ALLOCUTION DEVANT LE CENTRE SUR LES POLITIQUES EUROPÉENNES« LE CHEMIN VERS DOHA : LES LEÇONS DE LA ZLEA » - BRUXELLES (BELGIQUE)
2001/23 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
L'HONORABLE PIERRE PETTIGREW,
MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL,
DEVANT LE
CENTRE SUR LES POLITIQUES EUROPÉENNES
« LE CHEMIN VERS DOHA : LES LEÇONS DE LA ZLEA »
BRUXELLES (Belgique)
Le 18 mai 2001
(8 h HAE)
C'est avec beaucoup de plaisir que je me joins à vous ce matin. J'éprouve un énorme respect pour les travaux
du Centre sur les politiques européennes (CPE). En ma qualité de ministre, j'ai grandement bénéficié des
conseils constructifs et des éléments d'analyse prodigués par des experts en politiques comme vous-mêmes,
et je sais que mes homologues partout en Europe apprécient les travaux que réalise le CPE. Vous fournissez
une plate-forme aux leaders d'opinion, vous réunissez des décideurs clés et générez des solutions
innovatrices.
Si vous mettez d'abord l'accent sur des questions européennes, je sais qu'il y a des périodes où vous
examinez des questions plus éloignées, particulièrement dans les cas où il est probable que cette question
aura des répercussions en Europe. C'est pourquoi j'ai choisi de traiter le sujet suivant : « Le chemin vers
Doha : les leçons de la ZLEA ».
Je crois que mes récentes expériences, avant et après le Sommet des Amériques tenu à Québec, peuvent
fournir matière à réflexion pour la 4e Réunion ministérielle de l'OMC [Organisation mondiale du commerce] qui
se tiendra cet automne au Qatar.
Seattle a été un moment charnière -- une collision entre deux mondes
Bien évidemment, il est presque impossible d'entendre les mots « Conférence ministérielle de l'OMC » sans
que notre mémoire ne fasse resurgir des scènes de la dernière réunion, à Seattle.
À Seattle, deux mondes se sont rencontrés et, sont entrés en collision. Le premier monde était le monde
traditionnel, international des États qui se réunissaient pour négocier entre eux le lancement d'un nouveau
cycle de négociations commerciales. Le deuxième monde était le monde globalisé, représenté par un large
éventail de groupes, d'entreprises et d'intérêts particuliers.
Donc, on pourrait décrire Seattle comme une réunion entre l'ordre international et le désordre mondial -- et je
ne le dis pas dans un sens péjoratif.
Le monde international était représenté principalement par des gouvernements démocratiquement élus qui
venaient négocier des accords dans l'intérêt supérieur de leur population. Puisque c'était le cas, la plupart
étaient confrontés au fait que si leur population n'aimait pas les accords, elle aurait l'occasion de congédier le
gouvernement aux prochaines élections.
Ce monde international est en évolution depuis 400 ans; c'est l'État-nation que nous connaissons depuis le
Traité de Westphalie. Il est codifié; il est ritualisé. C'est un monde qui est plus ou moins prévisible. Tellement
prévisible, en réalité, qu'il peut parfois devenir très ennuyeux.
L'autre monde était le monde en émergence, le monde réel de la mondialisation. Cet autre monde est un
monde « multicentrique », composé d'un nombre presque illimité de participants qui ont une capacité d'action
internationale plus ou moins indépendante de l'État sous la compétence duquel ils existent, techniquement.
Leur sphère d'action se situe très souvent dans la zone qui échappe à l'attention des gouvernements en raison
des nouvelles technologies et de toutes sortes de développements. Ils ont cette « zone d'irresponsabilité »,
non pas au sens péjoratif, mais où la responsabilité n'existe pas parce qu'elle n'a pas été attribuée.
Or, le monde réel de la mondialisation a créé ou tout au moins grandement habilité ces mêmes protagonistes
qui décriaient la mondialisation et ils ont émergé pour la première fois à Seattle de manière très énergique.
L'ironie réside dans le fait qu'ils sont venus décrier justement le mouvement qui les a amenés là-bas.
L'élément clé, toutefois, tient au fait que, à de nombreux points de vue, Seattle a été un moment charnière.
