LE CANADA SE DIT CONTRARIÉ PAR L'OCTROI DE LA PAIRIE BRITANNIQUE À DEUX CITOYENS CANADIENS

Le 17 juin 2001 (16 h 30 HNE) No 83

LE CANADA SE DIT CONTRARIÉ PAR L'OCTROI DE LA PAIRIE BRITANNIQUE À DEUX CITOYENS CANADIENS

Le gouvernement du Canada a exprimé au gouvernement du Royaume-Uni sa contrariété face à la décision de ce dernier d'accorder la pairie à deux citoyens canadiens sans l'assentiment des autorités canadiennes. Cet assentiment est exigé par la politique canadienne concernant l'attribution de titres honorifiques étrangers.

John Manley, ministre des Affaires étrangères, a déclaré qu'une note diplomatique exprimant le mécontentement du gouvernement canadien au sujet du manque de consultation a été remise samedi au gouvernement britannique, en même temps qu'une lettre du premier ministre Jean Chrétien au premier ministre Tony Blair.

« Le premier ministre a pris contact avec M. Blair pour lui faire part de sa préoccupation face à l'attribution de la pairie à des citoyens canadiens sans l'approbation du gouvernement canadien, a déclaré M. Manley. La politique du Canada à cet égard existe depuis très longtemps, ayant été d'abord été formulée dans la résolution Nickle, adoptée par la Chambre des communes en 1919, et réaffirmée en 1968 puis en 1988 : en aucune circonstance le Canada n'approuve-t-il l'octroi à un citoyen canadien de distinctions étrangères comportant un titre honorifique ou un privilège. »

Le gouvernement canadien ne conteste nullement le mérite des personnes ainsi distinguées, a ajouté le ministre, mais il est consterné que le gouvernement britannique ait omis de consulter les responsables canadiens avant d'approuver les nominations.

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Le texte de la résolution Nickle ainsi que la politique énoncée en 1988 sont joints à un communiqué de presse du premier ministre daté du 6 août 1999, qu'on peut consulter sur le site Internet http://www.pm.gc.ca, sous « Communiqués de presse ».

On trouvera ci-joint le texte de la lettre du premier ministre Chrétien au premier ministre Blair.

Pour de plus amples renseignements, les représentants des médias sont priés de communiquer avec :

Le Service de presse du CPM

(613) 957-5555

Sanjeev Chowdhury

Attaché de presse

Cabinet du ministre des Affaires étrangères

(613) 995-1851

Le Service des relations avec les médias

Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international

(613) 995-1874

Le 16 juin 2001

Monsieur le Premier ministre,

Je tiens à exprimer la vive opposition du gouvernement du Canada et mon opposition personnelle à la manière dont votre gouvernement a traité la question des distinctions honorifiques conférées à des citoyens canadiens à l'occasion de l'anniversaire de la Reine.

Lors de notre conversation téléphonique hier, vous m'avez dit que nous n'étiez pas vous-même au courant de nos réserves au sujet du titre qui devait être conféré à M. Bain. Or, devant l'annonce faite aujourd'hui de sa nomination et de celle de M. Matthews, dont nous n'avions pas été informés, je me vois contraint de vous réitérer mes préoccupations.

Depuis plus de 80 ans, une politique très ferme du gouvernement du Canada veut que les gouvernements étrangers qui souhaitent conférer une distinction honorifique à des citoyens canadiens obtiennent l'approbation préalable du gouvernement du Canada et que le Canada ne consente en aucun cas à l'octroi d'une distinction honorifique qui s'accompagne d'un titre. Cette politique, qui a été réaffirmée pour la dernière fois en 1988 et communiquée au gouvernement du Royaume-Uni par voie de note diplomatique officielle à l'époque, prévoit que les gouvernements qui désirent honorer des citoyens canadiens doivent d'abord obtenir l'approbation du gouvernement du Canada. Cette approbation est accordée régulièrement dans le cas de distinctions honorifiques ne comportant aucun titre. La politique précise très clairement toutefois, que l'approbation est refusée dans le cas de distinctions honorifiques conférant un titre.

Le très honorable Tony Blair

Premier ministre du Royaume-Uni

10, rue Downing

Londres

La politique énonce la ligne de conduite observée de longue date par les gouvernements successifs au Canada et traduit la conviction des Canadiens selon laquelle l'octroi de titres n'est pas compatible avec les idéaux démocratiques tels qu'ils se sont développés au Canada, selon les termes employés par mon prédécesseur en 1918.

En vous faisant part de cette position, je ne veux aucunement remettre en question les réalisations de M. Bain et de M. Matthews. En fait, je les considère comme de grands Canadiens. Je ne remets pas en question non plus le jugement que vous avez porté sur leur contribution au Royaume-Uni. Le gouvernement et moi nous élevons plutôt contre le fait qu'en conférant ces titres de chevalerie sans avoir obtenu le consentement du gouvernement du Canada, vous n'ayez pas tenu compte de la politique canadienne à l'égard de l'octroi de distinctions honorifiques aux citoyens canadiens.

Nous croyons savoir que la pratique suivie par votre gouvernement est aussi de demander aux gouvernements étrangers d'obtenir son accord avant de conférer une distinction honorifique à un citoyen britannique. Vous savez comme moi que la constitution américaine interdit aux citoyens américains d'accepter des distinctions honorifiques et des titres étrangers. Le Royaume-Uni parvient à respecter pleinement cette interdiction. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi le gouvernement du Royaume-Uni ne parvient pas à respecter la politique d'un proche allié au sein du Commonwealth à cet égard.

Cette affaire me préoccupe d'autant plus que je vous ai informé il y a environ deux ans de la situation difficile dans laquelle l'intention du gouvernement du Royaume-Uni de conférer un titre avait placé le gouvernement du Canada. Il en avait résulté un long procès acrimonieux.

Compte tenu de ces circonstances, je me serais attendu à ce que votre gouvernement se plie entièrement à la demande de la part du Canada de ne pas honorer ses citoyens sans obtenir l'approbation du gouvernement du Canada. Je vous serais reconnaissant de confirmer que le gouvernement du Royaume-Uni respectera à l'avenir la politique du gouvernement du Canada comme nous respectons la vôtre et que cette situation ne se répétera pas.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Premier ministre, l'assurance de ma très haute considération.

(Version originale signée par

le Premier ministre Chrétien)