M. KILGOUR - ALLOCUTION À LA SÉANCE DE CLÔTURE DU VIIE SOMMET MONDIAL DES JEUNES CHEFS D'ENTREPRISES - MANHATTAN, NEW YORK
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE DAVID KILGOUR,
SECRÉTAIRE D'ÉTAT (AMÉRIQUE LATINE ET AFRIQUE),
À LA SÉANCE DE CLÔTURE DU VIIe SOMMET MONDIAL
DES JEUNES CHEFS D'ENTREPRISES
MANHATTAN, New York
Le 1er septembre 2000
Lorsque votre secrétaire général, Sujit Chowdury, m'a invité à participer à cette réunion rassemblant des
jeunes chefs d'entreprises de près de 100 pays, pour la plupart en développement, j'ai été ravi. Je vais être
franc avec vous : je crois pouvoir dire sans me tromper que, comme bien des Canadiens, un grand nombre de
vos compatriotes craignent la mondialisation. Pour bien des gens, elle amène une détérioration des valeurs
sociales, des cultures et de l'environnement. J'aimerais cependant indiquer que l'enjeu principal ne consiste
pas à déterminer le bien-fondé de la mondialisation, mais à faire en sorte qu'elle se traduise par une vie plus
épanouie pour de nombreuses personnes, y compris les plus désavantagées. La mondialisation peut être un
agent du bien, une force permettant de créer une croissance et des occasions sans précédent pour tous ceux
qui y adhèrent.
Presque partout, la mondialisation constitue une question litigieuse sur le plan politique. Dans un récent article
de Foreign Affairs, Sophie Meunier traite des sentiments antimondialisation observés en France. L'une des
remarques les plus intéressantes de l'auteure est en fait une citation du journal français Le Monde : « La
bannière rouge et jaune de l'enseigne de McDonald n'est qu'une nouvelle version du drapeau des États-Unis,
dont l'hégémonie commerciale menace l'agriculture et l'hégémonie culturelle mine insidieusement les
habitudes alimentaires -- manifestation sacrée de l'identité française. » On comprend mieux pourquoi
José Bové, l'éleveur de moutons qui a obtenu une couverture médiatique internationale pour avoir posé une
bombe dans un McDonald en France il y a près d'un an, a fait vibrer une corde sensible chez le Français
moyen.
Les économistes parlent de la mondialisation depuis des décennies, mais le terme lui-même n'est apparu que
récemment. De nombreuses personnes associent la mondialisation à un monde sans frontières. Or la réalité
actuelle, où les frontières sont encore bien présentes, est fort différente. Trop souvent, la mondialisation est
considérée comme synonyme de capitalisme déchaîné, dans le cadre duquel tout entrepreneur peut obtenir
des fonds partout sur la planète pour fabriquer n'importe quel produit et le vendre dans le monde entier.
Pourtant, la mondialisation est bien plus que le phénomène de libre circulation des biens qui s'est attiré les
foudres de nombreux critiques. La libre circulation des idées, les échanges culturels et de valeurs, l'attention
accrue que l'on accorde désormais aux questions internationales, comme les droits de la personne et la
protection de l'environnement, et les percées technologiques qui ont rapproché les personnes comme jamais
auparavant y sont aussi attribuables.
Avantages mondiaux
Presque tous les économistes sont arrivés à la conclusion que la grande majorité des habitants de notre petite
planète ont considérablement bénéficié de la croissance des marchés mondiaux et des efforts déployés dans
le cadre du GATT [Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce] et de l'organisation qui lui a
succédé, l'OMC [Organisation mondiale du commerce], pour maintenir l'ouverture des marchés.
L'expansion constante des technologies a provoqué l'élargissement des marchés et une demande accrue pour
des produits, mais aussi une concurrence plus intense. Il existe désormais plus de gens dont les ordinateurs
sont en prise directe sur le monde et qui investissent les dollars qu'ils ont gagnés à la sueur de leur front
comme jamais auparavant. Comme l'a observé Klaus Schwab, du Forum économique mondial de Davos :
« Nous sommes passés d'un monde où le plus gros écrasait le plus petit, à un autre où le plus rapide terrasse
le plus lent. » À l'heure actuelle, plus de 1,5 billion de dollars changent chaque jour de main sur les marchés
mondiaux des changes, et près d'un cinquième des biens et services produits chaque année font l'objet
d'échanges internationaux.