Abstraction faite de ce qui s'est passé dans l'enceinte de la réunion, où la véritable incapacité de faire des
progrès s'est produite, c'est à Seattle que la communauté internationale a découvert elle aussi que les règles
avaient changé et que, dorénavant, chaque réunion d'un organe multilatéral, doit se préparer à des
manifestations et à des perturbations.
Les protestations ont suscité un réveil brutal, c'est le moins qu'on puisse dire. Il serait par trop facile de donner
à entendre que certaines préoccupations très étroites sont à l'avant-plan de ces protestations ou que bon
nombre des participants sont mal informés; la vérité, toutefois, c'est que certains intérêts et organisations
crédibles et bien informés soulèvent certaines préoccupations légitimes. Bien évidemment, l'ironie tient au fait
que certaines des réunions que les contestataires ont cherché à perturber visaient à traiter bon nombre de ces
préoccupations.
À mon avis, cependant -- une fois qu'ils ont surmonté le choc initial -- les gouvernements et les organismes
internationaux ont appris certaines leçons, se sont adaptés aux nouvelles réalités, ont fait des changements
importants et ont jeté les bases des futurs succès.
Succès de Québec -- le 3e Sommet des Amériques
De ce fait, sur le chemin de Seattle à Doha, nous disposons maintenant d'un jalon important : Québec, site du
3e Sommet des Amériques. Les résultats de cette réunion d'avril révèlent tout le chemin que nous avons
parcouru en tout juste 16 mois.
Réfléchissez à ce qui suit : les 34 dirigeants démocratiquement élus des Amériques sont sortis de leurs
pourparlers à Québec unis dans leur engagement envers la démocratie, l'ouverture du commerce, la mise en
commun de la prospérité, la réalisation du potentiel humain et l'inclusion sociale. Ce faisant, les dirigeants ont
adopté un ambitieux plan d'action, visant les droits de la personne, la primauté du droit, la participation d'ONG,
la stabilité financière, le développement durable et l'équité entre les sexes, pour n'en nommer que quelques-uns.
Les dirigeants ont réitéré leur engagement de créer une Zone de libre-échange des Amériques d'ici 2005. Ils
ont aussi approuvé un financement important en guise d'appui à leurs objectifs -- plus de 56 milliards de dollars
américains seront acheminés par l'intermédiaire de la Banque interaméricaine de développement et la Banque
mondiale pour renforcer les institutions démocratiques, les infrastructures économiques, l'éducation, les soins
de santé et la connectivité. Cet engagement financier suffit à changer véritablement des choses. À ce titre, il
constitue un exemple très palpable de ce dont nous parlions lorsque nous disions que le Sommet de Québec
ne portait pas seulement sur le commerce.
Les nations des Amériques ont également fait un pas historique pour renforcer la démocratie dans l'ensemble
des Amériques en convenant de respecter une clause démocratique -- qui fait de l'engagement envers le
gouvernement démocratique une condition de participation au processus des Sommets des Amériques. Les
dirigeants ont également pris des engagements importants dans les domaines de la réalisation du potentiel
humain et du soutien de la connectivité.
L'OMC doit apprendre de Buenos Aires et de Québec
Compte tenu de tout ce qui a été réalisé et de la façon dont les choses ont été menées, on pourrait dire que
Québec représente le début d'une nouvelle ère. Des progrès ont été réalisés sur un large éventail de
questions. Dans le domaine de la libéralisation du commerce, certes, mais aussi dans un certain nombre de
domaines complémentaires de la libéralisation des échanges. À mon sens, l'OMC pourrait bénéficier
grandement de cet exemple.
Les conditions pour aller de l'avant avec la Zone de libre-échange des Amériques sont maintenant plus
favorables qu'elles ne l'ont jamais été. Pourquoi en est-il ainsi? À mon avis, c'est parce que les partisans de la
libéralisation des échanges commerciaux ont repris l'initiative perdue à Seattle. Nous, les partisans, nous
sommes regroupés et démontrons de plus en plus -- nous ne nous contentons pas d'affirmer -- les avantages
du commerce pour tous nos citoyens.
Nous avons également réussi à arriver aussi loin parce que nous avons tiré des leçons importantes depuis
Seattle, leçons qui ont été mises à l'essai tout récemment à Buenos Aires et à Québec. Les 34 pays des
Amériques constituent un large échantillon de pays, petits et grands, développés et en développement, ouverts
et fermés. En d'autres termes, ils sont très similaires à la composition de l'OMC.
