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Le Canada dans le monde : Politique internationale du Canada
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Stéphane Roussel
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Le Dr Stéphane Roussel discute des enjeux de sécurité canado-américains.

Le Dr Roussel est professeur au Département de Science politique et titulaire de la
Chaire de recherche du Canada en politiques étrangère et de défense canadiennes à l'Université du Québec à Montréal.

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Note: Les opinions exprimées ne sont pas nécessairement celles du gouvernement du Canada.


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  Équilibre pour le Canada 

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Transcription


Relations canado-américaines

Mon nom est Stéphane Roussel. Je suis professeur au Département de Science politique de l’Université du Québec à Montréal et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en politiques étrangère et de défense canadiennes. Je travaille sur les relations canado-américaines depuis 10 ans bientôt, en fait presque 12 ans. C’est mon sujet d’intérêt principal. J’ai rédigé ma thèse de doctorat là-dessus et l’essentiel de mes publications portent sur les relations entre le Canada et les États-Unis en matière de sécurité et de défense. C’est un sujet pour lequel j’ai une affection particulière et évidemment sur lequel j’ai acquis un certain nombre d’idées ou de points de référence qui ne sont pas nécessairement les même que l’on retrouve chez certains de mes collègues.

Si on essaie de comprendre la nature du débat que l’on a au Canada actuellement en ce qui a trait aux relations canado-américaines, en simplifiant à outrance, je dirais que l’on a un débat entre, d’une part, des nationalistes - des gens pour qui la défense de la souveraineté, ou même de l’identité canadienne, est quelque chose d’essentiel. Pour ces gens-là, une collaboration trop étroite avec les États-Unis signifie la perte de l’identité ou, à la limite, de la souveraineté du Canada. Dans l’autre camp, celui qui s’oppose à ce point de vue, on retrouve ceux que j’appelle plutôt les continentalistes, des gens qui ont une plus grande confiance dans les relations canado-américaines, ou du moins que ces relations ne posent pas de problèmes majeurs pour le Canada. Au contraire, les États-Unis constituant le principal partenaire commercial du Canada, et le Canada dépendant largement du marché américain pour sa prospérité, ces gens-là estiment que l’avenir, ou le salut du Canada, passe part une collaboration beaucoup plus étroite avec les États-Unis. Cela se fait non seulement en matière commerciale et économique, mais aussi en matière de défense et de sécurité. Ce sont ces gens qui souvent vont être des avocats pour de nouvelles ententes avec les États-Unis, d’un alignement de la politique étrangère canadienne sur celle des États-Unis – par exemple en contribuant à la coalition en Irak ou encore au bouclier anti-missile.

Moi je me situe probablement plus proche de ce deuxième camp même si je ne partage pas toutes leurs idées. Entre autres parce que mes recherches m’ont amené à développer une certaine confiance dans les institutions bilatérales canado-américaines. Si on regarde l’histoire des relations canado-américaines, c’est quelque chose de formidable. D’abord, il y a presque 200 ans que ces deux États ne sont pas entrés en guerre. Cela est une exception. C’est, du point de vue des relations internationales, totalement anormal. Tous les petits États comme la Pologne, la Finlande, la Belgique, l’Irlande, qui vivent proche d’une grande puissance subissent les aspects négatifs de cela. On pourrait dire en caricaturant qu’ils se font envahir à tous les 50 ans. Au Canada, nous avons réussi à échapper à cela. Mieux que cela, selon moi, nous avons réussi au cours des 50 dernières années, depuis la deuxième guerre mondiale, à mettre en place une relation qui est presque égalitaire. C’est étonnant de dire cela puisque pour les Canadien, c’est assez rare d’entendre cette description des relations canado-américaines. Mais si l’on regarde la façon dont les relations entre les deux pays se sont développées depuis la deuxième guerre mondiale, on voit d’abord que les États-Unis respectent, pour l’essentiel, la souveraineté canadienne – ce qui n’est pas le cas de la majorité des grandes puissances à l’égard de leurs petits voisins. Lorsqu’il y a des problèmes entre le Canada et les États-Unis, comme il y en a eu au cours de la Deuxième Guerre Mondiale et au cours de la Guerre Froide, on parvient toujours à trouver une solution satisfaisante à ces problèmes. On parvient à encadrer assez bien la relation canado-américaine. C’est pour cette raison donc que j’ai confiance en les institutions parce que, à mon avis, ce sont elles qui, en grande partie, garantissent cette relation curieusement égalitaire. En fait, on pourrait dire que les relations canado-américaines ne reflètent pas la différence dans le rapport de force, les États-Unis étant 50 ou 100 fois plus puissants que le Canada. On ne retrouve pas cette différence dans les relations canado-américaines.

