Le 27 avril 2006
OTTAWA (Ontario)
2006/3
SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS
NOTES POUR UNE ALLOCUTION
DE
Mme HELENA GUERGIS,
SECRÉTAIRE PARLEMENTAIRE DU
MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL,
À L’OCCASION DU
FORUM DES POLITIQUES PUBLIQUES SUR LES RELATIONS ENTRE
LE CANADA ET LES ÉTATS-UNIS
Je suis ravie d'être parmi vous, ce soir, pour le lancement du Forum des politiques
publiques. Et je tiens à féliciter les organisateurs du Forum, qui ont axé leurs efforts et
leurs idées sur cet enjeu important, à un moment qui l'est tout autant.
Une amitié à nulle autre pareille…
Le premier ministre et son gouvernement n'ont jamais caché qu'ils souhaitaient
améliorer le ton des relations entre le Canada et les États-Unis. Le discours du Trône
décrivait d'ailleurs les États-Unis comme « notre meilleur ami et notre plus grand
partenaire commercial ».
Aujourd’hui, nous avons vu que la conjonction de ces qualités – notre amitié et nos
relations commerciales – a pu résoudre un problème difficile qui, depuis de
nombreuses années, a créé d’énormes pressions sur nos deux pays.
Depuis la rencontre du premier ministre Harper et du président Bush à Cancun le mois
dernier, nos gouvernements respectifs ont mené des discussions avec l’industrie et les
autres parties intéressées afin de trouver une solution au conflit du bois d'œuvre.
L’accord-cadre annoncé aujourd’hui à Washington représente une solution juste et
durable à ce différend. Il vise à assurer l’accès au marché américain, à protéger la part
canadienne du marché et à éliminer des droits aux effets punitifs. L’accord permettra
en outre le retour à l’industrie canadienne de 4 milliards de dollars US en droits perçus
par les États-Unis. L’élément le plus important, c’est qu’il assurera une situation de
stabilité pour à une industrie canadienne durement touchée par 20 ans de recours
commerciaux intentés inlassablement par l’industrie américaine.
Au nom du ministre, je tiens à remercier les équipes de négociation des deux pays pour
leur détermination inlassable à résoudre ce problème, pour avoir conclu au nom des
Canadiens un meilleur accord que ceux qui ont été débattus au cours des négociations
antérieures et pour avoir démontré au monde entier que le Canada et les États-Unis
sont capables de régler des problèmes difficiles comme celui-ci et en sortir plus forts –
et toujours amis.
C'est délibérément que j’emploie le terme « ami ». Nos relations avec les États-Unis
vont au-delà de notre environnement géographique commun et des statistiques
commerciales. Elles sont également liées à notre histoire commune, aux valeurs que
nous partageons et à l'intégration de nos deux économies.
Mais pour diverses raisons, on présente souvent ces relations sous un jour négatif et
on tend à les définir par nos divergences : divergence en matière de politiques,
divergences en matière culturelle et sociale. Il arrive souvent que ces différences
amènent certaines personnes surexcitées à réclamer que nous fermions les portes
entre nos deux pays plutôt que de les ouvrir encore davantage. Pis encore, nous
accordons de l'importance à ces différences au détriment d'une vision plus globale de
nos relations. Nous en venons ainsi à passer sous silence les domaines dans lesquels
nous avons beaucoup en commun : notre histoire commune et notre vision commune
de la démocratie font que nos sociétés comptent parmi les plus libres et les plus
ouvertes du monde; les efforts que nous déployons ensemble sur la scène
internationale — que ce soit en Afghanistan et ou dans le cadre de l'OTAN
[Organisation du Traité de l’Atlantique Nord] et de l'Organisation des États américains
— contribuent à accroître le bien-être et la sécurité de l’humanité; les femmes et les
hommes qui travaillent dans nos ambassades et nos missions maintiennent des liens
diplomatiques étroits entre nos deux pays et font valoir nos intérêts nationaux respectifs
aux différents échelons du pouvoir dans nos deux pays; enfin, nos économies sont
interdépendantes, faisant de l'Amérique du Nord le continent le plus prospère de la
planète.
À l'évidence, notre partenariat avec les États-Unis, non seulement en Amérique du
Nord mais à travers le monde, est trop important et trop essentiel — et les valeurs que
nous avons en commun sont trop nombreuses — pour permettre à la « tyrannie des
petites différences » de nuire à l'une des alliances les plus fructueuses au monde.
S’il est un domaine dans lequel ce partenariat est florissant, c’est bien celui des
échanges commerciaux.
…et des relations commerciales à nulle autre pareilles
Tout comme les États-Unis, nous croyons fermement en la valeur bénéfique des
échanges commerciaux qui se déroulent dans des marchés ouverts.