Les consommateurs de biens et de services de tous les pays forment, bien entendu, le premier groupe qui
profite du commerce, et ce, pour diverses raisons allant de la concurrence accrue, de l'avantage comparé et
des économies d'échelle à l'accès à un plus vaste éventail de produits et services. Cependant, certaines
personnes souffriront probablement de la mondialisation ou, tout au moins, en bénéficieront moins que les
autres.
Un faible degré d'inflation est mentionné comme l'une des conséquences positives de la mondialisation. En
effet, en raison de la concurrence accrue, les entreprises sont moins disposées à hausser les prix ou les
salaires, à moins que des augmentations de productivité ne le justifient. La croissance rapide de la technologie
et de la productivité pourrait être un autre avantage de la mondialisation, si l'on considère que l'intensification
de la concurrence internationale a, de manière générale, obligé les entreprises à innover plus rapidement
depuis les années 1970.
Tensions sociales
Selon Dani Rodrik, de l'Université Harvard, il existe trois sources de tension entre les marchés mondiaux et la
stabilité sociale.
1. En raison de la mondialisation, il est plus facile de substituer les services rendus par de grands segments de
la population active d'un pays par ceux d'un autre.
2. Les forces libérées par le commerce peuvent ébranler les normes qui régissent les pratiques des pays, par
exemple lorsque des enfants honduriens effectuent le travail de travailleurs de la Caroline du Sud ou que l'on
diminue les prestations de retraite des Français pour satisfaire aux exigences du Traité de Maastricht.
3. En raison de la mondialisation et de la pression qu'elle exerce sur la concurrence, il est plus difficile pour les
gouvernements de s'acquitter de leurs fonctions essentielles, notamment la prestation de programmes sociaux.
Depuis la Deuxième Guerre mondiale, ces programmes ont contribué à maintenir la cohésion sociale et l'appui
national en faveur de la libéralisation. En ce qui concerne le Canada, je peux affirmer que la mondialisation n'a
pas compromis notre volonté de perpétuer des programmes sociaux solides.
Tirer profit de la mondialisation
Par suite de ses observations à la fois en Europe et en Asie, M. Rodrik a en outre conclu que les pays qui ont
réussi à tirer profit de la mondialisation « [possèdent des] gouvernements proactifs, mais dont les politiques
sont en harmonie avec les marchés, ainsi qu'une couverture sociale appropriée et ne se sont intégrés à
l'économie mondiale qu'à leurs propres conditions. Cette constatation contredit en grande partie l'idée
généralement admise actuellement que la mondialisation entraîne une réduction de la fonction
gouvernementale et le rappel à l'ordre des États providence et qu'il n'existe qu'un seul modèle (anglo-américain) vers lequel il est probable que les pays vont converger ». Il soutient également que ce ne sont pas
les impôts ou le coût de la main-d'œuvre qui déterminent le lieu où se feront les investissements, mais la
qualité globale des institutions nationales d'une société, c'est-à-dire le respect de la primauté du droit et des
droits de la personne, la saine gestion publique, la stabilité sociale et politique, la conformité de l'infrastructure
et la compétence de la main-d'œuvre.
La plupart des gens admettent que, à la suite de la libéralisation sans précédent de nombreux marchés,
certaines économies ont connu une croissance spectaculaire. Selon l'OMC, le commerce international a doublé
depuis 1988, atteignant 7 billions de dollars américains. Dans le monde entier, un nombre assez important de
pays enregistrent une croissance générale rapide et, en certains cas, des taux de chômage plus bas que
jamais. En ce qui a trait au Canada, qui dépend uniquement de ses exportations, puisqu'il leur destine environ
43 p. 100 de sa production nationale brute, j'estime que presque tous les Canadiens ont profité de l'ouverture
accrue des marchés de par le monde.
Conclusions des Nations Unies sur le développement humain
De nombreuses personnes sont, à juste titre, préoccupées par l'incidence de la mondialisation sur les pays en
développement. Prenons quelques instants pour nous pencher sur ces statistiques tirées du Rapport mondial
sur le développement humain 1999 produit par les Nations Unies.
• L'écart de revenu entre le cinquième des êtres humains vivant dans les pays les plus riches et le cinquième
habitant les pays les plus pauvres a atteint 74 contre 1 en 1997, par rapport à 60 contre 1 en 1990.
