LE GOUVERNEMENT ANNONCE DES MESURES POUR CONTRER LA LOI HELMS-BURTON DES ÉTATS-UNIS

Le 17 juin 1996 Nș 115

LE GOUVERNEMENT ANNONCE DES MESURES POUR CONTRER

LA LOI HELMS-BURTON DES ÉTATS-UNIS

Le ministre des Affaires étrangères, M. Lloyd Axworthy, et le ministre du Commerce international, M. Art Eggleton, ont annoncé aujourd'hui que le gouvernement déposera un projet de loi modifiant la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères (LMEE) de manière à mieux protéger les sociétés canadiennes contre les mesures prises par les pays étrangers, comme la loi Helms-Burton des États-Unis.

M. Eggleton a aussi déclaré que le Canada demandera la convocation d'une réunion ministérielle de la Commission de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), ajoutant que c'est là une étape préalable à toute demande de formation d'un groupe spécial de règlement des différends aux termes de l'ALENA.

« La loi Helms-Burton fait fi des principes du droit international, a précisé M. Eggleton. Les modifications apportées à la LMEE vont donner aux sociétés canadiennes davantage d'outils juridiques pour se protéger contre les réclamations présentées aux tribunaux américains en vertu de la loi Helms-Burton. Nous continuerons à défendre fermement les intérêts canadiens, notamment par le biais du processus de l'ALENA. »

« Le Canada souscrit à l'objectif des États-Unis, à savoir l'amélioration de la situation des droits de la personne et l'instauration d'un gouvernement plus représentatif à Cuba, a affirmé M. Axworthy. Mais comme il nous semble que la loi Helms-Burton n'est pas la bonne approche, nous collaborons avec d'autres pays pour soutenir les principes du droit international. »

La loi Helms-Burton autorise les poursuites judiciaires devant les tribunaux américains contre les sociétés du Canada et d'autres pays qui sont réputées se livrer au « trafic » de biens que Cuba a confisqués à des nationaux des États-Unis. Elle prévoit également des restrictions à l'admission temporaire aux États-Unis des cadres et actionnaires majoritaires de ces sociétés, ainsi que de leurs conjoints et enfants mineurs.

Les modifications proposées à la LMEE autoriseront le procureur général :

à prendre des arrêtés de « blocage » déclarant que les jugements rendus en vertu de lois étrangères répréhensibles ne seront ni exécutés ni reconnus au Canada;

à donner aux Canadiens le droit de recouvrer devant les tribunaux canadiens toute somme d'argent versée en vertu de ces jugements étrangers et tous frais encourus pour ces procédures judiciaires au Canada et dans le pays étranger -- une mesure que l'on appelle la « récupération »; et

à établir, et à modifier subséquemment, une annexe énumérant les lois étrangères répréhensibles qui, de l'avis du procureur général du Canada, contreviennent au droit international.

Par ces modifications, le gouvernement réaménagera les pénalités imposables sous le régime de la LMEE, afin qu'elles dissuadent plus efficacement les entreprises canadiennes de se conformer à des lois étrangères répréhensibles. Ces dispositions donneront aux tribunaux canadiens le pouvoir discrétionnaire de varier la pénalité en fonction de circonstances atténuantes.

Le Canada a tenu deux séries de consultations avec les États-Unis sur la loi Helms-Burton en vertu du processus de règlement des différends prévu dans l'ALENA. Avant de pouvoir demander la formation d'un groupe spécial chargé de régler le différend, il faut que l'affaire ait été soumise à une réunion des ministres du Commerce formant la Commission de l'ALENA. Le Canada pourrait demander la formation d'un groupe spécial 30 jours après la réunion de la Commission.

Le Canada s'est vivement objecté aux dispositions de la loi Helms-Burton sur les réclamations et sur les restrictions à l'admission de Canadiens. De plus, parallèlement à ses consultations aux termes de l'ALENA, le Canada a collaboré avec d'autres pays pour faire échec à cette loi américaine au sein d'organisations régionales et multilatérales.

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Document d'information

LA LOI DU CANADA SUR LES MESURES EXTRATERRITORIALES

ÉTRANGÈRES, LA LOI HELMS-BURTON DES ÉTATS-UNIS ET

L'ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE NORD-AMÉRICAIN

La Loi du Canada sur les mesures extraterritoriales étrangères

La Loi du Canada sur les mesures extraterritoriales étrangères (LMEE) est entrée en vigueur en février 1985. Elle visait à défendre les intérêts canadiens contre les tentatives de gouvernements ou de tribunaux étrangers pour faire appliquer des lois ou des jugements déraisonnables au Canada.

La LMEE donne déjà au procureur général du Canada, avec l'assentiment du ministre des Affaires étrangères, le pouvoir d'interdire l'observation au Canada de mesures extraterritoriales qui, à son avis, portent atteinte à la souveraineté canadienne. De plus, elle lui confère aussi le pouvoir de restreindre la production de documents devant des tribunaux étrangers si cela porte atteinte à la souveraineté canadienne.

