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Dossier : 2006-1327(IT)G

ENTRE :

DAVID TERRIO,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Requête entendue le 3 août 2006, à Welland (Ontario).

Devant : L'honorable juge G. Sheridan

Comparutions :

Avocat de l'appelant :

Me Guy Ungaro

Avocat de l'intimée :

Me George Boyd Aitken

____________________________________________________________________

ORDONNANCE

Vu la requête présentée par l'intimée en vue de l'obtention d'une ordonnance en application de l'article 52 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) enjoignant à l'appelant de produire des précisions dans un délai déterminé;

Et vu la requête présentée par l'intimée, subsidiairement, en vue de l'obtention d'une ordonnance prorogeant le délai imparti à l'intimée pour déposer sa réponse à l'avis d'appel en application de l'alinéa 44(1)b) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale);

Et vu la requête présentée par l'intimée en vue d'obtenir une ordonnance lui adjugeant les dépens dans la présente requête, quelle que soit l'issue de la cause;

Et vu les observations des avocats et les documents déposés;

LA COUR ORDONNE :

1.                  la requête présentée par l'intimée en vue de l'obtention d'une ordonnance enjoignant à l'appelant de produire des précisions est rejetée;

2.                  l'intimée est tenue de déposer et de signifier sa réponse à l'avis d'appel dans les 60 jours suivant la date de la présente ordonnance;

3.                  les dépens de la présente requête suivront l'issue de la cause;

selon les motifs de l'ordonnance ci-joints.

       Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de septembre 2006.

« G. Sheridan »

Juge Sheridan

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de janvier 2007.

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2006CCI494

Date : 20060907

Dossier : 2006-1327(IT)G

ENTRE :

DAVID TERRIO,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

[1]      La requête de l'intimée et les motifs invoqués sont exposés ci-dessous :

          La requête est présentée en vue d'obtenir :

a)        une ordonnance enjoignant à l'appelant de produire des précisions dans un délai déterminé en application de l'article 52 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale);

b)       subsidiairement, une ordonnance prorogeant le délai imparti à l'intimée pour déposer sa réponse à l'avis d'appel en application de l'alinéa 44(1)b) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale);

c)        ainsi que les dépens, quelle que soit l'issue de la cause;

d)       et toute autre mesure de redressement que la Cour estime appropriée.

Les motifs de la requête sont ci-après énoncés :

a)        l'appelant n'a pas fourni de précisions à l'intimée, et ce, malgré la demande de précisions qui lui avait été signifiée le 4 juillet 2006;

b)       l'avis d'appel produit ne présente pas assez de précisions pour permettre à l'intimée d'établir sa réponse à l'avis d'appel.

[2]      L'appel vise les cotisations d'actif net établies à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition 1998, 1999 et 2000. Ayant lu l'avis d'appel et pris connaissance des observations des avocats, je crois comprendre que le ministre a conclu, entre autres choses, qu'étant donné la fréquence des activités de l'appelant dans des maisons de jeu, il avait plus de revenus que ce qui a été déclaré.

[3]      L'avocat de l'appelant s'est opposé à la requête de l'intimée. Il soutient que l'avis d'appel et la réponse à la demande de précisions présentés par l'appelant, tels que rédigés, renferment des renseignements suffisants aux fins d'un acte de procédure, et que la requête de l'intimée doit être rejetée et les dépens adjugés à l'appelant.

[4]      Dans la décision Zelinski c. La Reine[1], le juge Bowie explique le but de l'acte de procédure et les principes applicables :

[4]    L'acte de procédure a pour but de définir les questions faisant l'objet du litige entre les parties aux fins de production et de communication préalable ainsi qu'en prévision du procès. Il incombe aux parties de présenter un exposé concis des faits pertinents sur lesquels elles se fondent. Les faits pertinents sont ceux qui, dans l'éventualité où ils sont établis au cours du procès, concourront à démontrer que la partie ayant déposé l'acte de procédure a droit au redressement demandé. De façon générale, il convient que la modification d'un acte de procédure soit autorisée, dans la mesure où cela n'est pas préjudiciable à l'autre partie - qui n'a pas droit à une contrepartie sous forme de dépens ou sous une autre forme -, les Règles visant à assurer, dans la mesure du possible, un procès équitable portant sur les vraies questions en litige entre les parties.

[5]    Le principe applicable est formulé ainsi par Holmsted et Watson : [NOTE EN     BAS DE PAGE : Holmsted et Watson, Ontario Civil Procedure, vol. 3, pages 25-20 à 25-21.]

