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Les lacs expérimentaux résolvent l’énigme du mercure

Qu’arrive t il dans les lacs lorsque les activités des humains les contaminent, perturbent leurs milieux environnants ou changent même leur environnement? Les essais en laboratoire peuvent suggérer des réactions partielles, mais ils ne permettent jamais d’obtenir un portrait écologique complet. C’est pourquoi en 1968, des chercheurs fédéraux en sciences halieutiques ont obtenu l’approbation du gouvernement pour créer, dans le bouclier canadien précambrien du Nord Ouest de l’Ontario, un réseau de lacs où seraient menés des essais environnementaux. Il s’agissait là d’une première mondiale, et ces essais ont été bénéfiques dans le monde entier.

La région des lacs expérimentaux (RLE) a, par exemple, prouvé comment certains éléments nutritifs favorisent l’eutrophisation, le surenrichissement de l’eau en plancton et en organismes végétaux qui consomment l’oxygène des lacs et réduit leur biodiversité. En raison de ces phénomènes, on interdit désormais l’utilisation de phosphore dans les détergents, ce qui aide à nettoyer les lacs du Canada et de la planète. En outre, les données de la RLE à l’égard des effets alarmants des pluies acides sur la vie dans les lacs a permis de mieux contrôler certaines sources de pollution.

Des chercheurs du ministère des Pêches et des Océans (MPO) qui œuvrent à l’Institut des eaux douces à Winnipeg, au Manitoba, ont dirigé des recherches sur les 58 lacs aujourd’hui gardés en réserve. Mais John Shearer, biologiste principal et gestionnaire des opérations pour la RLE, souligne que « nous avons attiré des dizaines de partenaires de recherche du Canada, des États Unis et de l’étranger. Ces partenaires comprennent de nombreuses universités, notamment l’Université du Manitoba, différents ordres de gouvernement et des sociétés d’hydroélectricité. Une grande partie du financement à la recherche provient de l’extérieur du MPO. »

Les recherches en cours dans la RLE sur la question complexe du mercure dans les lacs ont attiré une grande attention et ont obtenu un large appui. Même s’il est présent à l’état naturel dans le sol et l’atmosphère, presque tout le mercure dans l’air, probablement les deux tiers, provient des activités de l’homme, en particulier des centrales thermiques alimentées au charbon. Au moment de pénétrer dans les lacs et les bassins hydrographiques, une partie du mercure est transformé en méthylmercure toxique. En s’accumulant ou en se « bioamplifiant » dans la chaîne alimentaire, le méthylmercure peut rendre le poisson, surtout les plus gros et les plus âgés, dangereux à consommer. Dans certains cas graves de rejet de mercure d’une industrie locale, les poissons chargés de mercure ont causé des dommages au système nerveux de l’homme et parfois la mort.
 

Un des 58 lacs expérimentaux. Après les essais, les lacs retournent à leur état naturel.
Un des 58 lacs expérimentaux. Après les essais, les lacs retournent à leur état naturel.

Si les centrales thermiques alimentées au charbon font augmenter le taux de mercure et d’autres éléments polluants, on pourrait raisonnablement croire que l’énergie hydroélectrique serait une solution plus propre aux besoins énergétiques. Mais à mesure que les gouvernements et les sociétés hydroélectriques ont inondé des terres pour créer des réservoirs, la teneur en méthylmercure chez le poisson a augmenté à plusieurs reprises. Ce phénomène a provoqué le lancement d’une étude pluriannuelle importante dans la RLE.

M. Drew Bodaly, auparavant à l’emploi du MPO et retraité depuis peu, mais toujours engagé dans les recherches dans la RLE, décrit les étapes du Projet de réservoirs dans la région des lacs expérimentaux. « En 1992, nous avons construit un barrage pour contenir un petit étang et plusieurs acres de terres humides, composées principalement de tourbières comptant quelques épinettes noires, explique M. Bodaly. En 1993, la profondeur s’était accrue d’environ un mètre et demi. Nous avons observé ce qui s’est produit avec la tourbe, l’eau, le plancton et les poissons que nous avons ajoutés. Et en effet, la quantité de méthylmercure chez le poisson a commencé à augmenter. » Finalement, la quantité de mercure toxique chez le poisson pouvait être sept fois supérieure aux niveaux précédents.

Le projet a permis d’obtenir des renseignements importants. La transformation du mercure en méthylmercure est un processus biologique provoqué par une bactérie. L’inondation des terres humides entraîne la décomposition de la tourbe, des sphaignes qui y sont associées et d’autres composés à base de carbone. Une quantité supérieure de matière organique signifie davantage de bactéries et, en conséquence, plus de méthylmercure qui pénètre la chaîne alimentaire puis atteint les poissons. Les pires effets sont observés chez certaines espèces, comme le touladi et le doré jaune, qui se nourrissent d’autres poissons.

