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le 18 septembre 2003

Table ronde du président : « Vivre à l'ombre d'une superpuissance »

Notes pour une allocution de Robert Rabinovitch, Président-directeur général, CBC/Radio-Canada
présentée au International Chapter of the Young Presidents Organisation

Citation de Ian Buruma tirée du New York Times

« Les états-Unis, dans la mesure où ils constituent un empire, sont animés non seulement par des intérêts économiques, mais se sentent aujourd'hui investis de la mission de répandre les valeurs américaines comme si elles étaient universelles. Ailleurs dans le monde, Hollywood est perçu comme un instrument de cette mission. »

  • Peu de gens s'opposent à une plus grande intégration économique avec la nation et l'économie les plus puissantes du monde.
  • Et l'intégration économique s'accompagne inévitablement d'un certain alignement en matière de politique.
  • Défense commune, etc.
  • MAIS l'idée que l'hégémonie culturelle américaine met en péril la souveraineté culturelle suscite de véritables préoccupations. Même les pays occidentaux, qui ont en commun des principes démocratiques, ont des valeurs et des cultures différentes qui, inévitablement, leur font voir les mêmes réalités selon une perspective différente.
  • Comme l'a souligné Michael Ignatieff, nous vivons sans aucun doute à l'époque de l'empire américain. Combien de temps cela va-t-il durer? Dans quelle mesure cet empire fera-t-il preuve de bienveillance? Seul le temps le dira.
  • L'Histoire est remplie d'exemples qui montrent comment des empires se sont perpétués ou pas, selon la manière dont la diversité culturelle était respectée.
    • L'Empire romain a duré 400 ans, car il a permis aux peuples conquis de conserver leurs traditions locales.
    • Les efforts de Napoléon visant à imposer sa vision aux pays conquis ont probablement accéléré sa chute en moins de 20 ans.
  • De nos jours, le fait de ne pas tenir compte des préoccupations engendrées par la domination culturelle d'une puissance peut avoir des répercussions tout aussi importantes :
    • Est-il nécessaire de rappeler les manifestations anti-mondialisation de Seattle et de Québec?
    • Est-il nécessaire de rappeler que le 11 septembre a été largement perçu comme un signe avant-coureur d'un « choc des civilisations »?
    • Est-il nécessaire de rappeler les différences fondamentales parmi les démocraties occidentales dans le soutien accordé à la guerre en Irak?
  • La question fondamentale qui se pose à nous aujourd'hui est la suivante : les nations peuvent-elles réaliser une plus grande intégration économique et même politique, tout en conservant leur caractère distinct à titre de sociétés, et comment peuvent-elles y arriver?
  • L'expérience canadienne mérite d'être étudiée.
  • Les Canadiens n'ont jamais eu la tâche facile lorsqu'il est question d'identité :
    • Trois peuples fondateurs : les Anglais, les Français et les Autochtones.
    • Pays peuplé grâce à une immigration venue du monde entier.
    • L'étendue du territoire crée un fort sentiment régional.
    • Nous partageons le continent avec la nation la plus puissante du monde et nous entretenons avec elle les relations commerciales les plus importantes du globe.
  • Les préoccupations au sujet de la domination potentielle des états-Unis ont contribué au fil du temps à forger notre nation :
    • La conception politique de notre fédération... un gouvernement central fort et des pouvoirs explicitement définis et motivés par la volonté d'éviter la sorte de lutte pour le pouvoir qui, à l'époque, a provoqué la guerre de Sécession aux états-Unis.
    • La construction d'un chemin de fer transcanadien il y a près de 150 ans... pour neutraliser la dynamique Nord-Sud.
    • La création d'un radiodiffuseur public national dans les années 1930... pour contrebalancer l'irruption par la voie des ondes d'émissions américaines dans les foyers canadiens.
    • Même la tendance des Canadiens à se définir comme non américains, tout en insistant fièrement sur les différences entre les deux sociétés, par exemple :
      • Une société plus compatissante : système de santé, contrôle des armes à feu, etc.
      • Les différences culturelles sont respectées et même encouragées. Le pays n'a pas été conçu comme un melting pot.
  • Tout cela ne doit pas être interprété comme de l'anti-américanisme... nous, Canadiens, apprécions énormément nos amis américains :
    • L'ancien premier ministre, Lester B. Pearson, a déjà dit que les Canadiens deviennent susceptibles quand les Américains les ignorent, et inquiets lorsque les Américains s'intéressent à eux.
