MME STEWART - ALLOCUTION À LA 26E ASSEMBLÉE GÉNÉRALEDE L'ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS - PANAMA, PANAMA
96/27 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE CHRISTINE STEWART,
SECRÉTAIRE D'ÉTAT (AMÉRIQUE LATINE ET AFRIQUE)
À LA 26e ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
DE L'ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS
PANAMA, Panama
Le 3 juin 1996
Monsieur le président, Excellences, Mesdames et Messieurs les ministres des Affaires étrangères des pays de l'hémisphère, Monsieur le secrétaire général, Monsieur le
secrétaire général adjoint, distingués collègues, délégués et amis,
Cette semaine, j'ai pour la troisième fois l'honneur de me joindre à vous pour l'Assemblée générale de l'Organisation des États américains [OEA]. Je tiens à remercier
le gouvernement du Panama d'avoir organisé la session et de nous avoir si généreusement accueillis. Il est tout particulièrement significatif que les pays de
l'hémisphère occidental se réunissent au Panama, pays qui constitue véritablement un carrefour entre le Nord et le Sud, l'Est et l'Ouest, les Antilles, l'Amérique
centrale, l'Amérique du Sud et l'Amérique du Nord. Rien ne peut mieux symboliser l'objectif, la portée géographique et la force de l'Organisation.
Les Canadiens et les Canadiennes s'intéressent toujours davantage à leurs voisins du Sud et apprennent à les connaître de mieux en mieux. Dans le contexte de l'OEA, du
Sommet des Amériques, de l'ALENA [Accord de libre-échange nord-américain] et du processus naissant de création d'une zone de libre-échange des Amériques [ZLEA],
l'Amérique latine et les Antilles retiennent de plus en plus l'attention des Canadiens. Il n'y a pas très longtemps, le Canada était un pays situé dans la région, mais
il est maintenant devenu pleinement un pays de la région.
Le principe de la coopération entre les pays de l'hémisphère et celui de l'intégration de leurs efforts tiennent à coeur au Canada. Nous sommes convaincus que l'union
fait la force. C'est le message que nous véhiculons dans les rapports de plus en plus nombreux que nous avons avec vous, nos partenaires de l'hémisphère : lors de la
visite du premier ministre Jean Chrétien dans la région, l'an dernier; dans les déplacements du ministre canadien des Affaires étrangères, M. Lloyd Axworthy, en Haïti,
en Amérique centrale et en Amérique du Sud le mois dernier; et dans la récente série de réunions au sommet tenues par les chefs de gouvernement du Canada, de la
CARICOM et de l'Amérique centrale.
Tandis que notre pays apprend à découvrir la place du Canada dans les Amériques, de plus en plus de Canadiens se demandent : Qu'est-ce que l'Organisation des États
américains? Quel est son rôle, sa destination? Et, par-dessus tout, qu'a-t-elle accompli?
Quand le Canada a adhéré à l'OEA, il s'est engagé fermement à collaborer avec ses nouveaux partenaires pour réformer et revitaliser l'OEA de même que pour en faire de
nouveau l'institution prédominante de l'hémisphère occidental et lui donner les moyens d'affronter les nombreux défis qui l'attendent à l'aube du XXIe siècle.
Qu'a accompli l'OEA?
Le Canada estime qu'elle a beaucoup fait. En avril 1995, le secrétaire général César Gaviria présentait sa nouvelle vision de ce que l'OEA doit être, et il énonçait
alors toute une gamme de principes et d'objectifs pour revitaliser l'Organisation; certains ont eu une incidence immédiate, et d'autres auront des conséquences à bien
plus long terme. Cependant, on a constaté au cours des dernières années que, déjà, l'OEA manifeste de plus en plus sa volonté ainsi que sa capacité grandissante d'agir
et d'affirmer son leadership dans des dossiers de la plus haute importance, tant au niveau régional que mondial.