Première leçon : engagement envers la transparence
La première leçon concerne la nécessité d'une plus grande transparence. En réalité, existe-t-il un exemple plus
évident du nouveau paradigme que les progrès accomplis en matière de transparence à Buenos Aires dans la
période préparatoire à Québec? Avant Seattle, seuls quelques membres de l'OMC prenaient cette question au
sérieux; maintenant, les 34 pays de la ZLEA souscrivent à la publication des projets de textes de négociation.
Ce développement novateur est survenu à notre Réunion ministérielle à Buenos Aires. C'est là que mes
homologues et moi-même avons causé une certaine surprise lorsque nous avons annoncé que nous avions
convenu de publier le projet d'accord sur la ZLEA. Mais, voyez-vous, ce qui m'a inspiré, c'était ma confiance
que mes collègues ministres du Commerce se rendaient compte -- comme je l'avais fait -- que nous vivons
dans un monde très différent de celui qui existait avant Seattle. Nous vivons dans le monde d'Internet -- où il y
a tellement d'informations disponibles instantanément, en cliquant sur un bouton. Nous vivons dans un monde
où les populations sont plus sceptiques; si elles ne peuvent tenir quelque chose dans leurs mains, non
seulement cela n'a pas de valeur, en réalité, mais c'est suspect.
En rendant publics les textes de négociation, nous les démystifierons aux yeux de nombreux citoyens. En leur
permettant de consulter les textes, nous éliminons une des revendications les plus bruyantes du mouvement
antimondialisation, l'accusation selon laquelle les accords commerciaux sont enveloppés de secret, conclus
derrière des portes clauses au nom des entreprises transnationales.
Cette nouvelle ouverture a valeur de symbole d'une nouvelle ère des pourparlers commerciaux, et j'ai la ferme
conviction qu'elle porte de grandes promesses pour l'avenir, même s'il y aura toujours de nombreux défis sur la
route qui nous attend.
Deuxième leçon : accroissement de l'ouverture, de l'inclusion et du dialogue
Une autre leçon que nous avons apprise, c'est d'écouter les contestataires et leurs préoccupations. Dans les
mois qui ont précédé Seattle, le Canada avait pris des mesures pour inclure des représentants d'un large
échantillon de groupes dans sa délégation.
Ce que nous avons constaté, c'est que les problèmes qui ont tourmenté nos négociateurs -- comment saisir les
avantages tout en conservant le contrôle de politiques sociales ou économiques clés -- sont des problèmes qui
préoccupent aussi les ONG. Nous avons également constaté que ce qui nous sépare des sceptiques et des
détracteurs, à la présente étape, c'est que nous voyons les gouvernements comme faisant partie de la solution
des défis de la modernisation, y compris de la mondialisation. Certains des contestataires, pour le moins, ont
une vision différente.
Je crois qu'un autre élément qui nous distingue de nos détracteurs est que notre réflexion a évolué,
contrairement à celle de la plupart de nos détracteurs. Dans les Amériques, du moins, les ministres du
Commerce ont beaucoup cheminé et mènent maintenant leur activité d'une manière nettement différente que
par le passé.
Les pays des Amériques reconnaissent maintenant, par exemple, qu'il y a place pour de nombreuses voix dans
le débat sur la ZLEA. Cela nous a incités à ouvrir un dialogue avec des représentants de groupes d'intérêts
dans nos sociétés. L'écoute du public ou des ONG n'a pas toujours été une pratique normale pour les
ministres du Commerce des Amériques. Je crois qu'une percée décisive s'est produite à notre réunion de la
ZLEA de novembre 1999 à Toronto, lorsque 22 ministres du Commerce ont souscrit à ma proposition de
traverser la rue et de rencontrer face à face les ONG d'un peu partout dans les Amériques. C'était un
précédent pour bon nombre d'entre eux. À mon avis, nous avons grandement bénéficié de leur analyse de
nombreuses questions différentes. Aujourd'hui, nous avons même constitué un Comité de la société civile.
