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Discours et interviews
le 31 mars 1999
Notre engagement envers les Canadiens : le plan stratégique de Radio-Canada
Discours prononcé au Canadian Club d'Ottawa — Perrin Beatty
Pendant
neuf jours en mars, des centaines de citoyens représentant 11 agglomérations canadiennes
de toutes tailles se sont rendus à l'invitation du Conseil de la radiodiffusion
et des télécommunications canadiennes pour dire ce qu'ils pensaient de la radiodiffusion
en général et de la Société Radio-Canada en particulier. Parmi les personnes qui
ont pris la parole lors de ces consultations publiques, on a pu reconnaître des
politiciens de premier plan ainsi que des personnalités de la scène locale. Dans
la plupart des cas toutefois, les interventions faites en personne ou par le truchement
du courrier ou, dans le cas des territoires du Nord, par conférence téléphonique,
ont été l'œuvre d'auditeurs et de téléspectateurs canadiens types qui constituent
la principale raison d'être des services de radiodiffusion publique et privée
au pays.
Les opinions exprimées,
favorables ou non, offraient une large palette de styles, allant du prévisible
au poétique. À Vancouver, un économiste de Bowen Island spécialisé en organisation
des ressources a comparé le radiodiffuseur public national à «une bougie éclairant
les moindres recoins du pays et l'âme même des gens qui l'habitent». Un médecin
de campagne de la côte Ouest de Terre-Neuve a fait huit heures de voiture pour
venir se plaindre devant le comité de St. John's de la faible puissance des récepteurs
radiophoniques qui l'empêche de capter CBC Radio Two. Une femme au foyer de Winnipeg
est venue dire que Radio-Canada constitue un lieu de formation privilégié pour
des milliers de Canadiens et Canadiennes qui, par choix ou par nécessité, demeurent
à la maison. «Je crois fermement à l'éducation continue, a-t-elle précisé, et
les services de radio et de télévision de Radio-Canada sont pour moi un prolongement
de l'université.» Mentionnons également cette dame du Nouveau-Brunswick qui, tandis
qu'elle préparait ses notes pour comparaître devant le CRTC, a demandé à des amis
s'ils souhaitaient ajouter quelque chose. C'est ainsi qu'elle s'est présentée
à Moncton avec vingt lettres sous le bras résumant bien le ton, tout compte fait,
de ces consultations pancanadiennes : «Même si ces lettres diffèrent considérablement
les unes des autres de par la forme et de par le fond, certaines sont modérées,
d'autres acrimonieuses, d'autres encore passionnées, toutes démontrent l'appui
de leurs auteurs envers Radio-Canada.»
Le
message livré par cet échantillon représentatif de citoyens est clair et d'une
éloquente simplicité : les Canadiens veulent que Radio-Canada leur fournisse davantage
de services — et non le contraire. Comment expliquer
cette position, me direz-vous? Le fait que Radio-Canada soit l'une des dernières
grandes institutions canadiennes est une partie de la réponse. L'affaiblissement
graduel des symboles de notre identité culturelle, voire l'évacuation de leur
contenu, a miné notre conscience nationale collective et l'a même menacée dans
une certaine mesure. Les Canadiens savent que leur culture, à l'instar d'autres
cultures nationales aux quatre coins du globe, risque d'être submergée par une
vague de chaînes spécialisées, américaines pour la plupart, et par une révolution
des technologies de communication. Ils savent aussi qu'au fil de ses 60 ans d'existence,
Radio-Canada s'est hissée au premier rang pour ce qui est du contenu canadien
et que ses émissions sont conçues de façon délibérée pour refléter avec minutie
les paysages et les gens d'ici. Les Canadiens le savent, et ils en redemandent.
Radio-Canada
a dévoilé la semaine dernière un plan stratégique de grande envergure intitulé
Notre engagement envers tous les Canadiens. Ce plan trace l'avenir du
radiodiffuseur public national : il précise sa mission, établit ses priorités
fondamentales, explore de nouveaux horizons et consolide ses présentes activités.