[TRADUCTION]

Il s'agit de la grande règle en matière d'actes de procédure; toutes les autres règles sont essentiellement des règles accessoires ou des réserves à cette règle de base selon laquelle le plaideur doit exposer les faits pertinents sur lesquels il fonde sa demande ou sa défense. La règle comporte quatre composantes distinctes : (1) chaque acte de procédure doit exposer des faits et non pas simplement des conclusions de droit; (2) il doit exposer les faits pertinents et ne pas contenir de faits dénués de pertinence; (3) il doit exposer des faits, non les éléments de preuve qui serviront à étayer ces faits; (4) il doit exposer les faits avec concision. [...]

[5]      L'avocat de l'intimée a rappelé à la Cour un des principes fondamentaux régissant les litiges en matière fiscale, soit que le fardeau de la preuve repose sur l'appelant[2]. J'ajouterais ici que, dans un cas où il est nécessaire d'estimer le revenu d'un contribuable à partir de la valeur de son actif net, la tâche est d'autant plus difficile que le contribuable doit, essentiellement, prouver un élément négatif : qu'il n'avait pas le niveau de revenu que lui a attribué le ministre dans sa cotisation. La décision Rameyc. Canada[3]présente un bon résumé de ce qu'implique un tel fardeau :

[...] Estimer le revenu annuel d'un contribuable à partir de la valeur de son actif net est une méthode insatisfaisante et imprécise.    C'est un instrument grossier que le ministre doit utiliser en dernier ressort.    Une cotisation d'actif net repose sur une comparaison de l'actif net du contribuable, à savoir la valeur de l'actif moins le passif au début d'une année, avec son actif net à la fin de l'année.    À la différence ainsi obtenue, on ajoute les dépenses qu'il a engagées pendant l'année.    Le montant obtenu est réputé être le revenu du contribuable, sauf preuve contraire.    Ces cotisations peuvent être inexactes dans une mesure indéterminée, mais elles sont valables jusqu'à preuve de leur inexactitude.    Il est quasi impossible de les contester à la pièce.    La seule façon vraiment efficace de les contester est de procéder à une reconstitution complète du revenu du contribuable pour l'année.    Un contribuable dont les registres comptables et le mode de déclaration de revenus sont dans un tel fouillis que la cotisation d'actif net s'impose est souvent l'artisan de son propre malheur.    M. Boudreau a déclaré que les registres de M. Allan Ramey étaient inadéquats, qu'avant 1981 ses cotisations avaient fréquemment été établies selon la méthode de l'actif net, et que son entreprise de machines automatiques, telles des machines à boules et des machines à sous de types divers, fonctionnait en espèces et était donc difficile à vérifier. Le ministre n'avait donc d'autre choix que de procéder comme il l'a fait [...]

[6]      M. Terrio se trouve dans une situation semblable. Il n'a pas réussi à convaincre le ministre, à l'étape de l'opposition, que le montant du revenu qu'il a déclaré était exact, alors il doit maintenant prouver à un juge de la Cour que le ministre s'est trompé. M. Terrio doit donc examiner en détail comment il en est arrivé au montant qu'il a déclaré comme revenu pour les années d'imposition en question et réfléchir à la façon dont il pourra prouver, au moment du procès, que ce montant est exact.

[7]      Cependant, à ce stade-ci de la procédure, son avis d'appel doit être assez détaillé pour permettre à l'intimée d'établir sa réponse.

[8]      Mon examen des observations des avocats en ce qui a trait à l'ordonnance enjoignant à l'appelant de produire des précisions tient compte de ce qu'a indiqué le juge Bowman de la Cour canadienne de l'impôt (maintenant juge en chef) dans la décision Satin Finish Hardwood Flooring (Ontario) Ltd. c. Canada[4], où il a analysé les critères régissant les demandes de précisions.

17       Pour ce qui est de la requête visant l'obtention de précisions, plusieurs raisons en justifient le rejet.    En premier lieu, l'intimée n'a signifié aucune demande de précisions aux avocats de l'appelante.    En vertu de l'article 52 des Règles de la Cour, une requête visant l'obtention de précisions peut être présentée uniquement si des précisions ont été demandées à la partie adverse et que celle-ci ne les a pas produites dans les 30 jours.

F. P. Bourgault Industries v. Flexi-Coil Ltd., 18 C.P.R. (3d) 245, à la p. 246, juge Dubé; Georg Von Opel v. Allcock, Laight & Westwood Ltd., 21 Fox's Canadian Patent Cases 124, juge Cameron.

18       En présumant que j'aie le pouvoir discrétionnaire d'entendre une requête visant l'obtention de précisions en l'absence d'une demande écrite préalable, on ne m'a fourni aucun motif pour lequel je devrais exercer ce pouvoir.    Voir Curry v. Advocate Gen. Ins., 9 C.P.C. (2d) 247.

19       En deuxième lieu, on ne m'a présenté aucun document sous forme d'affidavit ou de quelque autre nature pour démontrer que l'intimée avait besoin de précisions afin de répondre à l'avis d'appel, ce qui n'est certainement pas évident à la lecture de l'avis d'appel.    En fait, le point n'a même pas été soulevé dans l'argumentation.    Voir F. P. Bourgault, précité; Georg Von Opel, précité.

