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Le Canada dans le monde : Politique internationale du Canada
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Entrevue vidéo
Barry Buzan
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Le Dr. Barry Buzan discute de la sécurité en tant que concept.

Dr. Buzan est professeur de relations internationales au London School of Economics. Ses travaux portent sur la sécurité, plus particulièrement sur les théories de la sécurité.

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Entrevues vidéo: (en anglais avec transcription en français)

Note: Les opinions exprimées ne sont pas nécessairement celles du gouvernement du Canada.

  Concept de sécurité

3 minutesQuicktime


  Qu'est-ce que la sécurité?


2 minutes

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  Objectivité en sécurité?


2 minutes

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  La sécurité et son processus

2 minutes

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  Construction de la menace

2 minutes

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(Les vidéolecteurs sont disponibles ici : QuickTimeWindows Media)


Transcription


Le concept de sécurité

Je m’appelle Barry Buzan, je suis professeur de relations internationales à la LSE. J’ai obtenu mon premier grade à l’Université de la Colombie-Britannique, et mon doctorat ici à la LES – il y a bien longtemps, me semble-t-il. J’ai enseigné brièvement à UBC, j’y ai fait des études postdoctorales, puis j’ai été à Warwick un long moment, puis j’ai abouti ici.

Je travaille surtout sur l’aspect théorique de la sécurité. Je m’intéresse au concept de sécurité depuis très longtemps. Je crois pouvoir affirmer être l’auteur du premier livre consacré au concept de sécurité, parce que c’était une curieuse lacune de la littérature. Si vous vouliez étudier la justice, ou l’amour, ou tout autre concept social, vous trouviez des étagères pleines d’ouvrages théoriques consacrés à ces concepts, mais pas à la sécurité. Alors, je me suis intéressé au concept lui-même, à ce qu’il recouvre – quel est son terrain? – et aussi, plus récemment, en collaboration avec des collègues de Copenhague, au processus par lequel on désigne quelque chose en termes de sécurité. C’est un point de vue plus constructiviste. En d’autres termes, la perspective, ici, consiste à pas envisager les menaces comme étant nécessairement des réalités objectives, mais à demander comment une société ou un groupe quelconque en vient à désigner ou non quelque chose comme une menace.

Ce qui donne une fourchette entre la paranoïa d’une part (comme les individus, les sociétés peuvent voir des menaces là où objectivement il n’y en a pas) et la complaisance d’autre part, qui fait que des sociétés ne définissent pas une chose comme une menace alors qu’elle est réellement une menace. Il y a donc deux façons de considérer la sécurité : l’analyse objective classique de la menace – qui peut être militaire, mais aussi environnementale ou sociétale, selon ce qu’on veut désigner comme une menace et ce dont la sécurité nous préoccupe – et puis l’aspect social, c’est-à-dire le processus par lequel les menaces se construisent : qui sont ceux qui affirment la menace, qui sont ceux qui l’écoutent, comment quelque chose se constitue et est accepté comme une menace.

On peut observer ce processus à propos de la fin de la guerre froide. Celle-ci a été un exemple très intéressant de la façon dont une chose qui avait été très habilement présentée comme une menace et, je crois, aux yeux de la plupart des gens -- pas tous, mais aux yeux de la plupart des gens – à l’Ouest et probablement à l’Est, était acceptée comme une menace réelle – ce qu’elle était probablement – mais tout cela est disparu en quatre ou cinq ans. La rhétorique a changé et un discours différent a commencé à émerger, et en quatre ou cinq ans, elle s’était évanouie, comme l’Union soviétique d’ailleurs. Alors voilà un exemple très intéressant de ce que j’appellerais un processus de désécurisation, où quelque chose qui est établi comme une menace se désagrège et est accepté comme n’étant plus une menace. C’est donc un processus qui fonctionne dans les deux sens.


Qu’est-ce que la sécurité?


Depuis la fin de la guerre froide, beaucoup de changements se sont produits. L’agenda militaire, l’agenda de la sécurité classique, a perdu beaucoup de lustre et diverses autres choses ont émergé et acquis plus de relief. On a beaucoup parlé de sécurité sociétale, d’identité, de nationalisme, de religion, etc. On a parlé davantage de sécurité économique et environnementale. Alors, durant les années 90, l’agenda s’est beaucoup élargi – ce qui était visible auparavant – alors qu’on a de moins en moins considéré la sécurité comme concernant surtout les affaires militaires pour accepter un plus large éventail de choses comme sujets du discours sur la sécurité.

