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le 2 avril 1998

Allocution par Perrin Beatty prononcée devant le Comité permanent du Patrimoine canadien de la Chambre des communes

Ottawa (Ontario) — Perrin Beatty

Merci, Monsieur le président, de nous avoir fourni l'occasion de nous retrouver ici aujourd'hui.

J'ai à mes côtés la première vice-présidente aux Ressources, Mme Louise Tremblay, et le vice-président directeur et chef de l'exploitation, M. Jim McCoubrey. À votre demande, nous avons accepté avec plaisir de vous fournir un aperçu de notre planification institutionnelle et de vous faire part de notre point de vue sur les questions que vous devez étudier, nommément les répercussions des nouvelles technologies, l'évolution de l'économie mondiale et la libéralisation des échanges commerciaux.

En premier lieu, permettez-moi de vous expliquer comment nous avons remonté la pente au cours des trois dernières années et de vous décrire les nouvelles mesures que nous comptons mettre en œuvre dans les prochains mois.

Quand j'ai assumé la présidence de la Société le 1er avril 1995, l'institution était en pleine crise. Mon prédécesseur venait de démissionner en raison des énormes compressions budgétaires annoncées et le gouvernement s'apprêtait à mandater un comité chargé d'examiner le mandat particulier de Radio-Canada. La Société a connu très peu de répit au cours des trois dernières années. Les compressions budgétaires n'ont cessé de s'amplifier, la concurrence s'est intensifiée pour les radiodiffuseurs traditionnels et la Société a entamé des négociations avec ses syndicats qui l'auraient réduite au silence si elles avaient avorté. Radio-Canada a dû revoir de fond en comble ses grilles-horaires, se restructurer, offrir de nouveaux services et recourir à de nouvelles technologies. Nous avons procédé aux compressions les plus marquées de toute l'histoire de la Société, éliminé plus de 3 000 postes, pour absorber un manque à gagner dépassant les 400 millions de dollars.

Ce fut une période extrêmement difficile et je ne veux pas diminuer le coût que cela a représenté pour nos employés ni la frustation qu'ils ont éprouvée devant l'insuffisance des ressources pour servir pleinement les Canadiens. Mais Radio-Canada a relevé tous ces défis et, à l'aube d'un nouvel exercice, elle se sent plus forte, plus centrée sur son mandat, plus sûre d'elle et plus déterminée que jamais à servir ses auditoires.

Grâce à l'engagement du gouvernement à stabiliser notre financement pour les cinq prochains exercices, nous profitons maintenant d'une certaine accalmie. Nous avons de bonnes raisons d'être optimistes. Nous avons su négocier le virage pour la Société et nous pouvons maintenant réorienter notre énergie créatrice vers ce que nous faisons le mieux : diffuser des émissions de radio et de télévision de grande qualité, et non nous préparer pour la prochaine série de compressions.

Nous avons fait un bon bout de chemin. Tout en ayant considérablement diminué les coûts pour les contribuables canadiens, nous avons réussi à respecter encore plus fidèlement notre mandat, qui consiste à aider les citoyens à poser un regard canadien sur eux-mêmes et sur le monde. Le contenu de nos grilles des réseaux est encore plus canadien qu'avant et il reflète les régions du Canada plus fidèlement que jamais. De plus, nos émissions continuent de gagner des prix au pays et à l'étranger. Lors de la remise des prix Gemini le mois dernier, plus de la moitié des prix ont été décernés à des productions ou co-productions de la Société.

Bien que nous ayons considérablement réduit notre personnel au cours des trois dernières années, nous n'avons pas fermé une seule station régionale. Certaines émissions ont été annulées, tandis que d'autres sont maintenant réalisées à moindre coût. Plusieurs postes de
vice-président ont été abolis, l'immeuble qui abritait notre siège social ici, à Ottawa, a été vendu et le personnel de l'administration nationale a été réduit de plus de la moitié. Nous avons fait appel à de nouvelles technologies qui nous permettront de réaliser des économies tout en offrant un meilleur service. Et nous sommes le seul radiodiffuseur canadien qui ait établi une présence forte dans les nouveaux médias.

Permettez-moi de vous démontrer concrètement comment nous avons réussi à améliorer le service offert aux Canadiens tout en réduisant les coûts.

En février, cette année, les francophones de Terre-Neuve ont finalement obtenu ce qu'ils demandaient depuis plus de 10 ans. Au lieu de regarder le bulletin de nouvelles de début de soirée en provenance de Montréal, ils peuvent maintenant voir Moncton Ce soir, dont certains reportages sont présentés par un journaliste se trouvant sur place, à St. John's — ce qui donne au bulletin de nouvelles une saveur locale certaine. Radio-Canada a également affecté des journalistes à Kapuskasing et à Hawkesbury, en Ontario, ainsi qu'à Victoria, en Colombie-Britannique.

