Discours et interviews
le 24 novembre 1998
Les nouveaux médias à Radio-Canada
Prononcée devant le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes — Perrin Beatty
Je suis heureux de prendre part à cette importante
audience qui influencera certainement la future politique canadienne sur les nouveaux
médias. Les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui sont John Lewis,
Directeur exécutif des nouveaux médias pour la Société, Marie Pinsonneault, Directrice
générale, Développement des Affaires et Nouveaux médias pour la Télévision française,
Ian Alexander, Directeur, Planification et Nouveaux médias, Radio anglaise, Mark
Hyland, Directeur, Développement des affaires et des Nouveaux médias, Télévision
anglaise, et Pierre Bélanger, Directeur de la planification stratégique, Radio
française.
Radio-Canada est déterminée à demeurer au premier plan de la
révolution des nouveaux médias. Je veux vous expliquer pourquoi, vous démontrer
l'étendue de notre présence sur Internet, et conclure par quelques réflexions
sur la manière dont les nouveaux médias devraient être gérés dans le cadre de
la politique publique.
Alors que personne ne sait exactement où nous mènera
la technologie, même durant les cinq prochaines années, les Canadiens ne peuvent
se permettre de simplement rester passifs et attendre que les autres décident
de leur avenir. C'est pourquoi Radio-Canada a inauguré sa première présence
sur le web il y a quatre ans, et pourquoi aussi nous avons été le premier radiodiffuseur
public national à offrir de l'audio sur notre site web. Nous fournissons
actuellement plus de contenu audio et vidéo en continu que tout autre site au
Canada, soit quelque 7 000 heures par jour.
La question évidente est pourquoi
le faisons-nous? Est-ce raisonnable, compte tenu du contexte financier plus strict
à l'intérieur duquel Radio-Canada doit aujourd'hui exercer ses activités,
de la domination du Web par les sociétés multinationales, de la difficulté à développer
un modèle permettant d'établir le niveau de revenus qu'on pourra tirer
d'Internet, du risque bien réel de cannibalisation des auditoires et des
limites de la bande passante actuelle?
Assez paradoxalement, ce sont justement
ces facteurs qui expliquent le dynamisme affiché par Radio-Canada dans le secteur
des nouveaux médias. Notre but ultime, de concert avec des douzaines d'autres
participants, est d'être la plus importante source de nouvelles et de produits
culturels canadiens sur le web. Quatre points cardinaux guident toutes les activités
de Radio-Canada dans le domaine des nouveaux médias : le service, le choix, le
contenu canadien et l'innovation.
Premièrement, notre travail consiste
à desservir nos auditoires, où qu'ils se trouvent et quelle que soit la technologie
qu'ils utilisent. Même si plusieurs radiodiffuseurs réagissent avec crainte
à l'idée que des milliers de nouvelles sources de programmation puissent
devenir accessibles, l'expansion du web et l'amélioration de la qualité
du contenu qu'on y trouve peuvent être de bon augure pour ceux qui sont prêts
à miser sur l'avenir. D'une certaine façon, cela est même plus prometteur
pour les radiodiffuseurs publics qui peuvent se permettre de prévoir à long terme
jusqu'où la technologie va mener les auditoires. Nous sommes présents sur
le web, pas avec l'espoir que nous allons ainsi générer des revenus substantiels
à court terme, mais parce que c'est là que se retrouveront nos auditoires.
Nous
croyons que le radiodiffuseur public national doit investir les fonds publics
dans ce nouveau médium, tout comme nous l'avons fait dans les médias conventionnels.
C'est seulement de cette façon que nous pourrons réaliser notre potentiel
de raconter nos histoires, de célébrer nos talents et de refléter les réalités
canadiennes.
Notre deuxième objectif est d'augmenter les choix offerts aux
Canadiens. Quand nous avons comparu devant la Commission durant les audiences
portant sur le contenu canadien à la télévision, nous avons présenté une série
de propositions faites en fonction d'accroître substantiellement l'accessibilité
et la cote d'écoute des émissions canadiennes. Nous avons fait valoir que
les Canadiens étaient en train de modifier la façon dont ils consommaient les
médias. Ils exigeaient de nouveaux services ainsi qu'un choix plus étendu,
façonnant un monde où les radiodiffuseurs et les décideurs ne pouvaient plus partir
du fait que les auditoires captifs accepteraient ce que les programmeurs leur
offraient. Les auditoires insistent pour avoir des choix de contenus qui les intéressent
et y accéder au moment où ils le veulent.
En notre qualité de radiodiffuseur
public national, il nous incombe d'offrir aux Canadiens des nouvelles et
de l'information pertinentes et de qualité supérieure et de leur donner accès
aux histoires qui les concernent. Nous devons être là où se trouve l'auditoire.
Si les radiodiffuseurs n'évoluent pas au même rythme que celui-ci
et s'ils ne revendiquent pas de nouveaux créneaux, ils seront rapidement
relégués aux oubliettes de l'histoire. Les chaînes spécialisées, les nouveaux
services radio et une présence importante sur Internet, voilà autant d'éléments
de ce qu'est le nouveau Radio-Canada, soit une constellation de services
nous permettant de mieux répondre aux besoins de nos auditoires et proposant un
contenu canadien distinctif.