Comment les institutions parviennent-elles à cette réalisation? Je dirais d’abord et avant tout que c’est parce qu’elles limitent les risques de dérapage entre les deux États; elles posent les limites de la coopération entre les deux pays; elles établissent les règles du jeu entre les deux États. Elles définissent également non seulement les devoirs des deux partenaires l’un vis à vis l’autre, mais aussi leurs obligations. Il y a donc toute une série de principes, de règles entre le Canada et les États-Unis qui empêchent ou limitent la possibilité de dérapage dans les relations entre les deux. Cela explique donc, selon moi, pourquoi les États-Unis ont tant de respect pour la souveraineté canadienne.

L’origine de ces institutions est assez intéressante. Si on remonte au début du XXe siècle, les premières institutions bilatérales avaient déjà ce caractère égalitaire. Par exemple, sur la Commission mixte internationale, l’International Joint Commission, on retrouvait le même nombre de Canadiens et d’Américains. C’étaient souvent des techniciens qui pensaient en termes techniques, et non pas politiques. Ces gens-là avaient un travail à faire et le faisaient le mieux possible selon leurs compétences techniques. À ce moment-là, le rapport de puissance ne joue plus. Le fait que un soit beaucoup plus puissant que l’autre joue beaucoup moins. Les institutions qui se sont développées graduellement au cours du XXe siècle suivent ce modèle de la Commission mixte internationale. Par exemple le Permanent Joint Board of Defense reprend ce même caractère égalitaire. De même aujourd’hui si l’on extrapole, le NORAD et la Commission de planification au Northern Command tendent également à reprendre ce modèle, dans le sens où on a des techniciens qui ont un travail à faire, et qui le font le mieux possible sans s’embarrasser nécessairement de considérations politiques.

Je crois aussi que l’origine de ces institutions tient à la communauté de valeurs politiques entre les deux États. Il y a une communauté culturelle et une communauté politique très forte entre le Canada et les États-Unis. Ce sont deux États démocratiques libéral - même s’il y en a un présidentiel et que l’autre est d’origine britannique, même s’il y a beaucoup de différences entre les deux – l’origine commune de la culture politique au Canada et aux États-Unis, et l’engagement à l’égard de la démocratie libérale prédisposent les deux États à adopter les mêmes institutions. On règle donc les problèmes au niveau bilatéral de la même façon que l’on règlerait des problèmes intérieurs. Cela signifie que l’usage de la force est bannie, que théoriquement, les acteurs en présence sont des égaux, que l’on se fie beaucoup aux règles de droit, donc ce n’est pas la force qui prévaut, mais le droit entre les deux. Cette communauté de valeurs explique donc l’évolution des institutions entre les deux États. À mon avis, si on regarde vers l’avenir des relations canado-américaines en matière de sécurité, je crois que c’est là-dessus que l’on doit tabler. Actuellement, depuis 2002, il y a une évolution très rapide de l’image institutionnelle de l’Amérique du Nord. Le gouvernement américain a créé beaucoup de nouvelles institutions : le Departement of Homeland Security, le Northern Command, des institutions qui sont fondamentalement nationales, même si elles ont un impact majeur de ce côté-ci de la frontière, et aussi du côté mexicain.