    • Un sondage Pollara de mars 2003, mené au moment où l'on débattait de la participation du Canada à la guerre en Irak, a montré que les relations Canada - États-Unis venaient en tête des préoccupations des Canadiens. Près de 90 % d'entre eux étaient en faveur d'une amélioration des relations, mais insistaient pour conserver leur indépendance politique pour pouvoir prendre leurs propres décisions.
    • Bref, le gouvernement canadien n'a fait que se ranger derrière l'opinion publique canadienne lorsqu'il a décidé de ne pas participer au conflit et à la recherche d'armes de destruction massive.
  • Le Canada s'est volontairement, et avec succès, bâti une identité nationale distincte qui dure en dépit de l'omniprésence et de la proximité des états-Unis.
    • Il suffit d'observer notre filet de sécurité sociale — soins de santé, système d'imposition, bien-être social — pour découvrir la formule canadienne qui diffère sensiblement de la formule américaine : un savant équilibre entre individualisme, développement individuel et responsabilité collective.
    • Dans le même ordre d'idée, il suffit de rappeler l'engagement du Canada dans le maintien de la paix en Afghanistan ainsi que notre soutien sans faille à des institutions multilatérales comme les Nations Unies et l'OMC pour comprendre notre vision du monde.
    • Dans un livre récent, intitulé Fire and Ice, Michael Adams parle des deux « sociétés distinctes » d'Amérique du Nord, et il soutient que, en fait, les valeurs et les attitudes des Canadiens sont différentes de celles de nos voisins du Sud.
    • En avril 2003, les Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques ont publié les résultats de leur dialogue avec les Canadiens au sujet de l'avenir de notre pays. Il en ressort que les Canadiens partagent un ensemble de valeurs remarquablement homogènes d'un océan à l'autre, qu'ils sont particulièrement fiers de leur collectivité et qu'ils veulent garder leurs distances à l'égard des états-Unis au plan émotionnel.
  • Dans d'autres domaines également, nous assistons à une résurgence de la demande pour du contenu local... à la télévision, le marché pour le contenu national est en pleine expansion.
  • Tout cela est très encourageant et instructif à plusieurs égards :
    • Cela donne à penser que la domination culturelle des états-Unis n'est PAS le prolongement logique de sa puissance économique, politique et militaire.
    • Nous avons assisté au cours des dernières années à une chute très nette de la demande pour les émissions américaines dans le monde. Elles ont été souvent remplacées par des versions locales de ces mêmes émissions, à l'exception, bien sûr, du Canada où les émissions américaines sont disponibles et devraient l'être. (C'est également le cas aux états-Unis qui importent des émissions de l'étranger et qui les adaptent ensuite pour le marché américain.) Les émissions de télé-réalité ont vu le jour en Scandinavie.
    • Cela donne à penser qu'il y a des avantages à encourager délibérément l'expression culturelle nationale.
    • Cela vient confirmer l'idée que la protection de la spécificité culturelle EST possible devant une intégration économique et politique accrue.
    • Les Américains doivent accepter que le désir des nations de protéger leur caractère culturel distinctif n'est ni de l'anti-américanisme ni un obstacle déguisé au commerce. L'industrie américaine du divertissement a toujours soutenu que ce que nous appelons la culture n'est en fait rien de plus qu'un obstacle déguisé au commerce des produits de divertissement. Eh bien, ce n'est pas aussi simple.
    • Les dirigeants des pays continueront en toute connaissance de cause à prendre des mesures pour protéger l'intégrité culturelle; on ne peut laisser les lois du marché dicter les décisions en matière de culture. J'irai même jusqu'à dire que les états-Unis eux-mêmes l'ont compris, puisqu'ils ont établi des barrières pour empêcher la mainmise étrangère sur les réseaux de radiodiffusion américains (par exemple, Rupert Murdoch a été obligé d'obtenir la citoyenneté américaine pour pouvoir acquérir Fox TV dans les années 1980. Matsushita a été forcée de vendre WMCA pour acquérir MCA).
    • Les dirigeants des pays doivent s'engager fermement envers les institutions culturelles... y compris les radiodiffuseurs publics... étant donné que ce sont les outils qui permettent de promouvoir et d'entretenir l'intégrité et les différences culturelles.
  • Conclusion
    Les différences culturelles dans un monde qui ne compte plus qu'une seule superpuissance continueront de s'affirmer et seront renforcées par les dirigeants des pays. Tout ce qu'on peut souhaiter c'est que la superpuissance reconnaîtra qu'un empire qui respecte la diversité culturelle est un empire qui sera prospère et se développera.

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