Banque du Canada

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Revue de la Banque du Canada

Automne 2003

Note technique : L'élimination du règlement rétroactif dans le SACR

Eric Tuer, département des Marchés financiers

Le 1er novembre 2003, en réponse à une demande de l'Association canadienne des paiements (ACP), la Banque du Canada a cessé d'antidater le règlement des paiements effectués par l'entremise du Système automatisé de compensation et de règlement (SACR). L'adoption du mode de « règlement pour valeur le lendemain » signifie que les résultats du processus de règlement figureront dans les livres de la banque centrale le jour où les effets sont effectivement réglés dans le SACR plutôt que le jour ouvrable précédent. Depuis juillet 1986, le règlement de ces effets s'effectuait à midi le lendemain du jour où ils étaient présentés à la compensation, mais les résultats du règlement étaient comptabilisés dans les livres de la Banque le jour qui précède, conformément au mode de règlement « rétroactif » (Dingle, 1986).

La Banque du Canada plaide en faveur de ce changement depuis un certain temps. Le passage au règlement pour valeur le lendemain a fait l'objet de discussions pour la première fois avant l'instauration du Système de transfert de paiements de grande valeur (STPGV) (Banque du Canada, 1995). La Banque y voyait un moyen de simplifier le processus de paiement, de mieux rendre compte du risque de non-règlement et de favoriser également l'efficience des systèmes de paiement. Les adhérents ont d'abord été réticents à accepter ce changement, craignant d'imposer à nouveau des problèmes de flottant à leur clientèle, ainsi que les coûts et les inefficiences connexes du suivi de l'activité des comptes1. Cette crainte a cependant été dissipée, les participants au SACR s'étant entendus sur une formule de compensation fondée sur le versement d'intérêts. Par suite du passage au règlement pour valeur le lendemain et de la mise en place de cette formule de compensation, les coûts les plus importants associés au règlement des paiements par l'intermédiaire du SACR ont été éliminés.

Les coûts liés au règlement rétroactif dans le cadre du STPGV

Le STPGV a été implanté en 1999 afin d'assurer, en « temps réel », le traitement électronique des effets dont le montant est élevé et pour lesquels la date et l'heure de règlement sont critiques (Dingle, 1998). La finalité des paiements est garantie par les mécanismes élaborés de limitation du risque dont est doté le système2. Le SACR sert, pour sa part, à la compensation et au règlement des autres effets de paiement, tels que les chèques. Le règlement a lieu à midi le lendemain du jour où les effets sont présentés à la compensation. Si le STPGV est considéré comme un système d'importance systémique, le SACR, quant à lui, ne l'est pas3. Comme celui-ci n'assure pas l'irrévocabilité des transferts de fonds le jour même, les effets échangés au moyen de ce système peuvent être refusés tant que le règlement ne s'est pas effectué, plusieurs heures après le début du processus de compensation.

Lorsque le STPGV est entré en activité, la fourchette des taux d'intérêt dans le SACR a initialement été établie de manière que le total des coûts supportés par les adhérents reste inchangé par rapport au régime antérieur basé sur le calcul des moyennes. Comme la fourchette retenue dans le STPGV était plus étroite, les découverts et les positions longues y étaient moins coûteux que dans le SACR. Cet écart de coût a encouragé le passage des gros effets du SACR au STPGV. Le taux s'appliquant aux soldes positifs (négatifs) de fin de journée dans le STPGV équivaut au taux cible du financement à un jour minoré (majoré) d'une marge de 25 points de base, alors que la marge appliquée à ces soldes dans le SACR était d'abord de 250 points de base. Au fil du temps, à mesure que certaines étapes importantes dans le processus de migration ont été franchies, la fourchette des taux du SACR a été réduite et, avant l'adoption du règlement pour valeur le lendemain, la marge pratiquée s'établissait à 150 points de base. Le volume quotidien des transactions dans ce système, qui s'élevait à quelque 40 milliards de dollars immédiatement après la mise en oeuvre du STPGV, n'est plus que de 16 milliards aujourd'hui, à cause notamment de l'effet de cette incitation financière sur les niveaux de migration.

Avant l'abandon du règlement rétroactif, les participants au SACR étaient confrontés à cet écart de coût dès qu'une transaction de paiement mettait en jeu à la fois le STPGV et le SACR. Prenons l'exemple d'un adhérent qui recevait un chèque à l'ordre du gouvernement du Canada pour compensation et règlement dans le SACR, mais qui devait passer par le STPGV pour effectuer le paiement. Dans ce cas simplifié, à la fin de la journée, l'adhérent payait le taux cible plus 25 points de base sur son découvert dans le STPGV et gagnait le taux cible moins 150 points de base sur son solde positif dans le SACR. Si ces soldes avaient été tenus dans le STPGV, l'adhérent aurait touché des intérêts nettement plus élevés. Ce coût d'opportunité était imputable à la rupture des flux de paiements4.