Un an s'est écoulé depuis que nous nous sommes réunis en Haïti pour la 25e Assemblée générale. Le progrès accompli pour renforcer les institutions démocratiques et
promouvoir la paix et la réconciliation en Haïti est indiscutablement un grand succès pour l'OEA, les Nations unies [ONU] et la communauté internationale dans son
ensemble. Le Canada est extrêmement fier de sa contribution au maintien de la paix et à la création d'une police civile en Haïti. Le Canada commande actuellement une
force de 1 900 soldats de la paix, dont 750 Canadiens, sans compter la centaine de policiers qui oeuvrent sur le terrain dans le cadre de la force de police civile de
l'ONU. Mais la situation est encore fragile en Haïti. Nous nous sommes rendu compte qu'Haïti aura encore besoin de l'aide de la communauté internationale au cours des
prochains mois pour maintenir et consolider les acquis. Nous allons donc demander à l'OEA de faire preuve encore une fois de leadership sur cette question critique de
sécurité régionale en se prononçant sans équivoque en faveur d'une forte présence de l'ONU en Haïti au-delà du 30 juin prochain.
Une autre question concernant la sécurité dans l'hémisphère, où l'OEA fait preuve de leadership et de détermination, est celle des mines terrestres. En convenant,
cette semaine, de déclarer l'hémisphère occidental zone exempte de mines terrestres antipersonnel, vous poserez un geste historique et vous affirmerez clairement que,
dans ce domaine critique, les pays membres de l'OEA sont à l'avant-garde du monde. Ces engins engendrent souffrance, mort et destruction et ils entravent le
développement, ce qui est proprement intolérable en cette ère de paix, d'amitié et de démocratie. Là-dessus, la position du Canada est sans ambiguïté : il veut faire
interdire les mines terrestres antipersonnel dans le monde entier. C'est ce qu'ont affirmé avec clarté et vigueur les ministres canadiens des Affaires étrangères et de
la Défense en annonçant à Ottawa, le 17 janvier, la suspension complète de la production, de l'exportation et de l'utilisation opérationnelle des mines terrestres. À
Genève, la délégation canadienne à la toute dernière Conférence sur certaines armes classiques a réaffirmé ce message, tout comme nous le faisons ici, à Panama, à
l'Assemblée générale de l'OEA. Et, cet automne, à New York, le Canada militera aux Nations unies pour l'adoption d'une résolution exhortant les États à travailler en
faveur d'une telle interdiction à l'échelle mondiale. Nous vous demandons de vous joindre à nous pour atteindre cet objectif.
Et pour donner du poids à son engagement, le Canada a fait savoir hier, je suis heureuse de le noter, qu'il fera, par l'entremise de la Section de la promotion de la
démocratie, une contribution financière volontaire à l'OEA dont une partie sera affectée au programme de déminage mené par l'Organisation en Amérique centrale. Par
ailleurs le Canada tiendra à Ottawa, en septembre, une réunion des pays et des organisations non gouvernementales [ONG] qui se sont prononcés en faveur de
l'interdiction mondiale des mines terrestres. La réunion aura pour but de dresser un plan d'action international, systématique et coordonné, dans ce dossier.
L'OEA a aussi progressé énormément en ce qui concerne la sécurité de l'hémisphère. La Déclaration de Santiago sur les mesures d'accroissement de la confiance et de la
sécurité définit un programme progressif, clair et concret de coopération entre les pays de l'OEA, au chapitre de la sécurité. Nous exhortons tous les États à
promouvoir la mise en oeuvre rapide de ces mesures. Le Canada souscrit tout particulièrement à l'idée d'examiner les préoccupations particulières des petits pays
insulaires en matière de sécurité.
La menace que représentent le trafic international et l'abus des stupéfiants continue d'avoir de graves conséquences pour la sécurité et le bien-être de nos pays, de
nos collectivités et de nos enfants. Sur ce plan, aussi, la communauté interaméricaine est passée à l'action en négociant une stratégie antidrogue qui aura des
retombées jusque dans le prochain siècle, à l'échelle de l'hémisphère. Nous espérons voir adopter ce document crucial à la prochaine Assemblée générale. Certes, c'est
déjà là un geste important, mais nous savons tous qu'il n'aura d'effet durable que si nous sommes fermement résolus à mettre la stratégie en oeuvre. C'est pourquoi le
Canada a décidé de fournir à la Commission interaméricaine de lutte contre l'abus des drogues, CICAD, les services d'un des meilleurs experts de son gouvernement en la
matière; pendant deux ans, cette personne participera aux efforts déployés pour enrayer le trafic et réduire la demande de stupéfiants dans l'hémisphère.
