Le 21 avril 2006
VANCOUVER (Colombie-Britannique)
2006/2
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION DE
L'HONORABLE DAVID L. EMERSON,
MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL
ET MINISTRE DE LA PORTE D'ENTRÉE DU PACIFIQUE
ET DES OLYMPIQUES DE VANCOUVER-WHISTLER,
DEVANT LA CHAMBRE DE COMMERCE DE VANCOUVER
« PORTE D'ENTRÉE DU PACIFIQUE, COMMERCE
ET RÉUSSITE EN MATIÈRE DE COMPÉTITIVITÉ »
Mesdames et Messieurs, bonjour. Il m'est toujours agréable de me retrouver parmi
vous à la Chambre de commerce de Vancouver.
J'aimerais tout d'abord féliciter le président de la Chambre de commerce de Vancouver,
Dan Muzyka. Vous avez fait un travail formidable à la direction de cet organisme. Je
pense que tout le monde ici à Vancouver reconnaîtra que cette association de gens
d'affaires est la plus prestigieuse de la Colombie-Britannique et que vous y
accomplissez un travail fantastique, que vous y soulevez les questions qui doivent
l'être, et que vous faites en sorte qu'on y apporte toute l'attention qu'elles méritent. Ce
faisant, vous jouez un rôle très, très important, et nos gouvernements auraient
beaucoup à risquer à ne pas vous écouter.
M. Muzyka vous a dit un mot des circonstances économiques extraordinaires dans
lesquelles nous nous trouvons ces temps-ci en Colombie-Britannique et dans l'Ouest
canadien. Nous sommes tous conscients, je pense, que nous connaissons des taux de
croissance exceptionnels, que nous assistons à une hausse flamboyante de la
construction domiciliaire, et que notre main-d'œuvre a peine à suffire à la tâche, si je
puis m'exprimer ainsi. Nous avons le vent en poupe, et on reconnaît à tous les niveaux
et dans tous les segments de la société canadienne que ce vent qui nous est favorable
a quelque chose à voir avec le déplacement vers l'ouest du centre de gravité de
l'économie canadienne. Naturellement, cette situation n'est pas sans créer des
tensions, par exemple des pressions constantes sur le taux de change. À Vancouver,
l'activité économique est devenue telle qu'il n'y a plus moyen de s'y déplacer en voiture
sans devoir contourner des zones de construction où l'on peut compter au total, j'en
suis sûr, une quinzaine de grues, peut-être même plus, ce dont nous aurions d'ailleurs
bien tort de nous plaindre.
Et comme le disait M. Muzyka, quand on s'arrête à penser que la Colombie-Britannique
et Vancouver sont carrément dans le peloton de tête ces temps-ci en ce qui touche la
performance économique et qu'on fait la comparaison avec ce qu'il en était à cet égard
dans les années 1990, une décennie qu'on en est tous venus à considérer comme
plutôt sombre, on constate que les choses se sont drôlement améliorées. Évidemment,
nos préparatifs pour 2010 y sont pour quelque chose, car nous tenons à profiter de
cette occasion privilégiée non seulement pour nous doter de nouvelles infrastructures
qui nous resteront, mais également pour montrer au monde entier ce qu'est Vancouver,
ce qu'est le Canada et ce qu'est la Colombie-Britannique, de même que ce que nous
avons fait et sommes capables de faire.
Je prends toujours soin de me représenter mentalement ces périodes de prospérité
économique que nous avons périodiquement connues tout au cours de notre histoire,
et j'aime alors revenir en arrière et rappeler aux gens que l'expansion rapide dont
l'Ouest canadien jouit aujourd'hui a terriblement à voir avec certaines circonstances
fortuites survenues sur les marchés des matières premières. Je ne crois pas en effet
que nous puissions prétendre que notre prospérité subite est le résultat d'un
programme audacieux que nous aurions mis en œuvre en vue de nous doter d'une
économie compétitive, solide et durable. Le prix élevé des matières premières sur les
marchés nous a été favorable et s'est traduit chez nous par une formidable création de
richesse. Cependant, nous savons également qu'après une période d'effervescence,
les marchés des matières premières peuvent parfois s'effondrer et provoquer des
faillites, comme ce fut le cas à plusieurs reprises en Colombie-Britannique depuis plus
d'un siècle.