Forts de cette conviction, nos deux pays se sont associés pour contribuer au
développement de l'économie mondiale telle que la connaissons aujourd'hui, d’abord
dans le cadre du GATT [Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce ] puis
dans le contexte des négociations de l'OMC [Organisation mondiale du commerce], qui
aident à stimuler le commerce mondial.
C'est d’ailleurs cette conviction qui nous a amenés à établir les relations commerciales
bilatérales les plus vastes au monde.
Il est parfois difficile de croire que le libre-échange entre nos deux pays date d’à peine
vingt ans.
Nous devons le succès de cette initiative à un petit groupe de Canadiens et
d'Américains visionnaires qui ont mis en place le libre-échange entre nos deux pays et
qui l'ont étendu par la suite au Mexique.
Ces femmes et ces hommes se sont largement inspirés des liens commerciaux qui
existaient déjà entre nos pays. Ils ont compris qu'il était possible de s'appuyer sur ces
fondations et de créer un marché libre et ouvert à l'échelle du continent.
Le temps — et les chiffres — leur ont donné raison.
Chaque jour, les échanges de produits et services entre nos deux pays totalisent près
de 2 milliards de dollars, et 37 000 camions et 300 000 personnes franchissent nos
frontières. L'an dernier, le Canada représentait le premier marché d'exportation pour
38 États américains. En fait, nous commerçons davantage avec un grand nombre
d'États — le Michigan, New York et la Californie, par exemple — qu'avec des pays
comme le Japon, la Grande-Bretagne et la France.
Mais ces relations commerciales vont bien au-delà des importations et des
exportations. Il faut également savoir que les grandes sociétés des deux pays ont
harmonisé leurs activités de façon à ce qu’elles se déroulent sans heurt. Il faut savoir
que d’énormes investissements bilatéraux nous rapprochent toujours plus. Il faut savoir
que 34 p. 100 des échanges commerciaux canado-américains se font à l'intérieur d'une
même entreprise. Et il faut savoir que nos systèmes de transport et nos infrastructures
soutiennent nos échanges transfrontaliers et nous permettent d'exporter vers les
marchés du monde entier.
De plus, même si certains peuvent penser que c'est le contraire, 95 p. 100 de nos
échanges se déroulent dans un climat exempt de tout différend. Croyez-moi, cela
prouve la solidité de nos relations bilatérales — qui totalisent, rappelons-le, des
milliards de dollars chaque jour.
Mais nous sommes en droit de nous poser la question suivante : ce succès est-il
appelé à durer éternellement?
Le monde a changé depuis l'entrée en vigueur de l'ALENA [Accord de libre-échange-nord-américain]. Nous devons veiller à ce que celui-ci continue d’être adapté aux
besoins et à préserver la compétitivité du Canada — et celle de toute l'Amérique du
Nord — au cours des cinq ou dix prochaines années.
Avons-nous tendance à considérer nos liens étroits avec les États-Unis comme un fait
acquis?
Le monde change
Il importe que nous prenions cette question au sérieux, pour deux raisons.
Premièrement, parce que nous vivons dans un monde où la concurrence ne cesse de
s’accentuer. Il suffit de penser aux nouveaux accords de libre-échange que les États-Unis ont signés avec des pays comme l'Australie, le Chili et Singapour, à la
multiplication des échanges commerciaux et des flux d'investissements entre les États-Unis et la Chine, un pays qui pourrait supplanter le Canada comme principal partenaire
commercial des États-Unis, ou encore à la montée du protectionnisme chez certains
membres du Congrès américain qui seraient ravis qu'on ferme les frontières aux
échanges commerciaux plutôt que de les ouvrir. Le Canada ne doit donc pas croire que
ses relations privilégiées avec les États-Unis sont assurées à tout jamais.
La deuxième raison est similaire à la première, mais elle a une portée plus vaste. Il est
vrai que les concurrents sont aux abois, non pas uniquement pour le Canada mais pour
toute l'Amérique du Nord.
Les chaînes mondiales de valeur et d'approvisionnement, conjuguées à la révolution
informatique et à l'élimination progressive des entraves au commerce, ont littéralement
révolutionné les échanges mondiaux. Elles ont créé un monde où les frontières sont de
moins ne moins visibles, où les distances s’amenuisent se réduisent, où les frontières
s’estompent et où des pays comme la Chine, la Corée du Sud, l'Inde, la Russie et le
Brésil se positionnent aux premiers rangs.
Quelle que soit leur taille, les économies unissent leurs forces pour s'adapter à cette
nouvelle réalité. Elles se rendent compte très vite qu'elles sont plus fortes et plus
compétitives ensemble que séparément. Elles créent des liens toujours plus étroits et
mettent en place des normes communes, des règlements compatibles et des corridors
commerciaux intégrés.
