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le 19 octobre 1998

La Télévision à la croisée des chemins: Comment pouvons-nous assurer une présence canadienne ?

Aux membres de la section du Manitoba de l'Association des jeunes entrepreneurs — Perrin Beatty

L'art de prédire l'avenir

J'aimerais commencer mon allocution aujourd'hui en vous révélant les compétences que je n'ai pas. Au début de ma carrière politique, il y a 26 ans, j'ai vécu une expérience qui m'a donné une leçon dont je me suis toujours souvenu.

Ce soir-là, je venais de remporter la course à l'investiture pour mon parti en vue de l'élection de 1972. Je me suis rapidement développé un ego de politicien et je me sentais très fier de moi en me rendant à la résidence de l'un de mes organisateurs, chez qui nous nous rassemblions pour célébrer ma victoire. Quand je suis arrivé chez lui, cependant, il m'a accueilli en me disant «Tu sais, untel était probablement le meilleur orateur que j'aie jamais entendu. Ce qu'il disait à propos du chômage et de l'inflation était renversant. S'il avait gagné, il aurait été le prochain député du comté, et aurait sûrement été nommé ministre si le parti avait gagné les élections. Qui sait, il se serait peut-être fait élire Premier ministre un de ces jours.»

Vexé, je lui ai demandé : «Si c'est ce que tu penses vraiment, pourquoi n'as-tu pas voté pour lui?»

Et il m'a répondu : «Parce que je ne voulais pas voter pour quelqu'un de plus malin que moi!»

Je m'adresse à vous aujourd'hui sans prétendre avoir des compétences particulières et je ne prétends pas non plus en savoir plus qu'aucun d'entre vous sur ce qui nous attend dans quelques années. D'autre part, je ne pense pas que Bill Gates, ni Ted Turner, ni l'un des innombrables gourous qui gagnent leur vie en prédisant notre avenir technologique, puisse lire mieux l'avenir dans les feuilles de thé qu'aucun d'entre nous. Un peu d'humilité de la part de tout le monde est donc la bienvenue.

De toute évidence, il se passe quelque chose : des changements profonds se dessinent, même si nous ne sommes pas certains de la direction qu'ils prennent. Les frontières séparant les télécommunications, les techniques de diffusion et l'informatique ont pratiquement disparu. La distance elle-même compte de moins en moins. Nous désirons que tout se produise de plus en plus vite et avec plus de précision. Nous ne savons pas exactement ce que sera l'avenir, mais cela ne signifie pas que nous devions baisser les bras et laisser les événements se produire sans intervenir. Les enjeux collectifs sont trop importants pour nous cantonner dans un rôle passif d'observateur.

Le pouvoir de transformer

En tant que Canadiens, nous nous sommes bien débrouillés dans le passé face aux changements technologiques. La Société Radio-Canada elle-même a été créée en réaction à une révolution technologique qui faisait que nous nous trouvions envahis par une marée d'émissions américaines. Plus tard, la législation définissant les exigences en matière de contenu canadien a contribué à recréer l'équilibre dans les contenus.

Du temps où je faisais partie du gouvernement, j'ai énoncé la Première loi de Beatty sur les industries réglementées : Personne n'est plus innovateur qu'un demandeur de licence, et personne n'est plus conservateur que celui qui en détient une.

Cette règle semble s'appliquer à merveille à l'industrie de la radiodiffusion. Ceux qui veulent une licence sont prêts à promettre la lune, tandis que les détenteurs de licence n'ont de cesse de nous expliquer qu'il y a déjà beaucoup trop de joueurs sur la glace et qu'il vaudrait mieux partager les bénéfices entre les membres d'une équipe bien plus petite.