En un mot, il pose les assises de demain. Ce vent de renouveau qui souffle sur
la Société tire son origine de la volonté inébranlable de Radio-Canada, aussi
vraie aujourd'hui qu'aux premiers jours, d'être le radiodiffuseur public national
du Canada et, à ce titre, de porter à l'antenne des thèmes typiquement canadiens,
de présenter à ses auditoires l'actualité qui les intéresse, de soutenir et de
promouvoir le riche capital culturel du pays et de jeter des ponts entre des communautés
et des régions en apparence disparates.
Le
défi de demain pour Radio-Canada consistera également à s'adapter à un milieu
en perpétuelle évolution. La Société doit saluer le changement et non chercher
à s'y soustraire, en s'inspirant de son passé sans toutefois se laisser contraindre
par le poids de la tradition. Nul dans notre secteur d'activité ne peut s'offrir
le luxe de laisser passer la révolution des communications. Les pionniers de la
radiodiffusion publique n'ont pas créé Radio-Canada pour la voir éclipsée ou marginalisée
par l'essor de nouvelles technologies ou par l'avènement de l'univers multichaîne.
Ils l'ont bâtie avec l'espoir qu'elle évolue au rythme des citoyens qu'elle dessert.
Ils lui ont conféré la souplesse nécessaire pour qu'elle puisse se doter des outils
— qu'il s'agisse de nouveaux services de
radio, de télévision ou de services multimédias — dont elle a besoin non seulement pour
soutenir notre identité nationale mais en faire intégralement partie. Mais par-dessus
tout, le radiodiffuseur dont ont rêvé ses fondateurs, et sa version actualisée
défendue par le nouveau plan stratégique, sont fidèles à un idéal : un engagement
à servir les citoyens canadiens, non seulement parce que cette institution leur
appartient en propre, mais aussi parce qu'ils sont en droit d'attendre que l'argent
gagné à la sueur de leur front qu'ils y investissent leur rapporte bien.
D'autres
avant moi l'ont souligné, la politique culturelle canadienne se trouve de nouveau
à un point critique. J'ajouterai en toute honnêteté que les mesures prises pour
la soutenir n'auront de succès que si elles sont étayées par une volonté publique
et politique. Peu importe la presse qu'elles obtiennent au pays, les récentes
décisions rendues par l'Organisation mondiale du commerce démontrent que la panoplie
d'instruments dont disposait le Canada pour protéger sa culture est grandement
menacée et pourrait même être réduite à néant. Radio-Canada est l'un de ces instruments.
Le système de radiodiffusion publique est peut-être le seul outil au service de
la culture dont nous disposions qui soit capable de soutenir le rigoureux examen
de conformité aux normes du commerce international. Pour cette raison, Radio-Canada
est le plus important outil dont dispose le gouvernement pour promouvoir et protéger
la souveraineté culturelle canadienne à laquelle nous tenons tous comme à la prunelle
de nos yeux.
Or Radio-Canada
est elle-même à un point déterminant de son histoire. Après 10 années de compressions,
la Société fait face à une alternative. Doit-elle, comme certains le préconisent,
abandonner tout un pan de ses services, la télévision notamment, et faire fi de
l'Internet et de l'émergence de nouvelles structures d'entreprise qui fixeront
les règles de son secteur d'activité? Ou au contraire, lui faut-il assurer l'avenir
de la radiodiffusion publique en suivant l'évolution de la population canadienne
dans ses rapports avec les médias, pour être prête à servir le public où, quand
et comme il le désire? Au lieu de prétendre à l'excellence en amenuisant la gamme
de ses services, Radio-Canada, en adoptant la deuxième option, aborderait l'avenir
par une offensive lourde, sous le signe de la prudence financière toutefois, qui
ne viserait pas tant à lui faire suivre la vague comme à la propulser à l'avant
de celle-ci.