Au cours de l'année écoulée, les pays de l'hémisphère ont également pris des mesures vitales pour lutter contre le terrorisme, le blanchissage de fonds et la
corruption. En adoptant, par un processus sérieux, méthodique et rationnel, une convention interaméricaine contre la corruption, en mars dernier à Caracas, ils ont
clairement signifié que ce fléau, qui entrave tous les efforts faits en faveur du développement, de la démocratie, de l'égalité et de la justice, ne serait désormais
plus toléré. J'ajouterais, cependant, qu'il nous incombe à nous, politiques et dirigeants, de garantir la crédibilité de ces efforts en donnant l'exemple de la probité
dans notre propre conduite.
Nous savons qu'il faut un climat de paix, de sécurité, de transparence et de stabilité sociale pour faire fleurir la démocratie et favoriser la prospérité économique.
L'inauguration, cette semaine, d'un nouveau conseil interaméricain du développement intégral [CIDI] représente l'une des plus grandes et des plus profondes réformes
jamais opérées par l'OEA. C'est là une formidable réalisation, dont on ne mesurera sans doute les effets que dans les années à venir. Trois ans de travail difficile se
sont écoulés depuis l'introduction du Protocole de Managua, et le CIDI concrétise véritablement un nouveau partenariat pour le développement; il exprime dans une
perspective nouvelle la façon dont nous collaborerons sur un pied d'égalité dans notre progression commune vers le développement, la stabilité et la prospérité.
J'aimerais profiter de cette occasion pour remercier encore notre ambassadeur, M. Brian Dickson, ainsi que l'ambassadeur de Saint-Vincent-et-Grenadines, M. Layne, pour
leur inestimable travail qui a fait du CIDI un organe opérationnel. Il importe aussi de comprendre que ce régime consacrera nécessairement le gros de ses ressources
aux pays les plus pauvres et à leurs citoyens les plus faibles. Toutefois, la réforme va au-delà des projets d'assistance; elle touche l'essentiel de la mission même
de l'OEA, en redéfinissant la dynamique entre les politiques et les programmes et en rétablissant le rapport essentiel entre le développement et notre processus
décisionnel relatif aux thèmes politiques que sont les droits de la personne, le commerce, l'environnement et la démocratie.
Afin de confirmer l'engagement que le Canada a pris envers le CIDI et en faveur des principes du nouveau partenariat pour le développement, je suis heureuse
d'annoncer, au nom du ministre canadien de la Coopération internationale, le renouvellement de la contribution de mon pays au Fonds de contributions volontaires, à
raison de 4 millions de dollars versés sur une période de deux ans.
Le Canada a souscrit à l'idée du secrétaire général, qui propose d'attribuer plus de ressources à la Section de promotion de la démocratie [SPD]; celle-ci pourra donc
poursuivre ses travaux fort utiles ayant des effets à long terme (création d'institutions démocratiques, information et éducation en faveur de la démocratie, etc.),
outre sa tâche principale qui consiste à surveiller les élections. Dans ce dernier domaine, je peux confirmer que le Canada continuera à contribuer aux missions de
surveillance de l'OEA, y compris à celle qui sera déployée au Nicaragua, pendant les élections qui s'y tiendront prochainement.
Nous avons été encouragés par l'accueil enthousiaste que les États membres et la SPD ont réservé à ce que l'on appelle maintenant l'Initiative canado-brésilienne sur
les droits de la personne et la démocratie, lancée pour faire suite au Plan d'action adopté au Sommet de Miami. Nous aimerions remercier tout particulièrement le
gouvernement du Brésil, qui a manifesté un leadership et un dévouement remarquables dans le cadre de ce projet. Nous avons hâte de collaborer avec tous les États au
cours de la prochaine année, au sein du Groupe de travail spécialisé mis sur pied pour donner plus d'ampleur à cette initiative et notamment pour élaborer des projets
fondés sur les principes de la coopération horizontale et du partenariat intégral.
