'&Eacute;tat a commenc&eacute; la conqu&ecirc;te de&nbsp;la loyaut&eacute; des citoyens en leur garantissant d'abord la s&eacute;curit&eacute; physique -- en arr&ecirc;tant les voleurs sur les routes qui reliaient les villes de l'Europe m&eacute;di&eacute;vale, par exemple. </font></p> <p><font face="Arial Gras">Deuxi&egrave;mement, l'&Eacute;tat a garanti la s&eacute;curit&eacute; &eacute;conomique des entreprises, ce qui a men&eacute; &agrave; la cr&eacute;ation de ce que nous appelons le capitalisme et les march&eacute;s nationaux. Jadis, il&nbsp;n'y avait pas de march&eacute;s nationaux, seulement des march&eacute;s locaux. On a cr&eacute;&eacute; les march&eacute;s nationaux quand on a donn&eacute; certains droits &eacute;conomiques aux corporations. Puis, lorsque les &Eacute;tats ont choisi de s'allier &agrave; une nation, habituellement la nation majoritaire sur un territoire donn&eacute;, ils ont pu cr&eacute;er les liens &eacute;motifs n&eacute;cessaires pour que les citoyens acceptent de faire des sacrifices. L'all&eacute;geance des citoyens a &eacute;t&eacute; renforc&eacute;e par l'&Eacute;tat avec l'arriv&eacute;e de la s&eacute;curit&eacute; sociale. Le <em>New Deal</em> en a &eacute;t&eacute; l'un des premiers et des meilleurs exemples au XX<sup>e</sup> si&egrave;cle.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Donc, nous pourrions affirmer que l'&Eacute;tat a obtenu la loyaut&eacute; des citoyens en leur garantissant, dans l'ordre, la s&eacute;curit&eacute; physique, la s&eacute;curit&eacute; &eacute;conomique et la s&eacute;curit&eacute; sociale.</font></p> <p><font face="Arial Gras">De nos jours cependant, l'individu ne se consid&egrave;re plus seulement comme le citoyen d'un territoire ou d'un pays donn&eacute;. Ce qui le caract&eacute;rise de plus en plus, c'est le sentiment d'appartenir &agrave; toutes sortes d'autres r&eacute;seaux qui ne se limitent pas n&eacute;cessairement &agrave; son propre territoire. Il fait partie de r&eacute;seaux horizontaux comme Greenpeace, Amnistie Internationale, M&eacute;decins sans fronti&egrave;res. De nos jours, de plus en plus de gens appartiennent &agrave; des groupes de ce genre. L'identit&eacute; d'un nombre de plus en plus &eacute;lev&eacute; de personnes devient donc extr&ecirc;mement complexe. </font></p> <p><font face="Arial Gras">M&ecirc;me la citoyennet&eacute; nationale devient moins &eacute;vidente. L'automne dernier, par exemple, quand j'&eacute;tais au Japon, j'ai demand&eacute; &agrave; un jeune Fran&ccedil;ais ce qu'il&nbsp;&eacute;tait et j'ai &eacute;t&eacute; renvers&eacute; par sa r&eacute;ponse spontan&eacute;e&nbsp;:&nbsp;«&nbsp;Europ&eacute;en&nbsp;». On n'aurait jamais entendu cela il y a 25&nbsp;ans&nbsp;-- jamais de la vie! Un Fran&ccedil;ais &eacute;tait Fran&ccedil;ais, et un Allemand &eacute;tait Allemand. Maintenant, ils se d&eacute;finissent de plus en plus comme des Europ&eacute;ens!</font></p> <p><font face="Arial Gras">Donc, la mondialisation a d&eacute;j&agrave; fait &eacute;clater certaines identit&eacute;s traditionnelles. Mais je constate une transformation beaucoup plus radicale que le passage d'un niveau &agrave; un autre, ce que je consid&eacute;rerais encore comme une identit&eacute; verticale, verticale en ce sens qu'il s'agit encore d'un &Eacute;tat et d'un territoire, qu'il s'agisse de l'Europe ou de la France. </font></p> <p><font face="Arial Gras">Je pense que les identit&eacute;s deviennent de moins en moins verticales et de plus en plus horizontales. Tout &eacute;tait vertical aux XIX<sup>e</sup> et au XX<sup>e</sup> si&egrave;cles. La classe sociale &eacute;tait