ALLOCUTION DEVANT LE CENTRE SUR LES POLITIQUES EUROPÉENNES« LE CHEMIN VERS DOHA : LES LEÇONS DE LA ZLEA » - BRUXELLES (BELGIQUE)

2001/23 SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS

NOTES POUR UNE ALLOCUTION

DE

L'HONORABLE PIERRE PETTIGREW,

MINISTRE DU COMMERCE INTERNATIONAL,

DEVANT LE

CENTRE SUR LES POLITIQUES EUROPÉENNES

« LE CHEMIN VERS DOHA : LES LEÇONS DE LA ZLEA »

BRUXELLES (Belgique)

Le 18 mai 2001

(8 h HAE)

C'est avec beaucoup de plaisir que je me joins à vous ce matin. J'éprouve un énorme respect pour les travaux du Centre sur les politiques européennes (CPE). En ma qualité de ministre, j'ai grandement bénéficié des conseils constructifs et des éléments d'analyse prodigués par des experts en politiques comme vous-mêmes, et je sais que mes homologues partout en Europe apprécient les travaux que réalise le CPE. Vous fournissez une plate-forme aux leaders d'opinion, vous réunissez des décideurs clés et générez des solutions innovatrices.

Si vous mettez d'abord l'accent sur des questions européennes, je sais qu'il y a des périodes où vous examinez des questions plus éloignées, particulièrement dans les cas où il est probable que cette question aura des répercussions en Europe. C'est pourquoi j'ai choisi de traiter le sujet suivant : « Le chemin vers Doha : les leçons de la ZLEA ».

Je crois que mes récentes expériences, avant et après le Sommet des Amériques tenu à Québec, peuvent fournir matière à réflexion pour la 4e Réunion ministérielle de l'OMC [Organisation mondiale du commerce] qui se tiendra cet automne au Qatar.

Seattle a été un moment charnière -- une collision entre deux mondes

Bien évidemment, il est presque impossible d'entendre les mots « Conférence ministérielle de l'OMC » sans que notre mémoire ne fasse resurgir des scènes de la dernière réunion, à Seattle.

À Seattle, deux mondes se sont rencontrés et, sont entrés en collision. Le premier monde était le monde traditionnel, international des États qui se réunissaient pour négocier entre eux le lancement d'un nouveau cycle de négociations commerciales. Le deuxième monde était le monde globalisé, représenté par un large éventail de groupes, d'entreprises et d'intérêts particuliers.

Donc, on pourrait décrire Seattle comme une réunion entre l'ordre international et le désordre mondial -- et je ne le dis pas dans un sens péjoratif.

Le monde international était représenté principalement par des gouvernements démocratiquement élus qui venaient négocier des accords dans l'intérêt supérieur de leur population. Puisque c'était le cas, la plupart étaient confrontés au fait que si leur population n'aimait pas les accords, elle aurait l'occasion de congédier le gouvernement aux prochaines élections.

Ce monde international est en évolution depuis 400 ans; c'est l'État-nation que nous connaissons depuis le Traité de Westphalie. Il est codifié; il est ritualisé. C'est un monde qui est plus ou moins prévisible. Tellement prévisible, en réalité, qu'il peut parfois devenir très ennuyeux.

L'autre monde était le monde en émergence, le monde réel de la mondialisation. Cet autre monde est un monde « multicentrique », composé d'un nombre presque illimité de participants qui ont une capacité d'action internationale plus ou moins indépendante de l'État sous la compétence duquel ils existent, techniquement.

Leur sphère d'action se situe très souvent dans la zone qui échappe à l'attention des gouvernements en raison des nouvelles technologies et de toutes sortes de développements. Ils ont cette « zone d'irresponsabilité », non pas au sens péjoratif, mais où la responsabilité n'existe pas parce qu'elle n'a pas été attribuée.

Or, le monde réel de la mondialisation a créé ou tout au moins grandement habilité ces mêmes protagonistes qui décriaient la mondialisation et ils ont émergé pour la première fois à Seattle de manière très énergique. L'ironie réside dans le fait qu'ils sont venus décrier justement le mouvement qui les a amenés là-bas.

