Date : 20060713
Dossier : A‑331‑05
Référence :
2006 CAF 257
CORAM : LE JUGE LÉTOURNEAU
LE JUGE SEXTON
LE JUGE MALONE
ENTRE :
HARALD RALF KERN
et ELKE KERN
appelants
et
SA MAJESTÉ LA REINE
intimée
MOTIFS DU JUGEMENT
LE JUGE LÉTOURNEAU
[1]
Les appelants étaient tous deux administrateurs
de 457189 B.C. Ltd. (la société), entreprise qui possédait et exploitait – à
perte – un hôtel comprenant un restaurant et un magasin de bière et de vin. En
fin de compte, la banque créancière a intenté une procédure en saisie contre la
société et, en janvier 2000, un séquestre a été nommé.
[2]
La société a fait l'objet de nouvelles
cotisations pour montants impayés au titre de l'impôt sur le revenu et de la
taxe sur les produits et services. On lui a aussi réclamé des retenues à la
source non versées relativement à l'assurance-emploi et au Régime de pensions
du Canada. Le ministre du Revenu national a établi les cotisations à l'égard
des appelants en tant qu'administrateurs de la société, conformément à
l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu et à
l'article 323 de la Loi sur la taxe d'accise.
[3]
Le juge Miller de la Cour canadienne de l'impôt
a constaté que les appelants avaient fait preuve de négligence dans la gestion
de la société. Il a conclu que, bien qu'ils étaient conscients de ses
difficultés financières, ils n'avaient pas établi de mécanismes ou de
procédures propres à protéger les intérêts de l'État en ce qui a trait aux
retenues à la source et à la TPS. En conséquence, il les a déclarés redevables
en tant qu'administrateurs. Il a rejeté le recours formé par les appelants
contre les cotisations établies sous le régime de la Loi de l'impôt sur le
revenu, mais il a fait droit en partie à leur recours contre les
cotisations établies en vertu de la Loi sur la taxe d'accise.
[4]
Les appelants, qui plaident pour eux-mêmes, ne
contestent pas la conclusion de la Cour canadienne de l'impôt touchant leur
obligation en tant qu'administrateurs. Ils contestent plutôt, concernant les
cotisations établies sous le régime de la Loi de l'impôt sur le revenu,
le montant réclamé par le fisc sur la base de l'avis de cotisation daté du
28 février 2002, qui semble en contradiction avec l'avis de
confirmation émis par le ministre le 16 mai 2003.
[5]
L'avis de cotisation établit le total de la
dette fiscale à 39 292,27 $, tandis que, selon l'avis de
confirmation, ce total serait de 25 736,29 $. Les appelants
soutiennent que la Cour de l'impôt aurait dû retenir ce dernier montant comme
total de leur dette fiscale.
[6]
On peut comprendre la confusion des appelants,
mais il reste que les deux avis, en fait, ne divergent pas. Le premier, l'avis
de cotisation, établit la dette totale de la société sous le régime de la Loi
(fédérale) de l'impôt sur le revenu, la British Columbia Income Tax
Act, le Régime de pensions du Canada, la Loi sur
l'assurance-chômage et la Loi sur l'assurance-emploi. Le montant de
39 292,27 $ représente les retenues, les intérêts et les pénalités
impayés qui étaient à la charge de la société et que le fisc réclamait
maintenant aux appelants.
[7]
L'avis de confirmation, quant à lui, a été émis
sous le régime du paragraphe 165(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu,
qui dispose que, sur réception de l'avis d'opposition, le ministre doit
examiner de nouveau la cotisation, et l'annuler, la ratifier, la modifier ou
établir une nouvelle cotisation. L'avis de confirmation ne porte que sur le
montant de la dette fiscale fédérale, majorée des intérêts et pénalités
applicables : voir les pages 52 et 55 du volume 1 du dossier
d'appel, en particulier le paragraphe 6 de la réponse. L'avis de cotisation
établit la dette totale au titre des impôts provincial et fédéral et des autres
contributions relatives aux charges sociales. L'avis de confirmation ne
concerne que l'impôt fédéral sur le revenu réclamé sous le régime de la Loi
de l'impôt sur le revenu. L'obligation des appelants, sous le régime de
l'article 227.1, ne se limite pas cependant au montant impayé au titre de
l'impôt fédéral sur le revenu.
[8]
À propos du jugement de la Cour de l'impôt
touchant la TPS, les appelants ont avancé devant notre Cour l'argument que la
cotisation de 51 000 $ pour l'année 1997 avait été établie hors
délai, c'est‑à‑dire après l'expiration du délai de quatre ans prévu
à l'alinéa 298(1)a) de la Loi sur la taxe d'accise.
[9]
Sauf révérence, le délai de prescription
applicable aux cotisations qui – comme celles qui nous occupent – sont établies
sous le régime de l'article 323 est prévu au paragraphe 323(5). En un
mot, ce délai est de deux ans après que la personne physique faisant l'objet de
la cotisation a cessé pour la dernière fois d'être un administrateur de la
personne morale en cause.
[10]
Or, malheureusement pour les appelants, le
dossier de la présente espèce ne contient aucun élément de preuve tendant à
établir qu'ils aient cessé d'être des administrateurs de la société.