J'y vois donc une occasion pour nous de nous interroger sur notre avenir, de nous
pencher sur la nature de notre économie et de nous demander dans quelle mesure
celle-ci repose actuellement sur des assises solides et durables.
Je pense que si vous vous donnez la peine d'examiner la question sérieusement, vous
allez vous rendre compte que lorsque cette période d'essor que nous connaissons
s'estompera, il nous restera encore terriblement de travail à faire pour mettre sur pied
une économie diversifiée, forte, durable et prospère.
C'est pourquoi je veux vous parler aujourd'hui de la porte d'entrée du Pacifique et de
son rôle au regard de notre objectif de compétitivité, car nos gouvernements, depuis
aussi longtemps que je me souvienne, c'est-à-dire depuis fort longtemps, n'en ont eu,
en Colombie-Britannique et, bien sûr, en Alberta et dans les autres provinces de
l'Ouest, que pour ce que j'appelle le « Saint-Graal » de la diversification économique.
Depuis 50 ans, il n'y a pas eu dans l'Ouest, selon moi, de gouvernement qui ait accédé
au pouvoir sans avoir eu comme unique objectif la diversification économique, et le
problème, c'est qu'aucun d'entre eux n'a vraiment trouvé la recette magique pour
diversifier l'économie. Et s'ils n'ont pas trouvé cette recette magique, c'est parce qu'il
n'existe pas, à mon sens, de recette magique que les gouvernements puissent ainsi
concocter. Je crois que la recette magique est plus complexe que cela et qu'en réalité,
elle réside dans ce à quoi M. Muzyka a fait allusion, comme moi-même d'ailleurs, à
savoir la compétitivité de l'économie.
Nous aurons des industries qui ne sont pas carrément et directement tributaires des
roches, des arbres et du carbone que nous procure notre sol si nous avons un
environnement économique compétitif, c'est-à-dire capable d'attirer des
investissements ainsi que de la main-d'œuvre qualifiée que d'autres pays ou régions du
globe essaient également d'attirer. Essentiellement, il nous faudra nous doter d'un plan
d'action en vue d'atteindre la compétitivité, un plan qui devra viser plus large que la
simple intervention de l'État pour venir en aide à telle ou telle industrie particulière. Ce
qu'il nous faudra faire, en réalité, c'est de nous attaquer aux fondements mêmes de ce
qui conditionne l'économie et la compétitivité, car si nous visons juste en ce sens, la
prospérité exceptionnelle que nous connaissons aujourd'hui évoluera et l'économie de
la Colombie-Britannique entrera dans une période de transition, mais elle sera alors
devenue hautement compétitive, elle n'aura plus besoin d'aide extérieure et elle pourra
encaisser les inévitables chocs et secousses de l'économie mondiale.
Je vais donc vous parler un peu de compétitivité et du rôle que peut jouer à cet égard
notre projet de porte d'entrée du Pacifique. Toutefois, je tiens d'abord à vous rappeler
que nous sommes une petite économie ouverte. Je ne me lasserai jamais de le répéter.
Nous sommes une petite économie commerçante. La population du Canada dans son
ensemble est moins importante que celle de la Californie. Nous sommes éparpillés sur
un territoire plus vaste que celui de la partie continentale des États-Unis. Il nous faut
donc commercer pour générer de la prospérité, des emplois et de la richesse. Le
commerce sera tout pour nous.