L'audace et l'envergure
de notre plan stratégique témoignent de la deuxième solution. En fait, lorsqu'on
soupèse bien les options, on ne peut vraiment faire autrement. Coup sur coup,
les sondages nous révèlent que la majorité des Canadiens sont de notre avis. Eux
aussi envisagent l'avenir avec un mélange de fébrilité et d'appréhension. Eux
aussi sont convaincus de la nécessité plus que jamais pour le radiodiffuseur national
de vivre à l'heure du XXIe siècle et d'offrir une gamme complète de services typiquement
canadiens voués à rapprocher les citoyens et à leur parler d'eux-mêmes.
En
cette époque marquée par une concurrence farouche et une grande instabilité du
marché, nous estimons préférable d'agir que de battre en retraite. Le 25 mai prochain
débuteront les audiences publiques du CRTC pour le renouvellement de nos licences,
au cours desquelles nous défendrons notre plan stratégique. Ces trois semaines
de débats détermineront bien plus que l'avenir de la Société. Il en va aussi d'un
élément crucial de la politique culturelle canadienne que l'on risque de perdre
à jamais, peu importe le prix que l'on sera prêt à y mettre plus tard. Au cours
de ces audiences, le CRTC procédera à l'examen complet de nos services principaux
de radio et de télévision, du RDI et de Newsworld et de notre télévision régionale.
Le CRTC souhaite ainsi savoir comment Radio-Canada se démarquera des radiodiffuseurs
privés et comment les plans établis concordent avec notre mandat de radiodiffuseur
public.
Le CRTC nous demandera
probablement dans quelle mesure nous voulons que les choses changent. La réponse
est simple. Nous demandons trois choses. Premièrement, que l'on réaffirme l'importance
de la radiodiffusion publique. Il est vrai que les Canadiens nous critiquent sous
certains aspects — cela est dans l'essence même de la relation
entre Radio-Canada et la population canadienne. Mais si les Canadiens nous critiquent,
c'est parce qu'ils veulent que nous fassions davantage, comme certains l'ont expliqué
lors des consultations du CRTC au début du mois, et non que nous fassions moins.
Deuxièmement, pour répondre aux attentes de la population, il nous faudra tabler
sur la garantie d'un financement non simplement prévisible mais stable. Troisièmement,
nous devrons jouir de la liberté d'action nécessaire pour pouvoir agir. Nous devrons
en effet changer au rythme de l'évolution des Canadiens. Il nous faudra pour ce
faire nous munir des instruments appropriés qui nous permettront de nous libérer
des structures désuètes qui gênent maintenant notre cheminement et qui ouvriront
la voie à la création de services spécialisés. Ces nouveaux services au contenu
davantage canadien correspondront plus étroitement à la demande des Canadiens
à l'égard des médias et contribueront à amortir les coûts élevés de production.
Voilà brièvement le genre de changements qu'il nous faut. Notre succès dépendra
ensuite de notre capacité de produire un contenu canadien de haut calibre.
Notre
plan d'avenir repose fondamentalement sur 12 engagements essentiels que nous avons
formulés à l'intention des diverses parties intéressées à Radio-Canada. Nous voulons
ainsi nous assurer que nous cheminons tous dans la même direction.
Avant
tout, nous offrirons une programmation qui intéresse tous les Canadiens. Radio-Canada
appartient à tous les Canadiens, et tous doivent pouvoir trouver à son antenne
des émissions qui les intéressent. Notre programmation inclut des émissions de
sports, car ces événements s'inscrivent à part entière dans le patrimoine canadien.
Mentionnons simplement le but de la victoire marqué par Paul Henderson lors de
la Coupe Canada de hockey de 1972. Nous avons donc développé une grande expertise
dans ce domaine. Sur une plus grande échelle, la pertinence de la Société à l'égard
des Canadiens se mesure à la diversification de sa gamme d'émissions, dont certaines
doivent pouvoir retenir des auditoires aux intérêts variés. Nous rejetons l'argument
soulevé par certains qui prétendent que nous devrions opter pour un service élitiste
en délaissant les émissions à caractère général pour nous concentrer sur les volets
non rentables commercialement. Cette optique peu perspicace nous amènerait à nous
lancer dans une aventure hasardeuse. Rien n'échappe ou ne doit échapper à la portée
de la programmation de Radio-Canada.