Le contenu canadien est le troisième point
qui est une priorité pour Radio-Canada. Devant la prolifération des choix et compte
tenu de la façon dont les Canadiens utilisent les médias, il est certain qu'ils
vont réclamer qu'un contenu canadien distinctif abondant leur soit offert. Au
fil de ses 62 ans d'histoire, Radio-Canada est devenue la fière curatrice
de la plus importante collection de documents d'archives audio et vidéo,
en français et en anglais. C'est ce contenu que nous mettons en valeur sur
nos sites Internet. Dans le cyberespace, tout comme pour la radiodiffusion conventionnelle,
Radio-Canada est reconnue pour la qualité de son contenu, pour sa crédibilité,
et pour ses valeurs canadiennes. Les sites de Radio-Canada sont sûrs pour les
enfants, représentent une source de contenu canadien crédible et constituent une
porte d'accès à un vaste bassin de ressources vivantes sur la culture francophone
du Canada. Nos sites sont une référence canadienne, un lien vers les autres sites
offrant du contenu canadien.
Notre présence sur le web nous aide à maintenir
et à élargir notre dialogue avec les Canadiens. Cela contribue à offrir une nouvelle
programmation et à rejoindre de nouveaux auditoires. À travers ce médium, nous
pouvons étendre et renforcer notre journalisme radio et télé et créer, sous forme
audio, vidéo ou écrite, des reportages comportant des caractéristiques interactives
ou complétées par un contenu exclusif produit par nos journalistes spécialement
affectés aux nouveaux médias. Pour les Canadiens, cela se traduit par un accès
à des informations canadiennes de grande qualité, où qu'ils se trouvent,
et au moment où ils le désirent. En termes concrets, cela revient à dire qu'un
Canadien de passage à Paris peut obtenir tous les détails de l'actualité
à Halifax au moment même où sort la nouvelle, ou qu'un Canadien de Vancouver
peut regarder l'émission The World at Six à trois heures de l'après-midi!
La
décision de Radio-Canada d'assurer une forte présence canadienne aussi bien
dans les médias traditionnels que dans les nouveaux médias relève du simple bon
sens aussi bien sur le plan des affaires. Nous avons en effet constaté que loin
de se cannibaliser entre eux, les nouveaux médias et les médias traditionnels
s'appuient les uns les autres grâce à l'autopublicité intermédia, à
l'utilisation plus efficace des ressources et aux synergies génératrices
de créativité.
Au bout du compte, notre présence sur le web et dans le secteur
des chaînes spécialisées relève simplement de notre engagement à offrir un contenu
distinctif et accessible. Nos concurrents d'aujourd'hui sont des géants
multinationaux du secteur des médias, tels Microsoft ou AOL. Ils seront présents
dans les marchés canadiens, tout comme ils seront présents à travers le monde.
La question est de savoir si les Canadiens y seront aussi présents, et si nous
avons la vision et le courage de revendiquer pour eux une place dans le futur.
Dans
le Wall Street Journal d'aujourd'hui, on rapporte une citation de George
Bell, Chef exécutif de Excite Inc., dans laquelle il dit que le plan d'AOL d'acheter
Netscape "renforce la notion qu'il y a un Web Microsoft et un web non-Microsoft
dominé par AOL." Comme le journal le rapporte dans son article, "la
rumeur que vous avez entendue hier correspondait à la course pour finaliser des
transactions étant donné que le web commence à se consolider entre les mains de
quelques puissantes grandes compagnies. Est-ce que le Canada aura sa propre place
sur le web, ou sera-t-il simplement relégué dans quelque coin obscur de sites
contrôlés par des grosses multinationales?
Si le Canada veut bénéficier
pleinement des possibilités qu'offrent les nouvelles technologies, nous devons
offrir à nos auditoires le contenu et les services qu'ils désirent et qu'ils
ne trouveraient pas ailleurs. Dans la guerre culturelle du village global, notre
contenu distinctif canadien nous donne un gros avantage.
Il nous faut jalonner
dès maintenant notre espace vital sur le web et investir en prévision de l'avenir
à long terme. Nous devons aussi promouvoir l'image de marque de Radio-Canada
et de sa programmation et la consolider, puisque la lutte pour conquérir le cyberespace
est avant tout, comme la bataille pour les cotes d'écoute, une question d'image
de marque.
Et oui, nous nous attendons à générer des revenus grâce à Internet.
En fait, nous le faisons déjà. Et nous entrons dans une phase où le nombre de
partenariats en nouveaux médias s'accroît. Nos partenaires nous évaluent
en fonction de notre expertise, de nos auditoires, et surtout de notre contenu.
Radio-Canada est ouvert à faire des affaires sur le web.