Cette approche a bien marché dans le passé, mais elle ne correspond plus à la réalité. Que les membres de l'industrie désirent ou non plus de concurrence n'a plus d'importance. La concurrence s'installe, et nous n'y pouvons rien. De nouvelles chaînes spécialisées ont fractionné l'auditoire l'an dernier, et on en compte encore plus cette année. Combien y en aura-t-il l'an prochain, ou dans cinq ans? Je ne saurais le dire. Chose certaine, nous n'aurons jamais moins de concurrents qu'à l'heure actuelle. Qu'on le veuille ou non, il en va ainsi et les stratégies qui tentent de reproduire les conditions des années 60 sont vouées à l'échec.

Partout dans le monde, l'industrie de la radiodiffusion et de la télédiffusion évolue vers ce que nous appelons, à la Société Radio-Canada, le modèle des constellations. Suivant ce modèle, un diffuseur offre une palette de services complémentaires qui lui permettent d'obtenir du financement, de récupérer ses coûts d'exploitation et d'atteindre divers auditoires par des moyens nouveaux. Time Warner, Fox et Disney développent de telles constellations. C'est également le cas de diffuseurs publics comme la BBC ou l'Australian Broadcasting Corporation. Ici même, à Winnipeg, Canwest est en voie de créer une constellation innovatrice qui lui permettra d'offrir ses services partout au pays et sur les marchés internationaux.

Les diffuseurs canadiens, au lieu d'espérer que les gouvernements leur donnent encore plus d'argent, ou de se chamailler sur la meilleure façon de distribuer en parts encore plus minces des ressources limitées, doivent utiliser celles-ci plus efficacement pour constituer des auditoires pour les émissions à contenu canadien. Pour y arriver, les diffuseurs doivent proposer de nouveaux choix à leur public, au lieu de tenter de s'opposer aux nouvelles initiatives.

Si la réglementation future de la radiodiffusion différera sensiblement des initiatives antérieures en ce domaine, que dire de la réglementation des médias numériques? Internet continue sa progression sans égard aux contraintes réglementaires.

Le monde s'éveille à cette réalité. En France, par exemple, le boycottage initial d'Internet n'a pas fait long feu. Les Français ont débattu de la question capitale des politiques publiques concernant l'autoroute électronique et ont opté pour le principe de la participation. Des initiatives financées par les fonds publics sont présentement en cours pour assurer une présence française sur le web.

La voie la plus sage, peut-être même la seule, qui s'offre aux législateurs consiste probablement à tenter de tirer le meilleur parti possible d'un média sur lequel nous n'exerçons aucun contrôle. Comme Colin Browne, de la BBC, le disait l'année dernière, l'avènement d'Internet nous montre comment «les connaissances se transmettent au-delà des frontières artificielles aussi facilement que les rayons du soleil traversent une vitre».

Il est clair que les politiques publiques axées sur les restrictions sont de moins en moins applicables. Par exemple, un tribunal canadien peut décider que le bien commun exige l'interdiction de la diffusion d'informations sur certains événements publics. Cependant, une telle décision restera lettre morte si ces informations sont facilement accessibles sur des sites web américains, comme ce fut le cas dans l'affaire Homolka. Le Parlement canadien peut légiférer pour interdire la diffusion de littérature haineuse ou de pornographie infantile, mais il ne peut empêcher que des documents de cette nature ne soient offerts dans des bases de données internationales, auxquelles on peut accéder par un simple coup de téléphone. En ce domaine, les nouvelles technologies constituent un défi à la notion même de souveraineté nationale.

Ce que fait la Société Radio-Canada

Même dans des circonstances moins extrêmes, la nature de ce nouveau média exige une approche différente pour l'établissement des politiques et de la programmation.

La Société Radio-Canada s'est donnée une mission très ambitieuse en ce domaine. Quand on pense à ce que contient le World Wide Web, et la quantité minuscule de contenu canadien dans l'ensemble des sites, on est vite convaincu de la nécessité d'une présence marquante de la Société Radio-Canada sur Internet, tout comme il est essentiel de maintenir une programmation entièrement canadienne sur notre réseau de télévision principal. Sinon, qui d'autre le fera? Et à qui d'autre le public canadien voudrait-il confier cette tâche?

