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le 28 mars 2001

L'identité nationale est-elle à l'ordre du jour des médias ?

Allocution de Robert Rabinovitch, Président-directeur général de CBC/Radio-Canada, au Massey School of Graduate Studies Symposium, Toronto (Ontario)

L'identité nationale est-elle à l'ordre du jour des médias?

  • Pour CBC/Radio-Canada, la réponse coule de source. Refléter toutes les facettes de l'expérience canadienne est notre raison d'être.
  • De plus, je pense que CBC/Radio-Canada jouera un rôle encore plus important pour rendre plus visibles les valeurs canadiennes et en faire la promotion dans la nouvelle ère numérique.
  • Nous devons préserver un espace public et une voix canadienne dans l'univers multichaînes dominé par les Américains.

Existe-t-il un marché pour les émissions à contenu canadien, c'est-à-dire des thèmes canadiens qui s'adressent à des Canadiens et des Canadiennes et qui portent sur des Canadiens et des Canadiennes?

  • La question du contenu canadien a récemment fait couler beaucoup d'encre dans la presse — particulièrement dans le National Post — qui remettait en question la pertinence des exigences en matière de contenu canadien à la télévision canadienne.
  • Non seulement CBC/Radio-Canada est-elle convaincue qu 'il existe un marché, mais elle a prouvé qu'une programmation judicieuse peut remporter un succès phénoménal.
  • Permettez-moi de citer l'exemple de la série Le Canada : Une histoire populaire. Nous avons consacré plus de 25 millions de dollars à la conception d'une émission en 16 épisodes sur l'histoire du Canada, dans les deux langues officielles.
  • Aucun radiodiffuseur privé n'aurait pu prendre un tel risque.
  • L'émission a connu un énorme succès — avec des parts d'auditoire comparables en français et en anglais.
  • Jusqu'à présent, la série a attiré près de 15 millions de Canadiens — soit près de 50 % de la population.
  • Mais la viabilité de la programmation canadienne ne doit pas être jugée uniquement à la lumière du succès d'émissions spéciales comme Le Canada : Une histoire populaire.
  • CBC/Radio-Canada a investi dans la programmation canadienne, et cet investissement a porté ses fruits.
  • L'an dernier, la Télévision anglaise de Radio-Canada a présenté neuf des dix séries de divertissement canadiennes les plus populaires. Quant à la Télévision française, elle a présenté cinq des huit séries de divertissement canadiennes les plus populaires.
  • Mais ne soyons pas naïfs. Si CBC/Radio-Canada est en mesure de réaliser ces émissions, c'est grâce au financement alloué par le Parlement, qui nous permet de prendre davantage de risques. De plus, notre motivation n'est pas de gagner de l'argent.
  • Notre motivation, en qualité de radiodiffuseur public, est de produire des émissions de qualité, qui portent sur des Canadiens et des Canadiennes et qui s'adressent aux Canadiens et aux Canadiennes. Nous pouvons nous permettre le luxe de nous concentrer sur le Canada, sur son identité et sur ses valeurs.
  • Les radiodiffuseurs privés doivent se concentrer sur le rendement du capital investi ou sur les bénéfices avant intérêts, impôts et amortissement. Pour réaliser ce rendement, ils doivent comprimer leurs coûts et maximiser leurs recettes.
  • Les sociétés qui investissent 2,6 milliards de dollars de l'argent de leurs actionnaires se doivent d'obtenir un taux de rendement intéressant.
  • Mais la réalité économique de la programmation canadienne ne permet pas de dégager un taux de rendement élevé.
  • Il existe un marché pour de bonnes émissions canadiennes, — Da Vinci's Inquest, This Hour Has 22 Minutes, Royal Canadian Air Farce en sont des exemples — mais selon les normes du secteur privé, ce marché est limité.
  • Les émissions à contenu canadien coûtent cher à produire en comparaison aux émissions américaines. Par exemple :

    • Les droits de radiodiffusion simultanée d'une comédie populaire américaine coûtent en moyenne entre 100 000 $ et 125 000 $ par heure; les séries les plus populaires génèrent des recettes de l'ordre de 350 000 $ à 400 000 $ par heure — soit trois à quatre fois leur coût.
    • La production d'une heure d'émission typiquement canadienne peut coûter plus de 1 million de dollars par épisode; les droits de diffusion représentent près du quart de ces coûts pour le radiodiffuseur.
    • Une série dramatique canadienne à succès permet seulement de réaliser des recettes de l'ordre de 65 000 $ à 90 000 $ par heure.
    • Ainsi, le radiodiffuseur paie 250 000 $ pour une dramatique canadienne, vend au plus 90 000 $ de publicité, ce qui lui fait une perte d'environ 160 000 $.
  • Une entreprise qui continuerait de perdre de l'argent à ce rythme ne tarderait pas à mettre la clé sous la porte. Et pourtant, c'est le prix que nous demandons aux radiodiffuseurs privés de payer pour faire affaire au Canada.
  • Les radiodiffuseurs privés et les producteurs indépendants produisent tous de bonnes émissions de qualité. Mais pour les radiodiffuseurs privés, du point de vue des affaires, il relève du bon sens d'importer et de diffuser en simultané des émissions américaines.
  • Cette affirmation est aussi vraie de nos jours qu'à l'époque où la télévision a fait son apparition au Canada.
  • Lors d'une allocution devant la Chambre des communes, l'honorable Lionel Chevrier a déclaré : «... C'est absolument insensé de prétendre que l'entreprise privée au Canada, si on lui laisse tout le champ, offrira [une gamme complète] d'émissions canadiennes. Les gens qui investissent... investiront sûrement où ils peuvent faire un profit — en important des émissions américaines. »
  • C'était en 1952. C'était vrai à cette époque et ce l'est encore aujourd'hui.
  • Du côté du marché francophone, la demande d'émissions à contenu canadien est supérieure mais la réalité économique reste la même : la production d'émissions canadiennes coûte cinq fois plus cher que l'acquisition de produits américains ou étrangers doublés.
  • Compte tenu de cette réalité, serait-il raisonnable de produire des émissions canadiennes À moins d'y être obligé — c'est-à-dire, s'il ne s'agissait pas d'une condition de licence?
  • La réponse, du point de vue des affaires — et BCE et Canwest sont des entreprises dont, à titre d'investisseur, j'attends qu'elles maximisent la valeur de mon investissement — est résolument NON.