Les répercussions du règlement pour valeur le lendemain sur les coûts

L'adoption du mode de règlement pour valeur le lendemain a entraîné l'élimination d'un grand nombre des coûts assumés par les institutions financières qui participent au SACR, bien qu'elle se traduise par l'obligation de maintenir un faible niveau de fonds propres. Un bref survol des procédures du SACR en vigueur précédemment permettra de comprendre comment la mise en place du nouveau régime a conduit à la suppression de la plupart des coûts.

Dans le courant d'une journée ouvrable, les adhérents reçoivent en dépôt de nombreux effets papier ainsi que toutes sortes d'instruments de divers flux de paiements électroniques. En règle générale, les comptes des clients sont crédités de ces dépôts le jour même. Le soir, les effets sont triés, traités et compensés dans le SACR. Le système calcule le montant net des créances, ou des obligations, des institutions financières participantes dans la plupart des régions à 9 h 30 (HNE) le lendemain matin et peut apporter des corrections jusqu'à 11 h. Auparavant, la Banque du Canada déterminait, à partir du SACR, les sommes globales qui étaient dues aux adhérents ou que ceux-ci devaient, et le règlement s'effectuait à midi par des opérations de crédit et de débit dans les comptes de règlement SACR que chaque adhérent détenait à la Banque. Comme les livres de la Banque restaient ouverts jusqu'au jour ouvrable suivant, c'est-à-dire jusqu'à ce que le processus de compensation s'achève et que le règlement ait lieu, la date effective de ce dernier était le même jour que celui où la plupart des effets de paiement étaient portés au crédit des comptes des clients.

Grâce au règlement pour valeur le lendemain, l'adhérent connaît sa position de compensation nette multilatérale finale entre le milieu et la fin de la matinée du jour qui suit celui où les effets sont soumis au processus de compensation. Les gains et pertes nets découlant du processus de compensation dans le SACR figurent au bilan des adhérents sous la rubrique des « effets en compensation », plutôt que sous forme de dépôts dans le système ou d'avances au bilan de la Banque du Canada5. Les effets sont réglés et les positions des adhérents auprès de la Banque sont modifiées le jour ouvrable qui suit celui où les comptes des clients sont crédités des effets de paiement.

La formule de compensation sur laquelle les membres du SACR se sont entendus prévoit le versement d'une contrepartie financière pour le décalage d'un jour entre le moment où l'effet est inscrit en compte et celui où le règlement a lieu; elle vise à éviter que les adhérents n'imposent des frais à leur clientèle pour la compensation des effets. L'ACP détermine le montant des intérêts qui sont dus à chaque adhérent ou que celui-ci doit. (Il s'agit là du seul nouveau mécanisme requis pour la mise en oeuvre de ce projet.) Les adhérents affichant un solde créditeur net dans le SACR reçoivent un paiement d'intérêts afin de couvrir le coût des sommes portées au crédit des déposants le jour ouvrable qui précède celui où ils encaisseront les fonds correspondants. À l'inverse, les adhérents ayant une position débitrice nette versent des intérêts, car ils tirent un bénéfice du fait qu'ils débitent les comptes de leurs clients un jour ouvrable avant le paiement des sommes dues. Les intérêts à verser sont calculés chaque jour par l'ACP au taux cible du financement à un jour (qui correspond au taux officiel d'escompte minoré de 25 points de base) et sont compris dans les soldes de compensation réglés à la Banque du Canada au moyen de fonds STPGV.

Au lieu de contracter une avance SACR (un prêt pour découvert), une institution qui se retrouve avec un solde de compensation négatif envoie la somme nécessaire par le STPGV pour que celle-ci soit créditée au sous-compte SACR qu'elle tient à la Banque du Canada. Lorsque les sous-comptes SACR de tous les adhérents affichant des soldes négatifs ont ainsi été crédités, la Banque les débite puis crédite les sous-comptes des adhérents qui ont un solde positif. Aucun solde créditeur ou découvert dans le SACR n'est inscrit au bilan de la Banque du Canada pendant la nuit, ce qui réduit les coûts pour les participants.