Quand on observe l'économie mondiale d'aujourd'hui, on constate qu'elle traverse
actuellement une période de révolution foudroyante, une révolution d'abord
commerciale, cette révolution du commerce international dont parle Thomas Friedman
dans son livre The World is Flat — si vous ne l'avez pas lu, je vous invite fortement à le
faire, car il y décrit de façon très détaillée ce qui est en train de se produire dans
l'économie mondiale. Dans l'économie mondiale d'aujourd'hui, nous savons que
n'importe qui peut communiquer avec n'importe qui d'autre, que n'importe quel
producteur peut atteindre n'importe quel consommateur, que l'information peut circuler
depuis à peu près n'importe où et de n'importe quelle source et vers à peu près
n'importe quel endroit et n'importe qui.
Nous sommes donc en pleine révolution dictée par la technologie, mais cette révolution
a des répercussions très importantes sur le plan de la compétitivité, car il en résulte que
les frontières sont aujourd'hui de moins en moins étanches. Que vous exerciez vos
activités dans tel pays plutôt que dans tel autre n'importe plus tellement car, en réalité,
la plupart des entreprises ou industries fonctionnent à partir de chaînes
d'approvisionnement mondiales où la distance entre peu ou pas du tout en ligne de
compte. Nous nous retrouvons donc avec des entreprises qui ont leurs installations de
production dans un ou plusieurs pays, leurs laboratoires de recherche dans d'autres, et
leurs centres de service à la clientèle dans d'autres encore. Nous évoluons donc dans
un monde où l'industrie et le commerce fonctionnent sur la base d'une participation à
une chaîne d'approvisionnement mondiale fortement intégrée et ayant des ramifications
un peu partout dans le monde. Elle n'est pas confinée à un pays particulier.
C'est dire qu'essentiellement, nous évoluons dans un monde où les vieilles théories
concernant le choix de l'emplacement — consistant à s’établir où les coûts de
main-d'œuvre et de transport sont plus bas et à faire de petits calculs pour en arriver à
déterminer quel est l'endroit idéal pour implanter une entreprise donnée — subissent
des changements spectaculaires. Nous sommes dans un monde de mobilité où les
capitaux circulent extrêmement librement. On investit n'importe où dans le monde où le
rapport risques-avantages est raisonnable. Aujourd'hui, les produits et services peuvent
circuler n'importe où dans le monde, et il en va de plus en plus de même en ce qui
concerne la mobilité des personnes.
Donc, les gens peuvent aujourd'hui se déplacer à peu près n'importe où dans le
monde, bien qu'il existe, certes, des règles qui limitent l'immigration. Mais, dans un
pays comme le nôtre qui s'est développé et est devenu ce qu'il est grâce à
l'immigration, il ne faudrait pas croire qu'à l'avenir, il nous sera aussi facile que par le
passé de compter sur l'immigration pour répondre à nos besoins de main-d'œuvre. Je
parierais que chacun de vous connaît quelqu'un qui a immigré ici, en provenance par
exemple de Hong Kong, et qui nous a quitté pour d'autres cieux, pour retourner en
Chine ou à Hong Kong, ou peut-être pour s'installer en Inde.
Le monde change. Les modèles commerciaux et les performances commerciales
seront désormais fortement tributaires du fonctionnement de chaînes
d'approvisionnement mondiales, de chaînes largement intégrées, qui ont des
ramifications dans le monde entier. De la façon dont le monde évolue, si vous ne
maîtrisez pas vous-même une chaîne d'approvisionnement mondiale, vous faites fort
probablement partie d'au moins une de ces chaînes et vous y êtes très fortement
intégré.
Bien entendu, l'autre révolution que connaît actuellement notre monde, c'est le
réalignement du pouvoir économique, avec l'émergence de la Chine, de l'Inde et de la
Corée du Sud. Le Japon fait un retour en force, et l'Indonésie a amorcé son ascension.
Le monde subit une transformation fondamentale. Vous n'avez qu'à observer ce qui se
passe dans les négociations à l'OMC [Organisation mondiale du commerce] pour
constater la force et le pouvoir qu'ont acquis un bon nombre des pays où il y a vingt ans
à peine, voire dix ans, c'étaient toujours les États-Uniens ou les Européens, ou encore
les Japonais, les Allemands ou les Français qui menaient la barque.