Notre mission pour les nouveau médias, et dont je suis particulièrement fier, est rien de moins que d'être le principal fournisseur canadien de contenu original et pertinent pour les utilisateurs de nouveaux médias, au Canada et dans le monde.

Avant d'aller plus loin, permettez-moi de vous assurer que nous n'avons nulle envie d'imposer une réglementation sur le contenu canadien des sites web. Nous ne sommes pas naïfs à ce point! Bien au contraire, nous avons fait valoir auprès du gouvernement et du CRTC qu'aucune réglementation ne peut garantir un contenu canadien sur Internet. En ce domaine, l'avenue réglementaire ne serait qu'un cul-de-sac.

Les lecteurs du magazine Wired savent bien que toute réglementation ou autre forme d'ingérence constitue une transgression inacceptable des concepts et de la philosophie qui servent de fondement à Internet et qui donnent au web son caractère merveilleux et libérateur. Comme la BBC et d'autres diffuseurs publics, nous favorisons donc le minimum de réglementation et la mise sur pied d'incitations pour promouvoir un contenu national et l'accessibilité du plus grand nombre aux nouveaux médias. Nous sommes également conscients que la Société Radio-Canada peut offrir sur Internet un contenu qu'aucun diffuseur commercial ne serait en mesure de proposer.

C'est ce qui nous anime dans la poursuite de notre ambitieux objectif. Nous sommes d'ailleurs plus près du but que certains d'entre vous pourraient le croire. Parlons d'abord d'offrir un contenu canadien partout dans le monde. Si l'on fait abstraction de Radio Canada International, notre service de diffusion sur ondes courtes, chacun d'entre vous sait combien il est difficile de savoir ce qui se passe au pays quand on est à l'étranger. Notre site web, www.cbc.ca, joue ce rôle.

J'espère qu'il est inutile que je m'étende plus longtemps sur la valeur de notre service web pour les Canadiens à l'étranger qui sont à la recherche d'une «dose» de nouvelles ou d'informations canadiennes, à l'endroit et au moment où ils le désirent. Le site Newsworld a été visité près de 350 000 fois à chaque semaine en septembre 1998.

Et c'est très bien. Radio-Canada constitue le plus grand organisme d'information au pays et doit offrir à de nouveaux auditoires des versions différentes et plus accessibles des nouvelles diffusées à ses réseaux de radio et de télévision.

Cependant, nous avons poussé plus loin les limites des nouveaux médias. Nous savons que les nouveaux médias disponibles au Canada doivent se démarquer, plutôt que de constituer des moyens de promotion ou de recyclage du contenu des médias traditionnels, même si ce contenu est d'excellente qualité.

Radio-Canada propose deux produits spécifiques à Internet

En premier lieu, nous avons créé un site web à l'intention des jeunes. C'était pour nous un geste naturel, compte tenu de notre longue histoire de production d'émissions jeunesse de qualité et du fait que nous sommes presque seuls parmi les diffuseurs canadiens à œuvrer dans ce domaine.

Le premier juillet 1997, nous avons donc officiellement inauguré CBC4Kids, un site Web autonome qui offre aux jeunes des aventures multimédias uniques et attrayantes à l'aide du média qu'ils semblent préférer. Parmi les attractions les plus populaires, on compte le "Sound Bar Jukebox", ainsi que le service "Kids Own Radio Dramas", qui donne aux enfants la chance de produire leurs propres émissions dramatiques. Ce site est consulté plus de 50,000 fois, à chaque mois, et sa popularité croît continuellement. Si vous avez des enfants, je vous invite à le leur faire visiter.

Au cours de l'été, les créateurs du site ont produit un jeu sur CD-ROM dont un échantillon peut être téléchargé à partir du site. Le jeu s'appelle Sounds Like Fun et constitue l'un des rares exemples de jeux sur CD-ROM qui soit éducatif, divertissant et entièrement canadien.