L'élément clé, toutefois, tient au fait que, à de nombreux points de vue, Seattle a été un moment charnière. Abstraction faite de ce qui s'est passé dans l'enceinte de la réunion, où la véritable incapacité de faire des progrès s'est produite, c'est à Seattle que la communauté internationale a découvert elle aussi que les règles avaient changé et que, dorénavant, chaque réunion d'un organe multilatéral, doit se préparer à des manifestations et à des perturbations.

Les protestations ont suscité un réveil brutal, c'est le moins qu'on puisse dire. Il serait par trop facile de donner à entendre que certaines préoccupations très étroites sont à l'avant-plan de ces protestations ou que bon nombre des participants sont mal informés; la vérité, toutefois, c'est que certains intérêts et organisations crédibles et bien informés soulèvent certaines préoccupations légitimes. Bien évidemment, l'ironie tient au fait que certaines des réunions que les contestataires ont cherché à perturber visaient à traiter bon nombre de ces préoccupations.

À mon avis, cependant -- une fois qu'ils ont surmonté le choc initial -- les gouvernements et les organismes internationaux ont appris certaines leçons, se sont adaptés aux nouvelles réalités, ont fait des changements importants et ont jeté les bases des futurs succès.

Succès de Québec -- le 3e Sommet des Amériques

De ce fait, sur le chemin de Seattle à Doha, nous disposons maintenant d'un jalon important : Québec, site du 3e Sommet des Amériques. Les résultats de cette réunion d'avril révèlent tout le chemin que nous avons parcouru en tout juste 16 mois.

Réfléchissez à ce qui suit : les 34 dirigeants démocratiquement élus des Amériques sont sortis de leurs pourparlers à Québec unis dans leur engagement envers la démocratie, l'ouverture du commerce, la mise en commun de la prospérité, la réalisation du potentiel humain et l'inclusion sociale. Ce faisant, les dirigeants ont adopté un ambitieux plan d'action, visant les droits de la personne, la primauté du droit, la participation d'ONG, la stabilité financière, le développement durable et l'équité entre les sexes, pour n'en nommer que quelques-uns.

Les dirigeants ont réitéré leur engagement de créer une Zone de libre-échange des Amériques d'ici 2005. Ils ont aussi approuvé un financement important en guise d'appui à leurs objectifs -- plus de 56 milliards de dollars américains seront acheminés par l'intermédiaire de la Banque interaméricaine de développement et la Banque mondiale pour renforcer les institutions démocratiques, les infrastructures économiques, l'éducation, les soins de santé et la connectivité. Cet engagement financier suffit à changer véritablement des choses. À ce titre, il constitue un exemple très palpable de ce dont nous parlions lorsque nous disions que le Sommet de Québec ne portait pas seulement sur le commerce.

Les nations des Amériques ont également fait un pas historique pour renforcer la démocratie dans l'ensemble des Amériques en convenant de respecter une clause démocratique -- qui fait de l'engagement envers le gouvernement démocratique une condition de participation au processus des Sommets des Amériques. Les dirigeants ont également pris des engagements importants dans les domaines de la réalisation du potentiel humain et du soutien de la connectivité.

L'OMC doit apprendre de Buenos Aires et de Québec

Compte tenu de tout ce qui a été réalisé et de la façon dont les choses ont été menées, on pourrait dire que Québec représente le début d'une nouvelle ère. Des progrès ont été réalisés sur un large éventail de questions. Dans le domaine de la libéralisation du commerce, certes, mais aussi dans un certain nombre de domaines complémentaires de la libéralisation des échanges. À mon sens, l'OMC pourrait bénéficier grandement de cet exemple.

Les conditions pour aller de l'avant avec la Zone de libre-échange des Amériques sont maintenant plus favorables qu'elles ne l'ont jamais été. Pourquoi en est-il ainsi? À mon avis, c'est parce que les partisans de la libéralisation des échanges commerciaux ont repris l'initiative perdue à Seattle. Nous, les partisans, nous sommes regroupés et démontrons de plus en plus -- nous ne nous contentons pas d'affirmer -- les avantages du commerce pour tous nos citoyens.

Nous avons également réussi à arriver aussi loin parce que nous avons tiré des leçons importantes depuis Seattle, leçons qui ont été mises à l'essai tout récemment à Buenos Aires et à Québec. Les 34 pays des Amériques constituent un large échantillon de pays, petits et grands, développés et en développement, ouverts et fermés. En d'autres termes, ils sont très similaires à la composition de l'OMC.