Il en va tout autrement aujourd'hui. Le monde change. Le centre de gravité économique
mondial se déplace vers l'Asie. Cette évolution aura des implications très importantes
ici même en Colombie-Britannique, notamment en ce qui a trait à notre projet de porte
d'entrée du Pacifique.
Nous vivons dans un monde où la compétition est extrêmement féroce dans tous les
domaines — pour la main-d'œuvre qualifiée, les investissements, les occasions
d'affaires, les parts de marché —, dans un monde où nous nous devons de nous
attaquer de front à cette impitoyable compétition. Or, il se trouve que nous ne sommes
pas les États-Unis. Nous n'avons pas le loisir de faire comme eux, eux qui sont à même
d'approcher leurs interlocuteurs étrangers en leur faisant miroiter qu'ils ont l'un des plus
gros et des plus dynamiques marchés du monde, puis de les convaincre, grâce à leur
pouvoir de négociation, de conclure avec eux des accords commerciaux très
avantageux pour eux-mêmes. Nous sommes la petite économie ouverte, ne l'oublions
pas. Si nous voulons être en mesure de soutenir la concurrence, il nous faudra agir de
l'intérieur. Il nous faudra faire en sorte que notre économie devienne beaucoup plus
compétitive, plus forte et plus dynamique ici même au pays. Cela nous amène à nous
demander ce que le gouvernement devrait faire pour nous orienter dans cette direction.
De plus, M. Muzyka a fait allusion à la réponse à cette question en parlant de la
nécessité de nous doter du cadre approprié, des assises appropriées.
Je ne voudrais pas m'allonger sur les questions intérieures touchant la compétitivité;
quand j'étais ministre de l'Industrie, j'ai fait de nombreux discours à ce sujet en
abordant de près les questions relatives aux politiques intérieures, mais vous savez
tous que la compétitivité, c'est une affaire de lois, de politiques touchant la
concurrence, de règles, de réglementation intelligente, de régime fiscal, autant
d'aspects qui doivent être traités de manière à ce que l'économie canadienne soit très
compétitive pour des entreprises et des industries fortement mobiles.
Sur le front international, où il m'est maintenant donné de pouvoir intervenir davantage,
on a affaire à une autre dimension du casse-tête de la compétitivité. Vous êtes tous à
même de savoir que le commerce international et notre capacité d'y soutenir la
concurrence sont très lourdement influencés et conditionnés par l'existence d'un cadre
commercial international stable, prévisible et fiable sur la base et à l'intérieur duquel
nous pouvons évoluer.
L'Organisation mondiale du commerce revêt pour le Canada une importance cruciale.
C'est l'unique tribune qui soit à même d'établir des règles internationales pour régir les
échanges internationaux en matière de commerce et d'investissement; les règles
établies à l'OMC ne sont pas les règles d'un pays particulier, mais des règles qui sont
négociées par 149 pays. De cette façon, le fait d'avoir une économie de petite taille
n'est pas un handicap, car toutes les règles établies à l'OMC sont des règles
internationales. C'est dire toute l'importance que revêt l'OMC comme cadre. Pour le
Canada, l'ALENA [Accord de libre-échange nord-américain] est également un important
cadre, compte tenu de la réalité de l'économie nord-américaine et du fait que cette
économie nord-américaine est et doit continuer d'être fortement intégrée.
Mais souvenez-vous que l'ALENA n'est pas un accord parfait. Il a ses forces et ses
faiblesses. Nous l'avons d'ailleurs constaté dans le cas de nos différends sur le bois
d'œuvre et sur le blé, ainsi que dans diverses autres circonstances, mais je vous le
rappelle, cet accord s'inscrit dans le cadre commercial international plus général dans
lequel nous évoluons.
Nous avons également des accords bilatéraux déjà conclus ou en voie de l'être avec
d'autres pays. Nous sommes en train d’élaborer un partenariat stratégique avec la
Chine. Nous travaillons à l'édification d'un partenariat renforcé avec le Japon. En ce
moment même, nous négocions un accord de libre-échange avec la Corée du Sud.
