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Référence : 2006CCI312

Date : 20060602

Dossier : 2005-1833(IT)I

ENTRE :

WEIGUO ZHAN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

(rendus oralement à l'audience

le 4 mai 2006

à Vancouver (Colombie-Britannique))

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

La juge Woods

[1]      Les présents sont les motifs rendus à l'audience dans l'appel de Weiguo Zhan contre Sa Majesté la Reine.

[2]      M. Zhan interjette appel d'une cotisation par laquelle on lui a refusé une déduction pour des frais de déménagement qu'il a encourus au cours de l'année d'imposition 2003. Le montant déduit était de 19 213,69 $, soit une moitié de la somme totale. L'épouse de M. Zhan, Mme Shao, a déduit l'autre moitié et le ministre a également refusé cette déduction.

[3]      M. Zhan et son épouse ont tous les deux interjeté appel devant la Cour et, à leur demande, les appels ont été entendus séparément. La juge Campbell a entendu l'appel de Mme Shao le 31 janvier 2003. La juge a rejeté l'appel pour des motifs rendus oralement le 1er février 2003.

[4]      J'ai entendu l'appel de M. Zhan le 24 février. Après avoir écouté son témoignage, on m'a avisé qu'il n'avait pas eu l'occasion d'analyser les motifs rendus par la juge Campbell. J'ai donc fait droit à sa demande de report d'audience pour qu'il puisse les analyser et les parties se sont présentées devant moi une deuxième fois le 28 avril pour me soumettre leurs arguments.

[5]      M. Zhan cherche à déduire des frais de déménagement qu'il a encourus lors de son déménagement de Edmonds, dans l'État de Washington (États-Unis), à Surrey, en Colombie-Britannique.

[6]      La règle générale relative à la déduction des frais de déménagement veut que l'ancienne et la nouvelle résidence soient toutes les deux situées au Canada. Dans la présente affaire, l'ancienne résidence était située aux États-Unis. Il s'ensuit donc que la règle générale ne s'applique pas en l'espèce.

[7]      M. Zhan cherche à déduire les frais en vertu d'une disposition particulière. Cette dernière permet d'accorder la déduction, peu importe où les résidences sont situées, si le contribuable est « absent du Canada mais y réside » .

[8]      M. Zhan est citoyen canadien et il vivait en Colombie-Britannique avant que son épouse et lui ne déménagent aux États-Unis en 1997. Ils ont cessé d'être des résidents du Canada à ce moment-là. En 2002, ils ont décidé de revenir au Canada et ils ont commencé les préparatifs de leur déménagement. Ils ont cherché de l'emploi et un hébergement au Canada, ils ont vendu leur résidence aux États-Unis et, peu à peu, ils ont coupé leurs liens sociaux et économiques aux États-Unis, tout en commençant à nouer des liens sociaux et économiques au Canada. M. Zhan a accepté un nouvel emploi au Canada à compter du mois d'avril 2003, son épouse et lui ont pris possession d'un appartement au Canada au début du mois d'avril et ils ont déménagé de leur résidence précédente au même moment. En fait, leur résidence dans l'État de Washington avait été vendue plus tôt, mais ils avaient un accord selon lequel ils en garderaient la possession jusqu'au déménagement.

[9]      M. Zhan allègue que la règle particulière s'applique à lui, car, au moment de son déménagement, il était absent du Canada, mais il y résidait. Il soutient qu'il a établi des liens suffisants au Canada avant son déménagement afin de devenir résident du Canada, avant de quitter sa demeure aux États-Unis. Son argument est basé sur la jurisprudence qui affirme qu'une personne peut être résidente du Canada sans y avoir de demeure.

[10]     M. Zhan m'a renvoyée à une décision de la juge Lamarre intitulée Collins c. La Reine et il a soutenu qu'une personne n'était pas obligée d'avoir de demeure dans un territoire pour en être résidente.

[11]     L'affaire Collins se distingue de la présente affaire, car il ne s'agissait pas d'un cas où le contribuable était un non-résident. Dans la décision Collins, la juge Lamarre a conclu que le contribuable n'avait pas cessé d'être un résident du Canada, car il ne s'était pas « établi » quelque part à l'extérieur du Canada.