Dans le secteur de la Radio, nous cherchons à mieux servir nos auditoires et à gagner de nouveaux publics. Grâce à l'ajout de 10 millions de dollars du gouvernement, aux progrès technologiques importants et au fait que nous avons négocié la liberté de mettre en oeuvre la polyvalence, nous pouvons faire plus que jamais.

Nous venons tout juste d'ouvrir un nouveau bureau où travaillent deux personnes à Cambridge Bay. Ce bureau servira et reflétera la région de Kitikmeot, dans l'est de l'Arctique. De plus, il fait partie des préparations du Service du Nord pour desservir le nouveau territoire du Nunavut, qui devrait voir le jour dans un an.

D'ici le début de juin, nous ouvrirons des bureaux de petite taille à Trois-Rivières et à Sherbrooke. En juin, nous inaugurerons un bureau de Radio One à London. Plus tard cette année, nous ouvrirons également une nouvelle station Radio One à Victoria, la seule capitale provinciale où ce service de base n'est pas offert. Et, afin d'améliorer la réception de nos signaux, nous déménageons quelques-uns de nos services radio sur la bande FM, dans les deux plus grandes villes du Canada. Le processus est déjà enclenché à Montréal et Radio One fera de même à Toronto, ce mois-ci.

En janvier, nous avons eu à traiter un tout autre type de crise. Pour faire face à l'une des pires tempêtes de pluie verglaçante du siècle, nous avons transformé nos services radio à Montréal et à Ottawa en une véritable ligne d'assistance-survie — en donnant de l'information sur l'utilisation d'une génératrice et sur les centres d'hébergement; en présentant des rapports sur les allées et venues de l'armée canadienne ainsi qu'en diffusant des conversation consolantes dans la froideur de la nuit, sans doute le réconfort le mieux accueilli, à certains moments.

En Montérégie, nous avons même ouvert une nouvelle station radio pour répondre aux besoins des personnes prisonnières de la noirceur dans le Triangle de glace. La télévision de Radio-Canada a présenté de l'information et des nouvelles 24 heures par jour — offrant de l'aide aux personnes directement touchées par la tempête et informant le reste du pays des derniers développements. L'intervention de la Société pendant cette crise a prouvé, tout comme ce fut le cas pendant les inondations au Saguenay et au Manitoba, que le radiodiffuseur national du Canada joue un rôle essentiel dans toutes les régions du pays.

En février, nous avons emmené nos auditoires à Nagano, en leur offrant une diffusion de premier choix, au dire des critiques et des téléspectateurs de toute l'Amérique du Nord. Au cours de la première semaine, notre part du marché pour nos services de télévision de langue française et de langue anglaise a atteint les chiffres surprenants de 35,2% et de 28,2%, respectivement. De fait, dans cette même période, environ 17 millions de Canadiens ont regardé la télévision du réseau anglais, pour partager l'idéal olympique. Aux petites heures du matin, une moyenne de 1,3 million de Canadiens étaient rivés à leur écran, à la Télévision de Radio-Canada!

Et non seulement la diffusion a-t-elle été de qualité mais elle a aussi été efficace. En effet, la participation de Radio-Canada aux Jeux olympiques a été entièrement autofinancée. La Société n'a pas utilisé de crédits parlementaires. Nous avons fourni notre couverture des Jeux à nos six services et aidé le gouvernement japonais à offrir des services de diffuseur hôte avec un effectif dont la taille se situait entre un quart et un tiers de celui de CBS. Nous avons diffusé, tous les services de télévision confondus, plus de 600 heures de programmation olympique, comparativement à 135 heures pour CBS. Notre très populaire site web sur les Jeux olympiques, produit en partenariat avec Bell, a donné aux Canadiens et aux visiteurs du monde entier une occasion unique de pouvoir découvrir vraiment les athlètes qu'ils voyaient évoluer à la télévision.

Nous sommes très fiers de notre couverture, tant des Jeux d'Atlanta que des Jeux de Nagano et je suis heureux de vous dire que les Canadiens peuvent s'attendre à voir la même qualité pour les 10 prochaines années, au moins. En effet, comme vous l'avez peut-être appris récemment, le CIO a accordé à la Société les droits de diffusion des cinq prochains Jeux olympiques, en partenariat avec Netstar.