Première leçon : engagement envers la transparence

La première leçon concerne la nécessité d'une plus grande transparence. En réalité, existe-t-il un exemple plus évident du nouveau paradigme que les progrès accomplis en matière de transparence à Buenos Aires dans la période préparatoire à Québec? Avant Seattle, seuls quelques membres de l'OMC prenaient cette question au sérieux; maintenant, les 34 pays de la ZLEA souscrivent à la publication des projets de textes de négociation.

Ce développement novateur est survenu à notre Réunion ministérielle à Buenos Aires. C'est là que mes homologues et moi-même avons causé une certaine surprise lorsque nous avons annoncé que nous avions convenu de publier le projet d'accord sur la ZLEA. Mais, voyez-vous, ce qui m'a inspiré, c'était ma confiance que mes collègues ministres du Commerce se rendaient compte -- comme je l'avais fait -- que nous vivons dans un monde très différent de celui qui existait avant Seattle. Nous vivons dans le monde d'Internet -- où il y a tellement d'informations disponibles instantanément, en cliquant sur un bouton. Nous vivons dans un monde où les populations sont plus sceptiques; si elles ne peuvent tenir quelque chose dans leurs mains, non seulement cela n'a pas de valeur, en réalité, mais c'est suspect.

En rendant publics les textes de négociation, nous les démystifierons aux yeux de nombreux citoyens. En leur permettant de consulter les textes, nous éliminons une des revendications les plus bruyantes du mouvement antimondialisation, l'accusation selon laquelle les accords commerciaux sont enveloppés de secret, conclus derrière des portes clauses au nom des entreprises transnationales.

Cette nouvelle ouverture a valeur de symbole d'une nouvelle ère des pourparlers commerciaux, et j'ai la ferme conviction qu'elle porte de grandes promesses pour l'avenir, même s'il y aura toujours de nombreux défis sur la route qui nous attend.

Deuxième leçon : accroissement de l'ouverture, de l'inclusion et du dialogue

Une autre leçon que nous avons apprise, c'est d'écouter les contestataires et leurs préoccupations. Dans les mois qui ont précédé Seattle, le Canada avait pris des mesures pour inclure des représentants d'un large échantillon de groupes dans sa délégation.

Ce que nous avons constaté, c'est que les problèmes qui ont tourmenté nos négociateurs -- comment saisir les avantages tout en conservant le contrôle de politiques sociales ou économiques clés -- sont des problèmes qui préoccupent aussi les ONG. Nous avons également constaté que ce qui nous sépare des sceptiques et des détracteurs, à la présente étape, c'est que nous voyons les gouvernements comme faisant partie de la solution des défis de la modernisation, y compris de la mondialisation. Certains des contestataires, pour le moins, ont une vision différente.

Je crois qu'un autre élément qui nous distingue de nos détracteurs est que notre réflexion a évolué, contrairement à celle de la plupart de nos détracteurs. Dans les Amériques, du moins, les ministres du Commerce ont beaucoup cheminé et mènent maintenant leur activité d'une manière nettement différente que par le passé.

Les pays des Amériques reconnaissent maintenant, par exemple, qu'il y a place pour de nombreuses voix dans le débat sur la ZLEA. Cela nous a incités à ouvrir un dialogue avec des représentants de groupes d'intérêts dans nos sociétés. L'écoute du public ou des ONG n'a pas toujours été une pratique normale pour les ministres du Commerce des Amériques. Je crois qu'une percée décisive s'est produite à notre réunion de la ZLEA de novembre 1999 à Toronto, lorsque 22 ministres du Commerce ont souscrit à ma proposition de traverser la rue et de rencontrer face à face les ONG d'un peu partout dans les Amériques. C'était un précédent pour bon nombre d'entre eux. À mon avis, nous avons grandement bénéficié de leur analyse de nombreuses questions différentes. Aujourd'hui, nous avons même constitué un Comité de la société civile.