Donc, il y a un certain nombre d'autres conventions qui viennent s'imbriquer dans ce
cadre commercial international. Je me dois de vous rappeler ici que, qu'il s'agisse de
protéger les investissements des entreprises canadiennes en territoire étranger ou
d'obtenir une plus grande ouverture des marchés, ce que nous faisons, au fond, c'est
de créer un cadre propre à nous permettre, à nous, Canadiens, de participer aux
chaînes d'approvisionnement mondiales. Sans lois, sans protections juridiques, sans
mécanismes appropriés de règlement des différends, sans clarté et sans transparence,
nous aurons du mal à évoluer efficacement sur les marchés mondiaux.
C'est donc là un aspect qui me préoccupe au plus haut point et que je considère
prioritaire. Dans mon rôle de ministre du Commerce international, je me propose de
faire de l'OMC une priorité. Je veux faire de l'ALENA une priorité. D'ailleurs, à notre
dernière réunion de la Commission de l'ALENA, de nouvelles idées et de nouvelles
approches ont été lancées en vue d'améliorer et d'enrichir l'ALENA, non pas de le
réécrire, mais d'en améliorer le contenu en y renforçant les dispositions sur les règles
d'origine et en le liant à certains des accords de libre-échange que les partenaires
membres de l'ALENA mettent au point. Nous disposons donc encore là de toutes
sortes de possibilités de renforcer et de solidifier le cadre commercial qui peut nous
aider à accroître considérablement notre compétitivité.
Comme vous le savez, nous nous proposons également de conclure des accords
bilatéraux. J'en ai mentionné quelques-uns tout à l'heure. Il s'agit, dans certains cas,
d'accords de protection de l'investissement étranger. Nous sommes en voie de nous
entendre avec la Chine pour obtenir le statut de destination approuvée, mais, du
moment qu'il s'agit de la Chine, il faut y mettre le temps, je dois dire. Nous concluons
également des accords aériens bilatéraux qui sont d'une importance capitale. Nous
venons d'en signer un aujourd'hui même avec le Royaume-Uni. Ce sont là autant
d'éléments du cadre réglementaire du commerce international qui sont essentiels pour
assurer notre compétitivité future.
Maintenant, pour ce qui est de la question de la porte d'entrée du Pacifique, c'est
essentiellement une affaire de capacité en matière de transport. Il nous faut nous doter
d'un système de transport de classe mondiale propre à nous permettre d'assurer avec
efficacité la circulation des produits et des personnes vers les marchés internationaux.
C'est d'ailleurs sur le système de transport que reposeront en définitive les chaînes
d'approvisionnement mondiales dont parle M. Friedman et dont nous parlons nous
aussi aujourd'hui.
Nous avons d'immenses possibilités ici en Colombie-Britannique, et vous en avez parlé
ce matin. Nous avons de grands ports, de formidables réseaux ferroviaires, des
réseaux ferroviaires continentaux, des réseaux routiers, notre aéroport, en un mot, des
infrastructures hors pair. Nous jouissons d'un superbe avantage géographique, situés
que nous sommes en plein circuit entre l'Asie et les points les plus dynamiques de
l'économie nord-américaine. Cela nous procure un formidable avantage naturel.
Et nous avons aussi des corridors de rechange, les corridors qui passent par
Vancouver et les basses terres continentales, l'aéroport et les réseaux de surface; nous
sommes également en train de construire un tout nouveau corridor d'accès qui passera
par Rupert et la partie nord de la province et qui mènera un jour jusqu'aux États-Unis et
vers le reste du Canada.
Cependant, nous en sommes à un moment critique en ce qui concerne Vancouver et la
porte d'entrée du Pacifique. À voir les chiffres, les faits tels qu'ils sont, je ne suis pas
vraiment certain que nous avons même commencé à nous positionner comme porte
d'entrée. Nous sommes situés dans la bonne trajectoire, cela ne fait aucun doute.
Quand on considère le volume de fret qui transite par le port de Vancouver, il nous faut
certes reconnaître que nous faisons de bonnes affaires, du reste en pleine expansion.