[11]
En fait, les appelants n'étaient pas représentés
par un avocat et ont plaidé devant la Cour de l'impôt dans le cadre de la
procédure informelle, malgré le caractère considérable des sommes en jeu. Le
juge de la Cour de l'impôt s'est plaint de l'insuffisance du dossier sur le
fondement duquel il devait se prononcer. C'est ainsi qu'il fait observer au
paragraphe 37 de sa décision :
[traduction]
Pour me résumer concernant les cotisations de TPS, je dirai que si ce résultat
apparaît aux parties comme une solution sommaire et approximative, elles ont
absolument raison, mais elles ne m'ont pas donné le choix. Dans une instance
qui met en jeu plus de 200 000 dollars pour les appelants, aucune des
parties n'a opté pour la procédure générale, où l'échange de documents et les
interrogatoires préalables leur auraient offert à toutes deux une possibilité
bien plus grande d'établir ce qui est vraiment arrivé. Elles ont plutôt décidé
de jouer aux dés en ne me proposant que des renseignements limités, dont j'ai
constaté qu'une grande part était inexacte. J'ai à me prononcer dans le cadre
d'une procédure informelle; la présente espèce n'est pas une vérification, et
je ne suis pas vérificateur. J'ai adopté la solution qui paraît la plus logique
du point de vue commercial d'après la preuve incomplète ici produite, et je
n'ai pas à m'excuser de ce qui pourra sembler sommaire dans ma décision.
[12]
Les appelants n'ayant pas produit de preuves
qu'ils avaient cessé d'être des administrateurs, le délai de prescription n'a
pas commencé à courir.
[13]
Les appelants font aussi valoir l'insuffisance
de la communication par l'intimée d'éléments de preuve concernant la cotisation
de TPS pour l'année d'imposition 1997. Ils affirment qu'ils ne s'étaient pas
rendu compte que le montant établi s'appliquait à toute l'année et non pas
seulement au dernier mois de celle‑ci, comme ils disent avoir été amenés
à croire. Si on les avait informés que la cotisation s'appliquait à toute
l'année, ajoutent-ils, ils auraient apporté à la Cour de l'impôt, et produit devant
le juge de celle‑ci, des états de compte bancaire établissant que la TPS
avait été versée à l'État pour la période de janvier à novembre 1997. Ils
soutiennent que la conduite de l'intimée équivaut à un abus de procédure. Je ne
souscris pas à cette dernière prétention.
[14]
Le vérificateur de l'intimée a témoigné à
l'audience, où il a expliqué que la cotisation s'appliquait à toute l'année,
mais qu'elle avait été reportée en décembre 1997 sur le dernier trimestre
de cette année; voir le dossier d'appel, volume 2, onglet 1,
pages 120, 123 et 142.
[15]
Il a procédé ainsi parce qu'il ne disposait pas
de documents comptables de la société. Il lui a fallu établir une cotisation
globale pour l'année 1997. Il l'a fait à partir de [traduction] « l'analyse
des dépôts bancaires effectuée par les services chargés de la taxe de vente
provinciale » (ibid., page 106). Selon lui, l'estimation de la
dette aurait été beaucoup plus élevée, de 67 000 $ ou
68 000 $ au lieu des 48 000 $ de la cotisation établie,
s'il avait projeté le sommaire des revenus du dernier trimestre sur les trois
trimestres précédents (ibid.).
[16]
La vérification et la cotisation avaient pour
objet d'établir le montant de la dette au titre de la TPS en fonction du
montant des ventes. Rien n'empêche les appelants, à l'étape de la perception,
de prouver que le montant établi dans la cotisation a déjà été payé en tout ou
en partie et d'obtenir ensuite les mesures correctives qui s'imposent.
[17]
Enfin, les appelants soutiennent avoir été
injustement pénalisés pour défaut de production de la déclaration de TPS
correspondant au dernier trimestre de 1999. L'injustice tiendrait au fait que,
en exécution d'une ordonnance de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, le
séquestre avait pris possession de tous leurs livres et journaux le
24 janvier 2000, ce qui, selon eux, leur avait rendu impossible la
production de la déclaration en question.
[18]
Cet argument ne me paraît pas fondé. Il est vrai
que les appelants avaient jusqu'au 31 janvier 2000 pour produire leur
déclaration de TPS. Cependant, ils avaient connaissance de la procédure tendant
à obtenir l'ordonnance en question et ils ont eu tout le temps nécessaire pour
produire cette déclaration avant qu'elle ne fût rendue.
[19]
Qui plus est, M. Kern, selon ses propres
déclarations, pouvait encore dans une certaine mesure diriger l'aspect logement
de l'entreprise sous le contrôle du séquestre après la nomination de ce
dernier; voir le dossier d'appel, volume 2, onglet 1, page 19.
On voit mal comment ou pourquoi le séquestre n'aurait pas aidé les appelants à
remplir, ou les aurait empêchés de remplir, leur obligation de produire une
déclaration sous le régime de la Loi sur la taxe d'accise.
[20]
En tout état de cause, l'existence d'un montant
impayé au titre de la taxe nette à verser en vertu de la Loi sur la taxe
d'accise pour le dernier trimestre de 1999 n'est pas contestée. Le
distingué juge de la Cour de l'impôt a limité l'obligation des appelants à ce
dernier trimestre; voir son jugement en date du 5 mai 2005.
[21]
Pour ces motifs, je rejetterais l'appel, avec
dépens.
« Gilles Létourneau »
« Je souscris aux présents motifs
J. Edgar Sexton,
juge »
« Je souscris aux présents motifs
B. Malone, juge »
Traduction
certifiée conforme
Christiane
Bélanger, LL.L.