Nous
offrirons une image pancanadienne dans l'ensemble de notre programmation. Nous
pouvons faire encore davantage pour illustrer et célébrer la diversité du Canada
si nous saisissons les nombreuses occasions qui s'offrent à nous. Nous avons la
particularité de pouvoir relier les Canadiens entre eux pour les aider à se découvrir
les uns les autres. Il s'agit là d'une différence marquée entre le secteur public
et le secteur privé. En deux mots, Radio-Canada a pour mandat de refléter la réalité
canadienne aux Canadiens alors que les radiodiffuseurs privés visent à juste titre
à optimiser leurs profits. Si l'on veut préserver l'identité culturelle du Canada,
il faut que les Canadiens puissent se voir et voir l'image de leur pays sur leurs
ondes. La réalité prismatique du Canada est en constante évolution. Nous devons
par conséquent présenter davantage de voix et de visages nouveaux qui illustrent
notre diversité culturelle, afin de refléter l'ensemble de cette image vibrante
qu'il nous appartient de découvrir.
Nous
assurerons une présence originale renforcée dans les régions. Certaines gens sont
convaincus que nous devrions renoncer à notre présence dans les régions et nous
confiner dans des services hautement spécialisés. Or les Canadiens s'attendent
à ce que Radio-Canada leur présente plus que ce que l'on peut apercevoir du sommet
du Mont Royal, à Montréal, ou de la Tour du CN, à Toronto. Comme le soulignait
un résident de Régina lors des consultations du CRTC, et je cite : «L'édifice
qui abrite Radio-Canada à Toronto n'est tout simplement pas assez grand pour nous
projeter une image du reste du Canada.»
Tout
au long de notre démarche en vue d'élaborer un plan stratégique qui soit dynamique
et évolutif, nous avons cherché à préserver l'équilibre entre la nécessité de
garder un réseau national robuste et de refléter aussi fortement les régions.
En dépit d'une décennie ponctuée de compressions budgétaires qui ont littéralement
sapé la Société, nous n'avons fermé aucune station régionale. Nous nous sommes
plutôt efforcés de rationaliser la programmation existante et avons étendu nos
services. Ce n'est qu'en maintenant une présence bien sentie dans les régions
que Radio-Canada demeurera un radiodiffuseur vigoureux et pertinent. Déjà, plus
de 50% de nos émissions sont produites dans les régions ou traitent de sujets
qui reflètent leur réalité. Nous prévoyons accroître encore davantage cette proportion.
La Télévision anglaise, par exemple, augmentera le nombre d'heures de grande écoute
mises à la disposition des régions et accroîtra le financement qu'elle leur accorde
pour leur programmation. La Télévision française, quant à elle, consacrera cinq
millions de dollars à des partenariats avec des maisons de production indépendantes,
dans diverses régions du pays.
Nous
revitaliserons la Télévision anglaise en la canadianisant. Tout en offrant une
programmation qui soit une pierre de touche à l'échelle nationale, Radio-Canada
se doit d'être un raconteur local. Nous sommes le seul radiodiffuseur à fournir
aux heures de grande écoute une grille presque entièrement canadienne, d'un bout
à l'autre du pays. L'indépendance du Canada repose sur notre capacité de faire
en sorte que mes fils de 14 et de 11 ans et tous les autres petits Canadiens puissent
comprendre leur histoire et leurs institutions. Les enfants sont de véritables
baromètres de la culture populaire. Si des émissions ne leur plaisent pas, ils
ne les regardent pas. Comme leurs parents, ils refusent d'écouter des émissions
canadiennes par simple conscience culturelle. Les Canadiens de tous âges exigent
et attendent donc des produits de haute qualité, en particulier lorsqu'ils les
paient de leur poche. Certains milieux font valoir que le contenu canadien ne
se vend pas, mais les statistiques indiquent le contraire. Selon les cotes d'écoute
publiées il y a deux semaines pour la période de septembre 1998 à la mi-février
1999, neuf des 10 séries canadiennes les plus populaires sont présentées par la
Télévision anglaise de Radio-Canada.
