Le 26 octobre 2006
TORONTO (Ontario)
2006/22
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DU
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
ET MINISTRE DE L’AGENCE DE PROMOTION ÉCONOMIQUE
DU CANADA ATLANTIQUE,
L’HONORABLE PETER MACKAY,
DEVANT LE
CONSEIL DES GENS D'AFFAIRES CANADA-INDE
C'est pour moi un plaisir d'être parmi vous en cette période d'une grande importance
pour les Indiens de confession hindoue — à l'occasion du Festival des lumières, le
Diwali — et pour ceux de confession musulmane, qui viennent d'observer l'Aïd el-Fitr,
qui marque la fin du jeûne pratiqué pendant le Ramadan.
Ce sont là des manifestations indissociables de l'Inde, qui font sa force et façonneront
son avenir et, je m'empresse d'ajouter, de plus en plus intégrées au tissu social
canadien.
Par le passé, à Ottawa, j'ai assisté aux célébrations du Diwali, toujours en compagnie
de mon secrétaire parlementaire, M. Deepak Obhrai, qui possède une profonde
connaissance de la communauté musulmane, avec laquelle il entretient des liens très
solides. Il est également un excellent ami.
Les Canadiens entretiennent depuis longtemps des relations importantes avec l’Inde,
qui se sont nouées avant même la proclamation officielle de l'indépendance indienne.
Comme pour toutes les relations parvenues à maturité, celles-ci ont connu des hauts et
des bas. Je me réjouis qu’à l'heure actuelle ces relations soient engagées dans une
voie résolument constructive. C'est ainsi que nous nous attachons à bâtir des relations
encore plus stables, fondées sur un véritable esprit de partenariat et le respect mutuel.
Il est évident que l'Inde est en train d'accéder au statut de puissance mondiale, et
qu'elle exerce une influence grandissante à l'échelle de la planète. Elle figure
également à l'ordre du jour des discussions des plus hautes instances des pays du G8,
voire de la planète.
Or, c'est ce dont j'aimerais parler ce soir, dans le temps qui m'est imparti.
Je souhaite d'abord attirer l'attention sur l'accession de l'Inde au rang des grandes
puissances économiques.
Selon le volume des échanges, il se confirme que l'Inde est la 12e économie mondiale,
et qu'elle devrait être la septième d'ici 2020. Déjà, dans moins de cinq ans, elle figurera
au rang des 10 premières.
Malgré les bouleversements, y compris les répercussions des catastrophes naturelles
et la montée en flèche récente des prix de l'énergie, l'Inde continue de connaître une
forte croissance. La stabilité de ce pays, en dépit des changements politiques et socio-économiques, et de l'importance accordée à la sécurité, fait bien ressortir sa force.
Cette forte progression se traduit également par une augmentation des besoins en
ressources naturelles. Sous ce rapport, le Canada est béni des dieux et, aux dernières
nouvelles, il souhaitait exporter ses ressources.
Notre attention doit aussi se porter sur la dimension politique de ce pays.
Pays démocratique le plus peuplé, l'Inde devrait compter plus d'habitants que la Chine
d'ici 2050, à savoir 1,5 milliard de personnes. Voilà tout un marché. Toutefois, cela
pose tout un défi pour le dépouillement du scrutin.
Par ailleurs, malgré une immense pauvreté, l'Inde croît et elle devrait représenter un
marché de 400 milliards de dollars, calculé en fonction de la parité du pouvoir d'achat,
d'ici 2010.
De même, l'Inde est dotée d'une population jeune, d'une main-d'œuvre en progression
et de classes moyennes et supérieures qui parlent couramment l'anglais, en milieu
urbain. Or, la mobilité et les moyens de transport motorisés revêtent une grande
importance pour la population active. Par conséquent, le Canada peut exporter des
biens et des services dont l'Inde a grand besoin.
Toutefois, s'il est un point sur lequel nous devons insister, c'est que l'Inde est une
démocratie, qui favorise l'éclosion de nouvelles idées, l'esprit d'entreprise et la réussite
personnelle. C'est aussi une démocratie, qui dans une très large mesure, épouse les
mêmes valeurs que le Canada.
Chaque médaille a cependant son revers.
Malgré l'importance et la croissance de son économie, l'Inde se heurte à un certain
nombre de difficultés importantes, susceptibles d'entraver cette poussée à l'avenir. Par
ailleurs, pour les sociétés étrangères, l'accès au marché indien demeure extrêmement
difficile. Et j'ai déjà mentionné la mauvaise répartition de la richesse et la pauvreté.
Comme beaucoup d'entre vous le savent déjà, pour l'avoir constaté par eux-mêmes, les
faiblesses des infrastructures indiennes posent un grave problème. Celles-ci sont en
effet en piètre état et surutilisées.