Le deuxième service offert exclusivement sur le web est un magazine culturel appelé Infoculture. Cette formule a été lancée par nos Servicesfrançais en décembre 1997.

En anglais ou en français, il s'agit tout bonnement du seul moyen d'information d'envergure nationale sur les arts et la culture. On y retrouve des critiques, la liste des événements à venir et des articles sur divers sujets. Ce magazine se veut un lieu d'échange sur les arts et la vie culturelle au Canada, et fait office de passerelle pour toute la programmation culturelle de CBC et de Radio-Canada.

Le besoin d'un magazine sur les arts destiné au grand public se faisait sentir depuis longtemps. Le Canada compte certains des meilleurs artistes du monde entier, et la culture constitue une industrie dont le chiffre d'affaires annuel atteint 16 milliards de dollars. Notre capacité de diffuser des informations sur les activités de cette industrie et d'intéresser les auditoires n'a malheureusement pas suivi le rythme des créateurs et des interprètes qui en font partie. Nous sommes convaincus qu'Internet doit jouer un grand rôle dans la promotion de la vie culturelle canadienne.

Ainsi, nous voulons pouvoir diffuser en format numérique des informations sur le Royal Winnipeg Ballet d'un océan à l'autre et partout dans le monde. La BBC et l'Australian Broadcasting Corporation considèrent leurs sites comme des vitrines permettant de mieux faire connaître leurs artistes au pays et à l'étranger. C'est également ce que nous voulons faire.

En dernier lieu, le site cbc.ca n'est pas entièrement dépourvu d'intérêt commercial légitime. En partenariat avec des commanditaires, nous participons à la mise sur pied de sites spécialisés extrêmement populaires concernant des événements d'importance, comme les Jeux olympiques ou les élections fédérales. En pareilles occasions, tous les Canadiens se tournent naturellement vers la Société Radio-Canada. Nous savons que nous pouvons générer un achalandage très élevé, présentant une grande valeur aux yeux des commanditaires.

Tout cela semble des plus prometteur, n'est-ce pas? La bonne vieille Société Radio-Canada ne traîne pas à l'arrière, tentant de rattraper le train des nouveaux médias. Nous sommes à l'avant-garde des diffuseurs du monde entier. Bien sûr, nous devons faire une promotion plus efficace du site cbc.ca. Bien sûr, il nous faut encore intégrer nos sites d'information télé et radio pour obtenir des informations sur le Canada et les communautés qui le composent en ne visitant qu'un seul site. Nous travaillons à ce projet, qui fera bientôt l'objet d'une annonce.

Nous développons également de nouvelles alliances qui nous permettront non seulement d'offrir un contenu hors pair, mais de faire apparaître cbc.ca sur tous les portails et moteurs de recherche d'importance. Il faut nous rendre plus visibles pour permettre aux consommateurs de nous trouver.

Je crois que cbc.ca doit être le Canada sur Internet.

Je trouve intéressant que la question primordiale que se posent la plupart des entreprises qui développent des sites est : «Comment faire de l'argent sur Internet?» Oui, la Société Radio-Canada veut générer des recettes pour financer ses activités sur le web. À l'inverse de la plupart des entreprises présentes sur Internet, cependant, nous pouvons exploiter notre site sans être soumis à des impératifs commerciaux qui détournent le web de son objectif et le dépouillent de sa valeur.

Examinons les choses sous l'angle suivant : si vous croyez, en tant qu'individu, détenir des connaissances spéciales que vous désirez partager avec le reste du monde, vous pouvez le faire à bon compte en créant un site Web. Vous n'espérez en tirer aucun revenu. Voilà la véritable vocation du Web et des nouveaux médias, et c'est la philosophie qui nous anime. CBC représente le Canada dans sa diversité, sa pluralité et reflète l'esprit de tolérance de sa population et son respect pour la justice et l'équité. Nous voulons tout simplement partager ces valeurs entre Canadiens et avec le reste du monde. C'est aussi simple que cela.

