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le 29 juin 1998

Chez soi dans le monde

Prononcé au Forum international sur la culture et la coopération — Perrin Beatty

Propos liminaires

Merci, mesdames et messieurs, de m'avoir donné cette occasion de m'adresser au Forum international sur la culture et la coopération. J'aimerais féliciter Keith Kelly et la Conférence canadienne des arts d'avoir rassemblé des organisations non gouvernementales du Canada et du monde entier, à l'occasion de cette conférence qui complète bien la réunion des ministres responsables de la culture. J'aimerais également souligner l'excellent travail accompli par Keith, durant les années où il a été directeur national. Comme vous le savez, Keith quittera ce poste un peu plus tard cette année, et nous tous du milieu artistique canadien regretterons son énergie et son imagination. Avec ce forum, Keith et la Conférence canadienne des arts jettent les semences de ce qui pourrait se révéler un legs durable — une alliance internationale d'organisations non gouvernementales ayant pour mission d'encourager la coopération et l'appui politique en faveur de la culture et des arts.

À l'ombre des grands empires médiatiques

Les ONG du monde entier partagent une cause commune — un défi qui consiste à favoriser l'expression de nos propres cultures et à permettre à nos talents artistiques de se faire une place dans un monde caractérisé par l'intégration verticale et le regroupement horizontal d'empires médiatiques. Il est souvent frustrant de constater le peu d'importance que nous accordons à nos propres cultures. Très souvent, nous les tenons pour acquises ou nous supposons qu'elles survivront sans grand effort de notre part. Mais d'autres sont moins passifs. Ils ont compris que la culture peut également être un commerce très rentable. Au cours des 10 dernières années, une poignée de méga-entreprises sont apparues, qui se font concurrence pour attirer le coeur et l'esprit, l'écoute et le regard des six milliards de gens qui peuplent notre planète. Les médias qu'ils utilisent vont :

  • du cinéma à la radiotélévision;
  • du câble au satellite;
  • des enregistrements musicaux aux magazines; et
  • aux journaux.

Et si vous vous imaginez que cette concurrence se limite à ce que nous pourrions appeler les médias de communication, sachez que certains de ces géants se disputent également le marché des parcs d'attraction thématiques, qu'ils ont créé leurs propres communautés résidentielles et qu'ils sont en train de se lancer sur le marché des croisières de vacance. Ces entreprises ont saturé le marché américain. Elles sont de plus en plus présentes en Europe. Et leur plus grand potentiel de croissance se situe désormais en Asie et en Amérique Latine. Pensez au groupe des 12 pays qui s'étendent du Japon au Pakistan. Zenith Media prévoit qu'en l'an 2001, ces 12 pays représenteront 470 millions de foyers équipés de télévisions. Pour l'instant, ils sont peu nombreux (90 millions) à être desservis par le câble; et ils sont encore moins nombreux (13 millions) à posséder des antennes paraboliques. Mais la course a démarré parmi cette demi douzaine d'entreprises qui dominent le secteur pour s'approprier le marché de ces foyers, et l'infrastructure est en train d'être mise en place. News Corp, par exemple, estime que les satellites et installations de télévision qu'elle contrôle couvrent de leur ombre environ 75% de la population mondiale. On peut dire qu'il s'agit d'une ombre de taille — une ombre en technicolor offrant du divertissement de très grande qualité. Nous avons tout juste commencé à nous rendre compte de l'ampleur de l'influence que peut avoir la machine holliwoodienne, avec ses techniques de commercialisation raffinées et ses faibles coûts d'exportation. Nous devons nous pencher sur ce qui s'est passé dans d'autres pays, où la programmation étrangère représente parfois jusqu'à 98% du temps de diffusion, et nous demander comment nous allons nous y prendre pour nous faire entendre et conter nos propres récits.