Toutefois, d'un point de vue canadien, ce qui retient l'attention, ce sont surtout les
nombreux obstacles qui entravent l'accès aux marchés indiens.
Même si, depuis le début des réformes, il y a une quinzaine d'années, l'Inde a réduit
sensiblement ses droits de douane, elle se classe encore au cinquième rang des pays
où ceux-ci sont les plus élevés. À cela s'ajoutent un certain nombre d'entraves au
commerce dans les secteurs agroalimentaire et agricole.
Certes, des investissements étrangers directs sont possibles dans un certain nombre
de secteurs, tels que l'industrie manufacturière, les services et l'infrastructure.
Toutefois, des obstacles importants subsistent dans des secteurs d'une importance
cruciale pour le Canada.
À titre d'exemple, les investissements étrangers directs ne sont pas autorisés dans les
secteurs de l'agriculture, des services juridiques et de la vente au détail. S'agissant du
secteur financier, la participation étrangère au capital des sociétés d'assurance
indienne est limitée à 26 p. 100. De même, les banques d'État exercent leur mainmise
sur 80 p. 100 du système bancaire, et les banques étrangères sont assujetties à une
lourde réglementation. C'est là un secteur extrêmement concurrentiel de notre
économie : les cinq premières banques canadiennes sont de plus en plus présentes
sur les marchés étrangers. Aucune banque canadienne n'a cependant encore pris pied
en Inde.
Aussi faut-il se demander où en sont nos échanges commerciaux et les
investissements étrangers directs.
À l'évidence, les possibilités existent, et s'élargissent. Étant donné la vigueur de la
croissance économique, elles augmenteront forcément, et nous devrons être prêts à
les saisir.
Or, des groupes comme le Conseil des gens d'affaires Canada-Inde ont un rôle
important à jouer dans la poursuite et l'amélioration des efforts en ce sens. Il leur
incombe de saisir concrètement les occasions de renforcer notre coopération
économique, politique et culturelle.
Il appartient en outre au gouvernement du Canada de vous aider à élargir l'accès au
marché indien, y compris à lever les obstacles partout où cela est possible. Nous
souhaitons conclure un jour un accord de libre-échange avec l'Inde, et nous avons bon
espoir d'y parvenir.
C'est certes là un projet emballant. Cependant, ne nous faisons pas d’illusions, nous
devrons travailler dur.
Ces jours-ci, le Canada n'est que l'un des nombreux pays qui courtisent l'Inde.
Que faut-il faire alors? Comment est-il possible de favoriser un rapprochement entre
nos deux pays, dans le meilleur intérêt de tous?
Pour ma part, j'estime que nous devons déployer des efforts sur trois grands fronts.
Premièrement, sur le plan commercial.
L'année dernière, les échanges bilatéraux entre nos deux pays se sont chiffrés à
3 milliards de dollars, ce qui est à peu près l'équivalent de nos échanges annuels avec
la Suisse. L'Inde est le 18e marché d'exportation du Canada, alors que le Canada est le
24e marché d'exportation de l'Inde.
S'agissant des investissements, les transactions sont relativement peu élevées : en
2005, les investissements indiens au Canada n'ont pas dépassé les 145 millions de
dollars, alors que les investissements canadiens en Inde se sont limités à 204 millions
de dollars.
Il est certes possible de faire mieux.
Le Canada peut exporter de l'énergie et des matières premières. De même, notre pays
est un chef de file mondial dans certains domaines de la science et de la technologie,
par exemple la technologie verte et environnementale suscite énormément d'intérêt.
De plus, notre Initiative de la porte d'entrée et du corridor de l'Asie-Pacifique, qui se
traduira par une amélioration appréciable du réseau de transport à l'échelle du pays, de
sorte qu'il sera encore plus facile d'acheminer nos produits et nos services vers l'Inde.
Il faut cependant que les entreprises canadiennes bénéficient d'un meilleur accès à
certains secteurs du marché indien. Nous souhaitons également une augmentation des
investissements indiens au Canada.
C'est pourquoi notre pays a mis en place une stratégie commerciale visant à renforcer
nos relations en ce qui concerne le commerce et l'investissement. Les secteurs
prioritaires visés par la stratégie sont ceux où le Canada fait figure de chef de file :
l'agriculture et l'agroalimentaire, les infrastructures, la technologie de l'information et
des communications, l'industrie extractive, les sciences de la vie ainsi que les services
connexes, y compris financiers.
Nous voulons encourager un plus grand nombre d'entreprises canadiennes prêtes à
exporter à saisir les occasions d'affaires qui se présentent en Inde, et mieux faire
connaître au secteur privé indien les capacités et les atouts commerciaux du Canada.
Le Conseil pourrait même jouer un rôle important dans les missions et les échanges
commerciaux.
Nous allons mettre en œuvre l'Accord sur la science et la technologie, qui va nous aider
à tisser de nouveaux partenariats et à commercialiser la recherche-développement.