Toutefois, pour qu'il y ait place pour de nombreuses voix dans le débat, il doit inclure non seulement les manifestants dans les rues ou des gens de la société civile, mais aussi les consommateurs pris dans leur ensemble et le monde des affaires. L'élaboration des règles commerciales doit traduire les défis actuels et futurs qui se posent aux entreprises. Je mets donc au défi le monde des affaires des deux côtés de l'Atlantique de participer plus pleinement au débat actuel sur une nouvelle libéralisation des échanges et, en particulier, sur la substance d'un nouveau cycle de négociations. J'encourage les entreprises à prendre position, que ce soit en public ou dans les nombreux véhicules de dialogues, y compris, par exemple, la Table ronde Canada-Europe pour les entreprises.

Troisième leçon : il faut s'attaquer aux préoccupations des économies moins développées

La troisième leçon -- qui constitue un des plus grands défis qui demeurent, à mon sens -- consiste à faire en sorte que les préoccupations des économies plus petites soient véritablement prises en compte. À cet égard, le processus de la ZLEA fournit encore une fois un exemple susceptible d'aider l'OMC, parce qu'une des préoccupations centrales dans les négociations de la ZLEA a été le défi de l'intégration des préoccupations des économies de plus petite taille dans le processus de négociation.

Les questions auxquelles les économies de plus petite taille sont confrontées comprennent la nécessité du renforcement des capacités, l'assistance technique et la reconnaissance de leurs défis précis en qualité de participants au processus de la ZLEA. Manifestement, ces questions seront très importantes aussi dans tous les pourparlers de l'OMC.

Ces pays plus petits ne disposent pas de tous les avantages que les populations des pays plus riches tiennent pour acquis. Nous bénéficions d'économies diversifiées; de populations prospères, en bonne santé et bien éduquées; de longues traditions de démocratie et de primauté du droit; d'environnements sains et d'infrastructures solides.

Ils souhaitent aussi les posséder, mais ils se heurtent à de nombreux obstacles, certains d'ordre environnemental, certains de nature historique et d'autres de nature structurelle.

Les économies plus importantes sont mieux à même d'absorber les chocs qui accompagnent la mondialisation. Lorsque la concurrence étrangère exerce des pressions sur un secteur, nous pouvons compenser grâce à la force d'autres secteurs. Nous pouvons nous permettre d'amortir le coup qui résulte parfois de la concurrence étrangère; nous pouvons aider nos citoyens à se redresser, à obtenir une formation et à trouver un nouveau travail. La plupart des économies moins développées n'ont pas la capacité de le faire.

De nombreux pays moins développés sont donc, et on peut le comprendre, inquiets de conclure un accord qui pourrait écraser leur économie fragile. Nous ne devons pas laisser cela se produire. La libéralisation du commerce doit profiter à toutes les économies, en particulier celles de plus petite taille. C'est là une autre leçon de Seattle. À cette réunion, les pays moins avancés ont fait entendre leur voix, en exigeant que les futurs pourparlers commerciaux prennent leurs préoccupations en considération.

À Seattle, en ma qualité de président du Groupe de travail sur la mise en œuvre, j'ai vu des preuves de ces défis. Les économies de plus petite taille ont livré un message vigoureux et structuré selon lequel les règles de la libéralisation des échanges doivent changer et, donc, les avantages à la fois pour les grandes et les petites économies doivent être nettement évidents.

Comment les pays de la ZLEA ont-ils relevé ce défi? À notre réunion de Buenos Aires, l'ambassadeur Robert Zoellick, le président de la Banque interaméricaine de développement, Enrique Iglesias, et moi-même avons tous pris position en faveur de la prestation aux économies de plus petite taille de l'assistance dont elles ont besoin pour participer au processus de la ZLEA et pour bénéficier de l'accord éventuel. Le Canada dispensera des programmes d'assistance technique pour renforcer les capacités en vue du commerce, de l'investissement et de la stabilité financière. Les États-Unis prodigueront une assistance technique bilatérale par l'intermédiaire de l'agence USAID [Agence des États-Unis pour le développement international] et la Banque interaméricaine de développement aidera les pays de la ZLEA à prendre en charge les coûts de l'ajustement et de la transition.