Et pour conclure, sur un autre front, nous avons également entrepris un projet qui nous permet d'être assurés que nos systèmes financiers demeureront fonctionnels au moment du passage à l'an 2000, par anticipation de la problématique du nouveau millénaire et d'obtenir l'information dont nous avons besoin pour soutenir une Société plus moderne, plus responsable et plus efficace. Et pour la première fois de notre histoire, nous avons présenté un rapport annuel à l'antenne, diffusé pour tous nos actionnaires d'un océan à l'autre.

Le présent exercice

Nous envisageons les 12 prochains mois avec optimisme, nos crédits parlementaires ayant été stabilisés à 822 millions de dollars. En outre, nous projetons des recettes nettes d'environ 271 millions. Dans la documentation qui vous a été distribuée, vous trouverez plus de détails à ce sujet, notamment la ventilation et l'évolution du budget de Radio-Canada.

Précisions que, même si Radio-Canada est une société d'état, elle est loin d'être isolée des réalités du marché. Ainsi, cette année, notre participation économique au marché dépassera les 411 millions de dollars.

J'aimerais maintenant décrire nos principales orientations stratégiques pour le présent exercice.

Parlons d'abord de la télévision. Cette année, nous intensifierons le caractère distinctif de la Télévision anglaise en poursuivant la canadianisation de ses grilles. La canadianisation complète des périodes de grande écoute a nécessité le remplacement d'environ 200 heures de programmation. Il faudra aussi remplacer près d'un millier d'heures de programmation pour canadianiser la grille de jour.

À la Télévision française, nous lancerons plusieurs nouvelles séries, nous créerons de nouvelles émissions pour les jeunes et nous augmenterons le niveau général de contenu canadien.

Tant à la Télévision anglaise que française, nous diffuserons plusieurs nouvelles émissions transculturelles et nous maintiendrons nos efforts sur le plan du reflet régional. Grâce au soutien fourni par le Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d'émissions canadiennes, nous continuerons de travailler avec des partenaires du secteur privé afin de produire des émissions canadiennes de qualité qui sont à l'image de toutes les parties du pays.

Fait important, nous avons amorcé la production d'une série intitutlée Une histoire populaire du Canada, le projet historique le plus ambitieux à avoir été entrepris au pays. Cette coproduction des réseaux français et anglais de télévision marquera l'arrivée du nouveau millénaire et constituera une illustration épique de l'histoire de notre pays que nous laisserons à la postérité.

À titre indépendant ou en participation avec d'autres entreprises, nous avons présenté au CRTC des demandes de licences pour six nouvelles chaînes spécialisées qui seront pour nous autant de moyens pour servir nos auditoires.

Passons maintenant à nos priorités dans le secteur de la radio.

À la Radio française, nous multiplierons les échanges entre les régions, nous parachèverons le repositionnement des deux réseaux et nous élaborerons une politique nationale pour la diffusion d'oeuvres musicales.

À la Radio anglaise, nous continuerons d'améliorer le service aux Canadiens en leur fournissant l'information dont ils ont besoin au moment où ils en ont besoin et en faisant connaître davantage de nouvelles voix aux deux réseaux. De plus, les deux services participeront au lancement de la radio numérique, et nous envisageons des moyens innovateurs de mieux servir et d'élargir nos auditoires.

Pour sa part, Radio Canada International a reçu l'assurance d'un financement à long terme du gouvernement, ce qui nous a incités à examiner comment nous pourrions présenter le plus efficacement possible l'image du Canada à l'étranger.

Nous aurons également recours aux nouveaux médias pour offrir un service plus complet au public canadien. Nous augmenterons le nombre de sites conçus spécifiquement pour Internet. Ces sites porteront sur des sujets comme les nouvelles, les sports, la jeunesse, la culture et la francophonie, et il y aura aussi des mécanismes pour encourager une rétroaction de la part du public canadien, qu'il s'agisse de forums ou d'autres sites favorisant une interaction avec nos auditoires. De plus, nous continuerons de nous servir d'Internet pour promouvoir nos émissions en ondes ou faire une diffusion simultanée de leur contenu.

Radio-Canada et la nouvelle technologie

J'aborderai maintenant l'un des sujets auxquels s'intéresse le Comité en ce moment. Plus précisément, on m'a demandé de décrire les effets de la technologie sur le secteur de la culture.

Comme les citoyens d'autres pays développés, les Canadiens sont engagés dans un débat très vif sur les avantages et les coûts de la nouvelle technologie. Pour les optimistes, l'informatique et la technologie numérique sont un remède miracle à la plupart des maux de la société. D'après les critiques, ces technologies nous écraseront et feront de nous des esclaves impuissants attachés à nos machines.