Toutefois, pour qu'il y ait place pour de nombreuses voix dans le débat, il doit inclure non seulement les
manifestants dans les rues ou des gens de la société civile, mais aussi les consommateurs pris dans leur
ensemble et le monde des affaires. L'élaboration des règles commerciales doit traduire les défis actuels et
futurs qui se posent aux entreprises. Je mets donc au défi le monde des affaires des deux côtés de l'Atlantique
de participer plus pleinement au débat actuel sur une nouvelle libéralisation des échanges et, en particulier, sur
la substance d'un nouveau cycle de négociations. J'encourage les entreprises à prendre position, que ce soit
en public ou dans les nombreux véhicules de dialogues, y compris, par exemple, la Table ronde Canada-Europe pour les entreprises.
Troisième leçon : il faut s'attaquer aux préoccupations des économies moins développées
La troisième leçon -- qui constitue un des plus grands défis qui demeurent, à mon sens -- consiste à faire en
sorte que les préoccupations des économies plus petites soient véritablement prises en compte. À cet égard, le
processus de la ZLEA fournit encore une fois un exemple susceptible d'aider l'OMC, parce qu'une des
préoccupations centrales dans les négociations de la ZLEA a été le défi de l'intégration des préoccupations
des économies de plus petite taille dans le processus de négociation.
Les questions auxquelles les économies de plus petite taille sont confrontées comprennent la nécessité du
renforcement des capacités, l'assistance technique et la reconnaissance de leurs défis précis en qualité de
participants au processus de la ZLEA. Manifestement, ces questions seront très importantes aussi dans tous
les pourparlers de l'OMC.
Ces pays plus petits ne disposent pas de tous les avantages que les populations des pays plus riches tiennent
pour acquis. Nous bénéficions d'économies diversifiées; de populations prospères, en bonne santé et bien
éduquées; de longues traditions de démocratie et de primauté du droit; d'environnements sains et
d'infrastructures solides.
Ils souhaitent aussi les posséder, mais ils se heurtent à de nombreux obstacles, certains d'ordre
environnemental, certains de nature historique et d'autres de nature structurelle.
Les économies plus importantes sont mieux à même d'absorber les chocs qui accompagnent la mondialisation.
Lorsque la concurrence étrangère exerce des pressions sur un secteur, nous pouvons compenser grâce à la
force d'autres secteurs. Nous pouvons nous permettre d'amortir le coup qui résulte parfois de la concurrence
étrangère; nous pouvons aider nos citoyens à se redresser, à obtenir une formation et à trouver un nouveau
travail. La plupart des économies moins développées n'ont pas la capacité de le faire.
De nombreux pays moins développés sont donc, et on peut le comprendre, inquiets de conclure un accord qui
pourrait écraser leur économie fragile. Nous ne devons pas laisser cela se produire. La libéralisation du
commerce doit profiter à toutes les économies, en particulier celles de plus petite taille. C'est là une autre leçon
de Seattle. À cette réunion, les pays moins avancés ont fait entendre leur voix, en exigeant que les futurs
pourparlers commerciaux prennent leurs préoccupations en considération.
À Seattle, en ma qualité de président du Groupe de travail sur la mise en œuvre, j'ai vu des preuves de ces
défis. Les économies de plus petite taille ont livré un message vigoureux et structuré selon lequel les règles de
la libéralisation des échanges doivent changer et, donc, les avantages à la fois pour les grandes et les petites
économies doivent être nettement évidents.
Comment les pays de la ZLEA ont-ils relevé ce défi? À notre réunion de Buenos Aires, l'ambassadeur Robert
Zoellick, le président de la Banque interaméricaine de développement, Enrique Iglesias, et moi-même avons
tous pris position en faveur de la prestation aux économies de plus petite taille de l'assistance dont elles ont
besoin pour participer au processus de la ZLEA et pour bénéficier de l'accord éventuel. Le Canada dispensera
des programmes d'assistance technique pour renforcer les capacités en vue du commerce, de l'investissement
et de la stabilité financière. Les États-Unis prodigueront une assistance technique bilatérale par l'intermédiaire
de l'agence USAID [Agence des États-Unis pour le développement international] et la Banque interaméricaine
de développement aidera les pays de la ZLEA à prendre en charge les coûts de l'ajustement et de la transition.
La réaction à notre claire sensibilité aux préoccupations des pays moins développés -- et à notre engagement
de les prendre en compte -- a été positive et immédiate. La CARICOM [Communauté des Caraïbes] et les
pays d'Amérique centrale ont souscrit au délai proposé de 2005 pour les négociations de la ZLEA. Maintenant,
les 34 dirigeants des Amériques -- des économies développées les plus importantes aux économies insulaires
de plus petite taille et moins développées, et de la gauche et de la droite du spectre politique -- affirment sans
hésitation qu'ils veulent « être dans le coup ».