La réaction à notre claire sensibilité aux préoccupations des pays moins développés -- et à notre engagement de les prendre en compte -- a été positive et immédiate. La CARICOM [Communauté des Caraïbes] et les pays d'Amérique centrale ont souscrit au délai proposé de 2005 pour les négociations de la ZLEA. Maintenant, les 34 dirigeants des Amériques -- des économies développées les plus importantes aux économies insulaires de plus petite taille et moins développées, et de la gauche et de la droite du spectre politique -- affirment sans hésitation qu'ils veulent « être dans le coup ».

Aux XIXe et XXe siècles, le monde a assisté aux affrontements traditionnels entre les classes, les travailleurs contre les capitalistes. Toutefois, le monde d'aujourd'hui est différent -- les idéologies politiques évoluent. Maintenant, même les dirigeants socialistes reconnaissent les avantages potentiels du commerce et le voient comme une partie de la solution, et non pas du problème.

Tous les dirigeants ont reconnu que la ZLEA pourrait générer de grandes richesses pour leurs citoyens et leurs industries. Cela nous aidera à ouvrir une ère de prospérité et, simultanément, cela contribuera au renforcement des programmes sociaux. Cela pourrait déboucher sur un relèvement de la protection de l'environnement et de la coopération dans ce domaine au bénéfice de l'hémisphère et, en réalité, de la totalité de la communauté mondiale.

Sur le chemin de Doha, il y a encore une certaine distance à franchir, mais il est rassurant de noter que les dirigeants sont activement en train de s'attaquer aux questions particulières qui se posent aux pays en développement. À cet égard, je tiens à saluer mon ami et collègue Pascal Lamy, commissaire européen, pour son initiative constructive « Tout sauf des armes ». Je tiens également à faire mention des bons travaux réalisés cette semaine à la 3e Conférence des Nations Unies sur les pays les moins avancés, à Bruxelles.

Le Canada y joue un rôle significatif : nous avons contribué au Cadre intégré pour l'assistance technique liée au commerce et nous avons activement soutenu le programme d'action pour la cohérence sur lequel il se fonde. L'an dernier, le Canada a accordé l'accès en franchise aux exportations de pays moins avancés au titre de 570 postes tarifaires supplémentaires, programme qui comprend maintenant 90 p. 100 de nos lignes tarifaires. Le Canada a également dirigé les pays du G-7 en ce qui concerne la question du soulagement de la dette, de manière la plus notable en janvier de cette année, en arrêtant la perception du service de la dette de pays pauvres lourdement endettés qui peuvent utiliser les économies ailleurs d'une manière productive.

Nécessité de veiller à ce que les réunions internationales soient sûres et ininterrompues

Toutefois, nous devons tous reconnaître qu'un autre défi sur le chemin de Doha consiste à aider d'abord nos citoyens à surmonter les soupçons qu'ils entretiennent au sujet des accords commerciaux. Pour ceux d'entre nous qui sont dans les Amériques, les réunions de Buenos Aires et de Québec nous ont placés sur la route menant à l'atteinte de cet objectif. Nous avons démontré une préoccupation authentique et renforcée en ce qui concerne les besoins des populations ainsi qu'un engagement de favoriser la prospérité et d'aider les économies de plus petite taille à relever les défis qui se posent à elles.

Néanmoins, la nécessité de réagir aux préoccupations et actions du public demeure pour nous dans les Amériques (comme elle demeure encore pour les membres de l'OMC). Nous, ministres du Commerce et dirigeants, avons montré que nous n'avons pas des esprits fermés -- j'espère seulement que nos détracteurs sont tout aussi disposés à revoir leurs approches. On pourrait trouver un motif de consolation dans le fait que la conduite d'une minorité de manifestants a eu pour effet de miner les messages légitimes que certains groupes cherchent à transmettre, mais la vérité est que les gouvernements doivent beaucoup mieux communiquer les avantages du commerce que nous ne l'avons fait par le passé.

À mon avis, ceux qui sont réunis dans les rues sont un peu trop zélés dans leur approche. J'estime qu'il est antidémocratique d'avoir pour objectif de bloquer une réunion de dirigeants dûment élus. À n'en pas douter, il est plus approprié de soumettre la dissension directement aux représentants élus dans chaque État ou nation. Et, comme c'est le cas dans toute démocratie, si une proportion suffisante de la population appuie l'opinion des détracteurs du commerce, le gouvernement recevra le message d'une façon ou d'une autre. C'est pourquoi je considère que les précautions que nous avons prises à Québec pour garantir que la réunion puisse se tenir n'étaient pas uniquement appropriées, mais absolument essentielles pour préserver la démocratie et le fonctionnement du système international. Les pays qui accueilleront des réunions multilatérales au cours des prochains mois et des prochaines années auraient intérêt, je pense, à examiner les leçons de Buenos Aires et de Québec.