• À la fin des années 1990, le cinquième de la population mondiale vivant dans les pays les plus riches se
partage : 86 p. 100 du PIB mondial -- contre à peine 1 p. 100 pour les plus pauvres; 68 p. 100 des
investissements étrangers directs -- contre à peine 1 p. 100 pour les plus pauvres; 74 p. 100 des lignes
téléphoniques mondiales -- contre à peine 1,5 p. 100 pour les plus pauvres.
Il est particulièrement saisissant de constater que la somme des trois plus imposantes fortunes du monde
excède le PIB total du groupe des pays les moins avancés, qui comptent 600 millions d'habitants. Des
statistiques de cette nature ont contribué à la perception que la mondialisation ne profite qu'aux riches, au
détriment des pauvres.
ALENA
Le 1er janvier 1994, à l'occasion de l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange nord-américain [ALENA] au
Canada, aux États-Unis et au Mexique, de nombreuses personnes se sont montrées septiques. Maintenant,
plus de cinq ans plus tard, les chiffres parlent d'eux-mêmes : le commerce de marchandises total en Amérique
du Nord a excédé les 752 milliards de dollars en 1998. Le commerce de marchandises du Canada avec le
Mexique a doublé pendant la même période, atteignant 9 milliards de dollars par année. Ces quatre dernières
années, près de 1,5 million de nouveaux emplois ont été créés au Mexique seulement. Depuis l'entrée en
vigueur de l'ALENA, 15 883 nouvelles sociétés exportatrices ont aussi vu le jour dans ce pays.
Les sceptiques craignaient aussi que l'ALENA n'entraîne la dégradation de l'environnement au Mexique, où
l'on aurait pu assouplir la réglementation en la matière pour tenter d'attirer les investisseurs. Le président
mexicain, M. Ernesto Zedillo, a dissipé ces craintes plus tôt cette année en Suisse. Il a en effet observé que,
depuis 1994, le Mexique a appliqué plus strictement les normes environnementales et que, grâce aux
nouvelles occasions d'emplois créées par le commerce international, on avait pu remplacer des activités
hautement polluantes par des activités sans danger pour l'environnement.
Pays en développement
Ces dernières années, les pays de l'Afrique subsaharienne ont commencé à sentir les avantages de la
mondialisation. Quelques-uns ont même enregistré une croissance économique qui les a placés en tête des
autres pays du monde. L'Angola, l'Ouganda et le Botswana font déjà partie des 10 économies dont la
croissance est la plus rapide au monde. Le FMI [Fonds monétaire international] prévoit que le PIB global de
l'Afrique devrait progresser de 5 p. 100 en 2000, ce qui constitue une amélioration par rapport à la croissance
de 3,1 p. 100 observée en 1999.
Le Botswana et la République de Maurice sont des exemples frappants des effets positifs de la mondialisation.
Ces deux économies ont enregistré une croissance exponentielle, accueillant, à leurs propres conditions, les
investissements étrangers et alliant succès économique, bonne gestion publique et allocations budgétaires
généreuses dans les secteurs de l'éducation et de la santé. Le Botswana est souvent cité comme l'une des
plus grandes réussites du continent africain. En effet, alors qu'il faisait partie des pays les plus pauvres au
monde au moment de son indépendance, il est, depuis 1965, l'économie qui connaît la croissance la plus
rapide au monde, avec un PIB progressant au taux annuel de 13 p. 100. Même si une réussite de cette nature
demeure l'exception et non la règle en Afrique, il n'existe aucune raison pour laquelle les autres économies ne
pourraient suivre la même voie et devenir de nouveaux centres d'activité commerciale.
À l'heure actuelle, c'est en majeure partie le fossé du savoir qui sépare les pays développés de ceux en
développement. Dans de nombreux pays en développement, les ressources et les personnes sont abondantes,
mais il existe un manque relatif d'éducation et d'expérience dans les structures économiques, sociales et
politiques qui les empêche de se montrer concurrentiels. En 1998, on comptait plus de 140 millions
d'internautes, et ce nombre devrait passer à 700 millions d'ici 2001. Toutefois, en Asie du Sud, où est
rassemblée 23 p. 100 de la population mondiale, moins de 1 p. 100 des habitants utilisent Internet. En outre,
seul 0,1 p. 100 de la population de l'Afrique subsaharienne est branché sur Internet.