Il est facile, de nos jours, d'être obnubilé par des machines et des appareils plus rapides, plus petits et moins chers — on trouve même des aspirateurs avec des circuits intelligents intégrés. Ceux d'entre nous qui s'intéressent à préserver la culture canadienne ne doivent pourtant pas perdre de vue le contenu, et considérer la technologie non comme une fin en soi, mais comme un moyen de parvenir à cette fin.

L'omniprésence et la puissance sans cesse accrue de la puce ainsi que la convergence de l'informatique, des communications et de l'électronique grand public ont créé de nouveaux outils remarquables pour atteindre ou élargir les auditoires. Certains, comme les satellites de diffusion directe, livrent un contenu familier par des moyens inhabituels. D'autres, comme le World Wide Web, changent notre façon d'envisager l'accès à l'information, les valeurs de production et le contrôle personnel sur le contenu.

Songeons aux possibilités créées par la technologie :

Le pouvoir de communiquer devient plus abordable et facile d'accès pour les citoyens. La diminution rapide des coûts de traitement de l'information a fait que l'ordinateur, qui était autrefois un luxe que pouvaient se permettre uniquement les administrations publiques et les grandes entreprises, est maintenant à la portée des petites entités et des particuliers, qui ont donc beaucoup plus de contrôle sur tous les éléments du processus de création.Les restrictions techniques liées à la quantité et au type de renseignements que nous pouvons traiter, transmettre et mémoriser s'estompent, ce qui nous permet de faire des choses qui auraient été impensables il y a quelques années à peine. Les entreprises concurrentielles remplacent les monopoles réglementés. Les services de radiodiffusion et de télécommunications offrent maintenant aux consommateurs des choix attrayants à un tarif on ne peut plus bas.

Mais les avantages de la technologie ne sont pas sans conséquences :

Les technologies de communications modernes éliminent les frontières nationales. Elles posent un défi à notre souveraineté culturelle en rendant moins efficace la réglementation protectionniste des gouvernements. Elles présentent plus de choix aux citoyens, mais elles réduisent leur sens du partage de l'expérience. Elles placent bien des consommateurs dans une situation où ils se sentent dépassés par le choix qui leur est offert plutôt que de jouir de leur liberté d'action. Elles créent des bouleversements sans précédent dans nos industries culturelles et démolissent un grand nombre de nos hypothèses traditionnelles sur la façon de financer, de réaliser et de distribuer les produits culturels.

La question essentielle qui se pose ici est la suivante :
«Comment devrions-nous réagir face à cette turbulence?»

La technologie est un élément important de notre secteur d'activité. Nous comptons sur elle pour produire nos émissions, les diffuser, préserver notre musique et d'autres éléments de notre patrimoine, et rejoindre les membres de notre public dans leurs foyers, que ce soit par l'entremise des médias traditionnels ou nouveaux.

Ce même secteur d'activité a été ébranlé par la concurrence, l'ouverture des frontières, la déréglementation et la fragmentation des auditoires. Au fur et à mesure que les choix se multiplient pour les auditoires, les conditions deviennent de plus en plus difficiles pour les radiodiffuseurs. L'intensification de la concurrence fait monter le coût des droits sur les émissions, tandis que se fragmentent au maximum les auditoires dont les radiodiffuseurs ont besoin pour accroître leurs recettes.

Par ailleurs, le radiodiffuseur public est particulièrement sensible à l'évolution des besoins de ses auditoires, et il doit faire des frais pour offrir des services au moyen des technologies tant traditionnelles que nouvelles.

Malgré tous ces défis, je crois que les nouvelles technologies offrent des avantages réels pour Radio-Canada.

Premièrement, les nouvelles technologies numériques encouragent la participation du public et la personnalisation de ses choix. Grâce à elles, une expérience médiatique passive devient beaucoup plus active et stimulante. Or, ce sont précisément ces aspects que nous avons toujours favorisés auprès de nos auditoires. Plus les dispositifs bon marché, comme la cybertélévision, proliféreront, plus les nouveaux médias nous aideront à renforcer et à enrichir notre relation avec nos auditoires.

Deuxièmement, compte tenu des diverses régions qui le composent, le Canada a toujours été aux prises avec la nécessité de communiquer à distance et d'exprimer le point de vue de nombreuses collectivités, y compris celles qui vivent dans des endroits isolés. Maintenant, des réseaux publics comme le World Wide Web offrent aux radiodiffuseurs, dont nous sommes, de nouveaux moyens de rejoindre les collectivités. En outre, les citoyens des petites localités ou les membres des minorités linguistiques peuvent désormais communiquer avec d'autres personnes qui partagent leurs intérêts, quel que soit leur lieu de résidence.