Les nouveaux médias sont nettement orientés sur les clients. En tant que fournisseurs de contenu, nous devons revoir notre manière de présenter nos produits.

Le pouvoir a changé de mains : il n'est plus derrière l'écran, mais devant celui-ci. La demande nous oblige à scruter la gamme complète de nos services et à reconstituer des éléments de nos émissions pour les faire correspondre aux intérêts individuels de nos clients. À cause de l'influence d'une technologie qui pousse à la démocratisation, nous ne disposons même plus de l'autorité d'établir ce qui est pertinent. Par contre, nous pouvons faire croître notre notoriété en créant des moteurs qui présentent notre programmation sur des modes plus personnalisés. Les invitations lancées aux visiteurs de nos sites à suivre et apprécier la programmation de nos médias classiques auront alors un effet nettement plus important.

Nous nous considérons comme le principal fournisseur de contenu canadien. Les nouveaux médias nous fournissent une occasion de réinventer la façon dont nos produits se démarquent de ceux des autres réseaux. Comme vous le savez, nous ne présentons maintenant que des émissions canadiennes sur nos réseaux anglais et français aux heures de grande écoute. Il s'agit pour nous du premier pas dans le renouvellement de la Société Radio-Canada. Nous sommes convaincus que des histoires écrites par des Canadiens méritent d'être racontées, et bien racontées.

Cependant, nous sommes conscients que cette première étape est peut-être la plus facile. Ce que nous ferons ensuite revêt une importance capitale. En tant qu'organisme financé par les fonds publics et redevable à l'ensemble des Canadiens, nous nous attendons à être soutenus par les politiques publiques.

Les nouveaux médias sont ici pour de bon

À mon avis, le développement des nouveaux médias profite à la population et il est futile d'en débattre. À la suite du premier accident de voiture, parions que nombre de détracteurs de la technologie automobile se sont élevés pour en exposer les dangers. Surtout si la légende qui veut que les deux premières voitures à rouler au Texas aient été impliquées dans une collision frontale s'avérait juste.

Les discussions relatives au danger que représentent certains sites Internet médiocres, ne sont évidemment pas inutiles mais elles ne changeront pas grand chose. Les nouvelles technologies nous engloutissent comme les vagues d'un raz-de-marée. Elles sont plus puissantes, plus rapides, elles vont plus loin que jamais. Nous ne pouvons les repousser. Nous devons plutôt apprendre à mettre leur puissance à notre service pour qu'elles nous emmènent à destination.

À la Société Radio-Canada, nous nous interrogeons sur notre mission en tant que diffuseur public. Quelle est notre rôle dans le millénaire numérique? Les réseaux publics ont été créés pour promouvoir le développement culturel et nous apprendre à mieux jouer notre rôle de citoyen. Si cela continue d'être notre objectif, les politiques publiques doivent nous permettre d'en assurer la continuité.

De quels enjeux d'intérêt public faut-il traiter?

Si la réglementation pose problème, de quelles politiques faut-il débattre? Nous avons besoin de politiques publiques qui encouragent l'utilisation des technologies de l'information pour faciliter l'exploration d'un monde de possibilités, et non pour y faire obstacle. Comme d'autres, j'ai la ferme conviction que le développement des meilleures politiques publiques concernant les nouveaux médias propulsera le Canada au rang des plus grands fournisseurs de contenu.

Songez un instant à l'autoroute de l'information elle-même. Nous avons investi des centaines de millions de dollars pour en construire notre bout, et quel trafic y circule donc? Je ne pourrais vous le décrire dans le menu détail, mais je sais que la plupart des véhicules qu'on y retrouve portent des plaques américaines. Que pouvons-nous donc faire au nom du bien public pour promouvoir le genre de contenu qui fasse écho à notre histoire, à nos valeurs et à notre vision du monde? Quel financement faut-il consacrer pour permettre l'émergence d'une programmation canadienne qui puisse être diffusée sur Internet, sur la radio numérique, sur la télévision à haute définition et sur les autres médias et formats de diffusion, à mesure qu'ils émergent? Il s'agit, à notre avis, d'une question de politique publique d'importance capitale.