Grâce à la diffusion des idées sur l'environnement, la démocratie, les droits de la personne et, même, la
création de richesses par l'intermédiaire de l'autoroute de l'information, de la télévision ou des satellites,
davantage de personnes peuvent être amenées à la table de négociation. D'après moi, un des meilleurs effets
de la mondialisation est la technologie de l'information, qui a mis l'accent sur le besoin d'étendre la démocratie
et de protéger les droits de la personne dans le monde entier. Les télédiffuseurs, comme la BBC World
Service, TV-5 et CNN, sont les principaux véhicules de la communication instantanée, qui a révolutionné notre
compréhension du monde. Par contre, l'exportation croissante des films, de la musique et des programmes
télévisés américains préoccupe de nombreuses personnes.
Où va la mondialisation?
Les gens ont bien entendu subi de grands bouleversements à la suite des problèmes financiers en Europe au
début des années 1990, de la crise en Amérique latine ayant débuté au Mexique au milieu des années 1990
ainsi que de la perturbation en Asie de l'Est, dont l'onde de choc s'est propagée en Russie et au Brésil en
1998 et en 1999. Cette instabilité financière découle peut-être du retrait soudain des capitaux de ces pays,
mais il convient de préciser que c'est grâce aux investissements mondiaux que ces pays ont connu la
prospérité plus tôt et se sont remis, pour la plupart, plus rapidement que prévu de ces crises. D'ailleurs, celles-ci n'auraient-elles pas pu être évitées si les organisations internationales et les gouvernements nationaux
avaient mieux réglementé les marchés financiers?
Les critiques de l'OMC devraient noter que le mécanisme de règlement des différends de cette organisation est
bien meilleur que celui prévu par le GATT, qui exigeait l'accord unanime de tous ses membres, y compris le
pays membre contrevenant lui-même. L'OMC ne demande l'unanimité que lorsqu'il est nécessaire de bloquer
un rapport du groupe spécial chargé du règlement du différend. Même les grands pays comme les États-Unis
ont cessé de régler les plaintes d'ordre commercial importantes à l'extérieur du GATT ou de l'OMC, ce qui
devrait généralement bénéficier aux petites économies.
Normes du travail et environnement
L'OMC a également promis d'éliminer progressivement d'ici 10 ans l'Arrangement multifibres, qui limitait les
exportations de textiles et de vêtements des pays en développement vers les pays développés. On a
commencé à prendre certaines mesures pour inclure l'agriculture dans le GATT, en convertissant, tout d'abord,
les obstacles au marché en obstacles tarifaires, dans le but ultime de négocier la diminution de ceux-ci. Un
accord parallèle au GATT, l'Accord général sur le commerce des services [AGCS], vise à réaliser dans le
secteur des services ce que le GATT a fait dans celui des biens.
Il reste néanmoins trois domaines sur lesquels l'OMC n'a pas étendu son autorité de manière sensible, soit les
normes du travail, les droits de la personne et l'environnement. En fait, je crois savoir que l'OMC permet que
l'on utilise certaines politiques commerciales, notamment les sanctions économiques, pour lutter contre les
violations des droits de la personne. La question est toutefois plus complexe en ce qui a trait aux normes du
travail. Il est évident qu'il faut interdire l'esclavage et l'exploitation de la main-d'œuvre enfantine, mais que faut-il faire dans le cas du salaire minimum, par exemple? Si ce sont surtout les employés mieux payés des pays de
l'OCDE [Organisation de coopération et de développement économiques] qui sortent perdants de l'exclusion
actuelle des normes du travail de la politique commerciale de l'OMC, n'est-il pas compréhensible que, pour les
pays en développement, cette question ne semble concerner que la protection des travailleurs des pays
développés?
Alors, que s'est-il vraiment passé en décembre dernier, lors de la Réunion ministérielle de l'OMC à Seattle? À
ma connaissance, avant le discours du président américain, les États-Unis et l'UE [Union européenne]
espéraient introduire les droits des travailleurs dans les négociations, mais au second plan seulement. Or,
lorsque dans son discours le président Clinton s'est montré ouvertement en faveur de l'utilisation de sanctions
commerciales pour assurer l'application des normes du travail, les négociations ont déraillé complètement, les
dirigeants des pays en développement ayant ensuite catégoriquement refusé de discuter de normes du travail.