verticale; on appartenait&nbsp;&agrave; la classe ouvri&egrave;re, &agrave; la classe moyenne ou &agrave; la classe sup&eacute;rieure. M&ecirc;me le niveau d'&eacute;ducation reposait sur l'identit&eacute; verticale. </font></p> <p><font face="Arial Gras">D&eacute;sormais, nos identit&eacute;s seront de plus en plus horizontales. Nous sommes plus pr&egrave;s ou plus &eacute;loign&eacute;s du centre de plusieurs cercles diff&eacute;rents auxquels nous appartenons, et cela modifie tr&egrave;s radicalement la fa&ccedil;on dont les gens se d&eacute;finissent. Cette nouvelle g&eacute;om&eacute;trie rendra l'activit&eacute; politique tr&egrave;s tr&egrave;s compliqu&eacute;e.</font></p> <p><font face="Arial Gras">S'agissant des nouvelles valeurs altruistes qu'il nous faudra instaurer, nous devons toutefois reconna&icirc;tre en tout r&eacute;alisme que le ressort du libre-&eacute;change ne nous sera pas d'un grand secours. Pourquoi? Parce que la co&iuml;ncidence objective entre l'ouverture commerciale sur les autres et les avantages financiers de cette ouverture n'existe pas dans le cas de l'instauration de nouvelles valeurs et du bien commun alors qu'elle existait dans le cas de l'instauration du libre-&eacute;change. On aper&ccedil;oit donc tout de suite l'envergure du d&eacute;fi.</font></p> <p><font face="Arial Gras"><strong>L'exp&eacute;rience canadienne des identit&eacute;s plurielles </strong></font></p> <p><font face="Arial Gras">En terminant, je voudrais revenir sur l'une des affirmations que j'ai faites au d&eacute;but, quand je disais que le pluralisme est &agrave; la base m&ecirc;me du Canada. De nombreux groupes ethniques ont jou&eacute; un r&ocirc;le dans la cr&eacute;ation de ce pays «&nbsp;anormal&nbsp;» qu'est le Canada et ils continuent de participer&nbsp;&agrave; cette cr&eacute;ation qui se poursuit sans cesse en vue d'assurer les ajustements n&eacute;cessaires aux multiples et profonds changements qui surviennent.</font></p> <p><font face="Arial Gras">C'est pourquoi je suis fermement convaincu qu'en cette &egrave;re de mondialisation, qui entra&icirc;ne de nombreux flux migratoires, ce pays qui a refus&eacute; le mod&egrave;le de la modernit&eacute;, celui de l'&Eacute;tat-nation, est annonciateur d'avenir.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Les d&eacute;cisions d'aujourd'hui engagent un horizon spatial et temporel d'une ampleur sans pr&eacute;c&eacute;dent. Elles impliquent non seulement les relations entre &Eacute;tats, soci&eacute;t&eacute;s et individus, mais aussi les relations de l'&ecirc;tre humain avec le reste de l'univers et les g&eacute;n&eacute;rations futures.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Je crois que nos valeurs canadiennes de solidarit&eacute; et de diversit&eacute; m&eacute;ritent d'&ecirc;tre prot&eacute;g&eacute;es et d&eacute;velopp&eacute;es, surtout dans un monde o&ugrave; l'exclusion risque de se r&eacute;pandre. Un monde d&eacute;pourvu des valeurs de solidarit&eacute; aurait t&ocirc;t fait de devenir irrespirable, &agrave; mon avis. </font></p> <p><font face="Arial Gras">Heureusement, cependant, je suis fermement convaincu que le Canada est bien plac&eacute; pour pouvoir relever les d&eacute;fis que j'ai &eacute;voqu&eacute;s ce soir. Je crois en outre que nous pourrions bien donner un brillant exemple de l'art de gouverner dans cette nouvelle &egrave;re.</font></p> <p><font face="Arial Gras">Je vous remercie.</font></p> </body> </html>

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Dernière mise à jour : 2006-10-30 Haut de la page
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