Nous
serons le premier choix des Canadiens en matière de nouvelles et d'information.
Notre position de chef de file et d'expert dans le domaine journalistique constitue
l'un de nos grands atouts. Radio-Canada est le plus grand organisme de presse
du Canada. Elle emploie plus de 800 personnes qui occupent diverses fonctions
journalistiques. Quand il se passe quelque chose au Canada ou à l'étranger, les
Canadiens se tournent automatiquement vers nous pour obtenir une information équilibrée,
complète et actuelle. Nous sommes fiers de la relation sans lien de dépendance
que nous entretenons avec le gouvernement qui nous finance, et nous travaillerons
à nous bâtir une réputation qui parle d'elle-même.
Nous
assurerons le rayonnement de la langue et de la culture françaises partout au
Canada. Puisque nous vivons dans la capitale nationale, nous connaissons tous
ici la richesse et le dynamisme de l'héritage francophone au Québec, en Acadie
et dans les collectivités francophones réparties dans le reste du pays. Si la
langue et la culture françaises sont toujours vivantes et florissantes dans tout
le Canada, c'est bien grâce au rôle primordial qu'a joué Radio-Canada. Nous sommes
le seul radiodiffuseur doté d'un service journalistique de langue française à
l'ouest d'Ottawa. Notre site Internet est une source essentielle d'information
et de nouvelles sur la culture francophone. Nous nous sommes engagés à exploiter
nos nombreux partenariats, nos acquis et nos liens avec les collectivités que
nous desservons et que nous reflétons. Dans un contexte caractérisé autant par
la mondialisation que par le fractionnement, il devient de plus en plus impératif
de s'acquitter de ce rôle très particulier.
Nous
jetterons des ponts entre les cultures francophones et anglophones. C'est un privilège
que de vivre dans un pays qui a deux langues officielles. Radio-Canada est le
seul organisme national de radio et de télévision du pays à offrir des services
en français et en anglais, et elle s'acquitte de cette responsabilité haut la
main. En fait, réunir les deux cultures nationales est l'un des défis les plus
intéressants que nous ayons acceptés. Dans les années à venir, nous multiplierons
les échanges de personnalités à l'antenne et intensifierons nos efforts en vue
de produire des émissions à caractère transculturel comme Culture-Choc/Culture
Shock, produite conjointement par le RDI et CBC Newsworld, C'est la vie,
à la Radio anglaise, et Anglosong, à la Radio française. Pour souligner
l'arrivée du nouveau siècle, la Télévision française et la Télévision anglaise
de Radio-Canada diffuseront Canada - Une histoire populaire, une série
sans précédent de 30 heures produite en français et en anglais et qui, pour la
première fois, offrira une interprétation commune de l'histoire du Canada.
Nous
ferons la promotion des arts et de la culture au pays. Radio-Canada est la scène
électronique du pays. Certaines des vedettes canadiennes les plus connues sont
parvenues au sommet de la gloire grâce aux émissions de radio et de télévision
qui sont restées gravées dans la mémoire collective du Canada. Avec un mandat
renouvelé et revitalisé, Radio-Canada continuera de mettre en valeur les artistes,
les écrivains, les musiciens et les créateurs de partout au pays. Nous allons
parrainer des festivals, organiser des spectacles, produire et commercialiser
des disques et faire la promotion d'artistes sur nos sites Web. Nous accroîtrons
notre soutien à l'industrie canadienne du long métrage en augmentant nos investissements,
en multipliant nos diffusions à l'antenne et en intensifiant nos activités de
promotion. Depuis plus de 60 ans, nous offrons à la communauté culturelle canadienne
des possibilités de mise en valeur du talent. Maintenant, nous devons ouvrir nos
portes encore plus grandes.