20       En troisième lieu, lorsqu'on cherche à obtenir des précisions avant l'établissement d'un acte de procédure, il faut que ce soit en vue de pouvoir formuler une réponse intelligente.    Il y a une différence fondamentale entre les précisions requises aux fins d'un acte de procédure et les précisions nécessaires aux fins du procès.    Cette distinction a été clairement exprimée par le juge Marceau dans l'affaire Embee Electronic Agencies v. Agence Sherwood Agencies Inc., 43 C.P.R. (2d) 285, aux pp. 286-287.    Voir aussi Madden v. Madden, [1947] O.R. 866 (C.A. Ont.), juge Laidlaw, aux pp. 873-874; Coco-Cola Co. v. O'Keefe's Beverages Limited, [1922] 23 OWN 175, juge Riddell, à la p. 176.

21       Que le type de précisions souhaitées par l'intimée puissent ou non être nécessaires aux fins du procès, elles ne le sont pas aux fins de la formulation d'une réponse.    De plus, étant donné le caractère un peu particulier des litiges en matière d'impôt sur le revenu, le ministre du Revenu national connaît bien tous les faits dont il a besoin pour répondre à l'avis d'appel.    Il doit savoir pourquoi il a établi la cotisation.    Si l'intimée a besoin de détails supplémentaires sur l'entreprise de l'appelante aux fins du procès, elle peut les obtenir lors d'un interrogatoire préalable.

[9]      En l'espèce, l'intimée a dûment signifié sa demande de précisions[5] à l'appelant. De son côté, l'appelant a signifié sa réponse à la demande de précisions le 18 juillet 2006 et a indiqué qu'il était réticent à fournir davantage de précisions. L'intimée soutient que, comme l'avis d'appel, la réponse est tellement peu détaillée que l'appelant aurait aussi bien pu ne pas produire de réponse. De là la présente requête.

[10]     Je ne suis pas convaincue que c'est le cas. Comme dans le dossier Satin Finish, on n'a pas déposé d'affidavit pour démontrer précisément pourquoi l'intimée a besoin de plus de précisions afin de répondre à l'avis d'appel. J'admets l'allégation de l'avocat de l'intimée voulant que l'avis d'appel et la réponse à la demande de précisions aient pu être plus détaillés. C'est pourquoi je rejette d'emblée la demande éhontée de l'avocat de l'appelant visant à faire adjuger les dépens à ce dernier, quelle que soit l'issue de la cause.

[11]     Toutefois, étant donné le « caractère [...] des litiges en matière d'impôt sur le revenu » [6] et tout ce qui a pu se produire avant et pendant le processus d'établissement de la cotisation d'actif net à l'égard de M. Terrio pour les années d'imposition en litige, je ne suis pas convaincue que l'avis d'appel et la réponse à la demande de précisions, tels que produits, empêchent l'intimée d'établir sa réponse à l'avis d'appel.


[12]     Pour ces motifs, je suis d'avis que la requête déposée par l'intimée visant à obtenir des précisions est prématurée et doit être rejetée. Cependant, ce rejet n'empêche pas l'intimée de demander une ordonnance enjoignant à l'appelant de produire des précisions à une étape ultérieure de la procédure. L'intimée a 60 jours à compter de la date à laquelle la présente ordonnance est rendue pour déposer et signifier sa réponse à l'avis d'appel. Les dépens de la présente requête suivront l'issue de la cause.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de septembre 2006.

G. Sheridan

Juge Sheridan

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de janvier 2007.

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :                                  2006CCI494

N ° DU DOSSIER :                             2006-1327(IT)G

INTITULÉ :                                        DAVID TERRIO ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Welland (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le 3 août 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE        L'honorable juge G. Sheridan

PAR :

DATE DU JUGEMENT :                   Le 7 septembre 2006

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :

Me Guy Ungaro

Avocat de l'intimée :

Me George Boyd Aitken

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

       Pour l'appelant :

                   Nom :                              Me Guy Ungaro

                   Cabinet :                          Guy Ungaro

                                                          Niagara Falls (Ontario)

       Pour l'intimée :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                         Ottawa, Canada



[1] [2002] DTC 1204, paragraphes 4 et 5.

[2] Johnston c. Canada (Ministre du Revenu national-M.R.N.), [1948] R.C.S. 486.

[4] [1995] A.C.I. n ° 240, paragraphes 17 à 21.

[5] Affidavit d'Amanda Kelly; dossier de requête de l'intimée, onglet n ° 2.

[6] Comme le décrit le juge Bowman dans la décision Satin Finish, précitée.




SOURCE: http://decision.tcc-cci.gc.ca/fr/2006/html/2006cci494.html Générée le 2007-02-04