Le traitement des droits d'auteur constitue un autre enjeu évident. Qui détient les droits de propriété intellectuelle des documents qui font le tour du monde à la vitesse de la lumière? Dans quelles circonstances la citation complète d'un essai, l'emprunt d'éléments d'un dessin ou le chapardage et la réutilisation de fragments d'animation deviennent-ils du vol? à quel moment de telles activités briment-elles les droits des créateurs, au moins dans la mesure où les Canadiens conçoivent ces droits? De quels outils ces créateurs disposent-ils pour redresser ces torts lorsqu'on admet qu'ils les ont subis? à quel point, d'autre part, devient-il futile de tenter de protéger ces droits, compte tenu des coûts que cela entraîne, de l'accroissement de la vitesse à laquelle ces documents circulent et de la réduction conséquente de leur valeur monétaire?

Et qu'en est-il des piliers de la culture canadienne? Quelle forme un organisme comme le CRTC doit-il prendre pour demeurer efficace dans ce nouvel univers? De quels nouveaux outils et instruments de gouvernement devons-nous nous doter pour mettre le Canada devant les feux de la rampe, sans pour autant paralyser ceux qui veulent agir en ce domaine?

Et comment nous y prenons-nous pour adapter les services existants au changement? Nos compagnies de téléphone demeurent soumises à une réglementation stricte. À quoi bon déterminer des taux pour les communications interurbaines et des règles complexes pour les administrer, quand les logiciels de téléphonie sur Internet vous permettent de converser avec votre sœur en Tasmanie au tarif d'un appel local? Qui devra assumer les conséquences économiques de ce genre de changements? Il faudra bien que quelqu'un paye! Ces enjeux devront faire l'objet d'intenses discussions, et ils touchent des pans entiers d'industries sur lesquelles les Canadiens comptent pour obtenir services et emplois.

Conclusion

Il ne s'agit que de quelques-unes des dimensions essentielles qu'il nous faut explorer, et bien d'autres s'ajouteront à celles-ci à mesure que l'effet des nouvelles technologies alimentera le débat.

Nous devons tous partager la conviction que les politiques publiques doivent avoir une portée qui dépasse la seule réalisation du potentiel technique de ces innovations. Elles doivent aussi tenir compte du fait que ces technologies exercent une profonde influence sur l'identité même de notre société, et que nous commençons à peine à comprendre leur mode d'action.

L'adoption enthousiaste et confiante des nouvelles technologies semble en ce moment la meilleure voie. Cette attitude positive encouragera les membres des industries créatrices du Canada à produire les meilleurs produits possibles à l'aide des nouveaux médias. Elle assurera la protection des droits des créateurs de ce nouveau type de programmation. Elle permettra aussi la régénération d'institutions canadiennes qui pourront devenir des agents de changement efficaces. Enfin, elle nous permettra de définir une réponse cohérente dans les industries les plus touchées.

Ces changements nous procureront des dividendes culturels aussi bien qu'économiques. Pour les réaliser, notre débat sur les politiques publiques doit tenir compte de la nécessité d'agir rapidement. Pour que le Canada puisse devenir concurrentiel dans un marché de médias vraiment universel, les décisions qui favoriseront la croissance des technologies de l'information et du contenu canadien doivent être prises dès maintenant.

Nous avons vu qu'on peut réunir les technologies de l'information dispersées à travers le monde. Comment ce regroupement doit-il se faire? La réponse appartient aux personnes et aux institutions qui se préoccupent du type de civilisation que nous laisserons en héritage aux générations à venir.

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