Le Canada sait bien de quoi il s'agit

Ce cri du coeur n'a rien de nouveau pour bien des générations de Canadiens. Nous n'avons pas eu à attendre la technologie du satellite pour voir la culture américaine pénétrer dans nos foyers. C'était une question de proximité géographique, de langue commune et de frontière ouverte. J'aimerais vous offrir un message d'espoir. Il est possible pour une voix nationale originale de continuer à se faire entendre malgré le déferlement de produits américains bon marché, de grande qualité et exceptionnellement bien commercialisés. Mais cela a exigé une forte volonté nationale, une vision de la part du milieu artistique et du courage de la part du gouvernement. Et il a fallu prendre des initiatives comme celle lancée récemment par la ministre Sheila Copps. Voyez la proportion de contenu canadien dans divers modes d'expression culturelle et vous verrez les batailles qui ont été gagnées et celles qui ont été perdues. Nous déplorons souvent le fait que 60% de la programmation télévisuelle vienne de l'extérieur du Canada. Bien des pays verraient dans ces mêmes chiffres le signe d'une réussite : 40% des émissions sont canadiennes. Soixante pour cent des livres publiés au Canada viennent de l'étranger. Mais malgré tout, les 40% restants sont canadiens. La moitié des magazines que les Canadiens lisent viennent d'autres pays. Mais l'autre moitié des magazines que nous lisons sont canadiens. Ceux et celles qui se souviennent des émissions de radio d'avant les années 1970 vous diront que le contenu canadien était bien inférieur à 30%. Tous ces médias ont été fortement réglementés ou soutenus par le gouvernement, d'une manière ou d'une autre. Par contre les gouvernements n'ont pas voulu intervenir dans la distribution des films, à l'époque où ce secteur culturel a commencé à se développer. Et aujourd'hui, le cinéma canadien ne représente que 5% de ce qui est montré dans nos salles. Il suffit de penser aux 95% de films étrangers présentés sur nos écrans de cinéma pour avoir une idée de ce qui serait arrivé à la culture canadienne si nos gouvernements n'étaient intervenus au fil des années.

Le rôle de Radio-Canada

La Société Radio-Canada a été la première manifestation de cette intervention. La Société a été créée à la suite d'une Commission royale constituée en réponse aux inquiétudes suscitées par l'influence américaine croissante à la radio. Nous avons

  • commencé par assurer une présence radiophonique canadienne distinctive;
  • puis nous avons pris notre place dans le milieu de la télévision; et aujourd'hui
  • nous veillons à ce que les Canadiens maîtrisent les nouveaux médias.

Depuis plus de 60 ans, la Société Radio-Canada représente un outil puissant qui permet aux Canadiens de conter leurs propres récits, de promouvoir leurs talents et de se faire entendre. Elle constitue une réussite en matière de politique publique, mais également sur le plan des affaires. Dans un monde où les choix offerts aux consommateurs ne cessent de s'accroître, les auditoires sont attirés par le caractère distinctif propre à un réseau. Ainsi qu'un grand nombre d'entre vous le savent, la Télévision anglaise de Radio-Canada est désormais pratiquement entièrement canadienne. Confrontés à des compressions de 414 millions de dollars, il nous a fallu revoir qui nous étions, ce que nous faisions et ce que les Canadiens attendaient de nous. À vrai dire, les Canadiens n'ont pas besoin de Radio-Canada pour leur montrer des émissions commerciales américaines comme Seinfeld ou Friends. Nous avons pris le risque de supprimer notre programmation commerciale américaine. Je suis convaincu qu'avec le temps, non seulement nous conserverons notre part d'auditoire, mais nous allons l'accroître. Les téléspectateurs se tourneront vers Radio-Canada pour y trouver une programmation de marque originale qui nous distinguera des autres émissions disponibles.

Les nouveaux médias à l'appui de la diversité culturelle

En tant que radiotélévision publique, nous sommes censés prendre des risques et explorer de nouvelles avenues. C'est pour cela que nous mettons l'accent sur la promotion de nouveaux talents — nous faisons connaître à des auditoires nationaux des artistes régionaux dont beaucoup deviennent ensuite des vedettes internationales. C'est pourquoi, également, nous jouons un rôle de chef de file dans le secteur des nouveaux médias. Radio-Canada a été le premier radiodiffuseur public au monde à offrir des émissions de radio en direct sur Internet. Et Newsworld a lancé le premier service de nouvelles canadien avec vidéo plein écran sur Internet. Le RDI offre un service similaire aux francophones, ici et ailleurs dans le monde. De fait, nous faisons partie d'une présence francophone qui prend de plus en plus d'ampleur sur Internet. Environ 30% du contenu francophone sur Internet est canadien, et je pense que Radio-Canada aura la possibilité de contribuer à la vitalité du contenu en français sur le réseau, comme nous avons aidé les Canadiens anglais à prendre leur place dans le milieu de la radio et de la télévision. Nous sommes le seul diffuseur canadien à avoir une présence importante sur le réseau mondial d'Internet. Et nous ne nous contentons pas de distribuer les produits existants de nos services de diffusion. Nous créons des émissions spécialement pour Internet. J'espère que vous connaissez tous nos sites Info-culture, qui offrent des reportages sur l'actualité culturelle de tout le pays, en anglais et en français. Vous pouvez les consulter pour savoir ce qui se passe dans les milieux culturels de tout le pays. Ce sont les magazines culturels en ligne les plus complets du Canada.