Mais, en réalité, seule une partie relativement faible de ce fret correspond à ce que
j'appellerais à juste titre du trafic de porte d'entrée, car, à mon sens, du trafic de porte
d'entrée, c'est autre chose que de la marchandise qui provient du Canada ou y est
destinée, c'est celle qui provient d'ailleurs en Amérique du Nord, en fait des États-Unis,
ou qui y est destinée.
On peut toujours se chamailler à propos de chiffres. J'ai eu à ce sujet des discussions
avec certains des responsables du projet de porte d'entrée du Pacifique, ce qui m'a
permis d'apprendre que quelque part entre 8 et 20 p. 100 des conteneurs qui sortent du
port de Vancouver sont destinés au marché des États-Unis. Or, pour moi, cela n'est
pas suffisant pour parler de porte d'entrée réussie. Quand on observe ce qui se passe
à cet égard à Seattle, quand on voit ce qu'il en est en Californie, ou encore quand on
constate l'ampleur des investissements dans un port du Mexique pour concurrencer
directement, ce que nous nous efforçons de faire grâce à notre porte d'entrée, il y a lieu
pour nous de nous demander, à ce stade-ci, si nous sommes vraiment en voie de
réussir notre projet de porte d'entrée du Pacifique. Ce n'est pas le potentiel qui nous
manque, mais nous avons incroyablement de travail à faire pour marquer vraiment des
points et atteindre notre but.
Que nous faut-il faire? Bien, il en a été question ce matin, mais il faudrait qu'à un haut
niveau, on fasse le nécessaire pour nous doter de l'infrastructure voulue. Nous savons
qu'il y a engorgement, que notre capacité de manutention de conteneurs est déjà
utilisée au maximum. Nous savons que Delta Port voudrait bien s'agrandir, mais que le
projet est bloqué par un processus d'examen environnemental et que toutes sortes
d'autres problèmes menacent d'en retarder la réalisation. Et cela nous arrive à un
moment où il nous faut faire face à une vive concurrence de la part de nos voisins du
Sud. Nous ne pouvons nous permettre de tarder à faire ce qui s'impose; nous nous
devons d'acquérir davantage de capacité, d'aménager le terminal à conteneurs à
Rupert, d'agrandir le port de Vancouver. Quant à l'aéroport international de Vancouver,
les travaux d'agrandissement s'y poursuivent.
C'est donc dire que, côté infrastructure, il nous faudra investir des milliards dans la
réalisation de priorités stratégiques, voire critiques, et ces investissements devront
toucher tous les modes de transport d'une façon ou d'une autre.
J'aimerais toutefois vous faire remarquer une autre chose. C'est que la concrétisation
du projet de porte d'entrée du Pacifique ne passera pas par la réalisation d'une série de
projets. Il s'agit d'un système complexe qui englobe le transport et la logistique, et si le
système n'est pas au point, on pourrait dépenser des milliards et des milliards en
projets d'infrastructure sans en tirer les résultats que nous serions en droit d'attendre de
la porte d'entrée du Pacifique.
Vous savez sans doute que la porte d'entrée est tout simplement une autre chaîne
d'approvisionnement et que toute chaîne d'approvisionnement ne vaut que ce que vaut
son maillon le plus faible. Donc, tout ralentissement du mouvement des marchandises
dans les localités de la vallée du Fraser causé par l'existence d'un trop grand nombre
de passages à niveau aura pour effet de limiter la capacité d'absorption de la porte
d'entrée du Pacifique et, partant, sa compétitivité. Si les formalités à la frontière
occasionnent des retards, vous aurez beau avoir le meilleur aéroport et le meilleur port,
fussent-ils dotés d'une capacité d'accueil sans pareil, il suffira d'un embouteillage qui
paralyse ou ralentit le mouvement des marchandises, et vous courez vers l'échec.