[12]     Les mêmes analyses ne s'appliquent pas lorsqu'un contribuable s'est établi en territoire étranger. Comme la juge Lamarre le remarque, le sens de résidence varie en fonction des faits de l'espèce. Elle déclare : « [...] le sens à donner au terme « résident » est très souple et [...] sa définition peut varier suivant le contexte et selon les différents aspects d'une situation donnée. »

[13]     À mon avis, la conclusion de la juge Campbell dans l'appel de l'épouse de M. Zhan s'applique également à M. Zhan et je fais miens ses motifs. M. Zhan n'est devenu un résident du Canada qu'après avoir pris possession de son appartement dans ce pays, soit en avril. À aucun moment pendant son absence du Canada M. Zhan n'en a été un résident.

[14]     Cela est suffisant pour statuer sur l'appel, mais j'aimerais ajouter quelques commentaires.

[15]     En premier lieu, l'interprétation que suggère M. Zhan entraîne une injustice dans l'application de la disposition à différents contribuables. La Cour suprême du Canada a déclaré récemment qu'il faut éviter une telle situation. Dans l'arrêt Hypothèques Trustco Canada, au paragraphe 12, la Cour déclare que les dispositions de la Loi doivent être interprétées de manière à assurer l'uniformité, la prévisibilité et l'équité.

[16]     Si l'interprétation de M. Zhan est retenue, alors, une personne qui déménage d'un pays étranger pour le Canada serait en mesure de déduire ses frais de déménagement si elle établit des liens au Canada avant son déménagement, mais elle ne serait pas en mesure de déduire ses frais de déménagement si elle n'a pas établi de liens au Canada. Ce résultat est injuste. Pour donner une interprétation équitable de la disposition, en général, la règle particulière ne devrait pas s'appliquer à une personne qui est en voie d'acquérir une résidence canadienne, que ce soit pour la première fois ou bien en tant que résident de retour au pays, comme c'était le cas de M. Zhan.

[17]     Comme la Cour d'appel fédérale l'a fait remarquer dans l'arrêt Dixon c. La Reine, la règle particulière pour les personnes qui sont absentes, mais résidentes du Canada vise des circonstances particulières, celles où des résidents canadiens sont temporairement absents du Canada, comme les militaires, les ambassadeurs ou les étudiants.

[18]     En outre, l'interprétation de M. Zhan est contraire au paragraphe 250(5) de la Loi. Aucune partie n'a mentionné ce paragraphe, il s'ensuit que ce n'est pas le fondement principal de ma décision. Toutefois, il vaut la peine de remarquer que cette disposition s'applique lorsqu'une personne a des liens importants au Canada ainsi qu'aux États-Unis. Cette disposition énonce, de façon générale, que la personne sera résidente du territoire où elle possède une demeure. Dans la présente affaire, cela signifierait que M. Zhan serait résident des États-Unis et non pas du Canada, jusqu'à son déménagement en avril 2003.

[19]     Pour ces raisons, l'appel de M. Zhan est rejeté.

          Signé à Toronto (Ontario), ce 2e jour de juin 2006.

« J. Woods »

La juge Woods

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour d'août 2006.

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :                                             2006CCI312

NUMÉRO DU DOSSIER DE LA COUR :    2005-1833(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         Weiguo Zhan et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE :                             Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                            le 24 février et le 28 avril 2006

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :                  l'honorable juge Judith Woods

DATE DU JUGEMENT :                              le 5 mai 2006

COMPARUTIONS :

Pour l'appelant :                                  l'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :                           Me Fiona Mendoza

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelant :

                   Nom :                                        s/o

                   Étude :                                                         

Pour l'intimée :                                    John H. Sims, c.r.

                                                                    Sous-procureur général du Canada

                                                                    Ottawa, Canada




SOURCE: http://decision.tcc-cci.gc.ca/fr/2006/html/2006cci312.html Générée le 2006-08-21