Si le Canada veut approfondir ou mieux défendre ses intérêts dans les années à venir, c’est d’abord en essayant de construire des institutions bilatérales qui peuvent faire le pont avec ces nouvelles institutions américaines. On parle parfois que la cellule de planification canado-américaine du Northern Command devienne une institution permanente. Certains évoquent la possibilité d’avoir un NORAD maritime ou un NORAD terrestre. C’est probablement la voie de l’avenir pour le Canada : de développer des institutions qui vont permettre de renforcer le caractère égalitaire de ces relations.


Relations canado-américaines 2

Il y a, entre le Canada et les États-Unis, encore une série de questions qui divise beaucoup les chercheurs, à savoir : en matière de défense et de sécurité, quelle est la première responsabilité du Canada? Et en particulier en ce qui a trait à ses relations avec les États-Unis. À mon avis, il faut d’abord reconnaître que le Canada est un État nord-américain et que sa responsabilité première est en Amérique du Nord. Si on veut comprendre les enjeux de sécurité actuels, il faut remonter encore dans l’histoire. Ce qui résume le mieux la nature de la relation entre les deux pays est le Serment de Kingston, c’est-à-dire un échange qui a eu lieu entre le Premier Ministre Mackenzie King et le Président Franklin Roosevelt en 1938. Roosevelt avait dit que les États-Unis ne pourraient jamais laisser un ennemi venu de l’extérieur envahir le Canada. Donc les États-Unis ne resteraient pas les bras croisés face à une menace dirigée contre le Canada. Le Premier Ministre King avait répondu à l’époque que l’obligation, en échange de la protection que les États-Unis donnaient au Canada, était que le Canada s’engage à ce que son territoire ne serve pas de tremplin ou de base à des ennemis des États-Unis. Donc se défendre soi-même contribue à la défense des États-Unis. L’échange fondamental entre le Canada et les États-Unis est que les États-Unis vont protéger le Canada et en revanche, le Canada doit faire sa part pour se protéger lui-même. Il y a une menace implicite aussi un peu là-dedans de la part des Américains à savoir : si le Canada ne remplit pas sa part du contrat, ils vont le faire à la place des Canadiens, que les Canadiens le veuillent ou non.

Donc la première responsabilité du Canada à mon avis est de se protéger lui-même pour protéger les États-Unis. Évidemment, il y a toute une discussion à savoir quelle est la nature de la menace qui plane sur le Canada en matière de sécurité et de défense - c’est d’abord et avant tout de menaces dont on parle. Et force est de reconnaître qu’il y a très peu de menaces. Donc le Canada est un pays qui est choyé en ce sens, puisqu’il n’est pas la cible d’ennemis tapis dans le système international. Par contre, il peut facilement devenir une porte d’entrée vers les États-Unis. En grande partie, la menace qui plane sur le Canada est celle de devenir une base à des ennemis des États-Unis. J’avais un collègue qui avait évoqué le pire des scénarios qui pourrait arriver – pour le Canada et les États-Unis – ce serait que des terroristes opèrent à partir du territoire canadien, du côté américain, en laissant des traces évidentes de leur passage au Canada de manière à inciter les États-Unis à fermer la frontière avec le Canada et à faire à la fois une forme de suicide économique pour une grande partie de l’économie américaine et en entraînant avec lui la prospérité canadienne. Cela serait un des pires cauchemars. Donc la responsabilité des Canadiens, c’est d’abord et avant tout de s’assurer que le Canada ne constitue pas une source de préoccupation ou une source de risque pour les États-Unis.

Évidemment, il y a toute la question d’ajustement, à savoir jusqu’à quel point les Canadiens sont prêts à se compromettre ou à s’ajuster aux attentes des États-Unis. Est-ce que l’on veut faire un Department of Homeland Security au Canada? On a déjà un ministère qui ressemble beaucoup à cela. Mais veut-on aller plus loin? Veut-on un Patriot Act au Canada? Veut-on absolument s’aligner sur la conception du gouvernement américain de la nature de la menace? Veut-on acheter le discours de l’administration Bush sur la menace en Amérique du Nord? Je ne pense pas que l’on soit obligés d’aller jusque là. En fait si on regarde ce qui s’est produit depuis 2002, cela tend à montrer que les Canadiens sont plutôt très bons dans l’art de donner le minimum requis aux Américains tout en conservant un caractère très canadien dans leur façon d’approcher les choses. Les législations qui ont été passées au Parlement depuis 2001 reflètent encore ce côté et respectent du moins la culture politique canadienne.