J'avais l'habitude de toujours insister sur l'importance de s'attaquer à des problèmes
complexes en recourant à ce que j'appelle la solution du 80 p. 100, qui consiste à
commencer par résoudre 80 p. 100 du problème, puis de revenir plus tard en arrière
pour régler les 20 p. 100 restants. Bien, dans le monde moderne des chaînes
d'approvisionnement mondiales, cette logique ne tient pas, car le moindre petit
morceau du casse-tête peut en réalité compromettre la valeur et la compétitivité de tout
le système. C'est dire tout le travail qu'il nous reste à faire à cet égard. C'est d'ailleurs
pourquoi je suis si heureux que le nouveau gouvernement soit déterminé à réaliser le
projet de porte d'entrée du Pacifique.
Le gouvernement de la Colombie-Britannique a intensifié de façon spectaculaire son
engagement à l'égard du projet, notamment financièrement. Nous avons des gens
d'affaires qui siègent au Gateway Council, nous avons le WESTAC [Conseil consultatif
des transports de l'Ouest], nous pouvons compter sur l'implication des entreprises et
des personnes concernées. Il nous faudra tous veiller à ce qu'on mette en œuvre tous
les programmes voulus pour repérer les maillons les plus faibles. Il nous faudra trouver
les failles et y remédier, qu'il s'agisse de problèmes de formalités à la frontière, de
questions de sécurité, ou encore de procédures d'approbation de projet qui sont
tellement longues que l'investisseur décide parfois de placer son argent ailleurs. Ce
sont là autant d'indispensables petits morceaux du casse-tête qui ne sautent pas
forcément aux yeux dès le départ quand on envisage la réalisation de projets ou
d'installations qui exigent des milliards de dollars d'investissement.
Nous avons donc du travail à faire, mais le gouvernement du Canada est déterminé à
ce qu'il se fasse, et je sais que c'est également le cas du gouvernement de la
Colombie-Britannique. Nous allons faire le nécessaire pour que le travaille se fasse, et
nous allons prendre les mesures appropriées lorsque viendra le temps d'améliorer et
de renforcer notre cadre commercial stratégique. Nous allons exercer les pressions qui
s'imposent à cet égard, et nous allons être plus exigeants dans la négociation d'accords
commerciaux, car ce sont ces accords commerciaux qui nous procureront le genre de
cadre et de stabilité dont nous avons besoin. Notre gouvernement va se montrer très
circonspect dans le choix de ses priorités de financement, et ce ne seront pas toujours
les projets qui nécessitent un investissement de milliards de dollars que nous allons
privilégier pour faire marcher le système.
Mais si nous travaillons de concert, en collaboration — car c'est avant tout de cela que
sont constituées les chaînes d'approvisionnement mondiales : de centaines, voire de
milliers de partenaires commerciaux qui y participent d'une façon profondément
intégrée, qui créent des relations client-fournisseur très originales et très poussées,
avec des gens qui planifient jusqu'à cinq et dix ans d'avance et qui effectuent des
recherches conjointes —, c'est là le genre de choses auxquelles nous allons nous
attaquer pour faire du projet de porte d'entrée du Pacifique une réussite.
C'est ce qui me rend impatient de travailler avec tous ceux qui participent d'une façon
ou d'une autre à la réalisation du projet de porte d'entrée. La réalisation de ce projet est
essentielle pour assurer notre compétitivité future. Si nous évoluons dans un
environnement commercial ouvert et si nous nous dotons d'un système de transport
suffisamment efficace pour assurer le succès de notre porte d'entrée du Pacifique,
nous aurons apporté une précieuse contribution à la création ici, en
Colombie-Britannique, d'une assise compétitive propre à favoriser une diversification
économique de plus en plus grande. C'est de cette façon que nous pourrons voir les
extraordinaires possibilités économiques dont nous jouissons aujourd'hui se
transformer en possibilités permanentes, durables et solides pour l'avenir, de sorte que
nos enfants pourront trouver ici même en Colombie-Britannique les débouchés et les
emplois qu'ils souhaitent plutôt que d'être contraints de se tourner vers la Californie.
Je vous remercie.