Les défis sur le chemin de Doha

Maintenant, en jetant un regard vers la réunion de Doha en novembre, il me semble que l'approche fructueuse de la ZLEA soumet certaines orientations que nous voudrons peut-être tous suivre pour assurer un bon départ au nouveau cycle de négociations commerciales mondiales.

En premier lieu, comme je viens de l'indiquer, nous devons maintenir le soutien national à la libéralisation des échanges. Ceux qui ont pour intérêt à long terme de fonctionner dans un contexte stable, prévisible, fondé sur des règles doivent se faire entendre. En outre, les gouvernements doivent de plus en plus, et de manière transparente, consulter les citoyens, dialoguer avec eux, leur expliquer leurs politiques et leurs approches, et justifier la confiance que les citoyens souhaitent leur accorder pour gérer le changement au mieux.

Simultanément, nous devons aussi renforcer le soutien international. Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour nous préparer à une réunion ministérielle qui soit gérable. Cela signifie un texte plus court comportant moins d'éléments de décision pour les ministres que ce que nous avons connu à Seattle, et un engagement d'éviter de préjuger des résultats.

En réduisant les différences philosophiques, nous pouvons nous assurer que les différences économiques seront abordées là où elles le devraient -- dans les négociations. Cela signifie s'entendre sur la façon de traiter des questions qui vont au-delà du commerce; s'entendre sur la modernisation de nos méthodes, en devenant plus transparents et inclusifs; s'entendre sur ce que l'objectif fondamental de la nouvelle négociation sera.

Je crois qu'il s'agira de concevoir un système commercial qui communique mieux les avantages du commerce pour chacun. Je crois que nous devrons tous prendre une grande respiration lorsque nous nous rendrons compte de ce que cela signifie vraiment, qu'il s'agisse de réduire la protection dans certains secteurs ou d'abandonner notre attachement aux subventions ou à d'autres mécanismes préférentiels et, dans l'intervalle, toujours gérer nos relations commerciales comme il convient.

Le Canada et l'Union européenne ont bien œuvré ensemble sur tous ces fronts et nous continuerons de le faire. Nous partageons largement des opinions sur les aspects sociaux du commerce et sur la façon de les traiter. Nous sommes chacun des défenseurs de la transparence et de l'inclusion. Et nous reconnaissons que le nouveau système économique comportera des éléments qui iront au-delà du commerce et que l'adoption d'un nouveau système qui pourrait comporter la politique de concurrence, la facilitation du commerce, peut-être même l'investissement, demandera du courage et un engagement.

Nous avons tenu des réunions à tous les échelons pour voir ce que nous pouvons faire, à la fois au sein de nos relations bilatérales et en agissant de concert avec la Quadrilatérale, l'OCDE [Organisation de coopération et de développement économiques] et l'OMC pour formuler une vision d'un meilleur système commercial international, et pour dégager un consensus sur la façon de se diriger vers cet objectif, pour le bien de nos populations et, de fait, des populations dans toutes les régions du monde.

La réflexion des ministres du Commerce a évolué

En conclusion, je tiens à souligner qu'une des clés de notre succès dans le projet de ZLEA réside dans le fait que la réflexion des ministres du Commerce a évolué considérablement. Nous avons fait beaucoup de chemin. L'accroissement de la transparence est un élément clé de cette démarche, mais ce n'est pas le seul volet. Le dialogue a considérablement changé et le degré de compréhension et de sensibilité aux préoccupations du public en ce qui concerne les questions qui sont souvent associées au commerce international est très évident. Nous avons également démontré un engagement de traiter les questions soulevées par les pays moins développés.

Au moyen de cette approche, nous avons pu reprendre l'initiative qui avait été temporairement perdue. Si nous pouvons trouver une cause commune parmi 34 économies et démocraties aussi différentes des Amériques, je crois que nous pouvons faire de même pour l'OMC.

Je vous remercie.