Autre élément intéressant sur lequel je travaille depuis un bout de temps, c’est dans cette réponse aux attentes ou demandes des États-Unis, le rôle joué par les provinces et les municipalités canadiennes. Le rôle des provinces canadiennes est très différent du rôle joué par les États américains, par exemple. Dans chaque État américain on retrouve un Department of Homeland Security et on voit que la relation entre le fédéral et les États aux États-Unis est très différente de ce que l’on retrouve au Canada. Dans le fond c’est un garde-fou pour le Canada, au sens où les relations fédérales provinciales obligent le gouvernement canadien à mettre en oeuvre des mesures différentes de celles que l’on retrouverait aux États-Unis. Donc il y a plusieurs éléments comme ceux-là qui permettent d’envisager avec une certaine confiance l’avenir des relations canado-américaines. Et dans la mesure où les Canadiens continuent d’assumer leurs responsabilités en ce qui a trait à la défense de l’Amérique du Nord, à la lutte contre le terrorisme, et éventuellement - mais c’est encore un objet de débats -  dans les interventions outre-mer. Quel est rôle du Canada dans les interventions outre-mer menées par les États-Unis est une question qui doit être définie au cours des années à venir. C’est certain que les Canadiens n’accepteront jamais le modèle irakien d’intervention. Il n’est pas question d’agir de façon unilatérale, sans consentement de l’ONU, avec une coalition qui est réduite finalement à quelques États d’importance. Je pense que l’attachement des Canadiens pour le modèle multilatéral et le modèle des Nations Unies est trop important pour être balayé du revers de la main. Ceci étant dit, comment trouver l’équilibre entre ce qu’attendent les États-Unis du Canada et de trouver la façon canadienne de le faire est quelque chose qui doit être débattu.


Équilibre pour le Canada

C’est pour les Canadiens, de trouver, de revenir à cet équilibre entre la nécessité de tenir compte des attentes et intérêts des États-Unis, parce que, qu’on le veuille ou non, nous partageons le continent américain avec eux et notre prospérité dépend d’eux. C’est donc la nécessité de tenir compte de leurs attentes et la nécessité de défendre notre propre identité. Je pense que l’un des problèmes que l’on retrouve avec ceux qui sont les avocats d’une plus grande intégration entre le Canada et les États-Unis, c’est de ne pas tenir compte du respect de l’identité canadienne. C’est de se pencher là-dessus en disant : « comment pouvons-nous conserver ce qui fait notre unicité et notre distinction sans pour autant remettre en question nos relations avec les États-Unis, même plus, en les approfondissant. » Donc il s’agit toujours de trouver la façon de « canadianiser » notre nord-américanité.


Les articles du Dr. Roussel
 
Roussel, Stéphane et Bélanger, Yves.
La sécurité des Amériques: Les premiers pas vers une intégration régionale?  Observatoire des Amériques, Février 2003.
 Roussel, Stéphane et Rancourt, Jean-François.
Le Département de la Homeland Security (DHS): Tour de Babel bureaucratique américaine? Le Maintien de la Paix, bulletin no. 61, décembre 2002.
 Roussel, Stéphane.
Le Canada et le périmètre de sécurité nord-américain: sécurité, souveraineté ou prospérité? Options politiques, avril 2002.
 Roussel, Stéphane.
National Security Strategy, Northern Command et Homeland Security: L'impact de la réorganisation de la sécurité aux États-Unis sur les politiques canadiennes. Sécurité Mondiale, bulletin no. 3, janvier-février 2003.