L'initiative CD-ROM

Notre expérience dans le monde des nouveaux médias — et les efforts que nous avons toujours déployés pour que les Canadiens puissent communiquer les uns avec les autres — nous ont fait prendre conscience des défis auxquels les producteurs des nouveaux médias sont confrontés dans notre pays. Les producteurs canadiens de CD-ROM font face à une situation bien connue des Canadiens dans tous les autres médias. Le marché intérieur est exigu; le système de distribution revient cher; et lorsqu'ils commercialisent leurs produits, les Canadiens n'ont pas l'avantage de l'appareil de distribution et de commercialisation des Américains. Les producteurs canadiens sont de petites entreprises qui n'ont guère la possibilité de présenter leurs produits avec un support informatique. Ils ont du mal à faire examiner leurs produits par les revues américaines spécialisées. Et les consommateurs canadiens ont également du mal à savoir ce qui est disponible. Au mois d'avril dernier, à la table ronde ministérielle sur l'innovation, j'ai soumis une proposition au nom de Radio-Canada. Si les autres intéressés acceptent de se joindre à nous, Radio-Canada participera à une initiative de toute l'industrie pour promouvoir les CD-ROM traitant du Canada ou produits par des Canadiens. Nous proposons une revue des CD-ROM canadiens dont les résultats seraient diffusés sur notre site Internet. Les analyses seraient présentées avec des hyperliens qui donneraient accès aux producteurs de CD-ROM pour obtenir de plus amples renseignements, et notamment savoir où acheter le produit. Nous permettrions d'utiliser nos analyses et nos logos pour promouvoir les produits, dans la mesure où leur intégrité serait respectée. Et lorsque cela conviendrait, nous mentionnerions les produits canadiens dans nos émissions de radio et de télévision. Je pense que cette initiative pourrait contribuer à faire connaître le contenu canadien dans les nouveaux médias. Les coûts seraient minimes, mais les bénéfices pourraient être énormes.

La nécessité des partenariats

Cette initiative pour promouvoir les CD-ROM illustre la façon dont les partenariats peuvent contribuer au renforcement des cultures. La Société est en train de bâtir des partenariats dans tous les secteurs de son expression culturelle — en faisant davantage appel à la participation de producteurs indépendants pour sa programmation télévisuelle aussi bien qu'en s'alliant à des entreprises de distribution par satellite et à d'autres diffuseurs publics pour mettre ses bulletins d'information à la portée des auditoires canadiens. Les choix difficiles auxquels nous avons été confrontés dans les années 1990 ont surtout eu l'avantage de nous pousser à collaborer et à coopérer davantage avec d'autres. Ces partenariats ont bien fonctionné parce que nous partageons, en tant que Canadiens, une cause commune . Nous voulons conter nos propres récits, nous voulons fournir des emplois à des Canadiens, et nous voulons que les Canadiens puissent exprimer leurs opinions au reste du monde. Les générations qui se sont succédées ont appris des leçons, elles ont fait quelques erreurs, mais nous possédons aujourd'hui une culture qui non seulement a survécu, mais qui continue à s'épanouir. Les organisations ici présentes en témoignent. Mais vous pouvez également témoigner du fait que la lutte est loin d'être terminée. En effet, chaque génération de Canadiens a eu à faire face à de nouveaux défis pour préserver la souveraineté du pays. Chacune a dû recourir à des alliances importantes :

  • dans le milieu artistique;
  • avec le monde des affaires; et
  • avec le monde politique et les autorités de réglementation qui influent sur l'environnement.

Avec la mondialisation des marchés, il est évident que ces alliances seront renforcées si elles peuvent traverser les frontières internationales.

Conclusion

Le Canada s'est toujours distingué par son ouverture aux cultures des autres peuples. Nous avons toujours invité le reste du monde à nous envoyer ce qu'il avait de mieux à offrir. Nous étions souvent défavorisés dans cette course pour attirer le regard et l'écoute, le coeur et l'esprit de nos concitoyens. Il n'a pas toujours été facile de bâtir une culture distincte et dynamique, mais nous y sommes arrivés. Nous allons poursuivre nos efforts tant que nous aurons la vision et la volonté de demeurer une société distincte en Amérique du Nord. Il sera de plus en plus compliqué de faire en sorte que cette culture distincte continue à s'épanouir à mesure que de nouvelles technologies apparaîtront et que les empires médiatiques au sud de notre pays continueront à s'étendre et à se consolider. Mais nous pouvons faire cause commune avec d'autres qui font face au même défi et qui croient, comme nous, que la culture n'est pas une simple marchandise comme n'importe quel autre bien ou service. Cette conférence constitue une première étape prometteuse. La Société Radio-Canada est fière de se joindre à la ministre du Patrimoine canadien et à la Conférence canadienne des arts pour participer aux activités d'aujourd'hui. Les enjeux sont importants pour nous tous. C'est notre capacité même de nous assurer que nos citoyens pourront continuer à connaître leur histoire, à explorer leurs propres cultures et à préserver leur patrimoine qui est en jeu. Nous devons unir nos efforts car, pour le bien de nos enfants, c'est un combat que nous ne pouvons nous permettre de perdre.

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