Les pays de l'hémisphère manifestent en outre une nouvelle volonté de s'attaquer au problème du développement durable. Le Canada félicite le gouvernement de la
Bolivie, qui tiendra une conférence au sommet à Santa Cruz en décembre prochain sur ce thème qui, nous le croyons fermement, déterminera l'avenir. La réunion de
Santa Cruz marquera un point de départ important dans l'examen des normes et des principes qui nous guideront jusque dans le prochain siècle.
Le Canada a lui-même contribué à la réalisation de cet objectif. En effet, il a été heureux d'accueillir les participants à une Réunion d'experts de l'OEA sur les
technologies respectueuses de l'environnement et destinées aux petites et moyennes entreprises, à Ottawa, en novembre dernier. Des spécialistes des secteurs privé et
public de toutes les régions des Amériques y ont assisté; ils ont examiné la dichotomie fondamentale entre les impératifs de la protection de l'environnement et du
développement économique dans le contexte du libre marché, impératifs qui revêtent une même importance mais qui sont souvent incompatibles.
En outre, le Canada a été honoré que la ville de Montréal soit choisie comme siège du secrétariat permanent de la Convention sur la biodiversité, en novembre dernier.
Je désire transmettre aux pays d'Amérique latine et des Antilles les plus sincères remerciements du Canada pour l'appui qu'ils ont accordé à notre candidature.
Un des objectifs les plus déterminants et les plus difficiles à atteindre qui aient été énoncés lors du Sommet des Amériques est la création d'une zone de libre-échange des Amériques d'ici l'an 2005. Nous estimons qu'il importe de souligner le travail essentiel effectué par l'OEA, notamment par l'entremise de la Section du
commerce et du Comité spécial du commerce, pour établir la ZLEA. Nous serions désolés de voir ce rôle miné ou diminué. En fait, chaque année, nous nous rapprocherons
de l'échéance de l'an 2005, et il faudra ancrer les pourparlers toujours plus solidement et en affermir constamment les fondements. À ce stade-ci, ces organes de l'OEA
sont de toute évidence ceux qui sont les plus à même de remplir ce rôle.
Et enfin, en décrivant les réussites et les points forts de l'OEA, je m'en voudrais de ne pas mentionner le travail que le Comité juridique interaméricain [CJI]
accomplit pour faire avancer et intégrer l'un à l'autre le droit international et le droit commercial. Au cours de la prochaine année, l'OEA examinera le mémoire du
secrétaire général sur le droit dans un nouvel ordre interaméricain. Dans ce contexte et dans d'autres s'y apparentant, y compris l'élaboration de lignes directrices
sur la préparation d'instruments juridiques et sur l'examen de projets de convention, la contribution de cette instance impartiale constituée d'éminents juristes sera
précieuse. Nous sommes particulièrement fiers du fait que le Canadien Jonathan Fried ait été nommé président par intérim du CJI, plus tôt cette année. Nous en
profitons pour demander à tous nos amis et collègues présents à cette table de soutenir la réélection de M. Fried au Comité.
Je suis bien loin d'avoir dressé un inventaire complet des réalisations de l'OEA. Cependant, quiconque examine le chemin qu'elle a parcouru depuis la dernière
Assemblée générale ne saurait douter de sa pertinence ni de son influence grandissante. Je reviens à ma question de tout à l'heure. Qu'a accompli l'OEA? Les faits
parlent d'eux-mêmes. Et c'est pourquoi le gouvernement du Canada exprime son admiration et réaffirme son solide soutien au secrétaire général César Gaviria.
Le gouvernement du Canada applaudit à la victoire de la démocratie au Paraguay et réaffirme l'appui qu'il accorde au gouvernement légitime et constitutionnel du
président Juan Carlos Wasmosy. Il reconnaît aussi le rôle décisif que le secrétaire général Gaviria a joué dans le contexte de la crise paraguayenne. Le message est
clair : la communauté interaméricaine ne tolérera pas les partis ou les personnes qui chercheront à gouverner par la force et ne reconnaît que la démocratie comme
forme de gouvernement acceptable dans l'hémisphère.