On l’a vu en Europe avec la création de l'Union européenne. Et on commence à le voir
en Amérique centrale et en Amérique du Sud.
Et on le voit certainement en Asie, grâce à l'ANASE [Association des nations de l’Asie
du Sud-Est] et à l'APEC [Coopération économique Asie-Pacifique], ainsi qu’aux
accords de libre-échange bilatéraux conclus par divers pays de la région.
L’intégration croissante de l'Asie signifie également que nos secteurs industriels sont
aux prises avec des pays où les capacités de fabrication sont très avancées et avec
des marchés où la main-d'œuvre est peu coûteuse, ce qui attire les entreprises
étrangères et donne à l'Asie la possibilité de se tailler une place dans diverses
industries.
Les conséquences de cette situation pour l'Amérique du Nord sont évidentes. Nous
devons impérativement nous adapter à ce nouveau monde sans frontières si nous
voulons rester compétitifs.
Pour le Canada et ses partenaires américains et mexicains, l’alternative est claire.
Les trois pays vont-ils se concurrencer l’un l’autre, de façon que chacun prétendra être
l’endroit idéal pour attirer les entreprises et investisseurs étrangers?
Ou y a-t-il des mesures que nous pouvons prendre pour rapprocher davantage nos
économies afin de relever le défi de la compétitivité?
Il faut améliorer la compétitivité de l'Amérique du Nord
En fait, la compétitivité du continent nord-américain a été le principal sujet de
discussion lors de ma récente rencontre avec mes collègues de l’ALENA au Mexique.
Nous avons convenu d’étudier de façon plus détaillée comment les secteurs peuvent
collaborer plus étroitement et comment nos pays peuvent éliminer les obstacles à
l’intégration des chaînes d’approvisionnement.
Ce sujet a également été abordé lors du sommet trilatéral de Cancun, au cours duquel
les trois dirigeants ont décidé de commencer à réfléchir aux moyens d'accroître la
compétitivité de l'Amérique du Nord.
On pourrait par exemple rapprocher davantage certains secteurs de nos trois pays, en
établissant un cadre plus intégré, exempt de frontières. Cela signifie que des secteurs
clés — l'automobile et l'acier, par exemple — collaboreraient étroitement, au-delà des
frontières, pour trouver les moyens d’accroître les parts de l'Amérique du Nord sur le
marché mondial.
Nous pouvons également prendre des mesures en vue d'uniformiser davantage nos
politiques d'investissement et nos réglementations respectives.
En outre, nous devrions collaborer davantage dans les domaines de la recherche et du
développement, des sciences et des technologies et de la protection de la propriété
intellectuelle — éléments essentiels à la promotion d'une économie nord-américaine du
savoir, qui pourra faire concurrence au reste du monde.
Il nous faut également mieux comprendre la façon dont les chaînes
d'approvisionnement nord-américaines profitent à nos entreprises implantées dans le
monde entier. Cela signifie que nous devons poursuivre de façon plus intense
l’intégration des différents systèmes de transport continentaux. Le concept de la porte
d'entrée du Pacifique en est un bon exemple. Cette région pourrait bien devenir un
centre névralgique du système de transport nord-américain, s’étendant depuis les ports
de Prince Rupert et de Vancouver jusqu'à la Californie et au Mexique, et créant une
toute nouvelle façon de concevoir les liens avec l'Asie.
Nous devons par ailleurs accepter la sécurité comme un enjeu quotidien. Le marché
nord-américain peut être à la fois concurrentiel et sûr. La sécurité et la prospérité
peuvent aller de pair, et c’est pourquoi nous nous sommes engagés à faire des progrès
dans le dossier du Partenariat nord-américain pour la sécurité et la prospérité, annoncé
en mars 2005.
Soyons clairs. Il ne s'agit pas de créer une forteresse nord-américaine. Nous
n'essayons pas de tenir le reste du monde à l'écart, mais plutôt de créer une plaque
tournante nord-américaine efficace, qui serait comme une sorte d'aimant pour le
commerce mondial, capable de faire concurrence à ce que les autres pays ont de
meilleur à offrir.
Nous devons affirmer avec tout autant de clarté que nous sommes tout aussi
réfractaires à l’idée de compromettre notre souveraineté.
Une vérité fondamentale qui se dégage des relations canado-américaines, c’est que le
Canada a largement profité du libre-échange avec son voisin.
Je suis de ceux qui croient que l'interdépendance économique croissante avec les
États-Unis a stimulé — et va continuer de stimuler — la prospérité du Canada. Une
économie nationale prospère nous permettra de renforcer notre souveraineté et notre
identité nationale, plutôt que de les éroder. En d'autres termes, en renforçant les liens
entre nos économies, nous ferons en sorte que les accords que nous négocions
servent et défendent les intérêts du Canada et que le Canada soit maître de son avenir,
dans son propre intérêt, et qu’il soit doté d'une économie vigoureuse et prospère.