Nous
développerons une constellation de nouveaux services pour mieux répondre aux besoins
des Canadiens. Quand les Canadiens disent qu'ils veulent plus de services de Radio-Canada
et non pas moins, ce n'est pas qu'ils s'accrochent au passé. La Société Radio-Canada
de demain doit être à la disposition de tous les Canadiens partout au pays, peu
importe le média qu'ils choisissent. À cette fin, l'an dernier, nous avons présenté
au CRTC des demandes de licence pour quatre nouvelles chaînes spécialisées de
langue française, toutes devant être exploitées en partenariat, et pour deux chaînes
de langue anglaise, qui nous permettront d'élargir les moyens de remplir notre
mandat. Les audiences concernant les chaînes spécialisées de langue anglaise n'ont
pas encore eu lieu, mais lors de celles qui ont été tenues au sujet des services
de langue française proposés, nos syndicats de même que plus de 500 groupes francophones,
un grand nombre d'entre eux de l'extérieur du Québec, nous ont donné un appui
sans réserve. Tout comme Newsworld et le RDI, chacune de ces chaînes spécialisées
s'autofinancerait et ajouterait une valeur inestimable à la gamme de services
de Radio-Canada. En outre, en février dernier, nous avons demandé au CRTC la permission
de créer InfoRadio, un nouveau service d'information continue de langue française
qui serait diffusé par la radio et par Internet. Ici encore, cette demande a reçu
l'appui inconditionnel de nos syndicats, des groupes francophones et des leaders
d'opinion, qui ont compris que l'avenir de Radio-Canada dépend du lancement de
nouveaux services. Si on nous en accorde la permission, nous sommes également
prêts à lancer un réseau radiophonique de langue anglaise afin d'offrir aux jeunes
de tout le pays un lieu où ils pourront écouter leur musique, échanger des points
de vue sur leurs préoccupations et partager leurs idées et leurs rêves. Ces demandes
présentées au CRTC ne sont pas des fantaisies concoctées par un siège social zélé
et impatient de faire concurrence au secteur privé. Elles sont motivées par la
constatation des vides qui existent dans la programmation au pays, des vides qu'il
revient à un radiodiffuseur public de combler. Par ailleurs, nous demandons des
outils appropriés pour nous acquitter de cette tâche.
Nous
jouerons un rôle de chef de file dans le secteur des nouveaux médias et des nouvelles
technologies. De toutes les aventures dans lesquelles nous nous sommes embarqués,
peu ont apporté plus de satisfaction que notre incursion dans le domaine des nouveaux
médias. Il n'y a pas l'ombre d'un doute que Radio-Canada a sa place et, en fait,
pourra se développer dans ce nouveau média. Déjà, nous avons pris pied fermement
sur le Web. Les possibilités sont illimitées. Cependant, pour le moment, la prudence
commande à Radio-Canada d'engager 2% de ses crédits afin de revendiquer pour le
Canada une partie importante de ce territoire médiatique où les voix canadiennes
risquent d'être submergées.
La
révolution technologique se joue également sur le front de la télévision et de
la radio numériques. Grâce à la convergence des technologies de communications,
la numérisation permettra une transition facile d'un média à l'autre. D'ici la
fin de l'année, 35% des Canadiens pourront accéder à des services de radio numérique,
la technologie étant déjà fonctionnelle dans plusieurs marchés. Par contre, les
coûts importants liés à l'introduction de la télévision numérique posent des défis
pour tous les télédiffuseurs canadiens. Radio-Canada, en partenariat avec le secteur
privé, s'est engagée à adapter et à moderniser ses infrastructures de production
et de distribution dès que de nouvelles technologies rentables deviendront disponibles.