Malgré toutes ces réussites, nous ne pouvons nous reposer sur nos lauriers. De nombreux défis d'envergure exigent immédiatement notre attention soutenue.
Les nouvelles réalités politiques de la région ont contribué à réduire sensiblement les violations sérieuses des droits de la personne, mais les menaces pesant sur ces
derniers et sur la primauté du droit continuent d'obscurcir l'horizon politique de l'hémisphère.
L'enracinement de l'impunité dans les appareils politique et judiciaire de l'État représente une menace tout aussi insidieuse. Il faudra un effort concerté de la part
des plus hautes instances gouvernementales et de la société civile pour l'éliminer et instituer une nouvelle culture dans les relations politiques, judiciaires et
sociales, une culture dont les fondements seront la protection des droits de la personne, la responsabilisation et la transparence. Cette transformation fondamentale
exigera aussi une action commune des institutions de l'OEA chargées de promouvoir les droits de la personne et la démocratie de même que de la part de tout le système
interaméricain.
Le Canada est encouragé par les travaux de la Commission interaméricaine des droits de la personne, notamment par les cinq visites qu'elle a faites sur le terrain l'an
dernier, et nous félicitons les pays qui ont invité la Commission à venir sur son territoire. Nous avons également noté avec satisfaction sa collaboration avec la
Commission nationale pour la vérité et la justice en Haïti. Le Canada appuie fortement les propositions visant à accroître les fonds accordés à la Commission et à la
Cour interaméricaine, car celles-ci constituent des instruments indispensables pour protéger et promouvoir les droits de la personne dans cet hémisphère.
Nous félicitons par ailleurs la Commission qui a aussi travaillé à la rédaction d'une ébauche de la Déclaration interaméricaine des droits des peuples autochtones.
Nous espérons maintenant qu'elle veillera à consulter le plus possible les groupes autochtones de toutes les régions des Amériques au stade de la rédaction finale.
La pauvreté criante qui persiste dans de nombreuses parties de l'hémisphère demeure une source d'inquiétude grave, surtout qu'elle frappe au hasard et avec cruauté les
membres les plus faibles de la société, en particulier les autochtones, les femmes et les enfants.
Mon gouvernement est particulièrement affligé de la condition des jeunes et des enfants dans le monde d'aujourd'hui. Au cours des six années écoulées depuis le Sommet
mondial des Nations unies sur l'enfance et l'adoption de la Convention relative aux droits de l'enfant, des victoires ont été remportées, mais dans
l'ensemble, les enfants sont encore trop souvent victimisés, impuissants et privés de tout espoir.
La drogue, la pauvreté, la maladie, la malnutrition, le manque d'écoles et de soins de santé, les ravages des mines terrestres, de la guerre et du terrorisme,
l'impossibilité de s'épanouir, de s'accomplir pleinement, de réaliser ses rêves, ou encore de connaître la sécurité et l'amour, voilà autant de fléaux qui menacent
nombre d'enfants dans le monde. En les tolérant, nous compromettrions notre propre avenir.
Le Canada applaudit au travail de l'Institut interaméricain de l'enfance qui s'attaque à bon nombre de ces problèmes et s'estime honoré qu'un Canadien ait été choisi
l'an dernier comme vice-président du Conseil directeur de l'Institut.
Au moment de faire le bilan des grands défis que l'OEA doit relever, il nous faut songer au 35e membre, qui n'est pas ici aujourd'hui, et j'ai nommé Cuba. Le Canada
partage, avec de nombreux autres pays, l'espoir que la situation changera un jour, et il exhorte l'Organisation à envisager des relations d'un nouveau genre avec Cuba,
lesquelles nous rapprocheraient du jour où Cuba rejoindra la famille interaméricaine. En outre, nous accueillerons favorablement une invitation du gouvernement cubain
à la Commission interaméricaine des droits de la personne pour une visite sur le terrain.