Aux XIXe et XXe siècles, le monde a assisté aux affrontements traditionnels entre les classes, les travailleurs
contre les capitalistes. Toutefois, le monde d'aujourd'hui est différent -- les idéologies politiques évoluent.
Maintenant, même les dirigeants socialistes reconnaissent les avantages potentiels du commerce et le voient
comme une partie de la solution, et non pas du problème.
Tous les dirigeants ont reconnu que la ZLEA pourrait générer de grandes richesses pour leurs citoyens et leurs
industries. Cela nous aidera à ouvrir une ère de prospérité et, simultanément, cela contribuera au renforcement
des programmes sociaux. Cela pourrait déboucher sur un relèvement de la protection de l'environnement et de
la coopération dans ce domaine au bénéfice de l'hémisphère et, en réalité, de la totalité de la communauté
mondiale.
Sur le chemin de Doha, il y a encore une certaine distance à franchir, mais il est rassurant de noter que les
dirigeants sont activement en train de s'attaquer aux questions particulières qui se posent aux pays en
développement. À cet égard, je tiens à saluer mon ami et collègue Pascal Lamy, commissaire européen, pour
son initiative constructive « Tout sauf des armes ». Je tiens également à faire mention des bons travaux
réalisés cette semaine à la 3e Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés, à Bruxelles.
Le Canada y joue un rôle significatif : nous avons contribué au Cadre intégré pour l'assistance technique liée
au commerce et nous avons activement soutenu le programme d'action pour la cohérence sur lequel il se
fonde. L'an dernier, le Canada a accordé l'accès en franchise aux exportations de pays moins avancés au titre
de 570 postes tarifaires supplémentaires, programme qui comprend maintenant 90 p. 100 de nos lignes
tarifaires. Le Canada a également dirigé les pays du G-7 en ce qui concerne la question du soulagement de la
dette, de manière la plus notable en janvier de cette année, en arrêtant la perception du service de la dette de
pays pauvres lourdement endettés qui peuvent utiliser les économies ailleurs d'une manière productive.
Nécessité de veiller à ce que les réunions internationales soient sûres et ininterrompues
Toutefois, nous devons tous reconnaître qu'un autre défi sur le chemin de Doha consiste à aider d'abord nos
citoyens à surmonter les soupçons qu'ils entretiennent au sujet des accords commerciaux. Pour ceux d'entre
nous qui sont dans les Amériques, les réunions de Buenos Aires et de Québec nous ont placés sur la route
menant à l'atteinte de cet objectif. Nous avons démontré une préoccupation authentique et renforcée en ce qui
concerne les besoins des populations ainsi qu'un engagement de favoriser la prospérité et d'aider les
économies de plus petite taille à relever les défis qui se posent à elles.
Néanmoins, la nécessité de réagir aux préoccupations et actions du public demeure pour nous dans les
Amériques (comme elle demeure encore pour les membres de l'OMC). Nous, ministres du Commerce et
dirigeants, avons montré que nous n'avons pas des esprits fermés -- j'espère seulement que nos détracteurs
sont tout aussi disposés à revoir leurs approches. On pourrait trouver un motif de consolation dans le fait que
la conduite d'une minorité de manifestants a eu pour effet de miner les messages légitimes que certains
groupes cherchent à transmettre, mais la vérité est que les gouvernements doivent beaucoup mieux
communiquer les avantages du commerce que nous ne l'avons fait par le passé.
À mon avis, ceux qui sont réunis dans les rues sont un peu trop zélés dans leur approche. J'estime qu'il est
antidémocratique d'avoir pour objectif de bloquer une réunion de dirigeants dûment élus. À n'en pas douter, il
est plus approprié de soumettre la dissension directement aux représentants élus dans chaque État ou nation.
Et, comme c'est le cas dans toute démocratie, si une proportion suffisante de la population appuie l'opinion des
détracteurs du commerce, le gouvernement recevra le message d'une façon ou d'une autre. C'est pourquoi je
considère que les précautions que nous avons prises à Québec pour garantir que la réunion puisse se tenir
n'étaient pas uniquement appropriées, mais absolument essentielles pour préserver la démocratie et le
fonctionnement du système international. Les pays qui accueilleront des réunions multilatérales au cours des
prochains mois et des prochaines années auraient intérêt, je pense, à examiner les leçons de Buenos Aires et
de Québec.