Nous
moderniserons notre culture d'entreprise et la rendrons plus ouverte. Si on regarde
les années 60 et 70, on pourrait penser que Radio-Canada était un enfant gâté
élevé dans le luxe. Comme bien des enfants privilégiés, nous ne nous rendions
peut-être pas compte alors de cette situation. La Société était trop occupée à
édifier une institution nationale débordante de talent et de dévouement et ne
manquait ni de fonds ni d'énergie créatrice. Paradoxalement, ce sont les excédents
de ces années de vaches grasses qui ont peut-être soutenu Radio-Canada pendant
les périodes les plus sombres de son histoire. Il n'y a pas de doute que Radio-Canada
a beaucoup changé depuis. Pourtant, le talent et le dévouement des gens qui travaillent
pour elle et avec elle n'ont pas diminué. Mais nous ne pouvons plus exercer nos
activités dans un cocon protecteur. Comme bien des entreprises canadiennes forcées
de comprimer leurs effectifs et de réévaluer leurs priorités, Radio-Canada s'est
transformée en une organisation beaucoup plus leste.
Malgré
les difficiles compressions budgétaires complétées dernièrement, Radio-Canada
s'est positionnée pour relever l'un des plus grands défis de l'histoire de la
radiodiffusion, en se forgeant un avenir basé sur les possibilités à exploiter
plutôt que sur les limites du passé. Des changements sont nécessaires si nous
voulons atteindre les objectifs de notre plan stratégique, ouvrir notre culture
d'entreprise à la nouvelle concurrence et réaliser les mesures d'efficacité qui
nous permettront de grandir. Suivant une tendance de plus en plus manifeste dans
l'industrie, nous établirons un plus grand nombre d'alliances avec le secteur
privé et avec des partenaires à l'étranger. Plus nous travaillons avec le secteur
privé, plus nous aurons besoin de souplesse pour fonctionner sans entraves sur
le marché. Tout comme les principes à la base de la création de Radio-Canada,
il y a des règles qui sont immuables.
Enfin,
nous refléterons l'image du Canada à l'étranger. Plus nous créons des liens avec
le monde, plus il est important de diffuser une image du Canada au-delà de ses
frontières. La Société s'acquitte de ce rôle grâce à Radio Canada International,
qui est la voix et le symbole du Canada à l'étranger, et aussi grâce à son partenariat
avec Diffusion Power pour la diffusion de Trio et de Newsworld International,
nos nouveaux services médias à l'étranger, sans compter toute une gamme d'échanges,
d'alliances et d'activités commerciales à l'échelle internationale. Une solide
présence internationale témoigne davantage que la confiance et la maturité du
radiodiffuseur public du Canada. Il faut y voir le reflet du caractère du pays
qui soutient ce service.
Ces
engagements traceront la voie de la Société Radio-Canada de demain. Bien entendu,
certains affirmeront que c'est irréalisable, que nos objectifs sont trop ambitieux
et trop coûteux à réaliser. Ce seront sans doute les mêmes opposants qui prédisaient
que la Société serait engloutie suite à la réduction de 400 millions de dollars
dans son budget annuel. Non seulement avons-nous survécu à ces réductions, mais
nous avons ajouté de nouveaux services. Il se peut que ce soient les mêmes pessimistes
qui ont ensuite proclamé que nous ne pourrions jamais canadianiser nos grilles
télévisées avec un budget restreint qui ferait frémir toute autre entreprise se
retrouvant dans la même situation. Non seulement avons-nous atteint cet objectif
avec les moyens financiers dont nous disposions, mais nous avons obtenu de nombreux
prix qui prouvent bien l'excellence de notre travail. Nous avons défini des objectifs
pour nous-mêmes, des objectifs ambitieux et même potentiellement difficiles à
réaliser, mais réalisables néanmoins.
Nous
demandons au gouvernement ainsi qu'au public canadien de nous donner la chance
d'amorcer le nouveau siècle en étant encore plus forts, plus créatifs et plus
productifs qu'auparavant. Mais nous ne leur demandons pas un chèque en blanc.
Chaque élément de notre plan stratégique, quelle que soit son importance, est
réalisable dans les limites de notre enveloppe budgétaire. Nous continuerons de
demander au gouvernement des crédits véritablement stables et la possibilité de
rechercher un financement ponctuel dans les cas spéciaux d'intérêt national, comme
la conservation de nos précieuses archives et la conversion à la télévision numérique.