Dans l'éventualité peu probable où un adhérent ne paie pas le montant de son solde de compensation négatif par l'entremise du STPGV, il peut encore demander à la Banque une avance SACR pour obtenir les liquidités dont il a besoin pour régler sa position. Une avance peut s'avérer nécessaire lorsque le STPGV est indisponible ou qu'un adhérent n'est pas en mesure de se connecter au système. Il y a peu de chances qu'on ait recours à cette facilité pour contracter des emprunts à un jour, étant donné que les soldes négatifs seront couverts par un paiement STPGV avant la fin de la journée. Tout comme dans le cas du service de règlement en continu relatif aux opérations de change assuré par la CLS Bank, la Banque du Canada ne percevra pas d'intérêts sur ces découverts s'ils sont remboursés le jour même. À l'avenir, des droits pourraient être exigés pour ce service.

Il convient de noter que les nouvelles modalités de règlement au sein du SACR ne modifient pas le risque de non-règlement qu'assument les participants à ce système. Le fait d'inclure le risque de non-règlement dans les états financiers, sous la rubrique des effets en compensation, permet de clarifier l'étendue du risque auquel chacun des participants au SACR s'expose.

L'inclusion des créances nettes SACR parmi les effets en compensation au bilan fera augmenter le niveau des fonds propres que doivent maintenir les participants au système par suite de l'application d'une pondération des risques au montant additionnel des créances nettes résultant du cycle de compensation du SACR6.

Incidence sur les acteurs du SACR

Les participants au SACR

L'adoption récente du règlement pour valeur le lendemain et la modification consécutive de la structure des coûts du SACR vont influer sur les comportements dans le secteur. La limitation des risques, plutôt que les considérations de coût, sera vraisemblablement le principal déterminant de la migration future des paiements du SACR vers le STPGV. De plus, un certain nombre d'initiatives et de projets visant à accroître la valeur des paiements transitant par le STPGV au lieu du SACR ont dernièrement été menés à terme ou sont en cours de réalisation. Parmi eux, mentionnons l'ajout des opérations sur actions au CDSX7 et la hausse de la valeur des règlements de droits à paiement dans le STPGV. En outre, afin de promouvoir le règlement des gros paiements dans le STPGV, un plafond de 25 millions de dollars a été imposé à la valeur des effets papier admissibles dans le SACR. Pour éviter le retour des gros effets de paiement au SACR, la Banque du Canada continuera de surveiller la valeur des transactions dans les deux systèmes.

Souhaitant restreindre le plus possible le montant des fonds propres qu'ils doivent maintenir à l'égard des effets en compensation, les adhérents continueront de recourir aux opérations d'échange de soldes. Ils essaieront de réduire l'importance des effets en compensation dans leur bilan en limitant, dans la mesure du possible, leur position prévue au sein du SACR. À mesure que la migration des effets de paiement et des flux de paiements vers le STPGV se poursuivra, la valeur de ces opérations d'échange diminuera.

La modification de la structure des coûts du système de paiement a d'autres effets potentiels. Le mode de calcul des intérêts pour les gros dépôts et les découverts, particulièrement ceux qui surviennent vers la fin de la journée, pourrait être révisé. Avant l'instauration du règlement pour valeur le lendemain, si un adhérent affichait un solde positif ou négatif dans le SACR à la fin de la journée par suite d'une transaction inattendue d'un client tard en après-midi, il recevait un taux d'intérêt égal à la limite inférieure de la fourchette des taux du SACR ou devait payer un taux égal à la limite supérieure. Dorénavant, le taux cible du financement à un jour s'appliquera à la fois aux soldes créditeurs et aux soldes débiteurs. À terme, les forces de la concurrence au sein du secteur détermineront la mesure dans laquelle on fera profiter la clientèle de ces économies.

La Banque du Canada

Le passage au règlement pour valeur le lendemain avec compensation n'aura aucune incidence sur la mise en oeuvre de la politique monétaire de la Banque du Canada, qui implique à l'heure actuelle l'ajustement, au jour le jour, du niveau des dépôts du Receveur général détenus à la Banque par rapport à ceux détenus par les participants au STPGV. Comme il a été indiqué précédemment, toutefois, ce changement aura pour conséquence de réduire la taille du bilan de la Banque, ce qui entraînera pour le gouvernement fédéral un manque à gagner annuel estimé à environ 15 millions de dollars.

L'élimination des positions dans le SACR des membres de l'ACP auprès de la Banque du Canada a amené cette dernière à modifier le tableau qui faisait état de cette information dans deux de ses publications, le Bulletin hebdomadaire de statistiques financières et les Statistiques bancaires et financières de la Banque du Canada.

Conclusion

L'adoption du mode de règlement pour valeur le lendemain avec compensation a permis d'éliminer une bonne partie des coûts associés à la participation au SACR. Elle n'aura aucune incidence sur la mise en oeuvre de la politique monétaire, ne se traduira pas par la réimposition de frais de flottant aux clients des institutions financières et ne nécessitera aucun changement majeur aux programmes informatiques des institutions financières. De plus, la comptabilité respecte les principes comptables généralement reconnus et est conforme aux pratiques exemplaires en vigueur à l'échelle internationale pour les opérations de règlement des systèmes de paiement en temps non réel. Enfin, et surtout, le passage au règlement pour valeur le lendemain permet de rendre compte convenablement du risque de non-règlement auquel s'exposent les participants au SACR, les montants en jeu étant désormais inscrits au bilan de ceux qui assument ce risque.