Les défis sur le chemin de Doha
Maintenant, en jetant un regard vers la réunion de Doha en novembre, il me semble que l'approche fructueuse
de la ZLEA soumet certaines orientations que nous voudrons peut-être tous suivre pour assurer un bon départ
au nouveau cycle de négociations commerciales mondiales.
En premier lieu, comme je viens de l'indiquer, nous devons maintenir le soutien national à la libéralisation des
échanges. Ceux qui ont pour intérêt à long terme de fonctionner dans un contexte stable, prévisible, fondé sur
des règles doivent se faire entendre. En outre, les gouvernements doivent de plus en plus, et de manière
transparente, consulter les citoyens, dialoguer avec eux, leur expliquer leurs politiques et leurs approches, et
justifier la confiance que les citoyens souhaitent leur accorder pour gérer le changement au mieux.
Simultanément, nous devons aussi renforcer le soutien international. Nous devons faire tout ce que nous
pouvons pour nous préparer à une réunion ministérielle qui soit gérable. Cela signifie un texte plus court
comportant moins d'éléments de décision pour les ministres que ce que nous avons connu à Seattle, et un
engagement d'éviter de préjuger des résultats.
En réduisant les différences philosophiques, nous pouvons nous assurer que les différences économiques
seront abordées là où elles le devraient -- dans les négociations. Cela signifie s'entendre sur la façon de traiter
des questions qui vont au-delà du commerce; s'entendre sur la modernisation de nos méthodes, en devenant
plus transparents et inclusifs; s'entendre sur ce que l'objectif fondamental de la nouvelle négociation sera.
Je crois qu'il s'agira de concevoir un système commercial qui communique mieux les avantages du commerce
pour chacun. Je crois que nous devrons tous prendre une grande respiration lorsque nous nous rendrons
compte de ce que cela signifie vraiment, qu'il s'agisse de réduire la protection dans certains secteurs ou
d'abandonner notre attachement aux subventions ou à d'autres mécanismes préférentiels et, dans l'intervalle,
toujours gérer nos relations commerciales comme il convient.
Le Canada et l'Union européenne ont bien œuvré ensemble sur tous ces fronts et nous continuerons de le
faire. Nous partageons largement des opinions sur les aspects sociaux du commerce et sur la façon de les
traiter. Nous sommes chacun des défenseurs de la transparence et de l'inclusion. Et nous reconnaissons que
le nouveau système économique comportera des éléments qui iront au-delà du commerce et que l'adoption
d'un nouveau système qui pourrait comporter la politique de concurrence, la facilitation du commerce, peut-être
même l'investissement, demandera du courage et un engagement.
Nous avons tenu des réunions à tous les échelons pour voir ce que nous pouvons faire, à la fois au sein de
nos relations bilatérales et en agissant de concert avec la Quadrilatérale, l'OCDE [Organisation de coopération
et de développement économiques] et l'OMC pour formuler une vision d'un meilleur système commercial
international, et pour dégager un consensus sur la façon de se diriger vers cet objectif, pour le bien de nos
populations et, de fait, des populations dans toutes les régions du monde.
La réflexion des ministres du Commerce a évolué
En conclusion, je tiens à souligner qu'une des clés de notre succès dans le projet de ZLEA réside dans le fait
que la réflexion des ministres du Commerce a évolué considérablement. Nous avons fait beaucoup de chemin.
L'accroissement de la transparence est un élément clé de cette démarche, mais ce n'est pas le seul volet. Le
dialogue a considérablement changé et le degré de compréhension et de sensibilité aux préoccupations du
public en ce qui concerne les questions qui sont souvent associées au commerce international est très évident.
Nous avons également démontré un engagement de traiter les questions soulevées par les pays moins
développés.
Au moyen de cette approche, nous avons pu reprendre l'initiative qui avait été temporairement perdue. Si nous
pouvons trouver une cause commune parmi 34 économies et démocraties aussi différentes des Amériques, je
crois que nous pouvons faire de même pour l'OMC.
Je vous remercie.