Il y a des gens, bien sûr, qui pensent que la sécurité est strictement militaire et que les deux réalités se définissent mutuellement. Cette position ne me sourit pas, parce qu’il me semble que la chose militaire ne concerne pas intrinsèquement les questions de sécurité. À mon sens, une question de sécurité suit une sorte de formule, il faut qu’il y ait une menace existentielle, une grave menace pour quelque chose – un objet de référence auquel un groupe de gens attache une haute valeur – et cette combinaison de choses mène à des appels à la prise de mesures extrêmes, ou de mesures d’urgence quelconques. Telle est pour moi le genre de formule qui distingue ce qui est une question de sécurité de ce qui ne l’est pas. En d’autres termes, c’est une tentative pour sortir les choses du domaine de la politique normale et leur attacher une sorte de priorité d’urgence, en disant : « Il faut faire quelque chose au sujet de tel problème et il faut le faire tout de suite et rapidement, parce que si nous n’agissons pas, quelque chose auquel nous tenons, peut-être même nous, va disparaître ou subir un dommage sérieux quelconque. » C’est ce qui, selon moi, différencie la politique de sécurité de la politique normale. Et il peut s’agir de choses militaires, mais aussi de choses qui ne le sont pas.

Si vous pensez à la sécurité de cette façon, alors certains aspects des choses militaires ne sont pas du domaine de la sécurité. Le fait que les Danois envoient des gardiens de la paix en Bosnie ou ailleurs n’est pas une question de sécurité pour le Danemark, c’est une question de politique normale, cela fait partie de la politique étrangère du pays. Je crois qu’il est important de couper le lien entre la réalité militaire et l’agenda de sécurité, et de l’envisager plutôt par rapport à cette formule que j’ai énoncée. Mon collègue Ole Waever appelle cela la « politique de la panique » : elle concerne les urgences et les moyens d’y faire face.


Objectivité en sécurité?

Je ne suis pas sûr qu’on puisse en venir à une conclusion objective au sujet de la sécurité, et rien ne garantit qu’elle sera claire. La vie politique est rarement claire. Elle est toujours controversée; tout dépend des valeurs que différents interlocuteurs apportent à la discussion. Ce qui est incontestable pour l’un, au sujet de la sécurisation, ne l’est pas pour l’autre, et il y aura toujours des controverses. Donc, la tâche des politiciens et des militants de toutes sortes est de faire accepter leur version de la sécurisation. Il y a des gens qui sont très heureux de la guerre au terrorisme parce qu’elle sert leur intérêt de différentes façons, qu’elle est vendable comme une « menace objective » et qu’elle semble assez réelle, il y a des preuves – on peut l’étayer. D’autres diront que c’est un faux-fuyant, que nous devrions plutôt nous inquiéter du fait que les calottes polaires sont en train de fondre, que le niveau des océans monte, que le climat s’en va au diable, et qu’en comparaison tout le reste va paraître insignifiant. Donc, différentes positions, différentes priorités.

Il faut considérer les discours, et comment ils roulent. Les individus doivent décider eux-mêmes comment ils y participent – ce qu’ils acceptent, ce qu’ils peuvent vérifier. Rien n’est certain à ce sujet, et les sujets sont difficiles. Votre question implique que la connaissance parfaite existe. Nous sommes dans le monde social; la connaissance parfaite n’existe jamais, et il faut le plus souvent se contenter de « faire de son mieux ». Mais en bout de ligne, il faut prendre une décision en fonction de connaissances imparfaites.


La sécurité et son processus

Il faut étudier le processus par lequel quelque chose est désigné comme une question de sécurité. Qui se prononce à ce sujet? Qui a l’autorité pour se prononcer? – Bien entendu, étant donné la façon dont nous organisons notre vie politique maintenant, les dirigeants de l’État sont dans une position privilégiée pour se prononcer en matière de sécurité; c’est leur travail. Mais ils ne peuvent pas carrément le faire et que ce soit toujours accepté. Si vous pensez par exemple à la guerre du Vietnam, ou si vous pensez, plus près de nous, à l’affaire actuelle en Iraq, ce sont des sécurisations hautement contestées qui, dans le cas du Vietnam, a fini par s’effondrer. Même aux États-Unis, les gens n’acceptaient plus cela comme une définition valide d’une menace justifiant ce qui se passait là-bas.

