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Dossier : 2005-874(IT)I

ENTRE :

RONALD BENJAMIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appel entendu le 12 janvier 2006, à Kitchener (Ontario).

Devant : L'honorable D.G.H. Bowman, juge en chef

Comparutions :

Pour l'appelant :                                  L'appelant lui-même

Avocats de l'intimée :                          Me George Boyd Aitken

                                                          Me Frederic Morand

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JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu à l'égard de l'année d'imposition 1997 est accueilli et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national afin qu'il procède à un nouvel examen et qu'il établisse une nouvelle cotisation de manière à ce que l'appelant puisse inclure une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise de 37 500 $ dans le calcul de son revenu.

L'appelant a droit à ses dépens, le cas échéant, conformément au tarif.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de février 2006.

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef Bowman

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour d'octobre 2006.

Sara Tasset


Référence : 2006CCI69

Date : 20060202

Dossier : 2005-874(IT)I

ENTRE :

RONALD BENJAMIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge en chef Bowman

[1]      Le présent appel fait suite à une cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) à l'égard de l'année d'imposition 1997 de l'appelant. Il concerne une perte au titre d'un placement d'entreprise de 50 000 $ à l'égard de laquelle M. Benjamin a demandé une déduction dans sa déclaration de revenus et qui donnait lieu à une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise (PDTPE) de 37 500 $.

[2]      M. Benjamin a raconté dans son témoignage que MM. Martin Sussman et Lee Harrison l'avaient abordé pour participer, par le truchement d'une société qu'il détenait à parts égales avec ces deux hommes, à un projet de vente de cartes téléphoniques.

[3]      L'appelant et M. Sussman ont chacun investi 50 000 $ dans l'entreprise, Concepts Alive Inc. Celle-ci a été exploitée activement en 1996 et en 1997. Les cartes vendues étaient des cartes promotionnelles portant le nom de l'annonceur. Il y a eu plusieurs commandes et quelques exemples de cartes ont été présentés en preuve, dont la carte Benjamin's Park Memorial Chapel, la carte Telesonic Communications Inc. et la carte Norseman Plastics Ltd. L'argent investi par l'appelant et M. Sussman a servi à payer le loyer et les dépenses de l'entreprise, mais l'entreprise n'a pas fonctionné. La publicité au moyen de cartes téléphoniques semble avoir été un concept trop avant-gardiste pour le marché. L'entreprise a fermé ses portes en 1997 et les créances sont devenues irrécouvrables.

[4]      Le seul point en litige consiste à déterminer si l'hypothèse du ministre, soit que l'appelant n'a pas investi les 50 000 $ dans l'entreprise [Concepts Alive Inc.], est fondée ou non. Aucune autre hypothèse touchant la demande de l'appelant n'est invoquée. Si l'appelant a effectivement prêté le montant de 50 000 $ à Concepts Alive Inc., toutes les autres conditions légales lui permettant de déduire une PDTPE sont satisfaites; l'entreprise est une société privée sous contrôle canadien, elle était exploitée activement et les créances sont devenues irrécouvrables en 1997.

[5]      Le problème de l'appelant, du moins dans ses rapports avec l'Agence du revenu du Canada (ARC), c'est qu'il n'avait aucun document étayant l'existence de ce prêt. L'avocat de l'intimée a fait valoir qu'à la lumière de certains jugements de la Cour, je devrais rejeter l'appel.

[6]      Même si l'ARC a pour politique d'exiger des documents étayant une dépense, un paiement ou une déduction, il ne s'agit pas d'un principe qu'applique la Cour, à moins que les dispositions fiscales ne l'exigent expressément (par exemple, dans le cas des dons de bienfaisance). Si un contribuable peut prouver à l'audience, au moyen d'un témoignage crédible, qu'un paiement a été fait ou qu'une dépense a été effectuée, la Cour doit en tirer une conclusion et l'appliquer. La Cour ne peut se soustraire à sa responsabilité de fonder ses conclusions sur les éléments de preuve portés à sa connaissance et déclarer au contribuable que, finalement, même si son témoignage est crédible, en l'absence de documents, il doit nécessairement échouer.

[7]      La jurisprudence citée par l'intimée n'appuie pas les arguments avancés par l'intimée. Elle énonce simplement que, si un appelant ne présente pas de preuves documentaires, il lui est plus difficile de s'acquitter de son fardeau de preuve. Si l'appelant a pu présenter, au moyen d'un témoignage crédible, une preuve prima facie qui n'est pas réfutée, il devrait avoir gain de cause. Dans les arrêts où l'appel n'a pas été accueilli, il n'y avait ni documentation ni crédibilité.