En outre, nous allons augmenter notre capacité de répondre aux politiques et
règlements de l'Inde dans les domaines du commerce, de l'investissement et de
l'économie afin de surmonter les obstacles au commerce et à l'investissement canadien
en Inde et de faire en sorte que le Canada tire parti au maximum de la croissance de
l'Inde.
Deuxièmement, sur le plan politique.
L'Inde et le Canada sont tous les deux des démocraties parlementaires. En fait, le
régime indien s'inspire non pas de celui de Westminster, mais plutôt du système
parlementaire fédéral en vigueur au Canada. Nous avons en commun les mêmes
valeurs. Nous sommes deux pays du Commonwealth.
Sur le plan international, il est de l'intérêt du Canada, et de l'Inde, de militer en faveur
du développement durable, de l'essor de la démocratie, de la bonne gouvernance et du
respect des droits de la personne.
L'ACDI [Agence canadienne de développement international] a des programmes mis à
exécution par la société civile, et qui visent à améliorer la santé et la nutrition et à traiter
les personnes atteintes du VIH/sida. Des sommes sont aussi consacrées au Fonds
Inde-Canada pour l'environnement, un projet conjoint basé à Bangalore qui consiste à
améliorer la capacité de gestion de l'environnement en Inde, particulièrement dans les
secteurs de l'énergie et de l'hydroélectricité. En outre, notre Fonds canadien d'initiatives
locales est le plus gros que nous ayons en Asie.
Si on cherche la réciproque, on la trouve dans les liens personnels renforcés à la faveur
de l'expansion de la communauté indo-canadienne, dans l'augmentation des liens
universitaires et culturels entre nos deux pays, et dans notre programme d'immigration
qui tient compte des besoins économiques du Canada.
Nous tirons avantage de la présence de la grande diaspora indienne qui vit et travaille
avec succès au Canada. En effet, d'ici deux ans, l’Inde sera devenue la première
source d'immigrants au Canada.
Troisièmement, sur le plan de la sécurité.
Nous vivons à une époque dangereuse. Que nous le voulions ou non, les démocraties
sont menacées. Le 11 septembre 2001, des terroristes ont perpétré des attentats sur
notre continent, de sorte que 24 Canadiens sont morts. Ici même, dans cette ville,
18 personnes ont été arrêtées et accusées de complot. De plus, il ne faut jamais
oublier le pire attentat terroriste jamais commis dans l'histoire du Canada : l'attentat à la
bombe contre le vol d'Air India.
Le Canada et l'Inde, comme les autres démocraties, doivent lutter fermement contre
ceux qui sont prêts à perpétrer des actes terroristes, sur la base d'une interprétation
erronée de l'Islam. Nous continuerons à renforcer nos efforts communs pour protéger
nos sociétés démocratiques et instaurer la démocratie là où règne encore la noirceur.
Je voudrais vous quitter ce soir sur cette réflexion.
Le but de la politique étrangère canadienne est de promouvoir notre intérêt national,
c'est-à-dire la sécurité et la prospérité du Canada et des Canadiens. L'application de la
politique étrangère canadienne consiste à promouvoir ces intérêts nationaux
efficacement et dans le respect de nos valeurs, ce qui permet une participation accrue
du secteur privé. Les Canadiens sont généreux par nature.
Les Canadiens veulent que leur pays ait une influence dans le monde, qu'il ait la
capacité de transformer l'environnement international dans le sens de leurs besoins et
de leurs aspirations. Pour cela, il faut suivre certains principes fondamentaux.
Il est essentiel, voire crucial d'intégrer des valeurs dans la politique étrangère d'un pays.
Les valeurs humaines que partagent les gens du monde entier — liberté, démocratie,
primauté du droit, respect des droits de la personne et bon gouvernement — seront les
principes directeurs de la politique étrangère de notre gouvernement.
Nous voulons être jugés sur nos actes, et pas seulement sur nos paroles. Nous voulons
mieux cibler nos activités, et faire en sorte que nos politiques et nos priorités
concordent avec des valeurs et des intérêts canadiens clairement définis. Le
gouvernement Harper se concentre sur les résultats, ce qui implique une orientation
claire et une action résolue.
Je crois que le Canada doit continuer de s'associer à l'Inde pour promouvoir ses
intérêts économiques et sa sécurité.
S'agissant de nos relations avec l'Inde, nous savons que ce pays partage les mêmes
valeurs fondamentales que les nôtres. C'est sur ces principes communs que se fondent
ces relations et que s'orienteront les efforts visant à renforcer nos liens.
Ce sont des critères rigoureux, mais qu'il vaut la peine de respecter, parce que nos
deux pays, enracinés dans la démocratie, peuvent entretenir des liens très
enrichissants, pour eux-mêmes et pour les autres.
Je vous remercie.