Je crois que ce qui est intéressant à l’heure actuelle, bien entendu, c’est la guerre au terrorisme, qui cherche à devenir une macro-sécurisation, comme l’était la guerre froide. En d’autres termes, quelque chose qui définit un très grand domaine stratégique sur une longue période et qui devient le principal critère des priorités en matière de sécurité. Bien entendu, c’est l’optique dans laquelle Washington la considère actuellement, et avec un succès raisonnable, en ce sens que chez les États occidentaux du moins – et pas mal d’autres – on est prêt à convenir qu’il y a là une menace sérieuse et à baser là-dessus la politique étrangère. Observez le contraste avec l’Iraq, qui suscite un désaccord énorme. Cela semble avoir été une sécurisation réussie aux États-Unis et en Israël, mais à peu près nulle part ailleurs – c’est contesté très vigoureusement presque partout ailleurs.


Construction de la menace

L’approche que j’ai adoptée est une approche analytique, et non une approche normative – je ne prends pas parti. C’est une approche analytique qui dit qu’il faut distinguer entre participer au processus de sécurisation en disant : « Ceci est une menace », et accepter que c’est une menace. Je me suis toujours intéressé à la façon dont les autres le font. Alors, je m’intéresse à la façon dont différentes choses peuvent rapidement prendre des proportions et être acceptées comme des questions de sécurité, comme la guerre au terrorisme, ou être contestées, comme l’Iraq, ou se déconstruire soudainement, comme la guerre froide ou le conflit d’Afrique australe, où la confrontation entre l’Afrique du Sud et les États de première ligne a simplement disparu en un très petit nombre d’années. Mon but dans la vie n’a pas été d’identifier ce que je considère comme des menaces objectives, mais de considérer comment les autres réagissent à cet environnement de menace. Et d’observer la corrélation – ou l’absence de corrélation – entre ce qui se construit comme une menace (ou pas) et ce qui pourrait être considéré objectivement comme une menace.

Par exemple, un de mes petits dadas – que j’invoque simplement comme exemple intéressant de la distance entre les menaces objectives et des choses qui sont effectivement acceptées comme des menaces – c’est cette affaire des cailloux qui tombent de l’espace, qui s’écrasent sur la planète et causent des dégâts. C’est un exemple intéressant parce qu’on a beaucoup de connaissances à ce sujet, contrairement à d’autres questions de sécurité comme le réchauffement de la planète, où les données scientifiques elles-mêmes sont contestées. Nous savons assez bien en quoi la menace consiste. Nous savons à quelle fréquence des cailloux de différentes tailles s’abattent sur la planète. De plus en plus, nous savons où ils sont et ce qu’ils sont. Nous pourrions faire quelque chose à ce sujet si nous le voulions; la technologie existe. Il y a certainement beaucoup de groupes d’intérêts dans le monde qui seraient d’accord, parce que cela créerait un tas de contrats de haute technologie, des bourlingueurs qui seraient d’accord parce que cela faciliterait les voyages dans l’espace, des écologistes qui s’inquiètent pour la planète, etc. Il devrait y avoir assez de gens intéressés pour que cela soit construit comme une menace. Les preuves statistiques sont suffisantes pour cela, car les chances qu’un individu meure de cette façon sont plus grandes que ses chances de mourir en avion. On est dans le monde réel où vivent les gens. Hollywood a fait son numéro; il y a des tas de bons films sur des astéroïdes qui s’écrasent sur la planète. Mais est ce que ça a été sécurisé quelque part? Non. Est-ce que les gens se font du souci à ce sujet? Non.

C’est un exemple intéressant. On pourrait construire cela; les dirigeants du monde pourraient même juger que ce serait utile, parce que ce serait un projet commun auquel le monde entier coopérerait. Alors, cela pourrait être utile du point de vue de la gouvernance mondiale. Il y aurait toutes sortes de bonnes raisons de le faire, dans un but politique, mais ça ne se passe pas. Pourquoi? Je ne sais pas. Mais il est intéressant que ça ne se passe pas, alors que d’autres choses qui pourraient être considérées comme moins pressantes sont effectivement sécurisées. Donc, c’est ça le sujet de mes réflexions. Je m’intéresse plus aux choix que font les autres qu’au projet de faire campagne moi-même pour dire : « Voilà ce qui est préoccupant. »