Enfin, les nouvelles technologies nous permettent d'offrir un meilleur service à un moindre coût. Ainsi, nos journalistes peuvent se rendre sur le terrain malgré des échéances serrées, produire leurs reportages avec du matériel léger et portatif et les transmettre presque instantanément à la tête du réseau.

Les nouvelles technologies nous permettent donc de travailler plus efficacement, dans la mesure où nous savons exactement qui nous sommes et quelle est notre mission. En fait, notre identité réside dans notre programmation. Notre mission première est de renvoyer aux Canadiens une image de leur pays et du monde qui soit fidèle à leur point de vue. Nous y parvenons grâce à nos émissions. Notre rôle ne s'arrête pas là, mais faire découvrir le Canada par nos dramatiques, nos reportages et notre musique en constitue l'élément fondamental. Autrement dit, la technologie est l'instrument dont nous nous servons pour faire notre travail, mais il ne faut pas la confondre avec notre mission.

Je ne veux pas donner l'impression que Radio-Canada a trouvé toutes les réponses aux questions soulevées par la nouvelle technologie. En effet, l'un des paradoxes est que nous devons maîtriser de nombreuses technologies en même temps que nous nous concentrons sur les enjeux plus importants que sont la création et la distribution du contenu.

La radiodiffusion hertzienne, la câblodistribution, les services spécialisés, les disques optiques, le site web et d'autres outils comme les modems et les lignes numériques à paires asymétriques (ADSL) sont tous des moyens de pénétrer dans les foyers. Ce métissage des médias représente un défi pour un radiodiffuseur traditionnel comme Radio-Canada, étant donné que sa réputation et ses plus importants atouts sont étroitement liés à ses réseaux généralistes. L'héritage laissé par l'ancienne technologie reposait en partie sur notre intérêt pour le développement de matériel et d'outils servant à la réalisation et à la diffusion des émissions.

Nous devons investir dans les nouvelles technologies tout en évitant les risques que poserait une incursion trop hâtive dans des secteurs comme la télévision à haute définition. Nous avons mené le jeu en matière de radio numérique, et nous substituons graduellement du matériel
numérique aux éléments analogiques de la chaîne de production télévisuelle. La numérisation du dernier lien entre nos émetteurs et les téléspectateurs n'est qu'une question de temps. Toutefois, pour ce qui est de la télévision à haute définition, qui absorbe une partie importante de la largeur de bande et des budgets, nous devrions suivre la voie tracée par les Américains, compte tenu des enjeux énormes sur le plan du marketing, de la programmation et de la technologie. Nous les laisserons donc déterminer s'il existe un marché pour la télévision à haute définition. Cependant, nous les suivons de très près, nous les observons attentivement et nous pourrons démarrer rapidement dès qu'il le faudra.

Radio-Canada à l'heure de la libéralisation des échanges.

Je vous ai parlé tout à l'heure de la fragmentation des auditoires, une réalité avec laquelle les radiodiffuseurs ont dû apprendre à composer dans les années 90. Ce fut pour eux un apprentissage difficile. Le phénomène n'a toutefois pas été perçu de la même façon par les auditeurs, et pourquoi en aurait-il été autrement en fait? Le public fait l'objet d'une cour assidue comme jamais auparavant de la part des programmateurs, des distributeurs, des fabricants de produits électroniques et des organismes de réglementation, chacun essayant de surpasser l'autre pour élargir le choix offert aux Canadiens.

Ironiquement, chaque point marqué dans cette rivalité pour élargir l'offre sur les ondes met à l'épreuve la politique canadienne de radiodiffusion et la réglementation qui la soutient. Nous avons abordé un peu plut tôt la question des défis que pose la technologie. À certains égards, ceux que soulève le mouvement général en faveur de la libéralisation des échanges commerciaux pourraient s'avérer d'autant plus sérieux. En effet, les instances canadiennes de réglementation et d'élaboration des politiques disposent d'un certain pouvoir sur l'avènement de nouveaux moyens de communication au pays, mais sur la scène internationale, les forces économiques et politiques en jeu sont d'un tout autre calibre.

On distingue actuellement trois grands moteurs d'évolution : premièrement, la mise en œuvre de l'ALENA et des autres traités abolissant les barrières protectionnistes; deuxièmement, le durcissement de la position de Washington à l'égard des efforts de ses vis-à-vis pour protéger leur culture nationale;troisièmement, et peut-être le plus puissant de ces trois facteurs, est l'existence d'une conjoncture internationale qui favorise la libre concurrence à l'heure de la mondialisation de l'économie.