En étant partenaire au sein d'une région économique dynamique et compétitive et en
faisant entendre sa voix sur la scène internationale afin de promouvoir des échanges
commerciaux ouverts et fondés sur des règles acceptées de tous, le Canada s’assurera
de rester l'un des pays les plus prospères au monde.
Être en désaccord sans être désagréable
Voilà qui m'amène à aborder un autre aspect essentiel à toute relation amicale — il
peut arriver que des amis tombent en désaccord.
La question de la frontière en est peut-être le meilleur exemple. Nous nous entendons
sur la nécessité de sécuriser la frontière. Nous examinons un certain nombre de
moyens d’atténuer l’impact de l’initiative WHTI (Western Hemisphere Travel Initiative),
qui a été approuvée par le Congrès américain, et de veiller à ce que les mouvements
de personnes et de marchandises de part et d’autre de la frontière se déroulent de
manière aussi efficace que possible. L’ambassadeur Michael Wilson a rappelé la
nécessité de créer une « frontière intelligente », pas une frontière infranchissable. Mes
collègues du Cabinet et moi-même continuerons à travailler en étroite collaboration
avec nos homologues américains afin d’atteindre cet objectif.
Il est évident que ces problèmes mettent nos liens d’amitié à l’épreuve. Ils intensifient
les pressions exercées des deux côtés de la frontière pour que l’on ferme les portes au
commerce au lieu de les ouvrir.
Cependant, comme le démontre la nouvelle qui a été annoncée aujourd’hui au sujet du
bois d’œuvre, nous pouvons résister à ces pressions. Nous pouvons être en désaccord
sans être désagréables. Et, par-dessus tout, nous pouvons régler des problèmes
comme celui-ci, et en sortir plus forts. Non pas seulement parce que nous sommes
voisins dans le secteur de libre-échange le plus vaste au monde, ni parce que nous
sommes chacun le plus important partenaire commercial de l’autre, mais en tant
qu’amis.
Conclusion
Ainsi, lorsque vous examinerez les grands enjeux demain, essayez de ne pas perdre
de vue les vertus de l'amitié qui lie nos deux pays.
Les amis coopèrent. Le Canada et les États-Unis collaborent depuis longtemps sur la
scène internationale, afin qu'il soit plus agréable et plus sûr de vivre sur notre planète.
Les amis bâtissent ensemble. Ensemble, nous avons créé le plus important marché de
libre-échange du monde, destiné à permettre à nos pays — et à notre continent —
d'être plus concurrentiels au cours des années à venir.
De plus, même si les amis peuvent parfois tomber en désaccord, ils peuvent aussi
régler ces désaccords, comme nous l’avons fait pour le bois d’œuvre et comme nous le
ferons dans tout autre dossier nécessitant un dialogue mené dans le calme et le
respect avec nos partenaires américains. Nous ne laisserons pas nos différences
prendre le dessus.
Il est clair que nous sommes arrivés à une étape cruciale de nos relations. Les réalités
du commerce mondial nous ont obligés à faire un choix non ambigu: ou bien nous
maintenons le statu quo, ou bien nous allons au-delà. Selon moi, le choix est facile à
faire : lorsque le monde évolue, il faut évoluer avec lui.
Ce soir, j'ai évoqué une voie à suivre, une vision qui propose des relations canado-américaines plus saines dans le contexte d'une Amérique du Nord plus compétitive.
Le défi que nous devons relever consiste à afficher la même détermination que celle
qui a donné naissance au libre-échange entre nos deux pays — et le même
engagement à former un partenariat liant nos pays sur la scène internationale —, et à
améliorer à la fois ces relations et la compétitivité nord-américaine.
Pour ce faire, il faudra de l'énergie et de l'imagination — de la part des secteurs public
et privé, des deux côtés de la frontière. Et il faudra une volonté politique — du premier
ministre et du président, mais aussi de tous les niveaux hiérarchiques de nos
administrations respectives.
Je ne dispose pas de toutes les réponses. Mais je crois qu'il est temps que nous
posions des questions.
Des rencontres comme celle d'aujourd'hui constituent un excellent point de départ. Je
suis persuadée qu'ensemble, nous pourrons saisir cette occasion de donner une toute
nouvelle dimension à notre amitié.
Nous pouvons aider nos deux pays — et notre continent — à relever les défis de la
concurrence que nous apporte le XXIe siècle, et nous assurer que les futures
générations de Canadiens et d'Américains profiteront des avantages de l'amitié la plus
fructueuse et la plus durable que le monde ait connue.
Je vous remercie.