[8]      Dans l'arrêt Bullas v. R. [2002] 3 C.T.C. 467, le juge Evans, au nom de la Cour d'appel fédérale, a rejeté un appel faisant suite à une décision du juge Brulé et s'est exprimé en ces termes :

Comme le juge l'a indiqué lorsqu'il a rejeté l'appel de M. Bullas, les contribuables sont légalement tenus de conserver des pièces justifiant les déductions qu'ils réclament et ils se placent dans une situation très difficile lorsqu'ils ne respectent pas cette obligation. Néanmoins, la Cour de l'impôt peut accepter d'autres éléments que des preuves documentaires. Néanmoins, c'est au juge de la Cour de l'impôt, en qualité de juge des faits, d'examiner l'ensemble des éléments de preuve présentés et d'en apprécier la force probante en vue de déterminer si le contribuable a démontré que le ministre avait commis une erreur lorsqu'il a refusé les déductions demandées.

[9]      Loin de statuer que la preuve documentaire constitue une exigence absolue, le juge Evans précise que d'autres formes de preuves, si elles ont une force probante, peuvent être acceptées.

[10]     En l'espèce, l'appelant a convoqué les deux autres actionnaires comme témoins, outre lui-même, et les deux hommes ont affirmé que l'appelant avait prêté 50 000 $ à l'entreprise. Ils étaient des témoins crédibles et j'accepte leurs témoignages. L'avocat de l'intimée a souligné certaines incohérences dans leurs propos. Un d'entre eux a raconté que les 50 000 $ avaient été versés en un seul montant forfaitaire, l'appelant a déclaré qu'il avait effectué deux versements et le troisième n'était pas certain. Ce n'est pas surprenant qu'ils aient eu des trous de mémoire après dix ans. Au lieu de jeter un doute sur le témoignage de l'appelant, ces divergences le consolident. Elles prouvent que les trois hommes ne se sont pas entendus pour rendre les détails de l'histoire plus cohérents. Je ne suis pas prêt à accuser ces témoins du degré d'ingéniosité nécessaire pour arranger des incohérences afin de donner plus de crédibilité à leurs dires.

[11]     L'avocat s'est reporté à l'article 230 de la Loi, qui oblige le contribuable exploitant une entreprise à tenir des registres et des livres de comptes adéquats. L'omission de le faire peut entraîner la prise de certaines sanctions prévues à l'article 238, mais ces conséquences n'incluent pas l'impossibilité de déduire une dépense si le contribuable peut en prouver l'existence au moyen d'un témoignage crédible. Il y a aussi une évidence, c'est que le fait de prêter de l'argent à son entreprise n'équivaut pas à exploiter une entreprise. L'approche pertinente, à mon avis, est celle qui est décrite par la juge Woods dans la décision Chandan c. Canada, 2005 CCI 685, où elle s'est exprimée comme suit au paragraphe 34 :

[34]    L'avocat a également invoqué des décisions qui mettent l'accent sur l'importance de la tenue des livres. [note de bas de page omise] Le contribuable doit, aux termes du paragraphe 230(1) de la Loi, tenir des registres dans la forme prescrite de sorte que les déclarations de revenus puissent être vérifiées; le contribuable qui ne tient pas les registres appropriés risque de se voir refuser ses demandes de déduction. Cependant, il ne faut pas nécessairement refuser les demandes de déduction pour la simple raison que le contribuable n'avait pas tenu les registres appropriés. L'exigence porte sur l'établissement d'une preuve prima facie et, à mon avis, l'appelant a réussi à établir une telle preuve.

Voir également l'arrêt Weinberger v. M.N.R., 64 DTC 5060.

[12]     L'appel est accueilli et la cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour qu'il procède à un nouvel examen et qu'il établisse une nouvelle cotisation de manière à ce que l'appelant puisse inclure une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise de 37 500 $ dans le calcul de son revenu.

[13]     L'appelant a droit à ses dépens, le cas échéant, conformément au tarif.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de février 2006.

« D.G.H. Bowman »

Juge en chef Bowman

Traduction certifiée conforme

ce 19e jour d'octobre 2006.

Sara Tasset


RÉFÉRENCE :

2006CCI69

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2005-874(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Ronald Benjamin c.

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :

Kitchener (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 12 janvier 2006

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L'honorable D.G.H. Bowman,

juge en chef

DATE DU JUGEMENT :

Le 2 février 2006

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocats de l'intimée :

Me George Boyd Aitken

Me Frederic Morand

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

Nom :

Cabinet :

Pour l'intimée :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada




SOURCE: http://decision.tcc-cci.gc.ca/fr/2006/html/2006cci69.html Générée le 2006-12-27