Alors que pouvons-nous faire?

  • Les contribuables financent les radiodiffuseurs au moyen d'avantages fiscaux considérables qui feraient pâlir d'envie n'importe quelle industrie, ainsi que par l'entremise des subventions du Fonds canadien de télévision destinées à la production d'émissions canadiennes.
  • De nos jours, les contribuables canadiens subviennent en grande partie au financement des radiodiffuseurs publics et privés pour les émissions canadiennes commandées ou achetées. Les contribuables couvrent plus de 50 % de ces coûts directement ou indirectement.
  • Par ailleurs, certains chiffres laissent entendre que ces fonds ne contribuent pas à augmenter l'écoute d'émissions à contenu canadien.
  • L'offre d'émissions canadiennes est en hausse, mais il n'en va pas de même de l'écoute.
  • Plus troublant encore, les dernières statistiques du CRTC indiquent que la part d'auditoire des émissions canadiennes aux heures de grande écoute est en baisse dans le secteur privé — et ce, malgré certaines offres louables, encore que parfois reléguées à des créneaux horaires conçus de manière à ne pas attirer l'auditoire.
  • En réalité, seuls la Télévision anglaise de Radio-Canada et CBC Newsworld ont affiché une augmentation de l'auditoire d'émissions canadiennes aux heures de grande écoute parmi les diffuseurs de langue anglaise.
  • Même les dégrèvements fiscaux et les subventions ne suffisent toujours pas à financer des émissions typiquement canadiennes qui font la promotion de notre identité nationale.
  • Par conséquent, les radiodiffuseurs privés et les producteurs indépendants sont contraints de produire des émissions destinées à l'exportation pour rester en affaires.
  • Et pour pouvoir s'exporter, la télévision canadienne doit renoncer à être distinctive et à présenter des thèmes canadiens.
  • À ce moment-là, rien ne distingue plus les produits canadiens des produits américains — et tant pis pour l'identité canadienne!

Le moment est-il venu de réévaluer les exigences en matière de contenu canadien?

  • Au cours des 43 dernières années de réglementation du contenu canadien, des études, des commissions royales, des enquêtes et des initiatives de tout ordre se sont efforcées de stimuler la production et l'écoute d'émissions canadiennes sur les chaînes de télévision privées.
  • Aucune de ces mesures n'a permis d'augmenter l'écoute des émissions canadiennes.
  • Le message semble clair. Nous devons réévaluer le rôle de la réglementation en matière de contenu canadien pour la télévision privée. Autrement dit, malgré les subventions phénoménales de l'état, l'approche actuelle ne fonctionne pas.
  • Il y a quinze ans, une organisation en faveur du contenu canadien à la télévision avait émis une proposition radicale à l'une des commissions d'enquête fédérales alors en cours : le Groupe de travail Caplan-Sauvageau.
  • Cette organisation laissait entendre au Groupe de travail Caplan-Sauvageau que tous les efforts visant à augmenter la contribution des radiodiffuseurs privés aux objectifs sociaux du système canadien de radiodiffusion étaient irréalistes.
  • Elle recommandait de libérer les radiodiffuseurs privés de leurs obligations légales en matière de contenu canadien moyennant une forme de paiement aux Canadiens et aux Canadiennes en contrepartie des fréquences qu'ils étaient autorisés à utiliser en vertu d'une licence.
  • Cette suggestion constituait une solution de rechange novatrice. Pourquoi ne pas taxer les recettes provenant des radiodiffuseurs privés et utiliser les sommes ainsi prélevées pour le financement d'émissions canadiennes?
  • Le Groupe de travail n'a jamais envisagé sérieusement cette proposition. Il l'a même rejetée, la qualifiant de cynique.
  • Peut-être le moment est-il venu de se pencher de nouveau sur des solutions radicales — et non de qualifier les suggestions novatrices de cyniques.

Conclusion

  • Peut-être le moment est-il venu de libérer les radiodiffuseurs privés.
  • Peut-être que la programmation canadienne serait de bien meilleure qualité si tout le monde n'était pas obligé d'en produire — et si ceux qui souhaitent le faire pouvaient obtenir le financement nécessaire.
  • Peut-être le moment est-il venu de permettre aux radiodiffuseurs publics et privés de se concentrer sur leurs points forts respectifs.
  • Peut-être serait-il opportun d'envisager des solutions plus radicales encore et de songer à de nouvelles mesures de financement tant pour les radiodiffuseurs privés que public.
  • Si nous voulons que les médias contribuent à renforcer l'identité canadienne dans la nouvelle économie mondiale, alors le moment est venu de sortir des sentiers battus. Aucune idée ne devrait être écartée d'emblée.

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