La Loi est maintenant renforcée pour permettre au Canada de réagir à de nouvelles mesures comme les récents efforts des États-Unis pour attaquer des intérêts commerciaux canadiens légitimes par le biais de la loi Helms-Burton.

Les modifications proposées à la LMEE permettraient au procureur général de faire opposition à toute tentative d'un réclamant étranger pour faire exécuter au Canada un jugement rendu en vertu d'une loi comme la loi Helms-Burton. Elles donneraient aussi aux sociétés canadiennes un recours devant les tribunaux canadiens si des jugements étaient prononcés contre elles par des tribunaux américains en vertu de la loi Helms-Burton. Les modifications à la LMEE institueraient le droit de réclamer, au Canada, un montant équivalent au requérant américain.

Par surcroît, le procureur général pourrait aussi inscrire éventuellement les autres lois étrangères qu'il juge répréhensibles sur une liste établie aux termes de la LMEE.

Voici comment ces modifications pourraient s'appliquer au cas hypothétique suivant :

Le national « X » des États-Unis pourrait obtenir gain de cause contre le Canadien « Y » devant un tribunal américain en vertu de la loi Helms-Burton.

Si le Canadien n'avait pas d'actifs aux États-Unis, le national des États-Unis devrait demander à un tribunal canadien de faire exécuter le jugement. Le procureur général du Canada pourrait prendre un arrêté pour bloquer le processus.

Le Canadien « Y » pourrait choisir de poursuivre l'Américain « X » devant les tribunaux canadiens pour recouvrer le plein montant adjugé à « X » par le tribunal étranger. Ce montant plus les frais de cour engagés dans les deux pays seraient récupérables à même les actifs de « X » au Canada.

En plus de ces modifications à la LMEE, les amendes prévues aux termes de la Loi vont être accrues de manière à décourager l'observation de lois étrangères répréhensibles. Sous le régime actuel, une société canadienne confrontée aux exigences conflictuelles d'une loi étrangère et de la législation canadienne pourrait bien choisir d'observer la loi étrangère si les pénalités qu'elle impose sont plus lourdes que celles prévues par la législation canadienne. Grâce aux modifications apportées à la LMEE, les tribunaux pourront varier la peine en fonction de circonstances atténuantes.

Les peines maximales actuellement prévues par la Loi sont de 10 000 $CAN et plus ou cinq ans d'emprisonnement, ou les deux à la fois, sur condamnation. Par comparaison, le règlement américain sur le contrôle des actifs cubains impose des amendes pouvant aller jusqu'à 1 million de dollars US.

Le Titre III de la loi Helms-Burton

Les dispositions du Titre III de la loi Helms-Burton autorisent les ressortissants des États-Unis qui revendiquent des biens expropriés à Cuba à intenter des poursuites devant les tribunaux américains pour réclamer des sommes d'argent aux entreprises ou personnes étrangères qui se livrent au « trafic » de ces biens.

Une telle réclamation pourrait par exemple toucher une société canadienne ayant investi dans un bien qui, aux dires d'un national des États-Unis, a été exproprié à un certain moment par le gouvernement cubain.

Cette section de la loi entrera en vigueur le 1er août, à moins que le président Clinton ne décide d'user de son pouvoir discrétionnaire afin d'en retarder l'application pour des périodes de six mois.

Même si les dispositions sur les réclamations entraient en vigueur à cette date, les premières demandes ne pourront être présentées aux tribunaux américains avant le 1er novembre 1996.

Le Titre IV de la loi Helms-Burton

Les dispositions du Titre IV autorisent les autorités américaines à interdire l'entrée du pays aux cadres supérieurs d'entreprises que le département d'État considère comme s'étant livrées au « trafic » de biens visés par une réclamation américaine depuis le 12 mars 1996. Ces dispositions s'appliquent aussi à leurs conjoints et enfants mineurs.

Cette section de la Loi s'applique à ceux qui ont fait le « trafic » de biens expropriés depuis le 12 mars 1996. Le gouvernement américain a déjà expédié des lettres à trois sociétés - une canadienne, une mexicaine et une italienne -, les avisant que les personnes qui leur sont liées pourront se voir refuser l'entrée aux États-Unis.

Les mesures prises par le Canada pour contrer la loi Helms-Burton

Le Canada a exprimé aux plus hauts niveaux ses objections à la loi Helms-Burton. Il s'y oppose au sein d'institutions internationales comme l'Organisation mondiale du commerce (OMC), l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l'Organisation des États américains (OEA).

Le Canada relance également la question dans le contexte de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), qui contient des règles régissant l'investissement et l'admission temporaire.

Des consultations dans le cadre de l'ALENA ont été menées avec les États-Unis à la fin avril, et de nouveau en mai. Le Mexique a participé aux deux séances et partage les préoccupations du Canada.

Le Canada a demandé la convocation d'une réunion ministérielle de la Commission de l'Accord de libre-échange nord-américain. C'est une étape préalable à la demande de formation d'un groupe spécial chargé de régler le différend aux termes de l'ALENA.

Le processus de l'ALENA pour le règlement des différends

La première étape est la tenue de consultations.