La réponse ne réside pas dans l'isolationnisme. Le Canada apprécie l'amitié qui le lie à Cuba, pays avec lequel il entretient des relations depuis plus de 50 ans. Cela
ne l'empêche pas de s'inquiéter de la situation des droits de la personne là-bas. Le Canada a clairement affirmé que Cuba ne participe pas encore à l'expansion de la
démocratie dans l'hémisphère. Il a aussi condamné l'aviation cubaine qui a abattu deux avions civils le 24 février, en recourant à mauvais escient à la force
meurtrière et en contrevenant aux procédures appliquées par la collectivité internationale en pareilles circonstances. Cependant, les politiques isolationnistes
n'empêchent pas de telles tragédies; en fait, elles favorisent le durcissement des politiques doctrinales et renforcent un nationalisme et une rigidité politique de
mauvais aloi.
Par ailleurs, le Canada a fortement dénoncé la loi Helms-Burton que le Congrès américain a récemment adoptée par suite du drame survenu en février. Le Canada estime
que les lois de ce genre sont fondamentalement nuisibles : elles violent les principes du droit international et les obligations que les États-Unis ont eux-mêmes
contractées aux termes des accords commerciaux, y compris l'Accord de libre-échange nord-américain. De plus, la loi Helms-Burton vise à entraîner des pays tiers dans
un différend politique opposant Washington à La Havane. Nous n'accepterons pas qu'une puissance étrangère dicte aux entreprises canadiennes les paramètres de leurs
relations commerciales avec d'autres pays. En outre, cette loi a inutilement suscité de regrettables tensions entre des pays qui entretenaient depuis longtemps des
relations de bon voisinage.
Depuis le Sommet de Miami et dans le contexte des efforts de revitalisation de l'OEA, le programme d'action interaméricain a pris énormément d'ampleur. Pareille
évolution a d'excellents motifs et elle correspond à un niveau de coopération sans précédent entre les États américains, mais elle a parfois été assez difficile à
gérer. Le Canada a eu du mal à participer efficacement aux activités et il peut donc facilement imaginer que cela a dû être quasi impossible pour les petits États. Ce
ne sont ni les questions à traiter, ni la volonté de coopérer qui font problème, mais bien la gestion même des dossiers.
Le Canada croit que l'Organisation et ses institutions affiliées peuvent faire davantage pour s'allier aux organismes non gouvernementaux et au secteur privé et
profiter de leur immense savoir-faire et de leur formidable énergie. Ces intervenants ne peuvent que renforcer l'OEA et sa capacité de s'attaquer aux questions clefs
d'aujourd'hui et de demain et de prendre des décisions judicieuses à leur égard.
Par ailleurs, le Canada s'inquiète profondément de la situation financière dans laquelle l'OEA se trouve actuellement, les versements arriérés aux fonds ordinaires se
chiffrant à quelque 30 millions de dollars. L'adhésion à un organisme comporte des avantages, mais il y a aussi un prix à payer. Dans le contexte d'un budget à
croissance nulle, cet aspect est d'autant plus critique. Nous profitons de l'occasion pour exhorter l'OEA à se donner les moyens d'empêcher qu'une telle situation se
reproduise dans l'avenir; elle pourrait, par exemple, étudier les mesures qu'ont adoptées l'OPS [Organisation panaméricaine de la santé], les Nations unies et d'autres
organismes internationaux pour inciter les membres retardataires à verser leurs contributions.
Le Canada croit en ce que l'OEA peut accomplir en tant qu'institution politique vigoureuse et efficace, et il constate qu'elle a déjà bien des réalisations à son
crédit. Avons-nous donc déjà atteint tous nos buts? Non, loin de là! Mais l'OEA est une organisation qui a changé et qui est nettement meilleure que celle à laquelle
le Canada a adhéré il y a six ans. Grâce à la collaboration de ses membres, elle continue à progresser avec constance et concrètement vers ses objectifs de réforme et
elle devient un intervenant puissant et respecté dans les affaires mondiales.
Il n'y a donc absolument pas à douter qu'au moment où, avec votre appui, le Canada accueillera les participants à la 30e Assemblée générale de l'OEA en l'an 2000, au
début du nouveau millénaire, la nouvelle vision sera devenue réalité.
Je vous remercie, Monsieur le président.