L'ALENA et les autres traités multinationaux ont précipité l'abolition des mesures protectionnistes et fait évoluer progressivement la conception que l'on se faisait de la culture propre à un pays. Ces traités ne remettent pas en cause le financement direct par les différents gouvernements d'activités purement culturelles, mais ils sont susceptibles de soulever des interrogations sur diverses pratiques, dont les subventions indirectes comme celles que le fédéral octroie au milieu de la production télévisuelle, et les mesures de protectionnisme, notamment l'interdiction d'accès au marché canadien dont sont frappés une multitude de réseaux de câblodistribution américains.

Plusieurs gouvernements ont évoqué des principes du droit commercial international pour préserver au Canada le droit de soutenir la culture d'ici. Dans le domaine de la radiodiffusion, ils ont remporté de belles victoires jusqu'à présent, mais ils ne doivent pas baisser la garde.

En tant qu'institution fédérale, Radio-Canada jouit en quelque sorte d'un rempart supplémentaire contre les assauts dirigés à l'endroit des politiques culturelles canadiennes. Si la Société disparaissait, les Canadiens perdraient du même coup l'un des rares instruments de défense de leur souveraineté culturelle que les lois régissant le commerce international admettent encore.

Il importe, lorsqu'on se penche sur ces questions, de bien comprendre la distinction entre culture et industrie culturelle. Nos voisins du Sud donnent au concept de culture une acception beaucoup plus étroite que nous ne le faisons. En l'absence totale de réglementation, les Américains, grâce à l'étendue de leur marché et à la force de leurs industries culturelles, disposent de plusieurs longueurs d'avance sur leurs concurrents.

En ce moment, on assiste à un renversement de vapeur à l'endroit du protectionnisme dans des domaines étroitement liés aux industries culturelles. Au début de 1997, des accords multilatéraux ont été conclus dans les secteurs des télécommunications et des technologies de l'information. L'accord sur les technologies de l'information conclu en janvier 1997 visait à abaisser les barrières commerciales régissant la vente de matériel informatique. Un mois plus tard, un second accord venait libéraliser les services de télécommunications sous le régime de l'OMC et du GATS. Il y a quelques années à peine, de telles ententes auraient eu peu d'effet sur un secteur aussi fortement axé sur le contenu que celui de la radiodiffusion. Mais en cette ère de la convergence, les pressions exercées pour abolir les frontières dans un secteur finissent inexorablement par éroder le protectionnisme dans tous les secteurs convergents.

Comme les frontières géographiques et politiques sont totalement impuissantes à freiner la progression des nouvelles technologies, c'est l'interaction entre les instruments de défense des politiques nationales et internationales qui prime. En fait, les politiques canadiennes élaborées sans tenir compte de la conjoncture internationale peuvent contribuer à accroître la vulnérabilité du Canada face aux mesures politiques et économiques adoptées par ses partenaires commerciaux.

Cette volonté d'ouvrir les frontières, qui menace certaines politiques culturelles établies, n'est pas le pur produit des facteurs économiques sous-tendant les échanges commerciaux. Au contraire, c'est la progression inexorable de la technologie, comme la télévision directe par satellite, qui a permis aux entreprises étrangères de traverser nos frontières et de contourner notre réglementation, même si le débordement de la zone de rayonnement du satellite ne faisait pas partie du plan d'action officiel des exploitants. Qui plus est, l'ubiquité et l'anonymat qui caractérisent l'Internet créent un contexte encore plus propice à l'effacement des frontières entre les pays.

Si l'on veut être juste, par ailleurs, il faut reconnaître que l'abolition des frontières est favorable aux producteurs canadiens de contenu désireux de percer le marché international. Le bilan des exportations qu'affichent les grandes maisons canadiennes de production cinématographique et télévisuelle est d'ailleurs fort éloquent à ce sujet. Nous souhaitons cependant rappeler aux membres du Comité que ces succès ne doivent pas nous faire perdre de vue les problèmes sérieux que la réussite du Canada dans le secteur mondial du divertissement soulève.

Avant d'aller plus loin, permettez-moi d'établir une distinction entre la production d'émissions de télévision pour des raisons commerciales, c'est-à-dire rapporter des dividendes aux actionnaires, et celle motivée par des raisons d'ordre culturel, soit servir les intérêts du public et mettre en valeur la condition du citoyen canadien. Cette disparité dans les motivations premières des deux activités se reflète d'un côté dans la politique industrielle, et de l'autre dans la politique culturelle. Il y a tout un monde entre une production de facture canadienne, destinée à un public canadien, et une production réalisée au Canada qui déguise ses origines pour être plus facilement exportable.