Ouvrages et articles cités

Banque du Canada (1995). « Cadre proposé pour la mise en oeuvre de la politique monétaire après l'entrée en fonction du Système de transfert de paiements de grande valeur (STPGV) », premier document de travail (novembre).

Dingle, J. (1986). « Note technique : Le mode de règlement rétroactif des opérations journalières de compensation des chèques et des autres effets de paiement », Revue de la Banque du Canada (août), p. 3-7.

——— (1998). « Le STPGV ou système canadien de transfert de paiements de grande valeur », Revue de la Banque du Canada (automne), p. 39-55.

Goodlet, C. (1997). « Les systèmes de compensation et de règlement et la Banque du Canada », Revue de la Banque du Canada (automne), p. 49-64.

Northcott, C. A. (2002). « Le risque systémique, la désignation de systèmes et le SACR », Revue du système financier (décembre), p. 29-36.

1. Un adhérent est une institution de dépôt qui tient un compte de règlement SACR à la Banque du Canada. On trouvera une description complète de l'organisation et du fonctionnement du SACR dans le site Web de la Banque, à l'adresse <http://www.banqueducanada.ca/fr/financier/financier_paiement-f.html#acss>. Le « flottant » désigne le montant des chèques et autres effets de paiement tirés sur des comptes de dépôt et qui sont en cours de compensation.

2. Ces modalités respectent les normes définies pour les systèmes de paiement d'importance systémique, qui doivent être pourvus d'un mécanisme intégré visant à protéger les participants contre le risque de non-règlement (Goodlet, 1997).

3. Au terme d'un examen effectué en décembre 2002, il a été décidé que le SACR ne serait pas désigné en vertu de la Loi sur la compensation et le règlement des paiements (Northcott, 2002).

4. En fait, les adhérents essayaient activement de réduire ce coût en recourant à des opérations interbancaires et à l'exécution en fin de journée d'opérations d'échange de soldes, dans le cadre desquelles un adhérent « troque » des fonds STPGV contre des fonds SACR avec une ou plusieurs contreparties. Dans l'exemple mentionné ci-dessus, l'adhérent aurait cherché des adhérents qui détenaient un solde STPGV positif et qui s'attendaient à afficher un solde négatif dans le SACR (malgré le fait qu'ils ne connaîtraient avec certitude leurs positions au sein de ce système que le lendemain matin). Si la ou les autres contreparties acceptaient l'échange offert, l'adhérent « recevait » de leur part un paiement STPGV d'un montant déterminé (qui, dans la meilleure des hypothèses, ramenait son solde dans le STPGV à zéro) et faisait débiter son solde dans le SACR d'un montant égal à celui reçu.

5. Les avances de la Banque du Canada sont des prêts garantis consentis à une banque ou à un autre membre de l'ACP. Les changements décrits ci-dessus vont entraîner une contraction du bilan de la Banque. En 2002, la taille moyenne des soldes positifs et négatifs détenus à la Banque par les membres de l'ACP participant au SACR avoisinait 500 millions de dollars. Étant donné la fourchette de 300 points de base appliquée dans ce système de paiement, il pourrait en résulter pour le secteur des économies annuelles de 15 millions de dollars aux dépens des profits de la Banque du Canada, que celle-ci remet ensuite au gouvernement canadien.

6. Si, par exemple, un adhérent avait des « créances nettes » de 100 millions de dollars dans le SACR, celles-ci seraient inscrites à l'actif de son bilan, au poste Effets en compensation. Le Bureau du surintendant des institutions financières applique un facteur de pondération des risques de 20 % aux « chèques et autres effets en transit », ce qui crée un actif pondéré de 20 millions de dollars. Selon les lignes directrices de la Banque des Règlements Internationaux, le ratio de fonds propres applicable aux actifs pondérés est de 8 %. Par conséquent, des fonds propres s'élevant à 1,6 million de dollars devraient être mis de côté. Le niveau exact des fonds propres dépend du rendement visé par l'adhérent. Si ce rendement était de 12 %, alors le niveau des fonds propres s'établirait à 192 000 dollars, soit environ 20 points de base (comparativement à la fourchette de 300 points de base qui était appliquée jusqu'à récemment dans le SACR).

7. Le CDSX est le nouveau système de compensation et de règlement des titres de dette et de participation au pays.