Avec le temps, la production de méthylmercure décroît dans la tourbe, mais cet agent de pollution atteint toujours les poissons par des processus qui font actuellement l’objet d’études. Le projet de réservoirs dans la région des lacs expérimentaux a aussi permis de rassembler des données sur les augmentations spectaculaires des rejets de méthane et de dioxyde de carbone, c’est à dire de gaz à effet de serre qui contribuent au changement climatique.

Dans le cadre d’un essai parallèle, les chercheurs ont inondé trois milieux secs, au dessus des terres humides et plus rocheuses. Ainsi, comme la quantité de carbone accumulée dans le sol était moindre, l’accumulation de méthylmercure et de gaz à effet de serre a été moins grande, puis la teneur en polluants a baissé plus rapidement. En cinq ans, la teneur en mercure a baissé pour atteindre le niveau observé avant l’inondation.

Partie d’une digue en bois contenant un réservoir dans l’une des zones inondées.
Partie d’une digue en bois contenant un réservoir dans l’une des zones inondées.

La recherche a clairement démontré que l’hydroélectricité, bien que plus propre que l’énergie électrique obtenue par l’alimentation au charbon, cause également des dommages. Les scientifiques de l’Institut des eaux douces et leurs partenaires en savent maintenant plus sur le sujet. Ils ont donc établi des lignes directrices utiles pour la construction de réservoirs, et ils ont tiré une leçon générale : si vous devez avoir recours à l’inondation pour produire de l’hydroélectricité, utilisez la plus petite étendue de terrain et, si possible, choisissez un terrain plus élevé, loin des terres humides.

Entre-temps, les chercheurs de la RLE se sont penchés sur une énigme connexe. Il est évident que la croissance industrielle a fait augmenter la quantité de mercure qui tombe du ciel. Le dépôt est particulièrement élevé dans les régions de l’Ontario, du Québec, de la Nouvelle Angleterre et des Maritimes qui sont situées dans la ligne des vents des centrales thermiques alimentées au charbon du Centre du Canada et du Midwest des États Unis. Mais les législateurs, les sociétés d’électricité et des tiers ont voulu en savoir plus. Pouvions nous être totalement certains que le mercure provenant du ciel atteint les poissons? Comment la production de méthylmercure varie-t-elle exactement avec le dépôt de mercure, et quels seraient les résultats écologiques d’une coupure des émissions?

Les chercheurs de la RLE, de concert avec des sociétés hydroélectriques et d’autres partenaires, ont lancé un projet important connu sous le nom de METAALICUS (Mercury Experiment to Assess Atmospheric Loading In Canada and the U.S.). Pour suivre les déplacements du mercure d’une manière distinctive des concentrations déjà présentes dans l’air, le sol et l’eau, les chercheurs devaient disposer de lots identifiables. Les scientifiques ont utilisé différents isotopes du mercure, c. à d. des formes particulières de l’élément qui réagissent comme le mercure régulier, mais qui ont une masse atomique distincte de celui ci (nombre différent de neutrons), et sont, de ce fait, détectables au moyen d’un spectromètre de masse.

« Dès 2001, nous avons appliqué les trois isotopes de façon séparée, chaque année, à trois différents types de milieu, explique M. Bodaly. Le Service canadien des forêts a mis à notre disposition un pilote et un avion d’épandage aérien. Nous avons pulvérisé des quantités minimes de mercure, dans un périmètre précis, sur un petit lac, les terres humides adjacentes et le bassin hydrographique en milieu sec. Nous avons surveillé ce qui se produisait, et avons été étonnés des variations obtenues. »

Le mercure que nous avons appliqué directement sur le lac a vite commencé à apparaître dans la chaîne alimentaire. En un an, la teneur en méthylmercure avaient augmenté chez les petits poissons. Mais le mercure appliqué aux terres humides et aux milieux secs « a semblé demeurer à ces endroits », observe M. Bodaly. Jusqu’à maintenant, seules de petites quantités ont atteint les lacs et les poissons. »

Après la dernière application de mercure, probablement en 2006, nous procéderons à une autre étape cruciale. Les chercheurs mesureront les effets de l’arrêt de l’apport en isotopes de mercure sur les lacs, les terres humides et les milieux secs.

Le projet METAALICUS dans son ensemble fournit des données détaillées sur les phénomènes qui se produisent lorsque le mercure atmosphérique augmente et diminue. Les connaissances scientifiques et les programmes de réglementation en profiteront grandement, et la RLE constituera une autre réussite en ce qui concerne l’amélioration des connaissances sur les eaux douces et la protection de celles ci.
  

   

   

Dernière mise à jour : 2007-11-15

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