Notre quatrième
principe de base est l'innovation. Ces nouvelles technologies nous obligent à
revoir tous les aspects de nos activités. Pour demeurer une référence valable,
nous devons continuellement innover.
Pour la première fois, les auditoires,
et non les compagnies de médias, ont le contrôle. Ils peuvent choisir le contenu
qu'ils veulent et planifier leur propre grille-horaire. Les nouvelles technologies
permettent que l'ordinateur ou le poste de télévision devienne tout à la
fois le studio et la salle de régie.
Cette nouvelle technologie met à notre
disposition un vaste laboratoire interactif qui nous apprendra à mieux accomplir
notre travail de radiodiffuseur public du Canada. Par exemple, lorsque Hong kong
est passé du régime britannique au régime chinois l'an dernier, Radio-Canada
avait délégué un envoyé spécial. Ce reporter n'a eu besoin d'aucun studio
ni d'aucune aide, pas même d'un téléphone, pour nous faire parvenir
ses reportages. Ceux-ci étaient mis en forme et acheminés au moyen d'un ordinateur
portatif branché sur Internet et ils étaient diffusés à la radio nationale quelques
minutes plus tard. Il ne fait donc aucun doute que les nouveaux médias ont élargi
notre marché en nous permettant d'offrir un nouveau contenu. Ils sont aussi
devenus une partie importante de notre constellation de services.
Dans la
présentation qui suit, nous avons voulu mettre en évidence la place qu'occupent
les nouveaux médias à Radio-Canada. Cette présentation, produite par le biais
d'une technologie graphique avancée développée pour Internet, peut aussi
être vue sur notre site cbc.radio-canada.ca
Présentation
Il
ne fait plus aucun doute que les nouveaux médias favorisent véritablement les
échanges et les rapprochements entre Canadiens de toutes les régions et entre
citoyens de tous les pays du monde.
Les objectifs d'une politique publique
dans ce nouvel environnement — promouvoir des emplois et la prospérité pour
les Canadiens, offrir à nos citoyens de nouveaux choix et services, et supporter
et enrichir la culture de notre pays — sont aussi légitimes aujourd'hui
que jamais, mais nous avons besoin de trouver de nouveaux outils pour les atteindre.
De
notre point de vue, une politique publique doit promouvoir le contenu et l'accessibilité,
et non les restreindre. Réagir trop rapidement en élargissant les règles actuelles
pour englober les nouveaux médias pourrait nuire considérablement à leur développement.
De même, tenter de réglementer au-delà d'un accès juste et équitable pourrait
être source de problèmes, compte tenu du caractère international d'Internet
et du peu de cas qu'il fait des frontières géographiques.
Tel que stipulé
dans la Loi sur la radiodiffusion, la réglementation et la supervision
du système canadien de radiodiffusion devraient «permettre la mise au point de
techniques d'information et leur application ainsi que la fourniture aux Canadiens
des services qui en découlent».
Le Canada a besoin d'une politique
d'encadrement pour élargir les valeurs et les principes contenus dans la
Loi sur la radiodiffusion. Nous avons besoin d'offrir du support
aux radiodiffuseurs ainsi qu'aux autres producteurs de contenus pour qu'ils
puissent pénétrer dans cet univers des nouveaux médias, et donner aux distributeurs
les moyens de mettre au point le plus rapidement possible des services d'accès
à grande vitesse aux nouveaux médias. Nous avons aussi besoin de garantir aux
fournisseurs de contenu canadien qu'ils aient le plus grand accès possible
aux utilisateurs d'Internet. Nous devons encourager tous les radiodiffuseurs
canadiens à contribuer à ce que le Canada conserve son rôle de chef de file dans
les nouveaux médias.
Nous reconnaissons que, en tant que radiodiffuseur
public, nous avons une responsabilité spéciale par rapport aux nouveaux médias.
Nous avons l'intention de jouer pleinement notre rôle, d'être la pierre
angulaire du contenu canadien sur Internet. L'Interactive Multimedia Arts
& Technologies Association, qui représente les producteurs de nouveaux
médias, et la Conférence Canadienne des Arts, qui représente les artistes canadiens,
croient tous deux que Radio-Canada devrait jouer un rôle significatif en tant
que rassembleur de contenu canadien.
Nous acceptons le défi. Et voici notre
engagement : - Nous allons bâtir de nouveaux partenariats avec d'autres
producteurs de contenu et des fournisseurs de services.
- Nous allons augmenter
de façon très significative la gamme de contenus et de services accessibles aux
Canadiens.
- Nous allons consolider l'industrie canadienne des nouveaux
médias et soutenir son développement.
- Nous allons projeter partout l'image
du Canada.
En résumé, notre but consistera à créer une masse critique
de contenu et de services pour assurer que les Canadiens ne puissent jamais être
relégués dans des coins obscurs du web.
Les utilisateurs des nouveaux médias
eux-mêmes détermineront qu'ils veulent et sous quelle forme ils le veulent.
Notre responsabilité est d'assurer qu'ils aient des choix de contenu
canadien nombreux et attrayants au moment où ils prennent leur décision.
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