Si la question ne peut être réglée à ce niveau, il faut ensuite référer la question à une réunion ministérielle de la Commission de l'ALENA.

Trente jours après la réunion de la Commission, la question peut être soumise à un groupe spécial chargé de régler le différend.

Le Canada, les États-Unis et le Mexique ont tenu deux séries de consultations sur la loi Helms-Burton.

Le Canada entend demander la convocation d'une réunion de la Commission de l'ALENA pour discuter de la question. Selon les règles de l'ALENA, cette réunion doit être tenue dans les dix jours suivants.

La loi Helms-Burton : les dates marquantes

La loi Helms-Burton tire son origine de projets de loi distincts présentés au Sénat et à la Chambre des représentants des États-Unis en février 1995. La Chambre et le Sénat avaient approuvé des versions sensiblement différentes à l'automne 1995. L'Administration s'était alors opposée à l'inclusion des titres III et IV.

Voici les événements marquants de 1996 :

24 février : L'Aviation cubaine abat deux avions civils américains. Le président Clinton se rallie au projet de loi peu après.

3-4 mars : Le ministre du Commerce international, M. Art Eggleton, aborde la question au cours d'un entretien à Washington avec son homologue américain, le représentant au Commerce, qui était alors M. Mickey Kantor.

4-5 mars : Au sommet de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), les dirigeants, y compris le premier ministre du Canada, M. Chrétien, émettent à la Grenade un communiqué exprimant leur ferme opposition au projet de loi.

5 mars : M. Eggleton rencontre les ambassadeurs des pays de l'Union européenne (UE)et de 17 autres pays pour leur exposer les préoccupations du Canada devant la loi Helms-Burton et pour leur proposer une collaboration sur la question au sein des organisations internationales.

12 mars : Le président des États-Unis sanctionne la loi Helms-Burton. Le même jour, le Canada demande des consultations officielles avec les États-Unis en vertu du chapitre 20 de l'ALENA.

28 mars : Le ministre des Affaires étrangères, M. Lloyd Axworthy, exprime les préoccupations du Canada face à la loi Helms-Burton lors de sa rencontre à Washington avec le secrétaire d'État américain, M. Warren Christopher.

16 avril : À la réunion du Conseil général de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), le Canada se joint à d'autres pays, y compris l'Union européenne, le Mexique et le Japon, pour exprimer sa profonde opposition à la loi Helms-Burton.

22 avril: Les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne émettent à Luxembourg une déclaration condamnant la loi Helms-Burton et exprimant l'intention d'envisager une contestation à l'OMC.

26 avril : La première série de consultations aux termes de l'ALENA, à laquelle participent le Canada et le Mexique, a lieu à Washington.

3 mai : L'UE demande formellement des consultations à l'OMC sur la loi Helms-Burton.

16 mai : M. Chrétien et les dirigeants centraméricains du Nicaragua, du Honduras, du Guatemala, du Salvador, du Costa Rica et de Belize émettent un communiqué soulignant le droit des États souverains de maintenir des liens commerciaux conformes à leur propre politique étrangère et à leurs propres lois.

21-22 mai : M. Eggleton exprime vigoureusement les préoccupations du Canada à une rencontre des ministres de l'OCDE à Paris.

22-23 mai : M. Axworthy s'entretient de la question Helms-Burton avec les ministres des Affaires étrangères de l'Argentine et du Brésil lors de sa visite dans ces deux pays.

28 mai : Une deuxième série de consultations aux termes de l'ALENA est tenue à Washington.

29 mai : Le gouvernement américain envoie des avis à trois sociétés, y compris une entreprise canadienne, pour les informer qu'elles sont des « trafiquants » éventuels.

4 juin : Des consultations UE-États-Unis sont tenues à Genève sous les auspices de l'OMC.

4 juin : L'Organisation des États américains adopte une résolution à son assemblée générale, à Panama, dans laquelle elle demande à la Commission judiciaire interaméricaine d'examiner la conformité de la loi Helms-Burton au droit international.

11 juin : Le président du Mexique, M. Zedillo, exprime ses sérieuses préoccupations concernant la loi Helms-Burton dans le discours au Parlement du Canada qu'il prononce pensant sa visite à Ottawa.

17 juin : Publication des lignes directrices américaines sur l'application du Titre IV.

18 juin : Le Canada demandera la convocation d'une réunion des ministres du commerce de la Commission de l'ALENA, qui selon les règles de l'ALENA, doit être tenue dans les dix jours suivants.

15 juillet : Date limite à laquelle le président des États-Unis doit décider de suspendre l'application du titre III.

1er août : Le Titre III entre en vigueur, sauf suspension. S'il est mis en application, les réclamants américains peuvent avertir les « trafiquants » qu'ils ont 90 jours pour se départir de leurs actifs cubains, sous peine de poursuites devant les tribunaux américains.

1er novembre : Première date à laquelle des réclamations peuvent être présentées aux tribunaux américains si les dispositions de la loi Helms-Burton sur les réclamations sont appliquées.