Il n'y a rien de mal à faire de l'argent ni à créer des emplois et à rehausser le prestige du Canada sur les marchés internationaux du film et de la télévision — au contraire! Toutefois, en ouvrant nos frontières, on accroîtra assurément la concurrence étrangère avec laquelle nos industries culturelles devront rivaliser. Par conséquent, les radiodiffuseurs privés canadiens risquent véritablement de perdre leur part du lucratif marché de l'importation d'émissions américaines pour diffusion au Canada. Il n'est donc pas étonnant que le secteur privé reconnaisse de plus en plus l'importance de faire de la production de contenu canadien une activité économiquement justifiable et non plus une simple obligation réglementaire.

Les politiques canadiennes en matière de radiodiffusion préconisent depuis longtemps la coexistence d'un secteur privé et d'un secteur public dynamiques et entreprenants. Pour ma part, je suis absolument convaincu que la disparition de l'un ou de l'autre serait une lourde perte.

J'ai la conviction que cette coexistence du public et du privé sera toute aussi indispensable dans l'avenir. Les mécanismes de protection dont jouissent les radiodiffuseurs privés, comme la substitution de signaux en simultané, les aident à soutenir leurs efforts d'interfinancement de la production d'émissions canadiennes. Or plus ces mécanismes sont remis en question, plus l'existence d'un radiodiffuseur public sans but lucratif comme Radio-Canada devient impérative pour le Canada, et plus sa mission, qui consiste à produire du matériel culturellement pertinent et de facture canadienne, revêt de l'importance. Le Canada doit avoir un radiodiffuseur public dynamique non seulement parce que les mesures protectionnistes qui soutiennent le secteur privé s'effritent, mais parce que, quelle que soit l'issue des débats sur les échanges commerciaux, les radiodiffuseurs privés seront moins enclins que Radio-Canada à consacrer des ressources à des catégories d'émissions peu rentables. Il ne s'agit pas là d'une critique, mais d'une simple constatation : les buts qu'ils poursuivent et les principes auxquels ils obéissent diffèrent de ceux de Radio-Canada.

Nous admettons volontiers que les radiodiffuseurs à but lucratif, les maisons de production et les autres types d'entreprises apparentées méritent le soutien du gouvernement fédéral. Nous voulons seulement que l'on reconnaisse que les institutions culturelles comme Radio-Canada ont besoin d'une autre forme de soutien, qui ne repose pas sur le protectionnisme mais plutôt sur un financement par la voie de crédits parlementaires et de mécanismes comme le Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d'émissions canadiennes.

Quel usage devrions-nous faire des précieuses ressources que nous confient les contribuables? Nous entrevoyons deux tâches essentielles auxquelles il faudra nous consacrer tout en essayant de composer avec la mondialisation de l'économie et de comprendre les mécanismes intervenant dans l'ouverture des frontières.

Primo, nous devrons accroître la visibilité des productions canadiennes, surtout dans le domaine de la radiodiffusion. Puisque nous ne pouvons plus restreindre l'accès à notre marché à la concurrence étrangère, nous devons assurer une présence tout azimut — dans les services de radiodiffusion classiques, dans les services spécialisés et les services audionumériques payants dans le cyberespace et par l'intermédiaire de tout autre moyen de communication qui pourrait être développé au cours des prochaines années.

Secundo, nous devons prendre tous les moyens à notre disposition pour rehausser la qualité de notre programmation résolument canadienne. Pour y parvenir, il nous faudra pouvoir compter sur le financement public, car ce genre d'émissions est peu susceptible de trouver preneur chez les acheteurs américains. La qualité des émissions que nous produirons devra cependant leur permettre de rivaliser avec les autres produits offerts au public canadien — il est vain de penser que les auditeurs se précipiteront à notre antenne par pur sens du devoir.

Compte tenu de l'hégémonie américaine dans les milieux internationaux du cinéma et de la télévision, il ne sera pas facile d'élargir notre linéaire, mais Radio-Canada peut y arriver, pourvu qu'elle ait les ressources et la souplesse d'exploitation dont elle a besoin. Il faudra notamment qu'elle puisse accroître ses points de distribution à la fois dans les médias réglementés, comme les services de télévision spécialisés, et dans ceux qui ne le sont pas, comme le web.

Évolution sociodémographique

Tandis que Radio-Canada complétait sa métamorphose, le Canada poursuivait lui aussi son évolution. Les métropoles affichent une diversité culturelle plus grande que jamais, et les centres urbains continuent de s'étendre. L'effet du baby boom se fait encore sentir, mais les générations plus jeunes et moins denses qui suivent cette couche de la population vivent un rapport totalement différent à leur culture.