Le reste sera financé à même les ressources propres de Radio-Canada —
c'est-à-dire à l'aide de nos crédits parlementaires, de notre programme annuel
d'amélioration de la productivité de 2% lancé à l'automne de 1998, de même que
de nos partenariats stratégiques et de nos recettes publicitaires, qui constituent
plus de 30% de nos revenus.
Si
nous avions eu les clés de la trésorerie, il est certain que nous aurions pu faire
davantage. Nous aurions pu, par exemple, augmenter fortement notre engagement
dans les nouveaux médias et nous serions toujours en avance. En ce moment, notre
engagement annuel est modeste, comparé à celui de la BBC, ou à celui des réseaux
commerciaux américains.
Je ne
serais pas venu vous parler, aujourd'hui, si je ne croyais pas que c'est la bonne
voie que Radio-Canada doit emprunter. Comme vous le savez sans doute, mon mandat
de président-directeur général de Radio-Canada tire à sa fin. Afin de piloter
la Société dans les projets et les obligations mis de l'avant alors que j'occupais
l'un des postes les plus intéressants au pays, j'ai accepté de continuer d'exercer
mes fonctions jusqu'en septembre. D'ici là, la Société devrait avoir trouvé la
stabilité qu'elle recherchait depuis plus de 10 ans.
Au
cours de mes quatre années passées à la barre de Radio-Canada, mon admiration
n'a cessé de croître pour les gens créatifs et dévoués qui ont mis tout leur cœur
à l'ouvrage pour concrétiser ce qu'ils refusaient obstinément de voir comme un
rêve impossible. Ils sont la pierre angulaire d'une institution nationale qui
touche chaque Canadien. En fait, ils contribuent à sa concrétisation.
En
somme, ce qui compte le plus c'est de servir les Canadiens et les Canadiennes
et de leur présenter des sujets qui reflètent leur réalité. Aussi, pour conclure
sur l'importance de ce dernier point, je reprendrai les paroles de la révérende
Katie Stein Sather qui, il y a 25 ans ce mois-ci, quittait les états-Unis pour
le Canada. Une fois établie à Edmonton, c'est vers les ouvrages de Pierre Berton
et Radio-Canada qu'elle se tourna pour apprendre à mieux connaître son nouveau
pays. Il y a deux ans, elle et son mari ont installé deux canots sur le toit de
leur camionnette et ont traversé le continent avec leur chien et leurs deux chats
pour aller s'établir à St. John's. Au début de mars, la révérende Sather s'est
présentée aux audiences du CRTC au Battery Hotel. " Après avoir emménagé
dans notre nouvelle maison, ici à Terre-Neuve, a-t-elle raconté, Radio-Canada,
qui avait été présente tout au long de notre traversée du pays, fut la seule chose
un peu familière pour nous pendant quelque temps. Bien sûr, nous nous sommes fait
des amis ici. Nous avions même des amis de l'Alberta qui étaient déménagés ici
avant nous. Mais c'est Radio-Canada qui a été notre plus proche ami, celui que
nous connaissions le mieux ."
Originaire
des états-unis, la révérende Sather a été bercée par un trésor d'histoires sur
les pionniers et sur toutes sortes de héros, dont son père qui a transmis ses
récits personnels sur la Seconde Guerre mondiale. " J'ai appris à connaître
la communauté dans laquelle j'ai grandi, a-t-elle ajouté. Aujourd'hui, cependant,
je vis au Canada et je veux connaître cette communauté-là... Radio-Canada est
bien plus qu'un simple divertissement communautaire. Les histoires qu'elle raconte
forment notre être et notre identité. Elles nous disent qui nous sommes, d'où
nous venons et quels sont nos espoirs et nos rêves pour l'avenir. Elles ne font
ni plus ni moins que de nous garder tous ensemble. " C'est au nom de Canadiens
et de Canadiennes comme la révérende Sather que la Société met le cap sur l'avenir.
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