Je retire de ces événements l'impression que les représentants des pays en développement qui se trouvaient à
Seattle étaient aussi mécontents que les milliers de manifestants qui se trouvaient à l'extérieur.
L'avenir demeure incertain, si l'on s'en tient aux manifestations assez récentes qui ont eu lieu à l'occasion de la
réunion du FMI et de la Banque mondiale, qui se déroulait à Washington, D.C. Le prochain président américain
devra probablement obtenir du Congrès une loi en vertu de la procédure accélérée avant que toute nouvelle
négociation commerciale puisse faire des progrès notables. La participation accrue des ONG [organisations
non gouvernementales] aux négociations commerciales pourrait aider à obtenir l'appui du public en vue de
négociations futures. Les pays en développement devraient prendre part officiellement à la prise de décision au
sein de l'OMC, par l'entremise, peut-être, d'un comité directeur. Ce dernier pourrait être composé de membres
permanents venant des économies développées et de représentants permutants des petits pays ou des pays
en développement.
Si l'on songe à l'issue qu'a connue en 1914 la victoire de courte durée de l'économie de marché et de la
démocratie libérale sur le mercantilisme et le nationalisme, les solutions de rechange à la mondialisation
dirigée pourraient s'avérer encore plus pénibles. Il nous faut renforcer la mondialisation actuelle au moyen de
programmes sociaux, de filets de sécurité sociale et d'investissements accrus dans l'éducation et la formation.
Nous ne pourrons impunément faire fi des efforts que la mondialisation exige de chacun de nous pour lui
donner une légitimité réelle dans chacun de nos pays et promouvoir l'ouverture de toutes les économies.
De nombreuses personnes, avec qui j'ai discuté au Canada et ailleurs, estiment qu'à l'heure actuelle
l'opposition à la mondialisation prend de l'ampleur. Si Fred Bergsten, de l'Institut d'économie internationale, voit
juste en disant qu'en ce qui concerne les questions commerciales, nous pouvons soit avancer, soit tomber (la
théorie de la bicyclette), il nous reste à tous beaucoup à faire. Il est manifeste que la mondialisation est une
force de grand changement et non pas un mirage à l'horizon. Grâce à la technologie, aux moyens de
communications et à l'économie, la mondialisation et l'intensification de nos rapports sont inévitables. Le temps
et les distances diminuent : la mondialisation reflète cette réalité. C'est pourquoi je m'interroge au sujet des
personnes qui condamnent entièrement la mondialisation. Les pays ne peuvent réussir en demeurant isolés.
Un pays pauvre qui ferme ses frontières à l'investissement restera probablement pauvre. Tout en étant une
menace pour le système même qui la soutient, la mondialisation peut en même temps se faire le champion de
la stabilité, de la démocratie et d'un partage accru dans le monde.
M. Bergsten estime en outre que chacun de nous devrait être actif dans son propre pays dans les quatre
domaines suivants :
1. Il faut s'occuper avant tout de l'éducation du public, qui exigera une meilleure analyse des conséquences
réelles de la mondialisation, notamment de ses avantages.
2. Il faut admettre en toute honnêteté que la mondialisation se fait à un certain coût et au détriment de
certaines personnes. Elle entraîne aussi la nécessité de créer, dans de nombreux pays, de meilleurs filets de
sécurité sociale ainsi que des programmes d'éducation et de formation à l'intention des personnes qui ont subi
les contrecoups de la mondialisation, directement ou indirectement.
3. Il faut examiner les efforts déployés pour réformer les institutions financières internationales en vue de
prévenir les crises. Il s'agira notamment d'approuver le contrôle des mouvements de capitaux dans certains
cas, d'améliorer l'efficacité des systèmes d'avertissement rapides, de mieux coordonner les taux de change
entre les grandes économies et de faire participer plus systématiquement le secteur privé aux opérations de
sauvetage.
4. Il faut relancer la véritable libéralisation multilatérale du système commercial mondial, qui s'attaquera aux
principales questions soulevées par les critiques, notamment le commerce des produits alimentaires, les
accords sur le travail et l'environnement.
En votre qualité de chefs d'entreprises, le monde compte sur vous pour que la mondialisation profite à tous. Je
vous souhaite de réussir dans tout ce que vous entreprendrez et je me réjouis à l'avance à la perspective de
tous vous rencontrer de nouveau, qui sait peut-être au Canada?
Je vous remercie.