Je me réjouis grandement de la promotion du multiculturalisme sur nos ondes. Nous avons amélioré la représentation des groupes culturels à l'antenne autant qu'en coulisse. En fait, nous venons de lancer une nouvelle émission bihebdomadaire sur Radio One intitulée Out Front. Cette émission consacrée aux nouveaux visages de la musique diffusera à des moment précis ce qui se fait de mieux sur la scène internationale. Nous ne pourrons cependant arrêter là, surtout pour ce qui est de notre objectif d'attirer les jeunes. Leur vision du monde est fortement influencée par leur expérience directe du multiculturalisme et souvent du bilinguisme. Je sais qu'il faut faire plus pour être sur la même longueur d'ondes que la population canadienne d'aujourd'hui.

Comme la moyenne d'âge de notre public traditionnel dépasse celle de la population en général, nous devons trouver de nouvelles façons d'attirer les jeunes et de conserver leur intérêt si nous voulons être encore pertinents demain. Les nouvelles technologies nous aideront dans cette entreprise de séduction du groupe des 18 à 35 ans en nous donnant de nouveaux moyens de
mieux servir ce marché convoité.

Quel doit être le rôle du gouvernement?

Comme je l'ai mentionné un peu plus tôt, le gouvernement, en mettant en œuvre des mécanismes de soutien novateurs tels que le Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d'émissions canadiennes, contribue énormément à l'épanouissement d'une culture riche et florissante au pays. Nous souhaitons qu'il accentue ses efforts en ce sens pour soutenir d'autres secteurs de l'industrie qui contribuent à la qualité des produits culturels canadiens. La création d'un fonds d'aide à la production et à la distribution de longs métrages permettrait à ce genre cinématographique de prospérer. Nous avons déjà fait part au gouvernement de notre désir de voir l'industrie canadienne du film connaître le succès qu'elle mérite, et nous sommes prêts à faire tout en notre pouvoir pour l'aider.

Je crois que la création d'un tel fonds aurait un effet bénéfique sur le secteur des nouveaux médias, car s'il est un marché où la notion de frontières perd tout son sens, c'est bien celui des nouveaux médias. En nous dotant d'un fonds voué à la production de matériel et de services
défendant haut et fort les couleurs du Canada mais dotés d'un attrait indéniable pour les marchés internationaux des nouveaux médias, nous assurerions au moins à nos enfants un lien avec leur patrimoine culturel, qui en est un d'une grande richesse. Il est certain que ce fonds faciliterait grandement la création de contenu de langue française et renforcerait un secteur d'activité qui commence à poindre au Canada. Radio-Canada qui est un créateur important de contenu français est prête à aider le gouvernement à accroître la place de cette langue en général sur l'Internet, et celle en particulier du matériel canadien d'expression française.

Par ailleurs, le gouvernement doit exercer son pouvoir de réglementation pour soutenir les industries culturelles nationales en ces temps de profonds changements. Il a notamment un rôle de premier plan à jouer dans le domaine du droit d'auteur et de l'attribution des fréquences du spectre.

Enfin, en ce qui concerne Radio-Canada, il importe que le gouvernement et le Parlement continuent de conférer à cette institution le statut d'organisme de radiodiffusion publique au service de l'ensemble des Canadiens. Il est essentiel pour cette institution journalistique et culturelle que les auditeurs soient convaincus de la crédibilité et de l'intégrité des émissions qu'elle présente. Si cette confiance ne lui est pas acquise, elle perd toute pertinence.

Tout tient à la perception que le public a de la Société : la voit-il comme un organe de radiodiffusion publique et par là, comme un instrument au service de la démocratie, ou comme un organe de radiodiffusion d'état, et donc un instrument au service de la bureaucratie? Le Parlement a d'ailleurs pris la précaution de consacrer dans la Loi l'indépendance de Radio-Canada à l'égard du gouvernement. Il doit maintenant continuer d'honorer ce principe pour préserver le droit du public canadien à un service de radiodiffusion publique établissant les standards en journalisme et en divertissement au Canada et partout dans le monde.

CONCLUSION

Voilà donc notre point de vue sur les questions que vous nous aviez demandé d'aborder aujourd'hui. Nous avons connu des heures difficiles mais la vision que nous avions des moyens d'assurer notre avenir et le courage de nos employés face aux changements qui s'imposaient, nous ont permis de réussir. Dans l'ensemble, les défis que doivent relever tous ceux qui croient à la culture canadienne sont similaires : c'est avec une vision précise de la direction à prendre et le courage de s'y engager que nous réussirons, en dépit de l'incertitude de l'avenir.

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